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26/03/2024 | FRANCE | N°23NT01185

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 5ème chambre, 26 mars 2024, 23NT01185


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



L'association Tarz Heol, M. et Mme A... et F... J..., M. et Mme C... et H... B... et M. et Mme I... et K... D... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 8 février 2019 par lequel le maire de la commune de Ploemeur (Morbihan) a délivré à Mme E... un permis d'aménager un lotissement sur les parcelles cadastrées ED nos 76p et 77p, situées au lieu-dit " Kerpape ".



Par un jugement n° 1901704 du 14 février 2020, le tribunal admi

nistratif de Rennes a rejeté leur demande.



Procédure devant la cour avant cassation :

...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Tarz Heol, M. et Mme A... et F... J..., M. et Mme C... et H... B... et M. et Mme I... et K... D... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 8 février 2019 par lequel le maire de la commune de Ploemeur (Morbihan) a délivré à Mme E... un permis d'aménager un lotissement sur les parcelles cadastrées ED nos 76p et 77p, situées au lieu-dit " Kerpape ".

Par un jugement n° 1901704 du 14 février 2020, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour avant cassation :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 14 avril 2020, 29 juin 2020 et 21 décembre 2020, et par un mémoire récapitulatif enregistré le 23 mars 2021, l'association Tarz Heol, M. et Mme A... et F... J..., M. et Mme C... et H... B... et

M. I... D..., représentés par Me Dubreuil, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 14 février 2020 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) d'annuler l'arrêté du 8 février 2019 par lequel le maire de la commune de Ploemeur a délivré à Mme E... un permis d'aménager un lotissement sur les parcelles cadastrées section ED nos 76p et 77p, situées au lieu-dit Kerpape ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Ploemeur le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'arrêté contesté a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ;

- l'arrêté contesté ne respecte pas les dispositions de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 27 mai 2020, 30 novembre 2020 et 18 janvier 2021, et par un mémoire récapitulatif enregistré le 24 mars 2021, Mme G... E..., représentée par Me Vos, conclut au rejet de la requête et de l'intervention de l'association des Amis des chemins de ronde du Morbihan et demande à la cour de mettre à la charge des requérants la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les requérants ne justifient pas d'un intérêt à contester le permis d'aménager litigieux ;

- l'intervention volontaire de l'association des Amis des chemins de ronde du Morbihan est irrecevable ;

- aucun des moyens invoqués par les requérants n'est fondé.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 30 novembre 2020 et 19 janvier 2021, et par un mémoire récapitulatif, enregistré le 24 mars 2021, ainsi que par un mémoire enregistré le

6 juillet 2021, lequel n'a pas été communiqué, la commune de Ploemeur, représentée par Me Ghaye, conclut au rejet de la requête et de l'intervention de l'association des Amis des chemins de ronde du Morbihan et demande à la cour de mettre à la charge de chacun des requérants la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête d'appel est irrecevable, faute de critiquer la régularité du jugement ;

- les requérants ne justifient pas d'un intérêt à contester le permis d'aménager litigieux ;

- l'intervention volontaire de l'association Les amis des chemins de ronde du Morbihan est irrecevable ;

- aucun des moyens invoqués par les requérants n'est fondé.

Par des mémoires en intervention, enregistrés les 21 décembre 2020 et 20 janvier 2021, ce dernier n'ayant pas été communiqué, l'association Les amis des chemins de ronde du Morbihan, représentée par Me Dubreuil, demande à la cour de faire droit aux conclusions de la requête de l'association Tarz Heol et autres.

Elle soutient que :

- l'arrêté attaqué ne respecte pas la coupure d'urbanisation que constitue le vallon de Kergalan ;

- l'arrêté contesté est contraire aux orientations du schéma de cohérence territoriale du pays de Lorient du 18 décembre 2006 qui prévoient notamment la préservation des " fenêtres littorales " de part et d'autre du centre de rééducation de Kerpape ;

- le plan local d'urbanisme de Ploemeur approuvé le 14 mars 2013 ne respecte pas la " fenêtre littorale " inscrite dans le schéma de cohérence territoriale de 2006 ;

- le permis d'aménager contesté est intervenu en méconnaissance des articles L. 121-8 et L. 121-13 du code de l'urbanisme ;

- le classement de la parcelle d'assiette du projet en zone Uc par le plan local d'urbanisme de Ploemeur est entaché d'illégalité à défaut de continuité avec le vallon ;

- le schéma de cohérence territoriale du pays de Lorient approuvé en 2018 intègre illégalement le vallon de Kergalan à une centralité urbaine ;

- le permis d'aménager contesté, qui prévoit à terme la construction d'une centaine de logements présente un risque de pollution de la plage située en aval par les eaux de pluie et les eaux usées et un risque pour la sécurité des usagers du chemin longeant la plage, notamment les patients du centre de rééducation et de réadaptation fonctionnelle de Kerpape.

Par un mémoire enregistré le 19 février 2021, Mme G... E..., représentée par Me Vos, demande à la cour de condamner l'association Tarz Heol à lui verser une indemnité d'un montant de 20 000 euros en application des dispositions de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme.

Elle soutient que l'action de l'association Tarz Heol est manifestement abusive et lui a causé un préjudice dans la mesure où elle a été empêchée de mener à bien le projet autorisé par le permis d'aménager contesté.

Par un arrêt n° 20NT01323 du 20 juillet 2021 la cour administrative d'appel de Nantes n'a pas admis l'intervention de l'association Les amis des chemins de ronde du Morbihan et a annulé le jugement du 14 février 2020 du tribunal administratif de Rennes et l'arrêté du 8 février 2019 par lequel le maire de la commune de Ploemeur a délivré à Mme E... un permis d'aménager au lieu-dit Kerpape.

Par une décision nos 456788,456808 du 21 avril 2023, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a admis l'intervention du syndicat mixte pour le schéma de cohérence territoriale du Pays de Lorient, de la commune de Larmor-Plage et de la communauté d'agglomération Lorient Agglomération, a annulé l'arrêt du 20 juillet 2021 de la cour administrative d'appel de Nantes et a renvoyé l'affaire, qui porte désormais le n° 23NT01185, devant la cour.

Procédure devant la cour après cassation :

Par un mémoire, enregistré le 2 juin 2023, l'association Tarz Heol, M. et Mme A... et F... J..., M. et Mme C... et H... B... et M. I... D..., représentés par Me Dubreuil, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 14 février 2020 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) d'annuler l'arrêté du 8 février 2019 par lequel le maire de la commune de Ploemeur a délivré à Mme E... un permis d'aménager un lotissement sur les parcelles cadastrées section ED nos 76p et 77p, situées au lieu-dit Kerpape ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Ploemeur le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'arrêté contesté, analysé au prisme du schéma de cohérence territoriale (SCOT) du pays de Lorient, est intervenu en méconnaissance de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ; à raison le SCOT n'identifie pas Kerpape comme un village ; il identifie une conurbation fictive entre Kerroch, Lomener et Kerpape en méconnaissance des dispositions de la loi littorale ;

- l'arrêté méconnait les dispositions de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme ; les dispositions du SCOT définissent des conditions d'utilisation du sol ne garantissant pas une extension limitée de l'urbanisation ; subsidiairement, l'arrêté est illégal au regard des dispositions du SCOT prévoyant, eu égard à la configuration des lieux, une urbanisation extrêmement limitée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 juin 2023, la commune de Ploemeur, représentée par Me Vos, conclut au rejet de la requête et de l'intervention de l'association Les amis des chemins de ronde du Morbihan et demande à la cour de mettre à la charge des requérants la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par l'association Tarz Heol, M. et Mme J..., M. et Mme B... et M. I... D... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 juin 2023, Mme G... E..., représentée par Me Vos, conclut au rejet de la requête et de l'intervention de l'association Les amis des chemins de ronde du Morbihan et demande à la cour de mettre à la charge des requérants la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par l'association Tarz Heol, M. et Mme J..., M. et Mme B... et M. I... D... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en intervention enregistré le 19 juin 2023, le syndicat mixte pour le schéma de cohérence territoriale du pays de Lorient, la commune de Larmor-Plage et la communauté d'agglomération Lorient agglomération, représentés par Me Rouhaud, demandent à la cour de ne pas faire droit aux conclusions de la requête de l'association Tarz Heol et autres.

Ils soutiennent que :

- leur intervention est recevable ; la légalité du SCOT du pays de Lorient est susceptible d'être discutée ; le village de Kerpape est sur le territoire de la commune de Larmor-Plage, qui a délivré un permis de construire en continuité de ce village ; la communauté d'agglomération Lorient agglomération est propriétaire de biens situés à Kerpape, dont un centre nautique ;

- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme doit être écarté.

Par un courrier enregistré le 10 novembre 2023, l'association Tarz Heol a été désignée comme représentante unique des requérants par son mandataire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rivas,

- les conclusions de M. Frank, rapporteur public,

- et les observations de Me Dubreuil, représentant l'association Tarz Heol et autres et l'association Les amis des chemins de ronde du Morbihan, et de Me Rouhaud, représentant le syndicat mixte pour le schéma de cohérence territoriale du pays de Lorient, la commune de Larmor-Plage et la communauté d'agglomération Lorient agglomération.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 8 février 2019 le maire de Ploemeur (Morbihan) a délivré à Mme E... un permis d'aménager un lotissement sur les parcelles cadastrées section ED n° 76p et 77p, situées au lieu-dit " Kerpape ". Par un jugement du 14 février 2020 le tribunal administratif de Rennes, après avoir admis l'intervention de l'association Les amis des chemins de ronde du Morbihan, a rejeté la demande d'annulation de cet arrêté présentée par l'association Tarz Heol, M. A... et Mme F... J..., M. C... et Mme H... B..., et M. I... et Mme K... D.... Par un arrêt du 20 juillet 2021, la cour administrative d'appel de Nantes a annulé ce jugement ainsi que l'arrêté du 8 février 2019 du maire de Ploemeur et n'a pas admis l'intervention de l'association Les amis des chemins de ronde du Morbihan. Le Conseil d'Etat, par une décision du 21 avril 2023, après avoir admis l'intervention du syndicat mixte pour le Scot du Pays de Lorient, de la commune de Larmor-Plage et de la communauté d'agglomération Lorient Agglomération, a annulé l'arrêt du 20 juillet 2021 de la cour et lui a renvoyé l'affaire.

Sur les interventions :

En ce qui concerne l'intervention de l'association Les amis des chemins de ronde du Morbihan :

2. L'intervenant en première instance qui a qualité pour faire appel ne peut être intervenant en appel. La personne qui intervient en première instance, soit en demande soit en défense, a qualité pour faire appel du jugement rendu contrairement aux conclusions de son intervention si elle aurait eu qualité, soit pour introduire elle-même le recours sur lequel statue ce jugement, soit pour former tierce-opposition à ce dernier.

3. Il ressort de l'article 1er de ses statuts que l'association Les amis des chemins de ronde du Morbihan, intervenante en demande en première instance, a pour but, dans le département du Morbihan, de promouvoir et défendre les sentiers côtiers, passages piétons et chemins des communes littorales et communes d'estuaires, et de sauvegarder leur environnement. Le point 5 de l'article 2 de ses statuts précise que l'association a pour objet de veiller à la préservation du patrimoine naturel et du patrimoine paysager de l'ensemble du territoire des communes littorales du Morbihan. Le terrain d'assiette du permis d'aménager contesté, d'une superficie totale de 2,3 hectares, se situe dans les espaces proches du rivage de la commune de Ploemeur et, eu égard au projet portant sur la réalisation de cinquante-neuf logements, l'association Les amis des chemins de ronde du Morbihan justifiait ainsi d'un intérêt suffisamment direct lui donnant qualité pour contester elle-même le permis d'aménager délivré le 8 février 2019. Elle avait ainsi qualité pour faire appel du jugement du tribunal administratif de Rennes du 14 février 2020, rendu contrairement aux conclusions de son intervention. Dès lors, son intervention devant la cour ne peut être regardée que comme un appel.

4. Or, il ressort des pièces du dossier que la notification du jugement a été faite conformément aux dispositions de l'article R. 751-3 du code de justice administrative à l'association Les amis des chemins de ronde du Morbihan par pli recommandé avec accusé de réception et a été réceptionné par l'intéressée le 18 février 2020. La lettre de notification du jugement mentionnait les voies et délais d'appel. Cette notification a ainsi fait courir le délai d'appel Par suite, doit être accueillie la fin de non-recevoir tirée par la commune de Ploemeur et Mme E... de ce que " l'intervention " de l'association des Amis des chemins de ronde du Morbihan, enregistrée le 21 décembre 2020, constitue un appel qui est irrecevable en raison de sa tardiveté.

En ce qui concerne l'intervention du syndicat mixte pour le SCOT du Pays de Lorient, de la commune de Larmor-Plage et de la communauté d'agglomération Lorient Agglomération :

5. En tant qu'il est l'auteur du schéma de cohérence territoriale dont la légalité conditionne la mise en œuvre de la décision contestée, le syndicat mixte pour le schéma de cohérence territoriale du Pays de Lorient justifie d'un intérêt à intervenir devant la cour au soutien de la défense présentée par la commune de Ploemeur et Mme E.... La commune de Larmor-Plage et la communauté d'agglomération Lorient Agglomération, dont les territoires sont couverts par ce schéma, justifient également d'un tel intérêt. Par suite, leurs interventions sont recevables.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 121-3 du code de l'urbanisme : " (...) / Le schéma de cohérence territoriale précise, en tenant compte des paysages, de l'environnement, des particularités locales et de la capacité d'accueil du territoire, les modalités d'application des dispositions du présent chapitre. Il détermine les critères d'identification des villages, agglomérations et autres secteurs déjà urbanisés prévus à l'article L. 121-8, et en définit la localisation. ". Aux termes de l'article L. 121-8 du même code : " L'extension de l'urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants. / Dans les secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations et villages identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d'urbanisme, des constructions et installations peuvent être autorisées, en dehors de la bande littorale de cent mètres, des espaces proches du rivage et des rives des plans d'eau mentionnés à l'article L. 121-13, à des fins exclusives d'amélioration de l'offre de logement ou d'hébergement et d'implantation de services publics, lorsque ces constructions et installations n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre bâti existant ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti. Ces secteurs déjà urbanisés se distinguent des espaces d'urbanisation diffuse par, entre autres, la densité de l'urbanisation, sa continuité, sa structuration par des voies de circulation et des réseaux d'accès aux services publics de distribution d'eau potable, d'électricité, d'assainissement et de collecte de déchets, ou la présence d'équipements ou de lieux collectifs. (...) ".

7. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative chargée de se prononcer sur une demande d'autorisation d'occupation ou d'utilisation du sol de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de la conformité du projet avec les dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral, notamment celles de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, qui prévoient que l'extension de l'urbanisation ne peut se réaliser qu'en continuité avec les agglomérations et villages existants. A ce titre, l'autorité administrative s'assure de la conformité d'une autorisation d'urbanisme avec l'article L. 121-8 de ce code compte tenu des dispositions du schéma de cohérence territoriale applicable, déterminant les critères d'identification des villages, agglomérations et autres secteurs déjà urbanisés et définissant leur localisation, dès lors que ces dispositions sont suffisamment précises et compatibles avec les dispositions législatives particulières au littoral.

8. Il ressort des pièces du dossier que le point 1.4.1 du document d'orientation et d'objectifs (DOO) du schéma de cohérence territoriale (SCOT) du Pays de Lorient, dans sa version applicable approuvée le 16 mai 2018, dresse une liste de sites identifiés comme des villages et agglomérations au sens des dispositions citées au point 6, et reportés sur un plan intitulé " Les agglomérations et villages des communes littorales ", en mentionnant " A Ploemeur : le bourg, le Fort-Bloqué, le Courégant, Kerroc'h-Lomener-Kerpape ( jusque sur la commune de Larmor-Plage ) (...) ". Le même point du document prévoit que " Seul l'ensemble de ces agglomérations et villages peuvent faire l'objet d'extensions de l'urbanisation, en application de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, et sans préjudice des autres dispositions du DOO " et que " Les agglomérations sont définies a) soit comme des ensembles urbains d'une taille significative (dont les centralités principales des communes), disposant d'une mixité de fonction avec un cœur d'habitat dense et regroupé, comprenant des services, des commerces, des activités économiques, des équipements, b) soit comme des zones d'activités de grande taille, qui compte tenu de l'emprise foncière occupée par les activités déjà présentes sur le site est suffisamment significative pour faire regarder ce secteur comme présentant, eu égard à la configuration particulière d'une zone d'activité économique, un caractère urbanisé. / Les villages sont définis comme des entités bâties combinant a) la présence d'un noyau ou d'une trame urbaine traditionnelle ou hiérarchisée, b) la présence d'un nombre suffisant de constructions hérité de la centralité passée du site et caractérisées par une densité significative, c) la présence, active ou passée, de lieux de vie et d'équipements permettant au site de se développer et de jouer un rôle actif dans le projet communal et non pas constituer une simple opportunité de quelques constructions. ". Le même point du DOO précise que les plans locaux d'urbanisme " organisent l'extension de l'urbanisation en continuité des agglomérations et villages " et " apprécient à leur échelle, les limites externes des agglomérations et villages (...) ".

9. Il résulte en premier lieu des dispositions précitées que, pour l'application de la loi littoral, le DOO du SCOT du pays de Lorient identifie Kerpape comme un village, appartenant également à une conurbation constituée aussi des villages de Kerroc'h et de Lomener situés dans son prolongement. Cette distinction entre village et agglomération est au demeurant sans incidence ici au regard de l'application du premier alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme lequel trouve à s'appliquer indifféremment aux villages et agglomérations existants. Il ressort des pièces du dossier, notamment des plans et photographies produits, que les deux parcelles d'assiette du projet autorisé, situées au lieu-dit Kerpape et d'une superficie de 23 521 m², classées en zone Uc au plan local d'urbanisme communal, sont bordées à l'ouest par un important centre mutualiste de soins de suite et de réadaptation dénommé Kerpape, au nord par un foyer d'accueil médicalisé pour adultes handicapés, au nord-est par des bâtiments abritant un centre de vacances des armées, et à l'est, et partiellement au sud, par une quarantaine de maisons individuelles d'habitation et un centre nautique. Compte tenu de ces caractéristiques, le lieu-dit " Kerpape " présente un nombre et une densité suffisants de constructions pour qu'il puisse être regardé à tout le moins comme un village existant au sens des dispositions précitées, notamment en tenant compte des dispositions du SCOT du Pays de Lorient, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elles seraient incompatibles avec les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L.121-8 du code de l'urbanisme doit être écarté.

10. En second lieu, aux termes de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme : " L'extension limitée de l'urbanisation des espaces proches du rivage ou des rives des plans d'eau intérieurs désignés au 1° de l'article L. 321-2 du code de l'environnement est justifiée et motivée dans le plan local d'urbanisme, selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l'accueil d'activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau. / Toutefois, ces critères ne sont pas applicables lorsque l'urbanisation est conforme aux dispositions d'un schéma de cohérence territoriale ou d'un schéma d'aménagement régional ou compatible avec celles d'un schéma de mise en valeur de la mer (...) ".

11. Il résulte de ces dispositions ainsi que de celles de l'article L. 121-3 du même code, citées au point 6, qu'une opération conduisant à étendre l'urbanisation d'un espace proche du rivage ne peut être légalement autorisée que si elle est, d'une part, de caractère limité et, d'autre part, justifiée et motivée dans le plan local d'urbanisme selon les critères qu'elles énumèrent. Cependant, lorsqu'un schéma de cohérence territoriale comporte des dispositions suffisamment précises et compatibles avec ces dispositions législatives qui précisent les conditions de l'extension de l'urbanisation dans l'espace proche du rivage dans lequel l'opération est envisagée, le caractère limité de l'urbanisation qui résulte de cette opération s'apprécie en tenant compte de ces dispositions du schéma concerné. Doivent être regardées comme une extension de l'urbanisation au sens de ces dispositions l'ouverture à la construction de zones non urbanisées ainsi que la densification significative de zones déjà urbanisées.

12. Il ressort des pièces du dossier qu'eu égard à sa proximité avec le rivage et aux caractéristiques de l'espace l'en séparant, le secteur au sein duquel se situe le terrain d'assiette du projet litigieux doit être regardé comme un espace proche du rivage au sens des dispositions précitées du code de l'urbanisme.

13. Par ailleurs, le point " 1.4.5 - Limiter l'extension de l'urbanisation dans les espaces proches du rivage " du DOO du SCOT du Pays de Lorient, dans sa version applicable, indique que " Le caractère limité de l'extension d'urbanisation est apprécié, par rapport à la situation existante, à partir des éléments suivants, non nécessairement cumulatifs : / - l'importance : nombre de m² réalisables pour une extension, nombre de m² à réaliser pour une opération de construction, nombre de logements, y compris les surfaces consacrées au stationnement, les volumétries (hauteurs, gabarits, etc.) / - la densité : coefficient d'emprise au sol, nombre de logements à l'hectare / - l'implantation : nature des terrains d'assiette du projet (urbanisés, naturels, espaces agricoles exploités, espaces boisés même partiellement) / - la topographie de l'espace concerné / - la destination du projet : si le projet a la même destination que les constructions présentes aux alentours, il aura davantage de chances d'être autorisé qu'un projet dont la destination est complètement différente. / (...). D'une façon générale, les opérations qui créent une rupture de proportion importante au sein du tissu urbain environnant ne peuvent être considérées comme des extensions limitées de l'urbanisation. / Prescription : Le caractère limité de l'extension de l'urbanisation dans un espace proche du rivage s'apprécie eu égard à l'implantation, à l'importance, à la densité envisagées et à la topographie des lieux. Les extensions de l'urbanisation, pour être qualifiée de " limitées " doivent : / - respecter les proportions bâties par rapport à l'urbanisation sur laquelle elles se greffent / - être évitées sur des secteurs jouxtant, dans la zone la plus proche du rivage, un secteur entièrement naturel ou agricole ; dans ces situations, pour être admises, les extensions doivent demeurer extrêmement limitées / - s'insérer dans le quartier environnant. Une opération plus importante peut être admise si le quartier environnant présente un caractère urbain et dense prononcé, s'il s'agit de restructurer, dans une ville existante, un quartier issu d'un mitage lui-même entouré de quartiers urbains plus denses et mieux organisés. / La notion d'extension limitée de l'urbanisation dans les espaces proches du rivage peut être examinée par le SCoT à son échelle. Ainsi, des opérations peuvent être qualifiées d'extensions limitées de l'urbanisation à l'échelle du SCoT, compte tenu de leur situation au cœur d'ensembles urbains importants à l'échelle du SCoT, notamment quand elles contribuent à privilégier le renouvellement urbain. / (...) Préconisation : Kerroc'h, Caudric-Lomener et Kerpape-Kerguelen comprennent de nombreuses constructions à usage d'habitation dont certaines en collectif de plusieurs niveaux, ainsi que des bâtiments accueillant des activités économiques, commerciales et un important établissement de santé (CRF de Kerpape). Dans un souci d'économie de l'espace, de moindre mobilisation de foncier non bâti ainsi que de préservation des espaces agricoles au Nord de la D152 et des coupures d'urbanisation entre Le Courégant et Kerroc'h d'une part et le parc océanique de Kerguélen et le bourg de Larmor-Plage d'autre part, les opérations de renouvellement urbain, de densification ou d'extension de l'urbanisation de Kerroc'h, Caudric-Lomener, et Kerpape-Kerguélen (Ploemeur et Larmor-Plage), peuvent se réaliser en présentant des gabarits atteignant ceux des bâtiments présents sur chacun de ces secteurs. Sur ces secteurs, les opérations d'extension de l'urbanisation ne peuvent pas couvrir des surfaces supérieures à celles prévues hors des espaces proches du rivage sur Ploemeur. (...) ".

14. Ainsi qu'il a été dit, le projet contesté, situé au lieu-dit " Kerpape ", s'inscrit en continuité immédiate d'espaces urbanisés, comprenant sur trois de ses cotés des maisons d'habitation et plusieurs équipements tels qu'un établissement de soins de suite et de réadaptation, dont certains bâtiments peuvent atteindre 15 mètres de hauteur, un foyer d'accueil pour personnes handicapées et une résidence de loisirs, lesquels présentent un nombre et une densité significatifs de constructions de gabarits imposants. Le projet autorisé prévoit pour sa part la réalisation d'un lotissement de 19 lots, avec un maximum possible de 25 lots, constitué pour l'essentiel de maisons individuelles en R + 1 et, en limite des bâtiments existants du centre de soins et de réadaptation et en léger contrebas, trois lots destinés à accueillir de l'habitat collectif. La surface de plancher maximale autorisée est fixée à 7 920 m² sur un tènement de 23 521 m². Il ne ressort ainsi pas des pièces du dossier que le projet présenterait une densité plus élevée que celle des espaces proches dans lesquels il s'insère. Dès lors, l'extension de l'urbanisation qui résulte de l'opération projetée doit être regardée comme présentant un caractère limité, notamment en tenant compte des dispositions du SCOT du Pays de Lorient, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elles seraient incompatibles avec les dispositions de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme. Par suite, le moyen tiré de ce que le projet contesté méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme doit être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que l'association Tarz Heol, M. et Mme J..., M. et Mme B... et M. D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.

Sur les conclusions de Mme E... tendant à l'application de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme :

16. Aux termes de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme : " Lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager est mis en œuvre dans des conditions qui traduisent un comportement abusif de la part du requérant et qui causent un préjudice au bénéficiaire du permis, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner l'auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts. La demande peut être présentée pour la première fois en appel. ".

17. Il ne résulte pas de l'instruction que le droit de l'association Tarz Heol, eu égard à son objet statutaire et aux caractéristiques du site d'implantation du projet de lotissement en litige, à former un recours contre le permis d'aménager litigieux aurait été mis en œuvre dans des conditions qui traduiraient de sa part un comportement abusif. Au demeurant, ladite association n'était pas la seule partie requérante tant en première instance qu'en appel. Par suite, les conclusions indemnitaires présentées à son encontre par Mme E... doivent être rejetées.

Sur les frais d'instance :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à l'octroi d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à la partie perdante. Il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions présentées à ce titre par l'association Tarz Heol, M. et Mme J..., M. et Mme B... et M. D.... En revanche, il convient, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire de ces derniers, sur le fondement des mêmes dispositions, la somme de 750 euros au titre des frais exposés respectivement par la commune de Ploemeur et par Mme E....

D E C I D E :

Article 1er : L'intervention de l'association Les amis des chemins de ronde du Morbihan n'est pas admise.

Article 2 : L'intervention du syndicat mixte pour le SCOT du Pays de Lorient, de la commune de Larmor-Plage et de la communauté d'agglomération Lorient Agglomération est admise.

Article 3 : La requête de l'association Tarz Heol, de M. et Mme A... et F... J..., de M. et Mme C... et H... B... et de M. I... D... est rejetée.

Article 4 : L'association Tarz Heol, M. et Mme J..., M. et Mme B... et M. D... verseront solidairement et respectivement à la commune de Ploemeur et à Mme E..., chacune, la somme de 750 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions présentées par Mme G... E... au titre de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Tarz Heol, désignée comme représentante unique des requérants en application de l'article R.751-3 du code de justice administrative, à la commune de Ploemeur, à Mme G... E..., au syndicat mixte pour le schéma de cohérence territoriale du Pays de Lorient, à la commune de Larmor-Plage, à la communauté d'agglomération Lorient agglomération et à l'association Les amis des chemins de ronde du Morbihan.

Délibéré après l'audience du 7 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Degommier, président de chambre,

- M. Rivas, président assesseur,

- Mme Dubost, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 mars 2024.

Le rapporteur,

C. RIVAS

Le président,

S. DEGOMMIER

La greffière,

S. PIERODÉ

La République mande et ordonne au préfet du Morbihan en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT01185


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT01185
Date de la décision : 26/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DEGOMMIER
Rapporteur ?: M. Christian RIVAS
Rapporteur public ?: M. FRANK
Avocat(s) : CABINET LEXCAP RENNES

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-26;23nt01185 ?
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