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30/01/2024 | FRANCE | N°22NT03950

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 30 janvier 2024, 22NT03950


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013 à 2015.



Par un jugement n° 1801321 du 2 juillet 2020, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande.



Procédure devant la cour avant cassation :



Par

une requête enregistrée le 4 septembre 2020, M. et Mme B..., représentés par

Me Taillard, demandent à la cour :



1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013 à 2015.

Par un jugement n° 1801321 du 2 juillet 2020, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour avant cassation :

Par une requête enregistrée le 4 septembre 2020, M. et Mme B..., représentés par

Me Taillard, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- aucun travaux d'agrandissement n'a été réalisé, hormis la création de mezzanines ; les combles étaient habitables lors de l'acquisition de l'immeuble ;

- la distinction entre dépenses de travaux déductibles et non déductibles, comme la création de mezzanines au dernier étage ou celle d'un logement dans un ancien garage, a été effectuée ; les travaux en litige sont des travaux d'amélioration ;

- ils se prévalent sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du paragraphe 5 de la documentation administrative de base référencée 5 D-4-04 du 26 mai 2004 et du paragraphe 29 de la documentation administrative de base référencée 5 D-2-07 du 23 mars 2007, repris au paragraphe 120 des commentaires administratifs publiés au bulletin officiel des impôts RFPI-BASE-20-30-20 du 12 septembre 2012 relatif à la condition d'affectation à l'habitation ;

- les dépenses des travaux déductibles s'élèvent en définitive à 465 377 euros au titre de l'année 2013, 217 214 euros au titre de l'année 2014 et 9 435 euros au titre de l'année 2015 ;

- c'est à tort que l'administration a refusé d'imputer le déficit foncier généré par les travaux sur leur revenu global.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 mars 2021 le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme B... ne sont pas fondés.

Par un arrêt n° 20NT02768 du 10 décembre 2021, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté la requête de M. et Mme B....

Par une décision n° 461335 du 16 décembre 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt de la cour et a renvoyé devant la cour l'affaire, qui porte désormais le n° 22NT03950.

Procédure devant la cour après cassation :

Par un mémoire enregistré le 2 mai 2023, M. et Mme B... concluent aux mêmes fins que leurs précédentes écritures par les mêmes moyens et demandent en outre à la cour d'enjoindre à l'administration d'émettre des avis d'imposition pour les années 2013 et 2014, subsidiairement, s'il est jugé que le régime des monuments historiques n'est pas applicable, d'enjoindre à l'administration d'émettre des avis d'imposition pour les années 2013 et 2014 tenant d'une part compte du montant des travaux qui était bien déductible et d'autre part de l'imputation pendant dix années des déficits fonciers reportables et ils portent à 4 000 euros la somme qu'ils sollicitent au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 août 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, conclut, dans le dernier état de ses écritures, au non-lieu à statuer partiel à concurrence d'une réduction en base de 24 849 euros au titre de l'année 2013 et de 8 663 euros pour l'année 2014 et demande à la cour de rejeter le surplus de la requête.

Il fait valoir qu'il entend également se prévaloir des arguments exposés dans son mémoire produit devant le Conseil d'Etat le 8 juin 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Penhoat,

- et les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a acquis en 2011 un ensemble immobilier à Alençon (Orne), dont une partie est inscrite à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques. M. et Mme B... ont réalisé dans cet immeuble à destination mixte de bureaux et d'habitation d'importants travaux. Les dépenses correspondantes, au titre des années 2013, 2014 et 2015 ont été déduites de leurs revenus fonciers et le déficit a été imputé sur leur revenu global. L'administration fiscale, lors d'un contrôle sur pièces des déclarations déposées au titre de ces trois années, a remis en cause le caractère déductible d'une partie de ces dépenses de travaux qu'elle a regardées comme des dépenses de reconstruction et d'agrandissement. Elle a également remis en cause l'imputation du déficit foncier sur le revenu global au motif que l'engagement de conserver la propriété du bien pendant quinze ans n'avait pas été respecté. M. et Mme B... ont été assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales ainsi qu'à des pénalités au titre des années 2013 à 2015 à raison de ces rectifications. M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Caen la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôts sur le revenu, de contribution sur les hauts revenus et de prélèvements sociaux qui ont résulté de cette remise en cause. Par un jugement du 2 juillet 2020, le tribunal a rejeté leur demande. Par un arrêt n° 20NT02768 du 10 décembre 2021, la cour a rejeté la requête de M. et Mme B.... Par une décision n° 461335 du 30 septembre 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt de la cour et a renvoyé devant la cour l'affaire, qui porte désormais le n° 22NT03950.

Sur l'étendue du litige :

2. M. et Mme B... demandent dans le dernier état de leurs écritures de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des seules années 2013 et 2014.

Sur le bien-fondé des impositions supplémentaires :

En ce qui concerne la loi fiscale :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 156 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition litigieuses : " L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé eu égard aux propriétés et aux capitaux que possèdent les membres du foyer fiscal désignés aux 1 et 3 de l'article 6, aux professions qu'ils exercent, aux traitements, salaires, pensions et rentes viagères dont ils jouissent ainsi qu'aux bénéfices de toutes opérations lucratives auxquelles ils se livrent, sous déduction : / (...) / 3° Des déficits fonciers, lesquels s'imputent exclusivement sur les revenus fonciers des dix années suivantes ; (...) " aux termes de l'article 31 du code général des impôts : " I. Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent :/ 1° Pour les propriétés urbaines :/a) Les dépenses de réparation et d'entretien effectivement supportées par le propriétaire ; /b) Les dépenses d'amélioration afférentes aux locaux d'habitation, à l'exclusion des frais correspondant à des travaux de construction, de reconstruction ou d'agrandissement (...) ". Au sens de ces dispositions, doivent être regardés comme des travaux de reconstruction ceux qui comportent la création de nouveaux locaux d'habitation, ou qui ont pour effet d'apporter une modification importante au gros œuvre, ainsi que les travaux d'aménagement interne qui, par leur importance, équivalent à des travaux de reconstruction, et comme des travaux d'agrandissement ceux qui ont pour effet d'accroître le volume ou la surface habitable des locaux existants. Lorsque des travaux n'ayant pas ce caractère sont effectués dans la même opération, les dépenses exposées à ce titre ne sont déductibles que si les différents travaux sont dissociables.

4. Il résulte de l'instruction que les travaux réalisés par M. et Mme B..., qui ont consisté, au rez-de-chaussée de l'immeuble, à créer un logement sur l'emplacement des anciens garage, chaufferie et local technique et à transformer deux bureaux en logements, au premier étage, à subdiviser le lot n°5 en deux logements et, au second et dernier étage, à créer trois nouveaux logements répartis sur quatre lots, ont conduit à divers aménagements internes et à la redistribution de l'espace intérieur de tous les niveaux de l'ensemble immobilier désormais formé au total de sept logements au lieu de quatre initialement, soit un au rez-de-chaussée, un au premier étage et deux au second étage. Il résulte également de l'instruction que les travaux ont affecté notablement le gros œuvre sur chaque niveau de l'immeuble en conséquence de la démolition de l'ensemble de la verrière, de l'arrachage de lattis et baculas, de la pose de deux IPN, de travaux de couverture, de la dépose de mur porteur dans le logement n° 1 et de différents travaux de " démolitions ", " consolidations ", " reprises de maçonneries " affectant l'ensemble de l'immeuble. Ces travaux ont également eu pour effet d'augmenter la surface habitable sur chaque niveau de l'immeuble. Il suit de là que, par leur objet et leur importance, ils équivalent à une reconstruction. A supposer même que certains travaux de rénovation de l'essentiel des logements et des bureaux, pris isolément, puissent être regardés comme des travaux ayant généré des charges déductibles au sens des dispositions citées, il ne résulte pas de l'instruction qu'ils soient dissociables sur le plan technique et fonctionnel des travaux d'agrandissement et de reconstruction auxquels ils doivent être assimilés. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a considéré que ces travaux constituaient des travaux de construction ou de reconstruction qui ne présentaient pas un caractère déductible au sens des dispositions précitées.

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

5. M. et Mme B... ne peuvent utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du paragraphe 5 de la documentation administrative de base référencée 5 D-4-04 du 26 mai 2004 et du paragraphe 29 de la documentation administrative de base référencée 5 D-2-07 du 23 mars 2007, repris au paragraphe 120 des commentaires administratifs publiés au bulletin officiel des impôts RFPI-BASE-20-30-20 du 12 septembre 2012 relatif à la condition d'affectation à l'habitation, dès lors qu'elles ne comportent pas une interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application dans le présent arrêt.

6. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer, en l'absence de déficits fonciers au titre des années en litige, sur les conclusions tendant à l'imputation d'un déficit foncier généré par les travaux sur le revenu global, que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions aux fins d'injonction d'émettre des avis d'imposition rectifiés et leurs conclusions relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... B... et au ministre de ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 12 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président de chambre,

- M. Penhoat, premier conseiller,

- M. Viéville, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 janvier 2024.

Le rapporteur

A. PENHOAT

Le président de chambre

G. QUILLÉVÉRÉ

La greffière

A. MARCHAIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

No 22NT039502


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22NT03950
Date de la décision : 30/01/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Anthony PENHOAT
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : SOLTNER

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-30;22nt03950 ?
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