Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Hôtel Restaurant Luccotel a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2009.
Par un jugement n° 1502490 du 23 février 2016, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 16NT01325 du 15 février 2018, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par la société contre ce jugement.
Par une décision n° 419855 du 30 septembre 2019, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi formé par la SARL Hôtel Restaurant Luccotel, a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour pour y être jugée, l'affaire portant désormais le n°19NT03876.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 3 et 8 octobre et 26 décembre 2019 et 30 janvier 2020, la SARL Hôtel Restaurant Luccotel, représentée par Me C..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer cette décharge ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement méconnaît le principe du contradictoire, dans le cas où, la preuve de la notification le 19 décembre 2012 de la proposition de rectification aurait été apportée devant les premiers juges dès lors que cette preuve ne lui a pas été communiquée ;
- le tribunal administratif ne pouvait pas écarter la prescription sans la preuve de la mise à disposition du pli contenant la proposition de rectification notifiée le 19 décembre 2012 ;
- le service ne pouvait pas établir une nouvelle imposition au titre de l'année 2009 dès lors que le délai de reprise avait expiré au 31 décembre 2012 dès lors que la notification de la proposition de rectification le 2 janvier 2013 n'a pu l'interrompre en l'absence de preuve de notification antérieure au 1er janvier 2012 ;
- la procédure est irrégulière dès lors qu'elle n'a pas été avisée de la possibilité de saisir le comité de l'abus de droit fiscal, prévu par l'article L. 64 du livre des procédures fiscales alors que l'administration a implicitement invoqué un tel abus de droit en se fondant sur la communauté d'intérêts existant entre elle-même et les cédants ;
- l'évaluation de l'avantage réputé par l'administration et consenti à ses associés est infondée ; la valeur de la pleine propriété étant de 1 000 euros, l'usufruit qui n'en représente qu'une partie, ne pouvait être fixé à la somme de 632 993 euros, qui ne reflète pas une valeur pouvant être atteinte par le jeu normal de l'offre et de la demande ; la valeur devait être calculée en tenant compte de la valeur mathématique obtenue par actualisation de l'actif net comptable et de la valeur de productivité tirée de l'importance des bénéfices et de la valeur établie par capitalisation du dividende ainsi que l'a fait la commission de conciliation en matière de droits d'enregistrement, estimant la valeur de l'usufruit à 1 698 euros par part, et conformément à la jurisprudence de la cour administrative d'appel de Nancy et du Conseil d'Etat ; l'usufruit portant non sur le bien immobilier lui-même mais sur les parts sociales, pour déterminer les revenus, il faut prendre en compte l'investissement, l'endettement et l'amortissement du bien ce qui a pour conséquence qu'elle ne pourra appréhender aucun flux de trésorerie au titre de son usufruit tant que la société civile immobilière (SCI) LBA n'aura pas remboursé son emprunt ; le revenu fiscal de la SCI LBA doit être déterminé selon les règles propres aux bénéfices industriels et commerciaux en vertu de l'article 238 bis K du code général des impôts, en intégrant donc la déduction d'un amortissement, d'autant qu'elle est une société soumise à l'impôt sur les sociétés comme le montre la déclaration n° 2072 souscrite indiquant un " revenu taxable de la SCI " de (-) 9 541 euros en 2009 et de (-) 9 321 euros pour 2010 ; le service a retenu cette règle dans un autre dossier après avis de la commission départementale des impôts et ne peut appliquer des méthodes différentes selon le contribuable, sauf à méconnaître le principe d'égalité devant l'impôt ; la valeur mathématique de l'usufruit est proche de zéro dès lors que les parts sociales ne permettent d'obtenir ni revenus ni trésorerie futurs ; en capitalisant des revenus fonciers nets d'un impôt à 33,1/3 %, l'administration a mélangé la fiscalité personnelle constituée de revenus fonciers, qui ne tient pas compte de 1'endettement de la société, et un taux d'impôt sur les sociétés, ce qui ne peut donc être admis, alors que l'impôt sur le revenu au titre des revenus fonciers serait à un taux de 45,5 %, contributions sociales comprises, conduisant à une valeur de 517 466 euros ; la valeur de l'usufruit doit être appréhendée en tenant compte d'une valeur mathématique affectée d'un coefficient 4 et d'une valeur de rendement affectée d'un coefficient 1 ainsi que l'a fait la cour d'appel de Colmar ;
- le paragraphe 190 du BOI-IR-BASE 10-10-30 indique, quand bien même il serait postérieur, que " pour évaluer la valeur vénale d'un usufruit temporaire grevant un bien, il sera admis, à titre indicatif, de déterminer dans un premier temps la valeur vénale de la pleine propriété du bien correspondant puis, dans un second temps, d'appliquer à cette valeur les dispositions prévues au II de l'article 669 du code général des impôts ", ce qui a pour conséquence que l'administration ne peut affirmer que le taux de 23 % est impropre à rendre compte de la réalité économique ;
- en matière de droits d'enregistrement, l'administration a mis en oeuvre, à propos de la cession de l'usufruit temporaire des parts sociales de la SCI LBA, la méthode prévue par le II de l'article 669 du code général des impôts pour aboutir à une valeur d'usufruit de 233 600 euros qui pouvait être retenue à titre indicatif ;
- la majoration pour manquement délibéré n'est pas fondée dès lors que l'administration ne le démontre pas.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 16 janvier et 16 mars 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut à un non-lieu partiel à statuer dès lors que les bases d'imposition sont réduites à 441 682 euros et au rejet du surplus de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la SARL Hôtel Restaurant Luccotel ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de Mme Chollet, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Il résulte des pièces du dossier que, par acte sous seing privé du 28 décembre 2009, la société civile immobilière (SCI) LBA a cédé à la société à responsabilité limitée (SARL) Hôtel Restaurant Luccotel, détenue indirectement par les associés de la SCI, l'usufruit de la totalité de ses parts sociales pour une durée de vingt ans et un montant total de 460 euros. A la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration fiscale a remis en cause l'évaluation de la valeur de cet usufruit qu'elle a estimée, en application de la méthode d'actualisation des flux de revenus attendus, à la somme de 949 000 euros, par la suite ramenée à 632 993 euros. En conséquence, elle a procédé au rehaussement de l'actif net de la SARL Hôtel Restaurant Luccotel à hauteur de la différence entre la valeur réelle de l'usufruit et celle inscrite à l'actif de cette société. Par un arrêt du 15 février 2018, la cour administrative de Nantes a rejeté l'appel que la SARL a formé contre le jugement du 23 février 2016 par lequel le tribunal administratif d'Orléans avait rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités résultant de cette rectification. Par une décision n° 419855 du 30 septembre 2019, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour pour y être jugée.
Sur les conclusions à fin de non-lieu à statuer :
2. Le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour d'accorder à la SARL Hôtel Restaurant Luccotel la décharge correspondant à une réduction des bases de l'impôt sur les sociétés de 441 682 euros, qui est la différence entre la base maintenue dans la requête n°16NT01325, soit 632 993 euros, et la base arrêtée dans la présente instance, soit 191 311 euros. Toutefois, faute de dégrèvement prononcé par l'administration, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions du ministre à fin de non-lieu à statuer.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. L'accusé de réception mentionnant la date de l'avis de mise en instance, soit le 19 décembre 2012, de la proposition de rectification qui lui avait été adressée n'ayant pas été produit en première instance, la SARL Hôtel Restaurant Luccotel n'est en tout état de cause pas fondée à soutenir que le tribunal administratif a méconnu le caractère contradictoire de la procédure en ne lui communiquant pas cet accusé de réception.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
4. Aux termes des deux premiers alinéas de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. / En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité. ". Lorsque, pour justifier les réintégrations litigieuses, l'administration fait valoir non que le contrat litigieux aurait été conclu de manière fictive ou dans le seul but d'éluder l'impôt, mais que la qualification qu'il donnait aux prestations fournies ne correspondait pas à leur nature réelle et que les sommes versées en exécution de ce contrat étaient partiellement dépourvues de contreparties, elle ne se place pas sur le terrain de l'abus de droit.
5. Si, pour apprécier l'existence d'une libéralité, l'administration s'est notamment fondée sur l'existence d'une communauté d'intérêts entre la SCI LBA, cédante, et la SARL Hôtel Restaurant Luccotel, cessionnaire, elle n'a pas pour autant fait valoir que le contrat de cession aurait été conclu de manière fictive ou dans le seul but d'éluder l'impôt mais elle s'est bornée à relever un élément de nature à justifier que cette cession soit en partie regardée comme une libéralité. La circonstance que le service ait par ailleurs appliqué une pénalité de 40 % pour manquement délibéré est par elle-même sans incidence. Par suite, doit être écarté le moyen tiré par la société requérante de ce qu'elle aurait été privée des garanties prévues à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales.
Sur le bien-fondé de l'imposition supplémentaire :
En ce qui concerne la prescription du droit de reprise :
6. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. ". Aux termes de l'article L. 189 du même code : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification (...). ". Eu égard à l'objet de ces dispositions, relatives à la détermination du délai dont dispose l'administration pour exercer son droit de reprise, la date d'interruption de la prescription est celle à laquelle le pli contenant la proposition de rectification a été présenté à l'adresse du contribuable. Il en va de même lorsque le pli n'a pu lui être remis lors de sa présentation et que, avisé de sa mise en instance, il l'a retiré ultérieurement ou a négligé de le retirer.
7. La proposition de rectification du 17 décembre 2012 relative à l'exercice clos en 2009 a été adressée, par pli recommandé avec demande d'avis de réception, au gérant de la SARL Hôtel Restaurant Luccotel. En l'absence de celui-ci, un avis de mise en instance du pli au bureau de poste dont la société relevait a été déposé le 19 décembre 2012 ainsi qu'il ressort des mentions de l'avis de réception présenté pour la première fois en appel et ainsi que l'indiquait elle-même la SARL Hôtel Restaurant Luccotel en première instance. Si M. et Mme B... ont retiré ce pli le 2 janvier 2013, dans le délai de quinze jours prévu par la réglementation en vigueur du service des postes mais postérieurement à l'expiration, le 31 décembre 2012, du délai de reprise dont disposait l'administration au titre de l'année 2012, cette circonstance est sans incidence sur le caractère interruptif de prescription de la proposition.
En ce qui concerne l'imposition :
S'agissant de l'application de la loi fiscale :
8. Aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. " Aux termes de l'article 38 quinquies de l'annexe III à ce code : " 1. Les immobilisations sont inscrites au bilan pour leur valeur d'origine. / Cette valeur d'origine s'entend : / a. Pour les immobilisations acquises à titre onéreux, du coût d'acquisition, c'est-à-dire du prix d'achat minoré des remises, rabais commerciaux et escomptes de règlement obtenus et majoré des coûts directement engagés pour la mise en état d'utilisation du bien et des coûts d'emprunt dans les conditions prévues à l'article 38 undecies. / (...) ; / b. Pour les immobilisations acquises à titre gratuit, de la valeur vénale ; / (...). ".
9. D'une part, la valeur vénale des titres d'une société non admise à la négociation sur un marché réglementé doit être appréciée compte tenu de tous les éléments dont l'ensemble permet d'obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et de la demande à la date où la cession est intervenue. L'évaluation des titres d'une telle société doit être effectuée, par priorité, par référence au prix d'autres transactions intervenues dans des conditions équivalentes et portant sur les titres de la même société ou, à défaut, de sociétés similaires. En l'absence de telles transactions, celle-ci peut légalement se fonder sur la combinaison de plusieurs méthodes alternatives.
10. D'autre part, en cas de démembrement de droits sociaux, l'usufruitier, conformément à l'article 582 du code civil qui lui accorde la jouissance de toute espèce de fruits, n'a droit qu'aux dividendes distribués.
11. Il résulte de ce qui a été dit au point 10 que l'évaluation du revenu futur attendu par un usufruitier de parts sociales ne peut avoir pour objet que de déterminer le montant des distributions prévisionnelles qui peut être fonction notamment des annuités prévisionnelles de remboursement d'emprunts ou des éventuelles mises en réserves pour le financement d'investissements futurs, lorsqu'elles sont justifiées par la société.
12. En l'espèce, et en l'absence de transactions intervenues dans des conditions similaires, l'administration, en déterminant la valeur attendue de l'usufruit provisoire des parts de la SCI LBA sur la base de la capitalisation, avec taux d'actualisation de 5%, des résultats nets d'activité de la société avec un abattement de 33,33% correspondant à une imposition théorique à l'impôt sur les sociétés, s'est fondée sur les résultats imposables prévisionnels de la société alors qu'elle aurait dû déterminer la valeur sur la base des distributions prévisionnelles en prenant en compte les éléments mentionnés au point 11. La méthode d'évaluation de la valeur de l'usufruit, telle qu'elle a été retenue par l'administration, n'était pas régulière et n'a pas permis d'établir un chiffre aussi voisin que possible de celui qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et de la demande au 28 décembre 2009, date de la cession de l'usufruit.
13. Dans le cadre du renvoi de l'affaire par le Conseil d'Etat, l'administration informe la cour, par son mémoire enregistré le 16 janvier 2020, que, selon les éléments en sa possession, elle a appliqué la méthode dite " discounted cash-flows (DCF) classique " avec une valeur de l'usufruit à 151 893 euros et la méthode dite " Benoudiz " avec une valeur de 239 259 euros, puis elle a calculé la moyenne des valeurs résultant de chacune de ces deux méthodes, soit la somme de 195 576 euros, afin de proposer une réduction des bases de l'imposition à hauteur de 437 417 euros. Puis, par un autre mémoire, enregistré le 16 mars 2020, elle a corrigé ses chiffres de calcul de la valeur vénale de l'usufruit en fonction des remarques de la SARL Hôtel Restaurant Luccotel en cours d'instance, soit 145 107 euros pour la première méthode et 237 516 euros pour la seconde méthode.
14. La méthode dite " DCF classique " consiste à limiter les fruits à actualiser aux seuls flux effectivement décaissés en trésorerie par l'entreprise au profit des associés pendant la durée de l'usufruit, soit les flux correspondant notamment aux intérêts et annuités des emprunts en cours ou de ceux finançant des projets, à l'amortissement des investissements, au paiement des impôts et taxes, aux assurances et aux frais de gestion. Elle ne prend en compte, pour calculer les flux de trésorerie que doit générer la détention de l'usufruit des titres, que le montant du bénéfice distribuable dans la limite de la trésorerie effectivement disponible. Dès lors, l'administration a pu valablement retenir cette méthode.
15. La méthode dite " Benoudiz ", qui prévoit une pratique de distribution tenant compte, au sein des mêmes flux futurs de trésorerie de l'usufruitier que ceux exposés au point 14, d'une possibilité de distribution d'un dividende supérieur aux disponibilités en banque de l'entreprise avec versement du numéraire plusieurs années après la fin de la durée de l'usufruit, ne saurait être retenue dès lors qu'elle peut entraîner, d'une part, un décalage d'ampleur entre la trésorerie et le bénéfice comptable dans le temps et, d'autre part, un report du versement du solde des distributions en fonction de la trésorerie à une date indéterminée. Compte tenu de ces incertitudes au-delà de l'expiration de la durée de l'usufruit, cette autre méthode utilisée par l'administration doit être écartée.
16. En application de la seule méthode dite " DCF classique ", compte tenu de ce qui a été dit aux points 13 à 15, avec un nouveau taux d'actualisation de 9,31%, qui au demeurant est supérieur au taux initial et qui a été utilisé par la SARL Hôtel Restaurant Luccotel pour ses propres calculs, la valeur de l'usufruit pendant sa durée, soit jusqu'en 2029 inclus, est égale à 145 107 euros. Dès lors, les bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés auquel la SARL Hôtel Restaurant Luccotel a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2009 doivent être réduites en tenant compte d'une valeur de l'usufruit des titres de la SCI LBA fixée à 145 107 euros.
S'agissant de l'interprétation administrative de la loi fiscale :
17. La SARL Hôtel Restaurant Luccotel ne peut utilement se prévaloir du paragraphe 190 du BOI-IR-BASE-10-10-30 dès lors qu'il a été publié le 4 août 2015, soit après l'expiration du délai de déclaration de l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'exercice clos en 2009.
Sur les pénalités :
18. Pour appliquer la majoration de 40 % pour manquement délibéré, le service s'est fondé, d'une part, sur l'écart très sensible entre la valeur d'immobilisation à l'actif telle qu'elle ressort de l'acte et la valeur vénale de cet actif et, d'autre part, sur le fait que la société requérante ne pouvait ignorer que la sous-évaluation du droit incorporel correspondait à une libéralité accordée à son profit. L'administration établit ainsi le caractère délibéré du manquement.
19. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Hôtel Restaurant Luccotel est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2009 à raison de la réduction des bases d'imposition prononcée au point 16. Il s'ensuit également qu'une somme de 1 500 euros doit être mise à la charge de l'Etat, partie perdante, au titre des frais liés au litige.
D E C I D E :
Article 1er : Les bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés auquel la SARL Hôtel Restaurant Luccotel a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2009 sont réduites en tenant compte d'une valeur de l'usufruit des titres de la SCI LBA fixée à 145 107 euros.
Article 2 : La SARL Hôtel Restaurant Luccotel est déchargée, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujetti au titre de l'exercice clos en 2009 en tenant compte de la réduction de base prononcée à l'article 1er.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 15 février 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire.
Article 4 : L'Etat versera à la SARL Hôtel Restaurant Luccotel une somme de 1 500 euros au titre des frais liés au litige.
Article 5 : Le surplus de la requête de la SARL Hôtel Restaurant Luccotel est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Hôtel Restaurant Luccotel et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 12 novembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. A..., président,
- M. Brasnu, premier conseiller,
- Mme Picquet, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 novembre 2020.
Le président-rapporteur,
J.-E. A...
L'assesseur le plus ancien
dans l'ordre du tableau
H. Brasnu
Le greffier,
R. Mageau
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT03876