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15/02/2018 | FRANCE | N°16NT01325

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 15 février 2018, 16NT01325


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Hôtel Restaurant Luccotel a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge, en droits et pénalités, du supplément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2009 pour un montant de 317 179 euros.

Par un jugement n° 1502490 du 23 février 2016, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complém

entaires enregistrés les 22 avril 2016, 20 mars 2017, 28 avril 2017, 28 septembre 2017, 26 octobre 2017, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Hôtel Restaurant Luccotel a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge, en droits et pénalités, du supplément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2009 pour un montant de 317 179 euros.

Par un jugement n° 1502490 du 23 février 2016, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés les 22 avril 2016, 20 mars 2017, 28 avril 2017, 28 septembre 2017, 26 octobre 2017, 15 décembre 2017, 15 janvier 2018 et 18 janvier 2018, la SARL Hôtel Restaurant Luccotel, représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement méconnaît le principe du contradictoire, dans le cas où, la preuve de la notification le 19 décembre 2012 de la proposition de rectification aurait été apportée devant les premiers juges, dès lors que cette preuve ne lui a pas été communiquée ;

- les premiers juges ne pouvaient écarter la prescription sans la preuve de la mise à disposition du pli contenant la proposition de rectification notifiée le 19 décembre 2012 ;

- le service ne pouvait établir une nouvelle imposition au titre de l'année 2009 dès lors que le délai de reprise avait expiré au 31 décembre 2012 dès lors que que la notification de la proposition de rectification le 2 janvier 2013 n'a pu l'interrompre en l'absence de preuve de notification antérieure ;

- la procédure est irrégulière dès lors qu'elle n'a pas été avisée de la possibilité de saisir le comité de l'abus de droit fiscal, prévu par l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, alors que l'administration a implicitement invoqué un tel abus de droit en se fondant sur la communauté d'intérêts existant entre elle-même et les cédants ;

- l'évaluation de l'avantage réputé par l'administration consenti à ses associés est infondée ; la valeur de la pleine propriété étant de 1 000 euros, l'usufruit qui n'en représente qu'une partie, ne pouvait être fixé à la somme de 632 993 euros, qui ne reflète pas une valeur pouvant être atteinte par le jeu normal de l'offre et de la demande ; la valeur devait être calculée en tenant compte de la valeur mathématique obtenue par actualisation de l'actif net comptable et de la valeur de productivité tirée de l'importance des bénéfices et de la valeur établie par capitalisation du dividende ainsi que l'a fait la commission de conciliation en matière de droits d'enregistrement, estimant la valeur de l'usufruit à 1 698 euros par part, et conformément à la jurisprudence de la cour administrative d'appel de Nancy et du Conseil d'Etat ; l'usufruit portant non sur le bien immobilier lui-même mais sur les parts sociales, pour déterminer les revenus, il faut prendre en compte l'investissement, l'endettement et l'amortissement du bien ce qui a pour conséquence qu'elle ne pourra appréhender aucun flux de trésorerie au titre de son usufruit tant que la société civile immobilière (SCI) LBA n'aura pas remboursé son emprunt ; le revenu fiscal de la SCI LBA doit être déterminé selon les règles propres aux bénéfices industriels et commerciaux en vertu de l'article 238 bis K du code général des impôts, en intégrant donc la déduction d'un amortissement, d'autant qu'elle est une société soumise à l'impôt sur les sociétés comme le montre la déclaration n° 2072 souscrite indiquant un " revenu taxable de la SCI " de (-) 9 541 euros en 2009 et de (-) 9 321 euros pour 2010 ; le service a retenu cette règle dans un autre dossier après avis de la commission départementale des impôts et ne peut appliquer des méthodes différentes selon le contribuable, sauf à méconnaître le principe d'égalité devant l'impôt ; la valeur mathématique de l'usufruit est proche de zéro dès lors que les parts sociales ne permettent d'obtenir ni revenus ni trésorerie futurs ; en capitalisant des revenus fonciers nets d'un impôt à 33,1/3 %, l'administration a mélangé la fiscalité personnelle constituée de revenus fonciers, qui ne tient pas compte de 1'endettement de la société, et un taux d'impôt sur les sociétés, ce qui ne peut donc être admis, alors que l'impôt sur le revenu au titre des revenus fonciers serait à un taux de 45,5 %, contributions sociales comprises, conduisant à une valeur de 517 466 euros ; la valeur de l'usufruit doit être appréhendée en tenant compte d'une valeur mathématique affectée d'un coefficient 4 et d'une valeur de rendement affectée d'un coefficient 1 ainsi que l'a fait la cour d'appel de Colmar ;

- le paragraphe 190 du BOI-IR-BASE 10-10-30-20170406 indique, quand bien même il est postérieur, que " pour évaluer la valeur vénale d'un usufruit temporaire grevant un bien, il sera admis, à titre indicatif, de déterminer dans un premier temps la valeur vénale de la pleine propriété du bien correspondant puis, dans un second temps, d'appliquer à cette valeur les dispositions prévues au II de l'article 669 du code général des impôts ", ce qui a pour conséquence que l'administration ne peut affirmer que le taux de 23 % est impropre à rendre compte de la réalité économique ;

- en matière de droits d'enregistrement, l'administration a mis en oeuvre, à propos de la cession de l'usufruit temporaire des parts sociales de la SCI LBA, la méthode prévue par le II de l'article 669 du code général des impôts pour aboutir à une valeur d'usufruit de 233 600 euros qui pouvait être retenue à titre indicatif ;

- la majoration pour manquement délibéré n'est pas fondée dès lors que l'administration ne le démontre pas.

Par des mémoires en défense enregistrés les 20 octobre 2016, 27 avril 2017, 20 octobre 2017, 6 novembre 2017, 15 janvier 2018 et 19 janvier 2018, le ministre chargé des finances publiques conclut :

1°) à titre principal, au rejet de la requête ;

2°) à titre subsidiaire, à la valorisation de l'usufruit temporaire à un montant minimum de 233 600 euros.

Il fait valoir que :

- les moyens invoqués ne sont pas fondés ;

- la valeur de l'usufruit des parts a été arrêtée en matière de droits d'enregistrement à la somme de 233 600 euros qui doit être retenue au minimum.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Delesalle,

- les conclusions de M. Jouno, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant la SARL Hôtel Restaurant Luccotel.

1. Considérant que la société à responsabilité limitée (SARL) Hôtel Restaurant Luccotel, qui exerce une activité d'hôtel-restaurant à Loches (Indre-et-Loire), a pour associé unique, depuis le 23 novembre 2009, la SARL Conjugaison dont le capital est détenu à 100 % par M. et MmeB... ; qu'elle exerce son activité dans des locaux qu'elle a pris en location, en dernier lieu, auprès de la société civile immobilière (SCI) LBA, qui les a acquis le 12 novembre 2009 de la SCI Les Bournais au moyen d'un financement par emprunt ; que la SCI LBA, créée le 6 octobre 2009, a pour seuls associés, à parts égales, et cogérants M. et Mme B...et n'a pas opté pour l'imposition à l'impôt sur les sociétés ; que le 28 décembre 2009, la SCI LBA a cédé à la SARL Hôtel Restaurant Luccotel l'usufruit temporaire, pour une durée de vingt ans, de la totalité de ses 100 parts sociales au prix de 4,6 euros la part, soit un prix total de 460 euros, que celle-ci a inscrit à l'actif de son bilan au cours de l'exercice 2010 ; qu'à l'issue d'un contrôle sur pièces de la SARL Hôtel Restaurant Luccotel, l'administration a estimé que ce prix était très inférieur à la valeur vénale réelle de l'usufruit des titres cédés et a évalué cette valeur à la somme de 949 000 euros par capitalisation puis actualisation des flux de revenus à attendre du bien sur la période considérée de l'opération ; qu'elle en a déduit que la SCI LBA avait consenti une libéralité à la société cessionnaire et a rehaussé le montant de l'actif net de celle-ci de la somme de 948 540 euros sur le fondement du 2 de l'article 38 du code général des impôts et de l'article 38 quinquies de l'annexe III à ce code, en en tirant les conséquences sur l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'année 2009 ; que, saisi dans le cadre d'un recours hiérarchique le 27 juin 2013, après avoir répondu aux observations du contribuable, le service a finalement évalué à 632 993 euros la valeur de l'usufruit en prenant en compte le montant d'un impôt sur les sociétés théorique, soit une libéralité d'un montant de 632 533 euros ; qu'un supplément d'impôt sur les sociétés en résultant au titre de l'exercice clos en 2009 a été mis en recouvrement le 24 novembre 2014 pour un montant de 207 578 euros en droits et de 109 601 euros en pénalités, soit un montant total de 317 179 euros ; que la SARL Hôtel Restaurant Luccotel relève appel du jugement du 23 février 2016 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, de ce supplément d'impôt sur les sociétés ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que l'accusé de réception mentionnant la date de l'avis de mise instance, soit le 19 décembre 2012, de la proposition de rectification qui lui avait été adressée n'ayant pas été produit en première instance, la SARL Hôtel Restaurant Luccotel n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges ont méconnu, en tout état de cause, le caractère contradictoire de la procédure en ne le lui communiquant pas ;

Sur la prescription du droit de reprise :

3. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. " ; qu'aux termes de l'article L. 189 du même code : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification (...). " ; qu'eu égard à l'objet de ces dispositions, relatives à la détermination du délai dont dispose l'administration pour exercer son droit de reprise, la date d'interruption de la prescription est celle à laquelle le pli contenant la proposition de rectification a été présenté à l'adresse du contribuable ; qu'il en va de même lorsque le pli n'a pu lui être remis lors de sa présentation et que, avisé de sa mise en instance, il l'a retiré ultérieurement ou a négligé de le retirer ;

4. Considérant que la proposition de rectification du 17 décembre 2009 relative à l'année 2009 a été adressée, par pli recommandé avec demande d'avis de réception, au gérant de la SARL Hôtel Restaurant Luccotel ; qu'en l'absence de l'intéressé, un avis de mise en instance du pli au bureau de poste dont la société relevait a été déposé le 19 décembre 2012 ainsi qu'il ressort des mentions de l'avis de réception présenté pour la première fois en appel et ainsi que l'indiquait elle-même la SARL Hôtel Restaurant Luccotel en première instance ; que si M. et Mme B... ont retiré ce pli le 2 janvier 2013, dans le délai de quinze jours prévu par la réglementation en vigueur du service des postes mais postérieurement à l'expiration, le 31 décembre 2012, du délai de reprise dont disposait l'administration au titre de l'année 2012, cette circonstance est sans incidence sur le caractère interruptif de prescription de la proposition ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

5. Considérant qu'aux termes des deux premiers alinéas de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. / En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité. " ; que lorsque, pour justifier les réintégrations litigieuses, l'administration fait valoir non que le contrat litigieux aurait été conclu de manière fictive ou dans le seul but d'éluder l'impôt, mais que la qualification qu'il donnait aux prestations fournies ne correspondait pas à leur nature réelle et que les sommes versées en exécution de ce contrat étaient partiellement dépourvues de contreparties, elle ne se place pas sur le terrain de l'abus de droit ;

6. Considérant que si, pour apprécier l'existence d'une libéralité, l'administration s'est notamment fondée sur l'existence d'une communauté d'intérêts entre la SCI LBA, cédante, et la SARL Hôtel Restaurant Luccotel, cessionnaire, elle n'a pas pour autant fait valoir que le contrat de cession aurait été conclu de manière fictive ou dans le seul but d'éluder l'impôt mais elle s'est bornée à relever un élément de nature à justifier la qualification, en libéralité, de partie de la somme versée ; que la circonstance que le service ait par ailleurs appliqué une pénalité de 40 % pour manquement délibéré est par elle-même sans incidence ; que, par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait été privée des garanties prévues à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

7. Considérant qu'aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. " ; qu'aux termes de l'article 38 quinquies de l'annexe III à ce code : " 1. Les immobilisations sont inscrites au bilan pour leur valeur d'origine. / Cette valeur d'origine s'entend : / a. Pour les immobilisations acquises à titre onéreux, du coût d'acquisition, c'est-à-dire du prix d'achat minoré des remises, rabais commerciaux et escomptes de règlement obtenus et majoré des coûts directement engagés pour la mise en état d'utilisation du bien et des coûts d'emprunt dans les conditions prévues à l'article 38 undecies. / (...) ; / b. Pour les immobilisations acquises à titre gratuit, de la valeur vénale ; / (...). " ; qu'il résulte de ces dernières dispositions que, dans le cas où le prix de l'acquisition d'une immobilisation a été volontairement minoré par les parties pour dissimuler une libéralité faite par le vendeur à l'acquéreur, l'administration est fondée à corriger la valeur d'origine de l'immobilisation, comptabilisée par l'entreprise acquéreuse pour son prix d'acquisition, pour y substituer sa valeur vénale, augmentant ainsi son actif net dans la mesure de l'acquisition faite à titre gratuit ;

8. Considérant que la valeur vénale des titres d'une société non admise à la négociation sur un marché réglementé doit être appréciée compte tenu de tous les éléments dont l'ensemble permet d'obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et de la demande à la date où la cession est intervenue ; que l'évaluation des titres d'une telle société doit être effectuée, par priorité, par référence au prix d'autres transactions intervenues dans des conditions équivalentes et portant sur les titres de la même société ou, à défaut, de sociétés similaires ; qu'en l'absence de telles transactions, celle-ci peut légalement se fonder sur la combinaison de plusieurs méthodes alternatives ;

9. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en l'espèce, le service a eu recours à la méthode consistant à capitaliser puis actualiser les revenus à attendre des droits sociaux sur la période considérée de l'opération ; que s'agissant du revenu pris en compte, il a retenu le loyer annuel, estimé à 187 116 euros hors taxes, fixé d'après le bail antérieur conclu par la SARL Hôtel Restaurant Luccotel et donc doté selon lui d'une forte prévisibilité, correspondant ainsi au résultat brut dont aurait bénéficié la SCI en l'absence de cession, puis en a déduit des charges telles que les intérêts d'emprunt, les honoraires d'expertise comptable, les frais d'assurance liés à l'emprunt, la taxe foncière, soit un revenu net de 76 190 euros, sur lequel il a par ailleurs admis un abattement de 33,33 % correspondant à une imposition théorique à l'impôt sur les sociétés dès lors que la société cessionnaire est soumise à cet impôt ; que s'agissant du taux d'actualisation, il a retenu un taux de 5 % sur la période de vingt ans de cession, correspondant au bas de la fourchette communément admise selon lui, soit entre 5 % et 7 %, compte tenu d'un faible risque d'impayés au regard des résultats antérieurs de la SARL requérante et de la communauté d'intérêts existant entre le cédant et le cessionnaire ; qu'il a finalement évalué la libéralité à la somme de 632 533 euros, déduction faite de la valeur ainsi estimée du prix de cession s'élevant à 460 euros, qu'il a portée à l'actif, en immobilisation incorporelle, du bilan de la SARL requérante ;

10. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit au point 8 du présent arrêt que pour apprécier la valeur vénale réelle d'un droit social, l'administration, qui doit rechercher un chiffre aussi voisin que possible de celui qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et de la demande à la date où la cession est intervenue, n'est pas tenue de se fonder sur une unique méthode d'évaluation ; que la société requérante ne soutient pas sérieusement qu'il aurait existé une transaction équivalente permettant le recours à une méthode par comparaison et non d'appréciation directe, la création de la SCI LBA ne pouvant être regardée comme une transaction de nature à traduire une valeur issue du jeu de l'offre et de la demande ;

11. Considérant, en deuxième lieu, que, contrairement à ce que soutient la SARL Hôtel Restaurant Luccotel, le service, s'agissant d'une SCI relevant du régime d'imposition prévu par l'article 8 du code général des impôts et dont le résultat était, avant cession de l'usufruit de ses parts, soumis à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus fonciers entre les mains des personnes physiques détentrices de ces parts, a pu à bon droit estimer que les loyers issus de la location de l'immeuble constituaient un revenu brut pertinent pour apprécier la valeur de cet usufruit, lors du démembrement de ces parts, en vue de sa cession ; que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le revenu futur attendu devait être apprécié au regard d'un résultat comptable distribuable et d'une situation de trésorerie disponible déterminant une valeur de rendement applicable aux seules sociétés de capitaux rémunérant leurs actionnaires ou porteurs de parts par des distributions, dès lors que ce n'était pas le cas du cédant et ne pouvait entrer en ligne de compte, du point de vue du cessionnaire, SARL soumise à l'impôt sur les sociétés, pour déterminer la valeur de l'actif incorporel à porter en immobilisation ;

12. Considérant, en troisième lieu, que, comme l'a estimé le service, la détermination du revenu net attendu, pour l'évaluation de la valeur de l'usufruit cédé et à immobiliser, devait toutefois se faire par application des règles applicables aux bénéfices industriels et commerciaux en application de l'article 238 bis K du code général des impôts dès lors que la SARL était passible de l'impôt sur les sociétés et, en conséquence, en pratiquant un abattement représentant un impôt sur les sociétés théorique ; qu'à cet égard, la société requérante ne peut utilement se prévaloir d'un taux d'imposition à l'impôt sur le revenu supérieur à celui de 33,33 % retenu au titre d'un impôt sur les sociétés théorique ;

13. Considérant, en quatrième lieu, que la SARL Hôtel Restaurant Luccotel ne peut utilement se prévaloir de ce que le service aurait appliqué une autre méthode pour l'appréciation de la valeur de l'usufruit temporaire d'une autre société, cette différence de méthode ne constituant pas en elle-même une rupture d'égalité devant l'impôt ; qu'elle ne peut davantage se prévaloir de ce que la valeur de l'usufruit devrait être appréhendée en tenant compte d'une valeur mathématique affectée d'un coefficient 4 et d'une valeur de rendement affectée d'un coefficient 1 ;

14. Considérant, en cinquième lieu, que la SARL Hôtel Restaurant Luccotel se prévaut de ce que la valeur de l'usufruit temporaire a été arrêtée par l'administration à la somme de 223 600 euros au titre de la détermination des droits d'enregistrement par application à la valeur de la pleine propriété du barème prévu par le II de l'article 669 du code général des impôts ; que, toutefois, cette évaluation ne s'impose pas à l'administration pour la détermination de la valeur vénale de l'usufruit temporaire en vue de son immobilisation à l'actif ;

15. Considérant, en troisième lieu, que la société requérante n'apporte aucun élément, en tout état de cause, de nature à établir que celle-ci ne permettrait pas de respecter l'identité entre la valeur en pleine propriété et la somme de l'usufruit et de la nue-propriété ;

16. Considérant, en dernier lieu, qu'il résulte de la proposition de rectification que le taux d'actualisation de 5 % retenu par le service correspond au bas de la fourchette comprise entre 5 et 7 % habituellement retenue ainsi qu'il n'est pas contesté, par agrégation, d'une part, d'un taux couvrant l'inflation et le coût du temps par référence au taux du marché des emprunts et, d'autre part, d'une prime de risque ; que la SARL Hôtel Restaurant Luccotel n'est pas fondée à demander que soit retenu un taux de 9,45 % dès lors que celui-ci correspond au taux de rendement de l'immeuble et ne peut servir à la détermination de la valeur de l'usufruit temporaire ; que, compte tenu de la communauté d'intérêts existant entre la SCI LBA et la société requérante, de ce que celle-ci exploite son activité depuis 1985 dans les mêmes locaux et de l'absence d'élément justificatif d'éventuelles difficultés rencontrées dans le secteur de la restauration, à Loches en particulier, l'administration justifie suffisamment du taux d'actualisation qu'elle a retenu ;

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

17. Considérant que la société ne peut utilement se prévaloir du paragraphe 190 du BOI-IR-BASE 10-10-30-20170406 dès lors qu'il a été publié le 4 août 2015, soit après l'expiration du délai de déclaration de l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'exercice clos en 2009 ;

18. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 10 à 17 du présent arrêt que la SARL Hôtel Restaurant Luccotel n'est pas fondée à soutenir que la méthode retenue par le service pour évaluer la valeur de l'usufruit temporaire est erronée ;

Sur les pénalités :

19. Considérant que pour appliquer la majoration de 40 % pour manquement délibéré, le service s'est fondé sur l'écart très sensible entre la valeur d'immobilisation à l'actif telle qu'elle ressort de l'acte et la valeur vénale de cet actif, d'une part, et sur le fait que la société requérante ne pouvait ignorer que la sous-évaluation du droit incorporel correspondait à une libéralité accordée à son profit, d'autre part ; que l'administration établit ainsi le caractère délibéré du manquement ;

20. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL Hôtel Restaurant Luccotel n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Hôtel Restaurant Luccotel est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Hôtel Restaurant Luccotel et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 1er février 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- M. Delesalle, premier conseiller,

- Mme Malingue, premier conseiller.

Lu en audience publique le 15 février 2018.

Le rapporteur,

H. DelesalleLe président,

F. Bataille

Le greffier,

C. Croiger

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16NT01325


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 16NT01325
Date de la décision : 15/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: M. Hubert DELESALLE
Rapporteur public ?: M. JOUNO
Avocat(s) : CABINET FIDAL (TOURS)

Origine de la décision
Date de l'import : 27/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-02-15;16nt01325 ?
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