Vu la procédure suivante :
Par la décision n° 401682 du 17 juin 2019, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt n° 15NT00553 du 19 mai 2016 de la cour administrative d'appel de Nantes et a renvoyé l'affaire devant la cour administrative d'appel.
Procédure contentieuse antérieure :
M. Lucien H... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 30 novembre 2012 du garde des sceaux, ministre de la justice, nommant M. R... S... notaire associé, membre de la SCP W... H..., Y... M..., Z... Q..., X... A... E..., AA... O..., notaires associés, titulaire d'un office notarial à la résidence de La Baule (Loire-Atlantique) et modification de la dénomination sociale de la SCP.
Par un jugement n° 1300111 du 19 décembre 2014, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande.
Par un arrêt n° 15NT00553 du 19 mai 2016, la cour administrative d'appel de Nantes a annulé le jugement du 19 décembre 2014 et rejeté l'ensemble des conclusions présentées par M. H....
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 13 février 2015, et des mémoires enregistrés les 14 octobre et 18 novembre 2019, M. J... H..., représenté par Me L... C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 19 décembre 2014 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 30 novembre 2012 du garde des sceaux, ministre de la justice ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il y a toujours lieu de statuer sur le présent litige alors même notamment que M. V...-S... a changé d'office en 2017 et qu'il a cédé ses parts ;
- il a intérêt à agir à l'encontre de l'arrêté contesté et sa demande de première instance devant le tribunal administratif est recevable, les fins de non-recevoir opposées ne sont pas fondées ;
- le jugement ne répond pas aux moyens tirés de l'existence de vices de procédure du fait du non-respect des dispositions de l'article 27 du décret n° 67-868 du 2 octobre 1967, en l'absence de notification par M. V...-S... d'un projet de cession de parts soumis au consentement de la SCP et de chacun des associés et de l'irrégularité du dossier soumis au garde des sceaux en l'absence de consentement de la société au projet de cession de parts ; le jugement n'a pas répondu au moyen tiré de la régularité de l'avis émis par la chambre des notaires ;
- l'acte de cession du 13 juillet 2011 établi entre MM. M..., A... E... et O... est un acte définitif qui n'a pas été précédé d'un projet de cession des parts, notifié par M. V...-S... à la société et à chacun des associés, en méconnaissance des dispositions de l'article 27 du décret n° 67-868 du 2 octobre 1967 ;
- l'arrêté du 30 novembre 2012 a été pris sur la base d'un avenant à l'acte de cession des parts du 13 juillet 2011, portant sur la valorisation des parts cédées, établi à la demande du ministre dont la réalité ressort des pièces du dossier ; cette demande de modification est contraire aux dispositions de l'article 27 du décret n° 67-868 du 2 octobre 1967 ; M. V...-S... aurait dû constituer un nouveau dossier de demande de nomination ;
- la chambre départementale des notaires et le procureur général n'ont pas été consultés sur la version définitive de l'acte de cession ; l'arrêté contesté est entaché d'un vice de procédure ;
- le dossier soumis au garde des sceaux est irrégulier car l'acte de cession des parts qui a finalement été entériné n'a pas été soumis à l'agrément de la SCP ;
- le tribunal aurait dû faire usage de ses pouvoirs d'instruction en sollicitant la communication de l'acte de cession de parts modifié par avenant ; il est demandé à la cour de faire usage de ces pouvoirs ;
- l'avis émis par la chambre des notaires est irrégulier en ce qu'il porte seulement sur les conditions économiques, lesquelles ont été substantiellement modifiées ultérieurement par avenant, l'avis rendu sur l'aspect juridique se bornant à émettre des réserves ;
- le consentement de la SCP à l'acte de cession n'a pas été émis conformément aux dispositions de l'article 27 du décret du 2 octobre 1967 dès lors qu'il s'est personnellement opposé à cette cession lors de l'assemblée générale du 11 août 2011, par une note ayant été annexée au procès-verbal de l'assemblée ; les modalités de notification sont équivalentes aux règles de forme prévues par l'article 27 du décret n° 67-868 du 2 octobre 1967 et doivent être regardées comme respectées ;
- il a exprimé son refus à l'agrément de M. V...-S... une seconde fois le 14 octobre 2011, l'acte de cession de parts est devenu caduc ; ce refus exprimé dans le délai de quatre mois prévu à l'article 32 des statuts de la société a été valablement notifié aux associés ; la réduction du délai de quatre à deux mois par le décret n° 87-172 du 13 mars 1987 est sans incidence sur les stipulations du contrat portant statuts de la SCP ;
- l'arrêté du 30 novembre 2012 est entaché d'un vice de procédure dès lors que les avis émis par le procureur général près la cour d'appel et par la chambre départementale des notaires ont été fondés sur un dossier irrégulier ;
- l'arrêté contesté est entaché d'illégalité dès lors que l'opposition à l'acte de cession des parts faisait obstacle à l'édiction de l'arrêté ;
- les modifications apportées par les avenants 1 et 2 à l'acte de cession en ont affecté l'économie générale, et ont été imposées par la chancellerie ; l'intégration d'un nouvel associé a eu des répercussions sur les droits à répartition des bénéfices des autres membres de la société.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 22 juin 2015 et 18 novembre 2019, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. H... ne sont pas fondés.
Par des mémoires en défense enregistrés les 6 juillet 2015, 11 octobre et 21 octobre 2019, M. V...-S..., représenté par Me F..., conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de M. H... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- il n'y a plus lieu à statuer sur la requête dès lors que par arrêté du ministre de la justice du 18 décembre 2017 son retrait de la SCP a été accepté et il a été nommé dans un nouvel office ; cette instance est désormais dépourvue d'intérêt pour les parties ;
- la requête est irrecevable à défaut d'avoir été précédée de la procédure de règlement obligatoire des différends entre notaires prévue par les dispositions du 3° de l'article 4 de l'ordonnance n° 45-2590 du 2 novembre 1945 relative au statut du notariat ;
- le requérant n'a pas intérêt à agir contre l'arrêté contesté qui est fondé sur un acte de cession de parts qui se borne à entériner le pacte de préférence signé le 10 mars 2010 par tous les associés de la société ; la qualité d'associé de la SCP de M. H..., qui n'a pas été privé du droit d'exercer dans l'office notarial et n'était pas directement intéressé par l'acte contesté, ne lui donnait pas d'intérêt à ce titre ;
- dans le cadre de l'appréciation de la légalité de l'arrêté du garde des sceaux, le juge administratif n'a pas compétence pour juger de la validité de l'acte de cession, acte de droit privé ;
- les autres moyens soulevés par M. H... ne sont pas fondés.
Par des mémoires en défense enregistrés les 30 octobre 2015 et 14 octobre 2019, M. M..., M. O... et M. A... E..., représentés par Me Bernot, concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. H... le versement à chacun de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils font valoir que :
- la requête présentée devant le tribunal est irrecevable en l'absence de conclusions tendant à l'annulation de la décision contestée et à défaut d'avoir été précédée de la procédure de règlement obligatoire des différends entre notaires prévue par les dispositions du 3° de l'article 4 de l'ordonnance n° 45-2590 du 2 novembre 1945 relative au statut du notariat ;
- les autres moyens soulevés par M. H... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 15 octobre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 18 novembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 ;
- le décret n° 67-868 du 2 octobre 1967 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Rivas,
- les conclusions de M. Besse, rapporteur public,
- les observations de Me Lucas, représentant M. H..., de Me Vendé, représentant M. V...-S..., et de Me Minart, représentant MM. M..., A... E..., O....
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier que M. R... V...-S... a été recruté en juillet 2003 par la SCP de notaires W... H..., Y... M..., Z... Q..., X... A... E..., AA... O..., titulaire d'un office à la résidence de La Baule (Loire-Atlantique). Il a passé avec succès les épreuves du concours d'offices créés de notaires ouvert au titre de l'année 2009 et avait vocation à être nommé en qualité de notaire dans un office vacant. Compte tenu de la destitution de M. Q..., notaire associé de la SCP, prononcée définitivement par un arrêt du 8 février 2011 de la cour d'appel de Rennes, un pacte de préférence a été conclu entre MM. H..., M..., A... E..., O... et M. V...-S..., garantissant à ce dernier la possibilité de devenir associé de la société civile professionnelle à concurrence de 20 % des parts sociales appartenant aux associés signataires sous réserve de sa nomination en qualité de notaire. Par un acte du 13 juillet 2011, MM. M..., A... E... et O... ont conclu un traité de cession de parts qu'ils détenaient dans la SCP au bénéfice de M. V...-S... sous la condition suspensive de sa nomination en qualité de notaire par un arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice. Cet acte a été modifié par deux avenants, signés les 6 janvier et 2 octobre 2012. Par un arrêté du 30 novembre 2012, le garde des sceaux, ministre de la justice, a nommé M. R... V...-S..., notaire associé, membre de la SCP W... H..., Y... M..., Z... Q..., X... A... E..., AA... O..., notaires associés. Par un jugement du 19 décembre 2014, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. J... H... tendant à l'annulation de cet arrêté. Saisie par M. H... d'un appel contre ce jugement, la cour administrative d'appel de Nantes a, par un arrêt du 19 mai 2016, rejeté celui-ci. Par une décision du 17 juin 2019 le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour.
Sur l'exception de non-lieu à statuer :
2. Un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un acte administratif n'a d'autre objet que d'en faire prononcer l'annulation avec effet rétroactif. Aussi les circonstances selon lesquelles, d'une part, le ministre de la justice, par arrêté du 18 décembre 2017, a accepté le retrait de M. V...-S... de la SCP " Notaire presqu'île associés " et l'a nommé dans un nouvel office, et, d'autre part, M. H... a cédé ses parts dans la SCP en 2017, sont sans incidence sur l'objet du présent litige. Par suite, l'exception de non-lieu à statuer soulevée par M. V...-S... ne peut qu'être écartée.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Il ressort des pièces du dossier que le tribunal ne s'est pas prononcé sur le moyen, qui n'était pas inopérant, tiré de l'irrégularité de l'avis rendu le 2 février 2012 par la chambre départementale des notaires de la Loire-Atlantique qui entacherait la nomination de M. V...-S... d'un vice de procédure. Dès lors, M. H... est fondé à soutenir que, pour ce motif, le jugement attaqué est irrégulier et doit, par suite, être annulé.
4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. H... devant le tribunal administratif de Nantes.
Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, du 30 novembre 2012 :
5. Aux termes de l'article 19 de la loi du 29 novembre 1966 applicable aux sociétés civiles professionnelles : " Les parts sociales peuvent être transmises ou cédées à des tiers avec le consentement des associés représentant au moins les trois quarts des voix. Toutefois, les statuts peuvent imposer l'exigence d'une majorité plus forte ou de l'unanimité des associés. / La transmission ou le projet de cession est notifié à la société et à chacun des associés. Si la société n'a pas fait connaître sa décision dans le délai de deux mois, à compter de la dernière des notifications prévues au présent alinéa, le consentement est implicitement donné. ". Aux termes de l'article 5 du décret du 2 octobre 1967 susvisé applicable au présent litige : " La nomination d'une société civile professionnelle dans un office de notaire et la nomination de chacun des associés sont prononcées par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, pris après les consultations prévues aux articles 7 et 8 et en cas de création, transfert ou suppression d'office, après avis de la commission prévue à l'article 2 du décret n° 71-942 du 26 novembre 1971. ". Aux termes de l'article 40 du même texte : " Le nombre des associés peut être augmenté au cours de l'existence de la société, avec ou sans augmentation du capital social. / Tout nouvel associé doit remplir les conditions requises pour exercer la profession de notaire, et être agréé par le garde des sceaux, ministre de la justice, qui le nomme en qualité de notaire associé. ". L'article 41 du même décret dispose que : " Si le nouvel associé entre dans la société en acquérant des parts sociales dont les associés, l'un ou certains de ceux-ci sont titulaires, il est procédé conformément à l'article 27. / (...) ". Enfin, aux termes de l'article 27 du même texte, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Toute convention par laquelle l'un des associés cède la totalité ou une fraction de ses parts sociales à un tiers est passée sous la condition suspensive de l'agrément du cessionnaire par les autres associés et, s'il y a lieu, de l'approbation du retrait du cédant, prononcée par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice. / Le projet de cession de parts sociales est notifié à la société et à chacun des associés par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. / Si la société a, dans la même forme, notifié son consentement exprès à la cession, ou si elle n'a pas fait connaître sa décision dans le délai de deux mois à compter de la dernière des notifications prévues à l'alinéa 2 ci-dessus, le cessionnaire adresse au garde des sceaux, ministre de la justice, une requête tendant à sa nomination en qualité de notaire associé. / Cette requête est remise au procureur général près la cour d'appel dans le ressort de laquelle la société a son siège. / Elle est accompagnée de l'expédition de l'acte de cession de parts sociales si celui-ci a été établi dans la forme authentique ou de l'un des originaux de cet acte dans le cas contraire, ainsi que de toutes pièces justificatives, notamment de celles qui établissent le consentement exprès ou tacite donné par la société à la cession sans préjudice de celles exigées de tout candidat aux fonctions de notaire. Lorsque le futur associé doit contracter un emprunt, il doit, en outre, produire un plan de financement prévoyant de manière détaillée les conditions dans lesquelles il entend faire face à ses échéances en fonction de l'ensemble de ses revenus et d'un budget prévisionnel. / Le procureur général saisit la chambre départementale par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et l'invite à lui faire parvenir son avis motivé sur la requête. Il informe simultanément le conseil régional du dépôt de la requête. / Le prix de cession et ses modalités de paiement sont fixés par les parties. / Si quarante-cinq jours après sa saisine la chambre départementale n'a pas adressé au procureur général l'avis qui lui a été demandé, celui-ci est réputé favorable. / Après réception de l'avis de la chambre ou après expiration du délai imparti à celle-ci pour faire connaître son avis, le procureur général transmet au garde des sceaux, ministre de la justice, avec son rapport, l'ensemble des pièces et des documents. ".
6. En premier lieu, la circonstance que l'acte de cession de parts sociales de la SCP de notaires établi le 13 juillet 2011 par MM. M..., A... E... et O... au bénéfice de M. V...-S... comportait la signature des intéressés est sans incidence sur le caractère de projet de cet acte dès lors que la nomination du cessionnaire en qualité de notaire, qui est une condition suspensive de l'acte, ne peut intervenir que postérieurement, par l'édiction d'un arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice. Par suite, le moyen tiré de ce que l'acte transmis au garde des sceaux avait un caractère définitif et serait de ce fait de nature à vicier la procédure de nomination de M. V...-S... ne peut qu'être écarté.
7. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que, dans le respect des dispositions précitées, le procureur général près la cour d'appel de Rennes a saisi pour avis la chambre des notaires du projet de cession de parts sociales, matérialisé par l'acte de cession de parts du 13 juillet 2011, complété par l'avenant du 6 janvier 2012, qui lui avait été soumis. Celle-ci a rendu un avis favorable notamment sur la cession de parts, le 2 février 2012, au terme d'un examen portant notamment sur le prix de cession des parts cédées pour chaque cession et pour l'opération globale. Puis le procureur général près la cour d'appel de Rennes a émis un avis favorable sur ce projet de cession par un courrier du 21 mars 2012 en soulignant notamment que, si les coefficients net et brut d'ensemble de l'opération de cession sont conformes aux usages, les coefficients de cession, appréciés cette fois au regard des situations de MM. A... E... et O..., divergent de ces mêmes usages. Les services de la chancellerie ont ensuite informé le procureur général près la cour d'appel de Rennes, par un courrier reçu par ce dernier le 24 septembre 2012, de leur refus de nommer M. V...-S... comme notaire associé membre de la SCP W... H..., Y... M..., Z... Q..., X... A... E..., AA... O... au motif que le prix de cession des parts sociales de M. O... à M. V...-S..., exprimé en ratio au regard de la moyenne nette des résultats, était excessif tant au regard des pratiques départementales observées que de ceux admis par le ministère comme par les instances professionnelles. Ces services exposaient également que, consécutivement, cela contribuait à accroitre artificiellement et dangereusement les prix de cession dans la profession. Il était enfin relevé que M. V...-S... ne justifiait pas des liquidités dont il dispose pour financer l'opération. Par suite, les parties au protocole de cession de parts sociales de la SCP établi le 13 juillet 2011, amendé le 6 janvier 2012, ont, le 2 octobre 2012, conclu un second avenant maintenant le prix de cession précédemment conclu mais modifiant la répartition des sommes entre les cédants. Ainsi, M. O... voit le produit de la vente de ses parts sociales diminuer de 50 % et M. M... augmenter ce produit de près de 30%.
8. D'une part, il ressort des pièces du dossier que les avenants des 6 janvier et 2 octobre 2012 n'ont pas modifié le protocole de cession du 13 juillet 2011 s'agissant de la désignation du nouveau notaire associé à la SCP, du montant acquitté par ce dernier pour acquérir les parts de MM. M..., A... E... et O..., et du nombre et du type de parts sociales cédées. Ainsi, au regard de la SCP et de la situation de M. H..., les modifications apportées par ces avenants à l'accord trouvé le 13 juillet 2011, qui pour l'essentiel ont concerné la valeur individuelle des parts cédées, ne caractérisent pas un bouleversement de l'économie générale de l'acte de cession initial. Par suite, le garde des sceaux ministre de la justice n'était pas tenu de s'assurer de la confirmation du consentement de M. H... et de la société à la nomination de M. V...-S... avant l'intervention de l'arrêté contesté.
9. D'autre part, par un avis du 2 février 2012, la chambre départementale des notaires de la Loire-Atlantique, après avoir examiné la moralité et la valeur professionnelle du cessionnaire, au vu du protocole d'accord du 13 juillet 2011 modifié par l'avenant du 6 janvier 2012, a détaillé les conditions économiques de la cession et vérifié la conformité juridique du traité de cession de parts, en relevant l'existence d'un litige entre M. H... et les associés sur l'agrément de M. V...-S..., puis a donné un avis favorable sur la cession de parts sociales de la SCP en faveur de ce dernier, " sous réserve de l'effectivité de l'agrément ". Cette réserve renvoie aux conditions réglementaires dans lesquelles l'agrément du cessionnaire intervient et n'est pas, contrairement à ce que soutient M. H..., de nature à ôter le caractère favorable à l'avis ainsi rendu. Par ailleurs, il est constant que l'adoption de l'avenant n° 2 au même protocole est intervenu sans consultation de la chambre des notaires. Toutefois, si ainsi qu'exposé au point précédent, l'adoption de cet avenant n'a pas constitué une modification substantielle de l'équilibre initial du pacte conclu entre MM. M..., A... E..., O... et M. V...-S... au regard de la situation du requérant et de la SCP, il est néanmoins intervenu pour des considérations d'intérêt général affectant la profession notariale au regard du prix unitaire envisagé pour la cession des parts sociales cédées par M. O..., considéré comme élevé et de nature à contribuer à un accroissement du prix de cession de futurs offices dans le département. Toutefois, alors même qu'une telle modification devait ainsi être soumise pour avis simple à la chambre des notaires de la Loire-Atlantique et justifiait un nouveau rapport du procureur général près la cour d'appel de Rennes, il demeure que l'absence de ceux-ci est restée sans influence sur la décision ministérielle contestée, alors que le ministre disposait du premier avis de cette chambre et du rapport du procureur général et qu'un nouvel avis, et un nouveau rapport, ne constituaient pas une garantie pour les parties à l'accord du 13 juillet 2011 modifié, pour M. H... ou pour la SCP. Par suite, les conditions dans lesquelles a été recueilli l'avis de la chambre des notaires de la Loire-Atlantique et remis le rapport du procureur général près la cour d'appel de Rennes sont restées sans incidence sur la légalité de la décision ministérielle contestée.
10. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que par une attestation du 27 septembre 2011, versée au dossier de demande de nomination remis par M. V...-S... au procureur général près la cour d'appel de Rennes, les associés co-gérants de la SCP ont déclaré avoir notifié le 20 juillet 2011, par lettre recommandée avec avis de réception, le protocole de cession de parts au profit de M. V...-S... tant à la société civile professionnelle qu'aux associés, dont M. H..., lequel en a accusé réception le 21 juillet 2011. Aucun refus d'agrément du cessionnaire n'ayant été notifié à la société civile professionnelle et aux associés avant l'expiration du délai de deux mois prévu par l'article 27 du décret du 2 octobre 1967, la société civile professionnelle n'a donc pas refusé l'agrément du cessionnaire. Le procureur général près la cour d'appel de Rennes, chargé de vérifier que le demandeur remplit l'ensemble des conditions pour être nommé notaire, a estimé que le consentement tacite ainsi donné par la société civile professionnelle à la cession, formalisé par l'attestation produite, avait été régulièrement recueilli. Par suite, et sans que M. H... ne puisse utilement faire valoir l'existence d'un litige avec ses co-associés sur l'existence d'un consentement tacite de la SCP, les moyens tirés d'un vice de procédure dans l'instruction du dossier de demande de nomination présenté par M. V...-S... ou d'une erreur de fait ne peuvent qu'être écartés.
11. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir soulevées tant devant le tribunal administratif que devant la cour, que M. H... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision contestée.
Sur les frais d'instance :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à l'octroi d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à la partie perdante. Il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions présentées à ce titre par M. H.... En revanche, il convient, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier, sur le fondement des mêmes dispositions, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. V...-S... et les sommes de 700 euros chacun respectivement à MM. M..., A... E... et O....
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1300111 du 19 décembre 2014 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. H... devant le tribunal administratif de Nantes et le surplus de ses conclusions présentées devant la cour sont rejetées.
Article 3 : M. H... versera respectivement à M. V...-S... la somme de 1 500 euros et à MM. M..., A...-E... et O..., la somme de 700 euros chacun, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. J... H..., au garde des sceaux, ministre de la justice, à M. R... V...-S..., à M. N... M..., à M. P... A... E... et à M. T... O....
Délibéré après l'audience du 28 janvier 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. D..., président assesseur,
- Mme U..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 13 février 2020.
Le rapporteur,
C. D...
Le président,
L. Lainé
La greffière,
M. I...
La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT02320