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19/07/2019 | FRANCE | N°19NT00589

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 19 juillet 2019, 19NT00589


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 3 février 2014 par laquelle le maire de Pornichet (Loire-Atlantique) a rejeté sa demande tendant au raccordement de son terrain au réseau électrique de la commune. Par un jugement n° 1402505 du 27 janvier 2015, le tribunal administratif a annulé cette décision et a enjoint au maire d'autoriser le raccordement demandé dans le délai de quinze jours suivant la notification de son jugement.

Par un arrêt n° 15NT01056 d

u 28 décembre 2016, la cour administrative d'appel de Nantes a annulé ce jugement...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 3 février 2014 par laquelle le maire de Pornichet (Loire-Atlantique) a rejeté sa demande tendant au raccordement de son terrain au réseau électrique de la commune. Par un jugement n° 1402505 du 27 janvier 2015, le tribunal administratif a annulé cette décision et a enjoint au maire d'autoriser le raccordement demandé dans le délai de quinze jours suivant la notification de son jugement.

Par un arrêt n° 15NT01056 du 28 décembre 2016, la cour administrative d'appel de Nantes a annulé ce jugement en tant qu'il enjoignait au maire de Pornichet d'autoriser le raccordement définitif de la parcelle de M. B...au réseau d'électricité et a enjoint au maire de réexaminer la demande de M. B... dans un délai d'un mois à compter de la notification de son arrêt.

Par une décision n° 408513 du 30 janvier 2019, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt du 28 décembre 2016 en tant, d'une part, qu'il a annulé le jugement du tribunal administratif de Nantes du 27 janvier 2015 en tant que ce jugement avait enjoint au maire de la commune de Pornichet d'autoriser le raccordement définitif au réseau électrique et, d'autre part, qu'il a, prononçant seulement une injonction de réexamen, rejeté la demande de M. B...tendant à ce qu'il soit enjoint au maire d'autoriser le raccordement mentionné ci-dessus.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 30 mars 2015, le 29 juin 2016 et, après renvoi de l'affaire par le Conseil d'Etat, le 29 mars 2019 et le 2 avril 2019, la commune de Pornichet, représentée par Me A..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 27 janvier 2015 en tant qu'il a enjoint au maire d'autoriser le raccordement définitif de la parcelle de M.B..., dans le délai de quinze jours à compter de sa notification ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B...sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ;

3°) de mettre à la charge de M. B...une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le refus de raccordement définitif au réseau électrique opposé à M. B...ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les autres moyens invoqués par M. B...devant le tribunal et réitérés en appel ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 21 juillet 2015, le 5 juillet 2016 et, après renvoi de l'affaire par le Conseil d'Etat, le 19 février 2019 et le 2 avril 2019, M.B..., représenté par Me E..., conclut, dans le dernier état de ses écritures, au rejet des conclusions de la requête restant en litige et à la mise à la charge de la commune de Pornichet d'une somme de 4 000 euros, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la commune de Pornichet n'est pas recevable à demander l'annulation du jugement attaqué dans son intégralité ;

- c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré qu'en s'opposant au raccordement définitif de son habitation au réseau électrique, le maire a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette opposition méconnaît, en outre, les dispositions de l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme.

L'instruction a été close le 18 avril 2019 par une ordonnance du même jour prise en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Un mémoire, présenté par M.B..., a été enregistré le 18 avril 2019, postérieurement à la notification de l'ordonnance de clôture d'instruction.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions présentées, par chacune des parties, après le renvoi de l'affaire par le Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dès lors que l'arrêt n° 15NT01056 du 28 décembre 2016 est devenu définitif en tant qu'il statue sur ces conclusions.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2005-157 du 23 février 2005 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bougrine,

- les conclusions de M. Derlange, rapporteur public,

- les observations de MeD..., substituant Me A... et représentant la commune de Pornichet et les observations de MeE..., représentant M.B....

Une note en délibéré présentée par M. B...a été enregistrée le 26 juin 2019.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 3 février 2014, réitérée les 20 juin et 14 août de la même année, le maire de Pornichet a refusé de faire droit à la demande de raccordement définitif au réseau d'électricité dont l'avait saisi M. B...pour son habitation, implantée sur la parcelle cadastrée section K n° 625 située sur le territoire de cette commune, et pour laquelle il avait jusqu'alors bénéficié de raccordements provisoires. M. B...a contesté ces refus devant le tribunal administratif de Nantes qui, par un jugement du 27 janvier 2015, en a prononcé l'annulation au motif que le refus de raccordement électrique portait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but poursuivi, tenant au respect des règles d'urbanisme. Faisant droit aux conclusions d'injonction formulées à titre principal par M. B..., le tribunal administratif a enjoint au maire d'autoriser le raccordement définitif de la parcelle dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement. Sur appel de la commune, la cour administrative d'appel de Nantes a, par un arrêt du 28 décembre 2016, jugé que l'atteinte portée au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale n'était pas, contrairement à ce qu'avait jugé le tribunal, disproportionnée au but poursuivi mais, statuant dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, a jugé que les refus étaient entachés d'illégalité comme insuffisamment motivés. Maintenant pour cet autre motif l'annulation prononcée par le tribunal administratif, la cour administrative d'appel a enjoint au maire de Pornichet de procéder au réexamen de la demande de M. B...et annulé l'injonction prononcée par le tribunal administratif. Saisi d'un pourvoi en cassation contre cet arrêt, le Conseil d'Etat l'a, par une décision du 30 janvier 2019, annulé au motif qu'un des mémoires, enregistré après la clôture de l'instruction, n'avait pas été visé, en tant, d'une part, qu'il a annulé le jugement du tribunal administratif en tant que ce jugement avait enjoint d'autoriser le raccordement définitif de la parcelle de M. B...et, d'autre part, qu'il a rejeté cette demande d'injonction et a seulement prononcé une injonction de réexamen. Il a renvoyé à la cour le jugement de l'affaire dans la mesure de la cassation prononcée.

2. Il appartient, en conséquence, à la cour, sans que l'annulation pour excès de pouvoir prononcée pour insuffisance de motivation, laquelle est devenue définitive, puisse être remise en cause, de se prononcer sur le ou les moyens qui, s'ils étaient fondés, justifieraient qu'il soit enjoint à la commune de Pornichet de procéder au raccordement définitif du terrain de M. B... au réseau électrique et d'en tirer les conséquences quant au sort à réserver sur les conclusions à fin d'injonction de M.B....

3. En premier lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au présent litige et dont la teneur est actuellement reprise à l'article L. 111-12 de ce code, que le maire peut s'opposer, dans le cadre de ses pouvoirs de police spéciale, et alors même que l'infraction pénale constituée par la construction sans autorisation serait prescrite, à un raccordement définitif aux réseaux publics des bâtiments, locaux ou installations dont la construction ou la transformation n'a pas été régulièrement autorisée ou agréée selon la législation en vigueur à la date de leur édification ou de leur transformation, ni régularisée depuis lors. Il incombe au juge de l'excès de pouvoir d'apprécier, au regard des éléments apportés par le pétitionnaire, et le cas échéant des éléments que lui soumet l'administration, si la construction dont le raccordement aux réseaux est demandé peut être regardée, compte tenu de la date de son édification et des exigences applicables à cette date en matière d'autorisation de construire, comme ayant été régulièrement édifiée.

4. D'une part, M. B...ne conteste pas que l'habitation légère dont il a sollicité le raccordement au réseau d'électricité a été édifiée sans autorisation d'urbanisme. Il n'allègue, par ailleurs, pas que cette installation était, à la date à laquelle elle a été réalisée, dispensée de toute formalité. D'autre part, la circonstance que l'habitation considérée soit un " mobil-home " ne permet pas, pour autant, de la regarder comme une habitation légère de loisirs, au sens de la législation d'urbanisme, une telle habitation étant destinée à une occupation temporaire ou saisonnière à usage de loisirs et non à l'habitat permanent. Par suite, M. B...ne saurait utilement, pour soutenir que l'installation de son habitation a été régularisée, se prévaloir de la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux ainsi que de l'article L. 443-1 du code de l'urbanisme, relatif aux créations de terrains de camping et de parcs résidentiels de loisirs. Dans ces conditions, le maire de la commune de Pornichet a légalement pu, sur le fondement de l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme, s'opposer au raccordement définitif du bâtiment litigieux au réseau d'électricité.

5. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

6. La décision par laquelle le maire refuse, sur le fondement de l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme, un raccordement d'une construction à usage d'habitation irrégulièrement implantée aux réseaux d'électricité, d'eau, de gaz ou de téléphone a le caractère d'une ingérence d'une autorité publique dans le droit au respect de la vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Si une telle ingérence peut être justifiée par le but légitime que constituent le respect des règles d'urbanisme et de sécurité ainsi que la protection de l'environnement, il appartient, dans chaque cas, à l'administration de s'assurer et au juge de vérifier que l'ingérence qui découle d'un refus de raccordement est, compte tenu de l'ensemble des données de l'espèce, proportionnée au but légitime poursuivi.

7. Si, ainsi que le fait valoir M.B..., l'implantation irrégulière en 1974 du mobil-home qu'il a acquis en 2008 ne lui est pas imputable, il ressort des pièces du dossier que le certificat d'urbanisme annexé à l'acte de vente mentionnait, outre l'absence de raccordement du terrain aux réseaux d'électricité, d'eau et d'assainissement, le classement de ce terrain en zone NLb. En vertu du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Pornichet, n'était pas autorisée dans cette zone à vocation naturelle et destinée aux activités de loisirs de plein air la construction de maisons d'habitation que ce soit à usage temporaire ou permanent. Ainsi, M. B...ne pouvait raisonnablement ignorer que le " mobil-home " implanté sur le terrain dont il a fait l'acquisition, seule installation au sein d'un secteur vierge de tout bâti et en partie constitué d'espaces boisés ainsi que cela ressort de la vue aérienne et de l'extrait de plan de zonage qu'il verse aux débats, avait été édifié de manière irrégulière. Par ailleurs, il ressort des différents courriers adressés entre 2008 et 2014 par le maire de la commune à l'intéressé que ce dernier a été informé à plusieurs reprises de ce que l'implantation de son " mobil-home " en zone NLb faisait obstacle à son raccordement définitif au réseau d'électricité. A cet égard, la seule circonstance qu'il a bénéficié durant près de six années de raccordements provisoires ne permet pas de regarder la commune comme ayant entretenu une incertitude sur la situation juridique de son terrain ni comme l'ayant assuré de la possibilité d'un raccordement définitif ultérieur de son mobil-home. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B...serait dans l'impossibilité de se loger ailleurs. Si celui-ci fait valoir que ses ressources ne lui permettent pas d'acquérir un logement équivalent, dans un secteur identique, à Pornichet, les préférences personnelles de l'intéressé en termes de lieu de résidence et de cadre de vie ne relèvent, pas en l'espèce, de considérations dont l'importance excéderait celles imposant aux administrés de se conformer au respect des règles d'urbanisme. Dans ces conditions, et alors même que le terrain sur lequel est implantée l'habitation litigieuse s'inscrirait dans un secteur au sein duquel certaines constructions sont autorisées, le maire de Pornichet n'a pas, en s'opposant au raccordement définitif au réseau d'électricité de l'habitation de M.B..., porté au droit de ce dernier au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but poursuivi tenant au respect de la vocation de la zone NLb ainsi qu'au motif d'intérêt général poursuivi par l'interdiction de raccordement aux réseaux, consistant à assurer le respect des règles d'utilisation des sols en faisant obstacle à ce que le raccordement de propriétés aux réseaux aboutisse à conforter des situations irrégulières. La circonstance que M. B...se soit acquitté de la taxe d'habitation et de la taxe foncière ne revêt aucune incidence sur cette appréciation.

8. Il résulte de tout ce qui précède qu'aucun des moyens soulevés par M. B...de nature à justifier qu'il soit enjoint au maire de Pornichet d'autoriser le raccordement définitif qu'il a sollicité n'est fondé. Par suite, la commune de Pornichet est fondée à soutenir que, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a enjoint au maire de Pornichet d'autoriser ce raccordement. Il y a lieu, en revanche, eu égard au motif de l'annulation de la décision du 3 février 2014, prononcée par la cour dans son arrêt du 28 décembre 2016 devenu définitif sur ce point, fondé sur l'insuffisante motivation de cette décision, d'enjoindre au maire de Pornichet de réexaminer la demande de M. B...dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

9. L'arrêt du 28 décembre 2016 mentionné au point précédent a définitivement statué sur les conclusions présentées par la commune de Pornichet et par M. B...sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions tendant au bénéfice de ces dispositions maintenues par les parties, après renvoi de l'affaire par le Conseil d'Etat, ne sauraient, dès lors, être accueillies.

D E C I D E :

Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Nantes du 27 janvier 2015 est annulé.

Article 2 : Il est enjoint au maire de Pornichet de réexaminer la demande de M. B...dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Pornichet et à M. C...B....

Délibéré après l'audience du 25 juin 2019, à laquelle siégeaient :

M. Pérez, président de chambre,

Mme Brisson, président assesseur,

Mme Bougrine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 juillet 2019.

Le rapporteur,

K. BOUGRINE

Le président,

A. PEREZLe greffier,

A. BRISSET

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT00589


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT00589
Date de la décision : 19/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Karima BOUGRINE
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : SELARL AVOXA NANTES

Origine de la décision
Date de l'import : 30/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-07-19;19nt00589 ?
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