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27/04/2018 | FRANCE | N°17NT01772

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 27 avril 2018, 17NT01772


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 27 novembre 2009 par lequel le préfet du Finistère a autorisé le président de la fondation Pierre E...à conclure avec la commune de Plouescat un bail emphytéotique d'une durée de trente ans pour la location de bâtiments situés dans cette commune.

Par un jugement n°1000776 du 8 mars 2013, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 13NT01289 du 30 juin 2015, la cour administrativ

e d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par M. C...contre ce jugement.

Par une décisi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 27 novembre 2009 par lequel le préfet du Finistère a autorisé le président de la fondation Pierre E...à conclure avec la commune de Plouescat un bail emphytéotique d'une durée de trente ans pour la location de bâtiments situés dans cette commune.

Par un jugement n°1000776 du 8 mars 2013, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 13NT01289 du 30 juin 2015, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par M. C...contre ce jugement.

Par une décision n° 393448 du 29 mai 2017, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt du 30 juin 2015 et a renvoyé l'affaire devant la cour administrative d'appel de Nantes.

Procédure devant la cour :

Avant cassation

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 3 mai 2013 et 26 novembre 2014, M. B... C..., représenté par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 8 mars 2013 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Finistère du 27 novembre 2009 ;

3°) d'annuler la décision du 22 février 2010 par laquelle le préfet du Finistère a rejeté son recours gracieux contre cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, ou à défaut de la fondation PierreE..., la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, il a intérêt pour agir contre l'arrêté préfectoral du 27 novembre 2009 ;

- la conclusion du bail emphytéotique nécessitait une autorisation administrative ;

- le bail consenti sans prix ou redevance constitue une libéralité ;

- le bail a été conclu en méconnaissance de la donation consentie le 19 avril 1950 par M. E...à la fondation ;

-le bail ne garantit pas un usage des biens conforme aux statuts de la fondation.

Par un mémoire en défense et des pièces complémentaires, enregistrés le 21 août 2013 et le 16 décembre 2014, la fondation Pierre E...conclut au rejet de la requête et demande que soient mises à la charge de M. C...une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la procédure abusive, ainsi qu'une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable car M. C...n'a pas intérêt pour agir et car l'arrêté attaqué constitue un acte superfétatoire ;

- les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 novembre 2013, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable car M. C...n'a pas intérêt pour agir et que l'arrêté attaqué constitue un acte superfétatoire ;

- les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Après cassation

Par un mémoire, enregistré le 7 décembre 2017, la fondation Pierre E...conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens et demande désormais que soient mises à la charge de M. C...une somme de 6 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la procédure abusive, ainsi qu'une somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable ;

- les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 20 décembre 2017, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens.

Par un mémoire, enregistré le 5 janvier 2018, M. B...C...conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens et demande désormais que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance du 8 janvier 2018, prise en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 janvier 2018 à 12h00.

Un mémoire, présenté par la fondation PierreE..., a été enregistré le 29 janvier 2018 et n'a pas été communiqué.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Rimeu,

- et les conclusions de Bréchot, rapporteur public.

1. Considérant que la fondation PierreE..., qui est propriétaire à Plouescat de bâtiments, les a mis gratuitement à disposition de l'association de gestion du lycée professionnel rural privé " PierreE... ", lequel y a dispensé un enseignement jusqu'à la fermeture de cet établissement en juin 2009 ; que le conseil d'administration de cette fondation a alors approuvé le principe d'une mise à disposition gracieuse de ces locaux à la commune de Plouescat à l'effet d'y accueillir des associations à caractère éducatif ou de loisir, à charge pour la commune de s'acquitter de l'entretien, de la mise aux normes, des assurances et des diverses taxes ; qu'un projet de bail emphytéotique a été établi pour une durée de trente ans et soumis à l'autorisation du préfet du Finistère ; que cette autorisation a été délivrée par un arrêté du 27 novembre 2009 ; que par un jugement du 8 mars 2013, le tribunal administratif de Rennes a rejeté comme irrecevable la demande de M. C...tendant à l'annulation de cet arrêté ; que par un arrêt du 30 juin 2015, la présente cour a rejeté l'appel formé par M. C...et confirmé ce jugement ; que par une décision du 29 mai 2017, le Conseil d'Etat a cassé cet arrêt pour erreur de droit et a renvoyé l'affaire à la présente cour ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 954 du code civil : " Dans le cas de la révocation pour cause d'inexécution des conditions, les biens rentreront dans les mains du donateur, libres de toutes charges et hypothèques du chef du donataire et le donateur aura, contre les tiers détenteurs des immeubles donnés, tous les droits qu'il aurait contre le donataire lui-même " ; qu'aux termes de l'article 1046 du même code : " Les mêmes causes qui, suivant l'article 954 et les deux premières dispositions de l'article 955, autoriseront la demande en révocation de la donation entre vifs, seront admises pour la demande en révocation des dispositions testamentaires " ; qu'en application de ces dispositions, les héritiers, directs ou indirects, de l'auteur d'un legs ou d'une donation ont intérêt à en demander la révocation au juge judiciaire pour inexécution des charges dont il ou elle est grevé ; que de même, ces héritiers ont intérêt à demander l'annulation d'un acte administratif approuvant un contrat de bail emphytéotique permettant la constitution de droits réels immobiliers sur des biens donnés ou légués par le testateur à une fondation reconnue d'utilité publique, lorsque le legs ou la donation en cause est grevé de charges et encore susceptible, au moment de l'introduction de la demande, de faire l'objet d'une action en révocation pour inexécution, notamment au regard des règles de prescription applicables à une telle action ;

3. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que M.C..., fils de Mme F...A..., aujourd'hui décédée, cousine au 5ème degré de M. E...et révélée comme sa seule héritière à la suite d'une recherche d'héritier entreprise après le décès du légateur, est un héritier indirect de M. E... ; que le bail emphytéotique autorisé par l'arrêté litigieux porte notamment sur des immeubles, cadastrés section AM lot n°5, légués par M. E... à la fondation PierreE..., en vertu d'un testament olographe du 13 novembre 1960, ainsi que sur des immeubles cadastrés section AM lot n° 1, transmis pour partie par donation de M. E... de son vivant le 19 avril 1950 ; que si le testament olographe du 13 novembre 1960 n'est grevé d'aucune charge, la donation du 19 avril 1950 était faite aux charges et conditions que soit créée une fondation ayant pour but " de donner à la paysanne bretonne une formation morale et professionnelle qui lui permette de remplir dans le milieu rural où elle est appelée à vivre, ses devoirs de ménagère, de mère de famille, de conseillère et d'aide du chef de l'exploitation " et que cette fondation soit reconnue d'utilité publique ;

4. Considérant, d'autre part, que le point de départ du délai de prescription d'une action en révocation pour inexécution de ces charges et conditions doit être fixé à la date à laquelle M. C... a eu connaissance des faits lui permettant d'exercer une telle action, soit au plus tôt à la date de l'arrêté contesté du préfet du Finistère ; qu'il suit de là qu'à la date d'introduction de sa demande devant le tribunal administratif de Rennes, le 23 février 2010, cette action n'était pas prescrite ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 8 mars 2013, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de M. C...comme irrecevable ; que, par suite, ce jugement doit être annulé ;

6. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif de Rennes ;

Sur la légalité de l'arrêté du 27 novembre 2009 :

7. Considérant, en premier lieu, que contrairement à ce que soutient M.C..., il ressort des pièces du dossier que le conseil d'administration de la fondation Pierre E...a donné son accord à la conclusion du bail emphytéotique autorisé par l'arrêté attaqué du 27 novembre 2009 ;

8. Considérant, en deuxième lieu, qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'exigeait que l'autorisation de la conclusion du bail par le préfet du Finistère soit précédée d'un avis des ministres chargés de la culture, de l'agriculture et de l'éducation ;

9. Considérant, en troisième lieu, que le bail emphytéotique conclu entre la fondation et la commune de Plouescat prévoit que cette dernière prend en charge tous les travaux d'entretien et de mise aux normes des bâtiments de la fondation ; qu'il ne constitue donc pas une libéralité ; qu'ainsi, le requérant ne peut utilement soutenir que l'arrêté attaqué méconnaîtrait les règles du code civil relatives aux conditions dans lesquelles les prestations grevant une libéralité peuvent être modifiées ;

10. Considérant, en quatrième lieu, que s'agissant d'une fondation reconnue d'utilité publique existante, le moyen tiré de ce que le bail emphytéotique méconnaîtrait la volonté du testateur ne peut être utilement invoqué à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'arrêté autorisant la conclusion de ce bail emphytéotique ;

11. Considérant, enfin, que la fondation Pierre E...a pour objet de " donner aux jeunes du secteur de Plouescat une formation culturelle, morale et professionnelle qui leur permette de remplir, dans le milieu où ils sont appelés à vivre, leur rôle d'acteur responsable " ; que si les bâtiments donnés à bail hébergeaient auparavant un lycée professionnel privé géré par la fondation, il ressort des pièces du dossier que ce lycée a fermé en 2009 et que ces bâtiments, qui sont inutilisés depuis 2009 et que la fondation n'a pas les moyens d'entretenir, seront mis par la commune à la disposition d'associations pour des activités éducatives, culturelles et de loisirs à destination des jeunes de la commune ; que le bail précise d'ailleurs que l'utilisation des lieux se fera dans l'esprit de la fondation PierreE... ; que, dans ces conditions, M. C...n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué autoriserait la conclusion d'un bail manifestement contraire à l'objet de la fondation ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet du Finistère du 27 novembre 2009 ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 22 février 2010 :

13. Considérant que M. C...demande, pour la première fois en appel, l'annulation de la décision du 22 février 2010 par laquelle le préfet du Finistère a rejeté le recours gracieux qu'il avait formé ; que de telles conclusions, nouvelles en appel, sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions d'appel incident de l'association PierreE... :

14. Considérant qu'en raison de la nature particulière du recours pour excès de pouvoir, des conclusions d'appel incident tendant à ce que le requérant soit condamné à payer, à une personne mise en cause, des dommages et intérêts pour procédure abusive ne peuvent être utilement présentées dans une instance à fin d'annulation pour excès de pouvoir ; que, par suite, les conclusions présentées à cette fin par la fondation Pierre E...doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, à titre principal, et de la fondation PierreE..., à titre subsidiaire, qui n'ont pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme demandée par M. C... sur le fondement de ces dispositions ;

16. Considérant, en revanche, que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. C...le versement à la fondation Pierre E...d'une somme de 1 500 euros au titre des mêmes frais ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 8 mars 2013 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif de Rennes est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de M. C...tendant à l'annulation de la décision du 22 février 2010 sont rejetées.

Article 4 : Les conclusions d'appel incident de la fondation Pierre E...tendant au paiement par M. C...de dommages et intérêts sont rejetées.

Article 5 : M. C...versera à la fondation Pierre E...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C..., à la fondation Pierre E...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Une copie sera transmise au préfet du Finistère.

Délibéré après l'audience du 10 avril 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Tiger-Winterhalter, présidente,

- Mme Rimeu, premier conseiller,

- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 avril 2018.

Le rapporteur,

S. RIMEULa présidente,

N. TIGER-WINTERHALTER

La greffière,

V. DESBOUILLONS

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT01772


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT01772
Date de la décision : 27/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme TIGER-WINTERHALTER
Rapporteur ?: Mme Sophie RIMEU
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : SCP BELWEST

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-04-27;17nt01772 ?
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