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30/06/2015 | FRANCE | N°13NT01289

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 30 juin 2015, 13NT01289


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...E...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 27 novembre 2009 par lequel le préfet du Finistère a autorisé le président de la fondation PierreH..., propriétaire des bâtiments sis 2 rue St Pol à Plouescat, à conclure avec la commune de Plouescat un bail emphytéotique d'une durée de trente ans pour la location de ces bâtiments.

Par un jugement n° 1000776 du 8 mars 2013, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :



Par une requête et des mémoires, enregistrés les 3 mai 2013 et 26 novembre 2014, M. D...E...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...E...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 27 novembre 2009 par lequel le préfet du Finistère a autorisé le président de la fondation PierreH..., propriétaire des bâtiments sis 2 rue St Pol à Plouescat, à conclure avec la commune de Plouescat un bail emphytéotique d'une durée de trente ans pour la location de ces bâtiments.

Par un jugement n° 1000776 du 8 mars 2013, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 3 mai 2013 et 26 novembre 2014, M. D...E..., représenté par Me Le Porzou, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 8 mars 2013 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 27 novembre 2009 par lequel le préfet du Finistère a autorisé le président de la fondation PierreH..., propriétaire des bâtiments sis 2 rue St Pol à Plouescat, à conclure avec la commune de Plouescat un bail emphytéotique pour une durée de trente ans sur ces biens ;

3°) d'annuler la décision du 22 février 2010 par laquelle le préfet du Finistère a rejeté son recours gracieux contre cet arrêté ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, ou à défaut, à la charge de la fondation PierreH..., une somme de 2 000 euros par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes lui a dénié tout intérêt lui donnant qualité pour agir contre l'arrêté préfectoral du 27 novembre 2009 ; par lettre du 4 janvier 2010 l'association diocésaine de Quimper a déclaré soutenir son recours ; sa mère, MmeA..., depuis décédée et dont il est ayant-droit, était la seule héritière de M. C...H...et en a reçu un legs particulier le 25 août 1960 ; le consentement de sa mère à l'exécution testamentaire le 26 avril 1967 a porté sur des biens distincts de ceux concernés par le bail litigieux ; il n'est pas établi que l'ensemble des biens objet du bail emphytéotique litigieux appartenaient bien à la fondation PierreH... ;

- la conclusion du bail emphytéotique nécessitait une autorisation administrative car un tel bail confère au preneur un droit réel immobilier sur les biens qui en sont l'objet qui peut se comporter en propriétaire pendant la durée du bail consentie et peut notamment l'hypothéquer ; l'approbation administrative était dès lors nécessaire au regard des dispositions de l'article 8 du décret du 11 mai 2007 et de celles de l'article 9 des statuts de la fondation PierreH... ; cette autorisation était d'autant plus nécessaire que les conditions du bail emphytéotique, de prix ou de redevance, ne sont mêmes pas exigées du preneur et que le bail consenti dans ces conditions s'apparente à une libéralité ;

- le bail ainsi conclu l'a été en méconnaissance des dispositions de la donation consentie le 19 avril 1950 par M. C...H... à la Fondation " le Foyer de la paysanne bretonne " compte tenu de son objet social à l'époque, et en méconnaissance de l'affectation irrévocable des biens de la fondation et de l'intangibilité de sa dotation ;

- la mention dans le bail selon laquelle " le preneur pourra changer la destination des lieux loués tout en conservant l'esprit de PierreH... et de la fondation qu'il avait créée " ne saurait suffire à garantir un usage conforme des biens aux statuts de la fondation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 août 2013, la fondation PierreH..., représentée par Me Bouchet-Bossard, avocat, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de M. E...une somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de la procédure abusive ainsi qu'une somme de 4 000 euros par application des dispositions de l'article L. 761-1du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le requérant ne justifie d'aucun droit à l'égard des biens objet du bail emphytéotique et sur lesquels la propriété de la fondation Pierre H...est établie ; qu'à supposer de tels droits établis, ils seraient éteints par l'effet de la prescription trentenaire ; le soutien, au demeurant démenti par l'association diocésaine de Quimper, reste sans effet sur son absence d'intérêt personnel à former la présente requête ;

- compte tenu des dispositions de l'article L. 451-1 du code rural, le bail emphytéotique, s'il confère au preneur un droit réel susceptible d'hypothèque, ne constitue pas une aliénation, sa conclusion n'avait pas à faire l'objet d'une autorisation administrative ; l'autorisation contestée a dès lors le caractère d'une décision superfétatoire et n'est pas susceptible de faire grief au requérant ;

- les autres moyens, examinés à titre subsidiaire, ne sont pas fondés : le bail est conclu sous condition du respect de l'esprit de la volonté du fondateur Pierre H...et de la fondation qu'il avait créée ; la commune de Plouescat justifie de l'utilisation effective des locaux à des fins d'activités éducatives et associatives.

Par un mémoire, enregistré le 22 novembre 2013, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le requérant n'a aucun intérêt personnel à agir contre l'autorisation préfectorale contestée : le legs particulier fait à sa mère, porte sur des biens distincts de ceux objet du bail emphytéotique en cause, et à l'égard desquels la propriété de la fondation Pierre H...est établie, et sa mère avait en outre consenti à l'exécution des dispositions testamentaires de M. C...H...relatives à ses autres biens ;

- les statuts de la fondation Pierre H...ne soumettaient pas la conclusion d'un bail emphytéotique à autorisation administrative ;

- subsidiairement : les moyens de fond soulevés par le requérant ne sont pas fondés :

- - le moyen tiré du défaut de consultation des ministres en charge de l'éducation, de la culture et de l'agriculture n'est pas assorti de précisions suffisantes et le décret n°2007-807 n'institue pas une telle procédure consultative ;

- - le bail emphytéotique conclu ne s'apparente pas à une libéralité au sens de l'article 853 du code civil ; s'agissant du respect de la volonté des fondateurs : seul le juge judiciaire peut en connaître en tant que tel, l'Etat ne contrôle les actes patrimoniaux des fondations reconnues d'utilité publique que si les statuts le prévoient ;

- en tout état de cause le bail a été conclu sous condition de respect de l'esprit de la volonté du fondateur Pierre H...et de la fondation qu'il avait créée ;

- enfin à supposer que le requérant ait entendu invoquer le principe d'irrévocabilité de l'affectation de la dotation à son objet, issu des dispositions de l'article 18 de la loi du 23 juillet 1987, ce principe ne fait pas obstacle à une aliénation partielle des biens de l'actif, a fortiori ne fait il pas obstacle à la conclusion d'un bail emphtéotique.

Par ordonnance du 27 octobre 2014, la clôture d'instruction a été fixée au 28 novembre 2014, puis par une ordonnance du 27 novembre 2014 cette clôture a été reportée au 18 décembre 2014.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code rural :

- la loi n°87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mecénat ;

- le décret n°2007-807 du 11 mai 2007 relatif aux associations, fondations, congrégations et établissements publics du culte et portant application de l'article 910 du code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Loirat, président-assesseur,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

- et les observations de MeF..., représentant la fondation Pierre Tremintin.

.

1. Considérant que la fondation Pierre H...est propriétaire à Plouescat de bâtiments gracieusement mis à disposition de l'association de gestion du Lycée professionnel rural privé " Pierre H..." qui y dispensait un enseignement jusqu'à la fermeture de cet établissement en juin 2009 ; que le conseil d'administration de cette fondation a approuvé le principe d'une mise à disposition gracieuse de ces locaux, désormais inoccupés, à la commune de Plouescat à l'effet d'y accueillir des associations à caractère éducatif ou de loisirs, à charge pour la commune de s'acquitter de l'entretien, de la mise aux normes, des assurances et taxes diverses ; qu'un projet de bail emphytéotique a été établi pour une durée de trente années et soumis à l'autorisation du préfet ; que cette autorisation a été délivrée par arrêté du préfet du Finistère du 27 novembre 2009 ; que, par la présente requête, M. E...relève appel du jugement du 8 mars 2013 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement :

2. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 1003 du code civil, le légataire universel a vocation à recevoir l'universalité héréditaire, et, en particulier, à devenir titulaire, même en présence d'héritiers réservataires, du droit moral de l'auteur ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. C...H..., décédé le 22 octobre 1966, a, par un testament du 8 mai 1958, institué comme ses légataires successifs, son épouse, puis l'association diocésaine de Quimper, puis enfin l'évêque de Quimper ; que, par un second testament du 13 novembre 1960, il a institué comme légataire particulier " le foyer de la paysanne bretonne ", qui deviendra ultérieurement la fondation Pierrre H...; que n'ayant pas eu de descendant, M. H...n'a pas eu d'héritier réservataire ; que si, suite au décès de M.H..., une recherche d'héritier a révélé comme seule héritière Mme I...A..., sa cousine au 5ème degré, mère du requérant et aujourd'hui décédée, il ressort des pièces du dossier que cette dernière a, d'une part, reçu un legs particulier portant pour l'essentiel sur des biens immobiliers situés sur l'île de Batz, et d'autre part, consenti le 26 avril 1967 à l'exécution des dispositions testamentaires en faveur de l'association diocésaine de Quimper ; que dans ces conditions, et dès lors que M. E...ne justifie d'aucun droit sur les immeubles donnés à bail par la fondation PierreH..., l'intéressé ne saurait utilement se prévaloir d'un "intérêt familial " ni de sa qualité de contributeur au denier du culte pour soutenir qu'il aurait un intérêt lui donnant qualité pour agir contre l'arrêté contesté du préfet du Finistère ;

3. Considérant que si M. E...se prévaut par ailleurs du soutien apporté à son recours par l'association diocésaine de Quimper, exprimé dans une lettre du 4 janvier 2010, ce soutien, sur lequel l'association diocésaine est expressément revenue ultérieurement, n'est pas davantage susceptible de conférer au requérant un intérêt propre qui aurait été lésé par la décision du représentant de l'Etat autorisant la fondation Pierre H...à consentir un bail emphytéotique au profit de la commune de Plouescat portant sur les bâtiments auparavant mis à la disposition de l'ancien Lycée professionnel rural privé " Pierre H..." ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. E...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;

5. Considérant que les conclusions de M. E...tendant à l'annulation de la décision du 22 février 2010 par laquelle le préfet du Finistère a rejeté son recours gracieux présentent le caractère d'une demande nouvelle en appel et sont par suite irrecevables ; qu'il y a lieu de les rejeter ;

Sur les conclusions reconventionnelles de la fondation PierreH... :

6. Considérant qu'en raison de la nature particulière du recours pour excès de pouvoir, des conclusions reconventionnelles tendant à ce que le requérant soit condamné à payer, à une personne mise en cause, des dommages et intérêts pour procédure abusive ne peuvent être utilement présentées dans une instance à fin d'annulation pour excès de pouvoir ; que, par suite, les conclusions présentées à cette fin par la fondation Pierre H...doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, à titre principal, et de la fondation PierreH..., à titre subsidiaire, qui n'ont pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme demandée par M. E... sur le fondement de ces dispositions ; qu'en revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. E...le versement à la fondation Pierre H...d'une somme de 1 500 euros au titre des mêmes frais ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E...est rejetée.

Article 2 : M. E...versera à la Fondation Pierre H...une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la fondation Pierre H...est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...E..., à la fondation Pierre H...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 9 juin 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Loirat, président-assesseur,

- M.G..., faisant fonction de premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 juin 2015.

Le rapporteur,

C. LOIRATLe président,

L. LAINÉ

Le greffier,

M. B...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13NT01289


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT01289
Date de la décision : 30/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Cécile LOIRAT
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : CABINET LE PORZOU DAVID ERGAN

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-06-30;13nt01289 ?
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