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10/07/2017 | FRANCE | N°16NT04187

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 10 juillet 2017, 16NT04187


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision implicite du directeur du centre hospitalier de Vire refusant de lui verser l'indemnité sectorielle de liaison pour les périodes de janvier à septembre 2007 et de juin 2009 à février 2011 et de condamner cet établissement à lui verser la somme de 18 000 euros en paiement de cette indemnité et en réparation du préjudice résultant de cette absence de versement.

Par un jugement n° 1201943 du 22 juillet 2013, le tribunal admi

nistratif de Caen a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 13NT02759 du 17 février 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision implicite du directeur du centre hospitalier de Vire refusant de lui verser l'indemnité sectorielle de liaison pour les périodes de janvier à septembre 2007 et de juin 2009 à février 2011 et de condamner cet établissement à lui verser la somme de 18 000 euros en paiement de cette indemnité et en réparation du préjudice résultant de cette absence de versement.

Par un jugement n° 1201943 du 22 juillet 2013, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 13NT02759 du 17 février 2015, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté la requête de M. E...tendant à l'annulation de ce jugement du tribunal administratif de Caen.

Par une décision n°389564 du 23 décembre 2016 le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi formé par M.E..., a annulé l'arrêt du 17 février 2015 de la cour administrative d'appel de Nantes et a renvoyé l'affaire devant cette juridiction.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 18 septembre 2013, 8 janvier 2015, 6 mars 2017 et 23 mai 2017 M.E..., représenté par MeF..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201943 du 22 juillet 2013 du tribunal administratif de Caen ;

2°) d'annuler la décision implicite du directeur du centre hospitalier de Vire refusant de lui verser l'indemnité sectorielle de liaison pour les périodes de janvier à septembre 2007 et de juin 2009 à février 2011 ;

3°) de condamner le centre hospitalier de Vire à lui verser la somme de 18 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2011 ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Vire une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de 35 euros au titre de l'article R. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges se sont fondés sur les dispositions de l'article R. 6152-23 du code de la santé publique dans sa rédaction issue du décret du 29 septembre 2010 pour rejeter sa demande en raison de l'absence de production du tableau de service dès lors que, s'agissant d'indemnités afférentes à l'année 2007, les dispositions alors applicables ne faisaient référence qu'au service fait sans mentionner un tableau de service ;

- l'absence de tableau de service justifiant de son activité intersectorielle, qui est imputable au directeur de l'établissement, ne lui est pas opposable ; il a suffisamment justifié du nombre d'heures effectuées ouvrant droit au versement de l'indemnité et de la réalité de son activité dans les structures de Condé-sur-Noireau et Aunay-sur-Odon ;

- il a bénéficié de l'indemnité sectorielle à compter du mois d'avril 2011 alors qu'aucune modification n'est intervenue dans son activité ; le centre hospitalier ne conteste pas la réalité de ses obligations de service sur ses quatre sites, qui est démontrée par les pièces produites ;

- le centre hospitalier de Vire, en s'abstenant d'établir les tableaux de service, a commis une faute de nature à lui ouvrir droit à l'indemnité demandée ;

- la perte de rémunération s'élève à 13 000 euros et le préjudice moral dû au titre de la résistance abusive du centre hospitalier ainsi que l'impact sur le montant de sa pension de retraite peuvent être évalués à 5 000 euros.

Par des mémoires enregistrés les 22 décembre 2014, 10 avril 2017 et 8 juin 2017 le centre hospitalier de Vire, représenté par MeD..., demande à la cour de rejeter la requête de M. E..., subsidiairement de ramener à 11 924,80 euros la somme devant lui être versée au titre de l'indemnité litigieuse, enfin de mettre à sa charge la somme de 750 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la demande indemnitaire présentée par M. E...au titre de son préjudice moral est irrecevable car elle n'a pas fait l'objet d'une demande préalable ;

- les moyens présentés par M. E...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le décret n° 2010-1142 du 29 septembre 2010 relatif à l'assiette des cotisations de certains membres du corps médical des établissements publics de santé au régime de retraites complémentaire des assurances sociales institué par le décret n° 70-1277 du 23 décembre 1970 modifié ;

- l'arrêté du 28 mars 2007 relatif à l'indemnité d'activité sectorielle et de liaison prévue au 4 des articles D. 6152-23-1 et D. 6152-220-1 du code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Le Bris,

- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., substituant MeD..., représentant le centre hospitalier de Vire.

1. Considérant que M. E...a été nommé le 4 mai 1987 praticien hospitalier au sein du centre hospitalier de Vire en qualité de psychiatre ; que, par un courrier du 21 décembre 2011, il a demandé à son employeur de lui verser l'indemnité d'activité sectorielle et de liaison pour les périodes du 1er janvier au 30 septembre 2007 et du 1er juin 2009 au 28 février 2011 ; que, par un jugement du 22 juillet 2013, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de sa réclamation et à la condamnation du centre hospitalier de Vire à lui verser la somme de 18 000 euros ; que, par un arrêt n°13NT02759 du 17 février 2015, la cour administrative de Nantes a confirmé ce jugement ; que, suite au pourvoi en cassation formé par M.E..., le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a, par une décision n° 389564 du 23 décembre 2016, annulé cet arrêt et renvoyé devant la cour l'affaire, qui porte désormais le n°16NT04187 ;

2. Considérant que l'article 1er de l'arrêté du 28 mars 2007 relatif à l'indemnité d'activité sectorielle et de liaison (IASL) prévue au 4° des articles D. 6152-23-1 et D. 6152-220-1 du code de la santé publique prévoit que cette indemnité est versée " aux psychiatres des hôpitaux qui effectuent, dans le cadre de leur activité sectorielle et de liaison et en dehors de leur activité principale, au moins trois demi-journées par semaine dans deux activités de la liste figurant en annexe ou au moins quatre demi-journées dans une activité de la même liste. Cette activité sectorielle et de liaison peut s'exercer dans des structures dépendant ou non de l'entité juridique d'affectation. " ; que l'article 3 du même arrêté précise que cette indemnité est versée mensuellement par le directeur de l'établissement public de santé d'affectation, " au vu du tableau de service mensuel mentionnant les périodes de congés ou d'absences diverses et constatant la réalisation des obligations de service du praticien " ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, pour les deux périodes en litige courant du 1er janvier au 30 septembre 2007 et du 1er juin 2009 au 28 février 2011, le centre hospitalier de Vire reconnaît ne pas être en mesure de produire les tableaux de services mensuels attestant de la réalisation des obligations de service du DrE..., les quatre tableaux produits par lui devant le tribunal administratif étant partiels et n'ayant qu'un caractère prévisionnel ; qu'en l'absence de ces pièces, le requérant a la faculté d'établir par tout moyen de preuve approprié qu'il a effectivement accompli pendant les périodes concernées les services ouvrant droit à l'indemnité d'activité sectorielle et de liaison ;

4. Considérant, d'une part, qu'il n'est pas contesté que, durant la période allant du 1er janvier au 30 septembre 2007 et du 1er juin 2009 au 28 février 2011, le DrE..., qui exerçait en tant que pédopsychiatre au centre hospitalier de Vire, intervenait également au sein des centres médico-psychologiques enfants et adolescents (CMPEA) d'Aunay-sur-Odon et de Condé-sur-Noireau ; que, contrairement à ce que soutient le centre hospitalier, son activité sectorielle dans ces deux structures était distincte de son activité intra-hospitalière principale au sens des dispositions précitées de l'article 1er de l'arrêté du 28 mars 2007, l'activité de psychiatre dans un centre médico-psychologique figurant précisément dans la liste, annexée à cet arrêté, des activités susceptibles d'ouvrir droit à l'indemnité litigieuse ;

5. Considérant, d'autre part, que M. E...produit devant le juge des documents comportant le détail journalier, issu du " programme de médicalisation des systèmes d'information ", des consultations effectuées par lui entre 2007 et 2011 dans les CMPEA d'Aunay-sur-Odon et de Condé-sur-Noireau, ainsi que les témoignages de son collègue pédopsychiatre et d'une assistante médico-administrative attestant de ce qu'il était le seul praticien à intervenir sur ces deux sites ; qu'il en ressort que le requérant se rendait dans ces structures 2 ou 3 fois par semaine et assurait à chaque déplacement un nombre de consultation allant de 1 à 12 ; que si le centre hospitalier de Vire soutient qu'en l'absence d'un niveau de détail suffisant, ces documents ne permettent pas d'établir de façon certaine que le Dr E... aurait exercé son activité au moins quatre demi-journées par semaine dans ces deux CMPEA pendant l'ensemble des périodes en litige, il ne produit, alors que par ailleurs il a admis être dans l'impossibilité de présenter les tableaux de service attestant du service fait dont l'élaboration lui incombait, aucun élément concret de nature à remettre en cause les informations qui y sont contenues ; que, dans ces conditions, il y a lieu d'estimer que les éléments fournis par le requérant sont suffisants pour démontrer qu'il était en droit de bénéficier de l'indemnité d'activité sectorielle et de liaison du 1er janvier au 30 septembre 2007 et du 1er juin 2009 au 28 février 2011 ; que, par suite, M. E...est fondé à demander l'annulation de la décision implicite par laquelle son employeur lui a refusé le bénéfice de cette indemnité au titre de ces deux périodes ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le requérant peut prétendre au versement de l'indemnité d'activité sectorielle et de liaison du 1er janvier au 30 septembre 2007 et du 1er juin 2009 au 28 février 2011, soit 30 mois au total ; que, compte tenu du montant de cette indemnité tel qu'il a été fixé successivement par les arrêtés des 18 décembre 2003, 8 février 2007, 20 mars 2008, 26 octobre 2009 et 12 juillet 2010 relatifs aux émoluments, rémunérations et indemnités des personnels médicaux, il y a lieu de condamner le centre hospitalier de Vire à lui verser la somme totale de 12 340,66 euros ;

7. Considérant que M. E...demande en outre, dans le dernier état de ses écritures, le versement d'une somme globale de 5 000 euros au titre de son préjudice moral lié à la résistance abusive de son employeur et au titre de l'impact négatif du défaut de versement de l'indemnité sur le montant de sa futur pension de retraite ;

8. Considérant, d'une part, que la personne qui a demandé en première instance la réparation des conséquences dommageables d'un fait qu'elle impute à une administration est recevable à détailler ces conséquences devant le juge d'appel, en invoquant le cas échéant des chefs de préjudice dont elle n'avait pas fait état devant les premiers juges, dès lors que ces chefs de préjudice se rattachent au même fait générateur et que ses prétentions demeurent... ; que la demande présentée par M. E...au titre de son préjudice moral se rattache au même fait générateur que sa demande principale, à savoir le refus de son employeur de lui verser l'indemnité d'activité sectorielle et de liaison, et demeure dans la limite du montant total de l'indemnité chiffrée dans sa réclamation préalable et en première instance ; que, par suite, la fin de non recevoir opposée par le centre hospitalier de Vire, tirée de ce que M. E...n'avait pas invoqué de préjudice moral dans son courrier du 21 décembre 2011, doit être écartée ;

9. Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction qu'en application de l'article 1er du décret du 29 septembre 2010 relatif à l'assiette des cotisations de certains membres du corps médical des établissements publics de santé au régime de retraites complémentaire des assurances sociales, l'indemnité d'activité sectorielle et de liaison est soumise à prélèvement au titre de ce régime complémentaire de retraite depuis le 1er octobre 2010 et a donc vocation, à compter de cette date, à permettre à son bénéficiaire d'acquérir des points qui majoreront le montant de sa future pension ; que, compte tenu du montant de l'indemnité qui aurait dû être versée à M. E...entre le 1er octobre 2010 et le 28 février 2011, des modalités de calcul de la retraite complémentaire, et de l'espérance de vie prévisible de l'intéressé à la retraite, il sera fait une juste appréciation de la perte de revenu qu'il subira à ce titre en lui accordant une somme de 100 euros ; qu'en réparation du préjudice moral résultant pour lui du refus persistant de son employeur de satisfaire à sa demande légitime, il y a lieu de lui accorder en outre une somme de 2 000 euros ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. E...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande, et à obtenir le versement par son employeur de la somme de 14 440,66 euros ;

Sur les intérêts :

11 Considérant que M. E...a droit aux intérêts de la somme de 14 440,66 euros à compter du 23 décembre 2011, date de réception de sa demande préalable par le centre hospitalier de Vire ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des l'article L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. E..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme sollicitée par le centre hospitalier de Vire au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le requérant et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a, en revanche, pas lieu de mettre à la charge de cet établissement la somme de 35 euros acquittée en première instance par M. E...au titre de la contribution à l'aide juridique ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1201943 du tribunal administratif de Caen du 22 juillet 2013 et la décision implicite de rejet née du silence gardé par le centre hospitalier de Vire sur la réclamation de M. E...sont annulés.

Article 2 : Le centre hospitalier de Vire est condamné à verser à M. E...la somme de 14 440,66 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2011.

Article 3 : Le centre hospitalier de Vire versera la somme de 1 500 euros à M. E...en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. E...et les conclusions présentées par le centre hospitalier de Vire au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...E...et au centre hospitalier de Vire.

Délibéré après l'audience du 22 juin 2017, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- M. Lemoine, premier conseiller,

- Mme Le Bris, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 juillet 2017.

Le rapporteur,

I. Le BrisLe président,

I. Perrot

Le greffier,

M. Le Réour

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°16NT04187


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT04187
Date de la décision : 10/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-08-03 Fonctionnaires et agents publics. Rémunération. Indemnités et avantages divers.


Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: Mme Isabelle LE BRIS
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : CABINET CARATINI LE MASLE MOUCHENOTTE REVEL

Origine de la décision
Date de l'import : 20/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-07-10;16nt04187 ?
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