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21/11/2003 | FRANCE | N°00NT01833

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4eme chambre, 21 novembre 2003, 00NT01833


Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour le 8 novembre 2000, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;

Le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 96-487, 96-488, 96-491, 97-604, 97-677 et 97-678 du 6 juillet 2000 du Tribunal administratif de Nantes en tant, d'une part, qu'il a accordé à la société Soufflet Atlantique la réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1993, 1994, 1995 et 1996 en raison de son établissement de Pouill

é dans les rôles de cette commune et des cotisations de taxe professionnelle a...

Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour le 8 novembre 2000, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;

Le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 96-487, 96-488, 96-491, 97-604, 97-677 et 97-678 du 6 juillet 2000 du Tribunal administratif de Nantes en tant, d'une part, qu'il a accordé à la société Soufflet Atlantique la réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1993, 1994, 1995 et 1996 en raison de son établissement de Pouillé dans les rôles de cette commune et des cotisations de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1994, 1995 et 1996 dans les rôles de la même commune et, d'autre part, qu'il a condamné l'Etat qui n'était pas la partie perdante à payer une somme à la société au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

2°) de remettre intégralement à concurrence de 1 663 F les impositions contestées à la charge de la société Soufflet Atlantique ;

...............................................................................................................

C CNIJ n° 19-03-03-01

n° 19-03-04

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 octobre 2003 :

- le rapport de Mme STEFANSKI, premier conseiller,

- et les conclusions de M. MORNET, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la société Soufflet Atlantique a demandé au Tribunal administratif de Nantes de lui accorder la réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties au titre des années 1993, 1994, 1995 et 1996 et de taxe professionnelle au titre des années 1994, 1995 et 1996, auxquelles elle a été assujettie dans les rôles de la commune de Pouillé (Vendée) pour ses installations de stockage de céréales ; que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie interjette appel du jugement du 6 juillet 2000, d'une part, en tant qu'il a déchargé partiellement la société des impositions litigieuses au motif que la valeur locative de ses installations devait être établie par comparaison avec le local type n° 28 de la commune de Nalliers (Vendée) et, d'autre part, en tant qu'il a condamné l'Etat à verser à la société une somme de 7 500 F (1 143,37 euros) en remboursement de ses frais irrépétibles ; que, par la voie de l'appel incident, la société Soufflet Atlantique demande que les cotisations litigieuses soient réduites à concurrence d'une base d'imposition calculée en tenant compte d'une surface de 1 263 m² pour les aires de circulation ou à titre subsidiaire, dans le dernier état de ses écritures, en tenant compte d'un taux d'intérêt de 4 % et d'un coefficient d'abattement de 50 % en cas d'évaluation directe ;

Considérant qu'aux termes l'article 1494 du code général des impôts, applicable en matière de taxe foncière sur les propriétés bâties comme en matière de taxe professionnelle en vertu du 1° de l'article 1469 du même code : La valeur locative des biens passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties... est déterminée, conformément aux règles définies par les articles 1495 à 1508, pour chaque propriété ou fraction de propriété normalement destinée à une utilisation distincte ; qu'aux termes de l'article 1498 de ce code : La valeur locative de tous les biens autres que les locaux d'habitation ou à usage professionnel visés au I de l'article 1496 et que les établissements industriels visés à l'article 1499 est déterminée au moyen de l'une des méthodes indiquées ci-après : 1° Pour les biens donnés en location à des conditions de prix normales, la valeur locative est celle qui ressort de cette location ; 2° a) Pour les biens loués à des conditions de prix anormales ou occupés par leur propriétaire, occupés par un tiers à un autre titre que la location, vacants ou concédés à titre gratuit, la valeur locative est déterminée par comparaison. Les termes de comparaison sont choisis dans la commune. Ils peuvent être choisis hors de la commune pour procéder à l'évaluation des immeubles d'un caractère particulier ou exceptionnel. b) La valeur locative des termes de comparaison est arrêtée : - soit en partant du bail en cours à la date de référence de la révision lorsque l'immeuble type était loué normalement à cette date ; - soit, dans le cas contraire, par comparaison avec des immeubles similaires situés dans la commune ou dans une localité présentant du point de vue économique, une situation analogue à celle de la commune en cause et qui faisaient l'objet à cette date de locations consenties à des conditions de prix normales ; 3° A défaut de ces bases, la valeur locative est déterminée par voie d'appréciation directe ; qu'il résulte de l'article 324 Z de l'annexe III du code général des impôts que l'évaluation par comparaison consiste à attribuer à un immeuble une valeur locative proportionnelle à celle de biens de même nature pris comme types et classés dans une catégorie en fonction de l'affectation, de la situation, de la nature de la construction, de son importance, de son état d'entretien et de son aménagement ;

Considérant qu'il ressort du procès-verbal des opérations d'évaluations foncières de Nalliers du 22 septembre 1972, que le local type n° 28 n'était pas loué à la date du 1er janvier 1970 ; que le ministre soutient, sans être utilement contredit par la société Soufflet Atlantique, qui se borne à faire valoir que l'inscription de ce bâtiment comme local type implique nécessairement qu'il ait été évalué selon le 2° de l'article 1498, qu'il a fait l'objet d'une appréciation directe et non par référence à un bien loué au 1er janvier 1970 ; qu'il ressort des pièces du dossier et notamment du même procès-verbal ainsi que d'une photographie, que ce local est un entrepôt à engrais et à grains d'une surface de 535 m² ; que, d'ailleurs la société Soufflet Atlantique indique, elle-même, qu'il est composé de magasins à engrais et de cellules rondes métalliques ; que, dès lors, ses caractéristiques sont, eu égard à la nature des opérations pour lesquelles il a été conçu et à ses équipements, éloignées de celles des installations de la société Soufflet Atlantique, qui se composent d'un silo de stockage de céréales et de ses agencements, dont notamment un séchoir, d'une surface au sol de 400 m² ; qu'ainsi, et à supposer même que la commune de Nalliers présente du point de vue économique une situation analogue à celle de la commune de Pouillé, il ressort des pièces du dossier que le local type n° 28 ne remplissait pas les conditions posées par les dispositions précitées du code général des impôts pour servir de base à une évaluation par comparaison des installations de la société Soufflet Atlantique à Pouillé ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le Tribunal administratif de Nantes s'est fondé, pour fixer la valeur locative des installations de la société Soufflet Atlantique, sur une comparaison avec le local type n° 28 de Nalliers ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Soufflet Atlantique devant le Tribunal administratif de Nantes ;

Considérant qu'aux termes de l'article 324 A de l'annexe III au code général des impôts : Pour l'application de l'article 1494 du code général des impôts, on entend : 1° Par propriété normalement destinée à une utilisation distincte : a) En ce qui concerne les biens autres que des établissements industriels, l'ensemble des sols, terrains et bâtiments qui font partie du même groupement topographique et sont normalement destinés à être utilisés par un même occupant en raison de leur agencement... ; 2° Par fraction de propriété normalement destinée à une utilisation distincte, lorsqu'ils sont situés dans un immeuble collectif ou un ensemble immobilier : a) Le local normalement destiné, à raison de son agencement, à être utilisé par un même occupant... ;

Considérant que les installations de la société Soufflet Atlantique, qui se composent, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, d'un silo de stockage de céréales et de ses agencements d'une surface au sol de 400 m², sont implantées sur un seul terrain de 3 671 ares et sont reliées entre elles par des voies intérieures ; qu'ainsi, elles font partie d'un même groupement topographique et sont destinés à être utilisés par le même occupant en raison de leur agencement ; que la société n'est, dès lors, pas fondée à soutenir qu'elles constituent des fractions de propriété devant faire l'objet d'une évaluation distincte en application des dispositions précitées des articles 1494 et 324 A de l'annexe III au code général des impôts ;

Sur la méthode par comparaison :

Considérant que la société soutient que ses équipements, dont il n'est pas contesté qu'ils présentent un caractère particulier ou exceptionnel, doivent être évalués par comparaison avec différents locaux situés hors de la commune ; que, si la valeur locative de silos peut être appréciée par référence avec d'autres installations de stockage, c'est à la condition, en application des dispositions précitées de l'article 1498 du code général des impôts et des articles 324 Z et 324 A de l'annexe III, que leurs caractéristiques soient suffisamment proches des installations à évaluer, notamment en ce qui concerne la capacité de stockage et les équipements ;

Considérant, en premier lieu, que la circonstance, invoquée par la société Soufflet Atlantique, que des bâtiments aient été inscrits comme locaux types au procès-verbal des opérations de la révision quinquennale des propriétés bâties dans certaines communes, n'établit pas par elle-même qu'ils remplissent les conditions posées par le 2° de l'article 1498 pour servir de terme de référence ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'en se bornant à faire valoir que certains des locaux dont elle se prévaut, appartiennent à des groupements exerçant les mêmes activités qu'elle, la société Soufflet Atlantique n'apporte pas d'éléments de nature à démontrer qu'ils remplissent les conditions posées par les textes pour être retenus comme termes de référence ; que, la société n'apporte pas davantage de précisions suffisantes en citant certains locaux sans en indiquer l'utilisation ou en mentionnant des silos ou cellules de stockage sans en indiquer l'ensemble des caractéristiques, telles que surface, capacité et aménagements ; qu'il ressort des pièces du dossier que d'autres établissements, tels que ceux de Saint-Denis-la-Chevasse (Vendée), Saint-Georges-de-Rex (Deux-Sèvres), Puiseaux (Loiret) et le local-type n° 26 de Boynes (Loiret) présentent des dimensions et capacités de stockage supérieures à l'établissement de Pouillé et ne peuvent donc lui être comparés ; que si les installations de Saint-Michel-en-l'Herme (Vendée) sont composées d'un hangar de stockage de 526 m² et d'une capacité de 1 260 tonnes, il résulte de l'instruction qu'elles ne disposent pas des mêmes aménagements et notamment pas de possibilité de séchage alors que les locaux de Pouillé comportent un séchoir et sont, par suite, trop différentes des installations de la société Soufflet Atlantique ; qu'ainsi, et alors que l'administration fait valoir sans être contredite que de nombreux locaux proposés par la société n'étaient pas loués au 1er janvier 1970 ou n'ont pas vu leur valeur locative établie par rapport à un local loué dans des conditions normales à cette même date, aucun des locaux mentionnés par la société ne peut être légalement retenu pour évaluer par comparaison le silo en litige ;

Considérant, en troisième lieu, que si la société entend se prévaloir des dispositions du premier alinéa de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales en soutenant qu'une note du 6 juin 1996 de la direction générale des impôts admet que des hangars et des entrepôts peuvent servir de termes de comparaison à des silos, ce moyen ne peut être accueilli dès lors que ces dispositions ne s'appliquent qu'en cas de redressements ;

Considérant, en quatrième lieu, que ni les dispositions du code général des impôts, ni l'instruction 6 G-1163 du 15 décembre 1989 n'imposent à l'administration, contrairement à ce que soutient la société, de créer un local-type pour les immeubles à caractère particulier ou exceptionnel lorsqu'il n'en existe pas ;

Considérant, en cinquième lieu, que la société Soufflet Atlantique ne peut utilement se prévaloir de la circonstance que des juridictions administratives ont choisi certains locaux comme termes de comparaison pour évaluer des installations de stockage ;

Considérant, en sixième lieu, que la société ne peut utilement faire valoir que l'administration a appliqué la méthode d'évaluation à d'autres contribuables, pour soutenir que ses biens devaient nécessairement être appréciés de la même façon ;

Considérant, enfin, que la société ne peut utilement prétendre que les impositions en litige sont contraires à l'égalité devant les charges publiques alors qu'elles ont été régulièrement établies en application des dispositions législatives du code général des impôts ;

Considérant que, dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a, en l'absence d'éléments pertinents de comparaison, évalué par voie d'appréciation directe la valeur locative des installations de stockage ;

Sur la méthode d'évaluation par appréciation directe :

Considérant que, selon l'article 324 AB de l'annexe III au code général des impôts, il est procédé à l'évaluation directe de l'immeuble en appliquant un taux d'intérêt à sa valeur vénale, telle qu'elle serait constatée à la date de référence si l'immeuble était libre de toute location ou occupation, le taux d'intérêt étant fixé en fonction du taux des placements immobiliers constatés dans la région à la date de référence pour des immeubles similaires ; qu'aux termes de l'article 324 AC de la même annexe : En l'absence d'acte et de toute autre donnée récente faisant apparaître une estimation de l'immeuble à évaluer susceptible d'être retenue, sa valeur vénale à la date de référence est appréciée d'après la valeur vénale d'autres immeubles d'une nature comparable ayant fait l'objet de transactions récentes, situés dans la commune même ou dans une localité présentant du point de vue économique une situation analogue à celle de la commune en cause. La valeur vénale d'un immeuble peut également être obtenue en ajoutant à la valeur vénale du terrain, estimée par comparaison avec celle qui ressort de transactions récentes relatives à des terrains à bâtir situés dans une zone comparable, la valeur de reconstruction au 1er janvier 1970 dudit immeuble, réduite pour tenir compte, d'une part, de la dépréciation immédiate et, d'autre part, du degré de vétusté de l'immeuble et de son état d'entretien, ainsi que de la nature, de l'importance, de l'affectation et de la situation de ce bien ;

Considérant que pour faire valoir, dans le dernier état de ses écritures, que l'administration aurait dû appliquer un taux d'intérêt de 4 % et un abattement de 50 % pour dépréciation immédiate, la société se fonde sur les résultats d'une expertise ordonnée devant la Cour administrative d'appel de Bordeaux pour l'évaluation d'une de ses autres installations et sur des arrêts de la Cour administrative d'appel de Nantes concernant d'autres litiges ; qu'un tel moyen n'est pas de nature à démontrer que le taux d'intérêt de 6 % et l'abattement de 20 % retenus par l'administration en l'espèce, ne répondent pas aux faits et aux critères posés par les textes précités ; qu'ainsi, la société n'est pas fondée à soutenir que l'administration a illégalement appliqué la méthode de l'appréciation directe ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nantes a déchargé partiellement la société Soufflet Atlantique des impositions litigieuses et a en conséquence condamné l'Etat à lui verser une somme de 7 500 F (1 143,37 euros) en remboursement de ses frais irrépétibles et que la société n'est pas fondée à demander, par la voie de l'appel incident la réduction de ces impositions ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la société Soufflet Atlantique la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 2 à 4 du jugement du Tribunal administratif de Nantes du 6 juillet 2000 sont annulés.

Article 2 : La demande présentée devant la société Soufflet Atlantique devant le Tribunal administratif de Nantes est rejetée, ensemble ses conclusions présentées par la voie du recours incident.

Article 3 : La société Soufflet Atlantique est rétablie dans les rôles de la commune de Pouillé, pour la taxe foncière sur les propriétés bâties au titre des années 1993, 1994, 1995 et 1996 et pour la taxe professionnelle au titre des années 1994, 1995 et 1996, à raison de l'intégralité des cotisations qui lui ont été assignées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à la société anonyme Soufflet Atlantique.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4eme chambre
Numéro d'arrêt : 00NT01833
Date de la décision : 21/11/2003
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. LEPLAT
Rapporteur ?: Mme Colette STEFANSKI
Rapporteur public ?: M. MORNET
Avocat(s) : SCHOLTES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2003-11-21;00nt01833 ?
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