Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. Baron A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur le revenu et de contribution sur les hauts revenus qui lui ont été assignés au titre de l'année 2012 à raison de l'imposition d'une plus-value de cession de valeurs mobilières.
Par un jugement n° 1700187 du 8 janvier 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a prononcé la décharge de la pénalité pour manquement délibéré ayant assorti les impositions litigieuses, a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédure devant la cour avant cassation :
Par une requête enregistrée le 14 mai 2019, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :
1°) d'annuler les articles 1er et 2 du jugement du 8 janvier 2019 ;
2°) à titre principal, de rétablir à la charge de M. Baron A... les pénalités dont le tribunal administratif a prononcé la décharge à hauteur de la somme de 252 274 euros ;
3°) subsidiairement, de substituer à la pénalité pour manquement délibéré celle de 10 % prévue par l'article 1758 A du code général des impôts en cas d'inexactitude ou omission dans une déclaration déposée pour l'établissement de l'impôt et de réformer le jugement en ce sens.
Il soutient que :
- en pratiquant l'abattement de 100 % prévu par l'article 150-0 D bis du code général des impôts sur les plus-values de cessions d'actions de petites et moyennes entreprises alors qu'il n'en remplissait pas les conditions selon l'interprétation dépourvue d'ambiguïté du texte retenue par l'administration relativement à la notion de participation indirecte et qu'il en avait été avisé à deux reprises par le service, sans qu'il n'ait contesté ces prises de position, M. Baron A... a délibérément cherché à éluder l'impôt dû sur la cession des droits sociaux qu'il détenait dans le capital de la société Gem Elektromontagen Graber Gmbh ; en conséquence c'est à tort que le jugement attaqué a prononcé la décharge de la pénalité pour manquement délibéré qui avait été appliquée aux impositions supplémentaires assignées à l'intéressé ;
- subsidiairement, dans le cas où la cour ne rétablirait pas la pénalité pour manquement délibéré, il conviendrait d'y substituer celle de 10 % prévue par l'article 1758 A du code général des impôts, les conditions d'une telle substitution étant en l'espèce réunies.
M. Baron A... n'a pas présenté de mémoire en défense.
Par un arrêt n° 19NC01428 du 15 octobre 2020, la cour administrative d'appel de Nancy a, sur l'appel du ministre de l'action et des comptes publics, substitué à la pénalité pour manquement délibéré de l'article 1729 du code général des impôts la pénalité de 10 % prévue par l'article 1758 A du même code et a rejeté le surplus des conclusions du ministre.
Par une décision n° 447812 du 25 mai 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt en tant que la cour a mis à la charge de M. Baron A... la pénalité de 10 % prévue par l'article 1758 A du code général des impôts et a, dans la mesure de la cassation ainsi prononcée, renvoyé l'affaire devant la cour où elle a été enregistrée sous le n° 22NC01408.
Procédure devant la cour après cassation :
Par un mémoire complémentaire, enregistré le 11 juillet 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la cour :
1°) d'annuler les articles 1er et 2 du jugement du 8 janvier 2019 ;
2°) de substituer à la pénalité pour manquement délibéré celle de 10 % prévue par l'article 1758 A du code général des impôts en cas d'inexactitude ou omission dans une déclaration déposée pour l'établissement de l'impôt et de réformer le jugement en ce sens.
Il soutient que :
- il n'est pas contesté que la motivation de l'élément intentionnel de la majoration de 40 % pour manquement délibéré initialement mise en œuvre reposait sur le non-respect par M. Baron A... de l'interprétation de l'article 150-0 D ter du code général des impôts portée à sa connaissance par l'administration, laquelle estimait que la condition de détention indirecte prévue par le b. de cet article impliquait que les titres soient détenus via une société civile ; cependant, l'élément matériel, seul requis pour l'application de la majoration de 10 % prévue par l'article 1758 A du code général des impôts, est constitué par la rectification elle-même, qui résultait de la non-éligibilité de la plus-value réalisée à l'abattement litigieux ; ce rehaussement demeure fondé, dès lors que, comme détaillé dès la proposition de rectification du 8 juin 2015, il reposait sur le non-respect de la seconde condition, posée par le c du 2° du I de 150-0 D ter du code général des impôts, liée à un départ effectif en retraite du cédant dans les vingt-quatre mois précédant ou suivant la cession ;
- il demande à la cour de dire, par voie de substitution de base légale, que les impositions supplémentaires en résultant seront assorties de la majoration de 10 % prévue à l'article 1758 A du code général des impôts, en lieu et place de celle de 40 % pour manquement délibéré mise en œuvre ; l'entrée en jouissance effective des droits à la retraite du requérant n'étant pas intervenue à l'expiration du délai de vingt-quatre mois suivant la cession, le 6 mars 2012, des titres de la société GEM Elektromontagen Graber Gmbh, c'est à bon droit que le service vérificateur a considéré que la plus-value réalisée ne pouvait pas bénéficier de l'abattement prévu par les dispositions de l'article 150-0 D ter du code général des impôts.
M. Baron A... n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.
Ont été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Wallerich, président,
- et les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. Baron A... a cédé, le 6 mars 2012, l'intégralité des droits sociaux qu'il détenait dans le capital de la société de droit allemand GEM Elektromontagen Graber GmbH, dont il était le dirigeant. Il a réalisé, en conséquence de cette cession, une plus-value d'un montant de 2 627 857 euros qu'il a placée sous le régime de l'abattement de 100 % prévu à l'article 150-0 D ter du code général des impôts. A la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration, suivant la procédure contradictoire de rectification, a remis en cause le bénéfice de cet abattement au double motif que M. Baron A... ne remplissait pas la condition d'avoir détenu, directement ou par personne interposée, pendant cinq ans, au moins 25 % des droits dans la société dont les titres avaient été cédés et qu'il n'avait pas fait valoir ses droits à la retraite dans les vingt-quatre mois précédant ou suivant la cession. M. Baron A... a été assujetti en conséquence à une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2012, assortie de la majoration pour manquement délibéré et des intérêts de retard, s'élevant à la somme totale de 943 506 euros. Sa réclamation préalable ayant été rejetée le 15 novembre 2016, l'intéressé a saisi du litige le tribunal administratif de Strasbourg. Par le jugement ci-dessus visé du 8 janvier 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a prononcé la décharge de la pénalité pour manquement délibéré, a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la demande. Par un arrêt n° 19NC01428 du 15 octobre 2020, la cour administrative d'appel de Nancy a, sur l'appel du ministre de l'action et des comptes publics, substitué à la pénalité pour manquement délibéré de l'article 1729 du code général des impôts la pénalité de 10 % prévue par l'article 1758 A du même code et a rejeté le surplus des conclusions du ministre. Par une décision n° 447812 du 25 mai 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt en tant que la cour a mis à la charge M. Baron A... la pénalité de 10 % prévue par l'article 1758 A du code général des impôts et a, dans la mesure de la cassation ainsi prononcée, renvoyé l'affaire devant la cour où elle a été enregistrée sous le n° 22NC01408. Dans le dernier état de ses écritures, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande de substituer à la pénalité pour manquement délibéré celle de 10 % prévue par l'article 1758 A du code général des impôts en cas d'inexactitude ou omission dans une déclaration déposée pour l'établissement de l'impôt et de réformer le jugement en ce sens.
Sur la pénalité pour manquement délibéré :
2. Au regard du pourvoi partiel en cassation, des motifs de l'arrêt du Conseil d'Etat et du renvoi partiel de l'affaire, la cour n'est plus saisie des conclusions relatives à la pénalité pour manquement délibéré. Par suite, les conclusions de la requête tendant à l'annulation des articles 1er et 2 du jugement attaqué ne peuvent qu'être rejetées.
Sur l'application de la pénalité de l'article 1758 A du code général des impôts par voie de substitution de base légale :
3. Le ministre de l'économie des finances et de la relance demande à titre subsidiaire au juge de l'impôt de procéder à la substitution de la majoration de 10 % prévue par l'article 1758 A du code général des impôts à la majoration de 40 % de l'article 1729 du même code.
4. Aux termes de l'article 1758 A du code général des impôts dans sa rédaction applicable au présent litige : "I. - Le retard ou le défaut de souscription des déclarations qui doivent être déposées en vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu ainsi que les inexactitudes ou les omissions relevées dans ces déclarations, qui ont pour effet de minorer l'impôt dû par le contribuable ou de majorer une créance à son profit, donnent lieu au versement d'une majoration égale à 10 % des droits supplémentaires ou de la créance indue ".
5. Si l'administration est en droit, à tout moment de la procédure contentieuse, de justifier d'une pénalité en en modifiant le fondement juridique, c'est à la double condition que la substitution de base légale ainsi opérée ne prive le contribuable d'aucune des garanties de procédure prévues par la loi et que l'administration invoque, au soutien de la demande de substitution de base légale, des faits qu'elle avait retenus pour motiver la pénalité initialement appliquée.
6. Il résulte de l'instruction que l'administration a motivé la pénalité pour manquement délibéré sur la circonstance que M. Baron A... ne satisfaisait pas à la condition relative à la durée de détention des titres cédés. Le ministre fait valoir dans le dernier état de ses écritures que l'élément matériel, seul requis pour l'application de la majoration de 10 % prévue par l'article 1758 A du code général des impôts, est constitué par la rectification elle-même, qui résultait de la non-éligibilité de la plus-value réalisée à l'abattement litigieux dès lors que, comme détaillé dès la proposition de rectification du 8 juin 2015, il reposait également sur le non-respect de la seconde condition, posée par le c du 2° du I de l'article 150-0 D ter du code général des impôts, liée à un départ effectif en retraite du cédant dans les vingt-quatre mois précédant ou suivant la cession. Toutefois, il résulte de l'instruction et notamment de la proposition de rectification du 8 juin 2015 que le service n'a nullement fait référence, s'agissant du prononcé de la pénalité, au fait que le cédant ne remplissait pas la condition relative au départ effectif à la retraite, mais seulement à la condition liée à la détention substantielle dans le capital de la société alors qu'au demeurant, à la date de la souscription de la déclaration en litige par M. Baron A... le 29 août 2013, ce dernier pouvait encore faire valoir ses droits à la retraite jusqu'en mars 2014. Dans ces conditions, la demande de substitution de pénalités présentée par le ministre ne peut être accueillie.
7. Il résulte de ce qui précède que le ministre n'est pas fondé à demander la réformation partielle du jugement du tribunal administratif de Strasbourg.
D E C I D E :
Article 1er : Les conclusions de la requête du ministre sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... Baron A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 28 mai 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Wallerich, président de chambre,
- Mme Guidi, présidente-assesseure,
- M. Michel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 juin 2025.
Le président-rapporteur,
Signé : M. WallerichLa présidente-assesseure,
Signé : L. Guidi
La greffière,
Signé : I. Legrand
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
I. Legrand
N° 22NC01408 2