La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/07/2024 | FRANCE | N°23NC02190

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 2ème chambre, 11 juillet 2024, 23NC02190


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler d'une part, l'arrêté du 19 juillet 2021par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a refusé le séjour, l'a obligé à quitter le territoire national dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office, d'autre part, l'arrêté du 7 septembre 2021 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle l'a assigné à résidence.



Par un jugement n

° 2102600 du 17 septembre 2021, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nanc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler d'une part, l'arrêté du 19 juillet 2021par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a refusé le séjour, l'a obligé à quitter le territoire national dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office, d'autre part, l'arrêté du 7 septembre 2021 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 2102600 du 17 septembre 2021, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy a statué sur les conclusions à fin d'annulation des décisions obligeant M. B... à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, fixant le pays de destination et l'assignant à résidence, sur les conclusions à fin d'injonction, sur les conclusions tendant au bénéfice provisoire de l'aide juridictionnelle et sur celles présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, tout en réservant les conclusions dirigées contre le refus de séjour à une formation collégiale.

Par un arrêt n° 21NC02695 du 24 mars 2022, cette cour a annulé ce jugement et rejeté les demandes de M. B... tendant à l'annulation des décisions obligeant M. B... à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, fixant le pays de destination et l'assignant à résidence.

Par un jugement n° 2102600 du 5 mai 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté les conclusions de la demande tendant à l'annulation du refus de séjour.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 juillet 2023, M. B..., représenté par Me Jeannot, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler le refus de séjour attaqué ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour mention " salarié " ou " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt et dans cette attente de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le refus de séjour est insuffisamment motivé, est entaché d'erreur de fait et d'erreur de droit au regard de l'article 47 du code civil ; méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles L. 435-3, L. 435-1, L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; repose sur une appréciation manifestement erronée de sa situation.

Par un mémoire enregistré le 24 août 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience publique.

Le rapport de M. Agnel a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., se présentant comme un ressortissant ivoirien né le 1er décembre 2001, serait entré en France au cours de l'année 2018, selon ses déclarations. Il a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance par une décision du juge des enfants du 19 octobre 2018. Le 4 juillet 2019, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour et a complété sa demande par des pièces envoyées à la préfecture le 4 octobre et le 26 décembre 2019. Par un arrêté du 19 juillet 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, en fixant son pays de destination. Par un arrêté du 7 septembre 2021, le préfet l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. Par un jugement n° 2102600 du 17 septembre 2021, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy a statué sur les conclusions à fin d'annulation des décisions obligeant M. B... à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, fixant le pays de destination et l'assignant à résidence, sur les conclusions à fin d'injonction, sur les conclusions tendant au bénéfice provisoire de l'aide juridictionnelle et sur celles présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, tout en réservant les conclusions dirigées contre le refus de séjour à une formation collégiale. Par un arrêt n° 21NC02695 du 24 mars 2022, cette cour a annulé ce jugement et rejeté les demandes de M. B... tendant à l'annulation des décisions obligeant M. B... à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, fixant le pays de destination et l'assignant à résidence. M. B... relève appel du jugement n°2102300 du 5 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision lui refusant le séjour.

2. L'arrêté du 19 juillet 2021 comporte de manière suffisante et non stéréotypée l'indication des éléments de droit et de fait sur lesquels l'autorité administrative s'est fondée afin de refuser le séjour à M. B.... Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation sera écarté.

3. Aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ". Aux termes de l'article R. 431-10 du même code : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiants de son état civil ; / 2° Les documents justifiants de sa nationalité ; (...) ". Aux termes de l'article L. 111-6 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil (...) ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Aux termes de l'article 1er du décret du 24 décembre 2015 relatif aux modalités de vérification d'un acte de l'état civil étranger : " Lorsque, en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger, l'autorité administrative saisie d'une demande d'établissement ou de délivrance d'un acte ou de titre procède ou fait procéder, en application de l'article 47 du code civil, aux vérifications utiles auprès de l'autorité étrangère compétente, le silence gardé pendant huit mois vaut décision de rejet./ Dans le délai prévu à l'article L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration, l'autorité administrative informe par tout moyen l'intéressé de l'engagement de ces vérifications ".

4. Les dispositions citées au point précédent posent une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère. Cependant, la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents. En outre, il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le document produit aurait un caractère frauduleux.

5. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande de titre de séjour, M. B... a produit un extrait d'acte de naissance n°9440 du 21 novembre 2018 du registre d'état civil de la commune d'Adjame, délivré le 26 novembre 2018 énonçant qu'il était né le 1er décembre 2001 transcrivant un jugement supplétif d'acte de naissance du 15 juin 2018 du tribunal d'Abidjan ainsi qu'un certificat de nationalité ivoirienne et une carte d'immatriculation consulaire. Pour contester l'authenticité de ces actes, le préfet de Meurthe-et-Moselle s'est fondé sur un rapport d'examen technique documentaire de la police aux frontières réalisé le 11 mai 2021. Il résulte de ce rapport, lequel ne constitue pas un rapport d'expertise contrairement à ce que soutient M. B..., que le code barre informatique apposé sur l'extrait d'acte de naissance ne comporte pas le code de la commune d'Adjame mais celui d'une autre commune, tandis que font défaut les informations substantielles relatives à l'heure de naissance ainsi qu'au domicile des parents. Le jugement supplétif tenant lieu d'acte de naissance n'ayant pas été produit par M. B..., ce dernier l'ayant déclaré perdu mais rien ne l'ayant empêché d'en obtenir une copie même postérieurement à la décision attaquée, il y a lieu de considérer que cet extrait d'acte d'état civil est dépourvu de valeur probante ainsi que, par voie de conséquence, les certificats de nationalité et la carte consulaire au vu duquel ils ont été établis. Si le requérant produit devant cette cour de nouveaux documents d'état civil, établis postérieurement à la décision attaquée, il ressort de l'examen documentaire auquel a fait procéder l'administration que ces nouveaux documents se réfèrent à un acte de naissance et un jugement portant des numéros différents que ceux visés dans les documents initialement produits, alors qu'aucun jugement supplétif n'est produit. Par suite, alors même que la formalité de la légalisation n'est pas requise en l'espèce et que le juge des enfants a admis l'intéressé à une mesure de protection, le préfet de Meurthe-et-Moselle, au vu des éléments ci-dessus mentionnés, a pu à juste titre considérer que M. B... n'avait pas justifié de son état civil.

6. Dès lors que le requérant ne justifie pas de son état civil et en particulier de son âge, l'administration, à la suite de l'examen de sa demande et de sa situation, a pu pour ce seul motif, sans commettre ni erreur de droit, ni erreur de fait, ni erreur manifeste d'appréciation, lui refuser la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 445-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", "travailleur temporaire" ou "vie privée et familiale", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ". Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ".

8. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré en France au cours de l'année 2018 et séjournait depuis trois ans dans ce pays au jour de la décision attaquée. S'il soutient que l'essentiel de ses relations amicales séjournent en France, l'intéressé est célibataire et sans enfant. Ses résultats scolaires sont demeurés insuffisants et ne lui ont pas permis d'obtenir de diplômes. S'il produit une promesse d'embauche, postérieure d'une année à la décision attaquée, il ne paraît pas que l'emploi proposé soit en relation avec sa formation de plaquiste. Au demeurant, M. B... pourra faire valoir sa formation professionnelle de plaquiste acquise durant son séjour en France dans tout pays dans lequel il sera admissible y compris son pays d'origine. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée a été prise en violation des normes ci-dessus reproduites et qu'elle reposerait sur une appréciation manifestement erronée de sa situation.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus de séjour du 19 juillet 2021. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie du présent arrêt sera transmise à la préfète de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 20 juin 2024, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président de chambre,

M. Agnel, président assesseur,

Mme Brodier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juillet 2024.

Le rapporteur,

Signé : M. AgnelLe président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

N°21NC02190 2

N° 23NC02190

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC02190
Date de la décision : 11/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : JEANNOT

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-11;23nc02190 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award