Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association Van D'Osier, la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de France, M. D... A..., Mme E... L..., M. et Mme I... F..., Mlle J... B..., Mme M... C..., M. et Mme K... G... et Mme H... ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Marne du 9 mars 2015, en tant qu'il autorise la société Haut-Vannier à exploiter dix-sept éoliennes et quatre postes de livraison sur le territoire des communes de Fayl-Billot, Pierremont-sur-Amance et Pressigny.
Par un jugement avant dire droit n° 1501817 du 10 janvier 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a notamment sursis à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 9 mars 2015, pour permettre l'édiction d'une autorisation d'exploiter modificative destinée à régulariser le vice tenant au caractère incomplet du dossier soumis à enquête publique concernant les capacités financières de l'exploitant et enjoint au préfet de la Haute-Marne de prendre les mesures nécessaires à l'organisation de la phase d'information du public sur les capacités financières de la société Haut-Vannier décrite au point 47 du jugement et d'en assurer la publicité. Puis, le préfet de la Haute-Marne ayant communiqué au tribunal, dans le délai qui lui était prescrit, l'arrêté modificatif du 5 juillet 2019 permettant la régularisation du vice précité, le tribunal administratif a, par un jugement n° 1501817 du 12 décembre 2019, rejeté la demande.
Par un arrêt n° 20NC00434, 20NC02421 du 19 novembre 2020, la cour administrative d'appel de Nancy a, sur appel de l'association Van d'Osier et de la société pour la protection des paysages et de l'esthétique en France, annulé ces jugements et l'arrêté préfectoral du 9 mars 2015.
Par une décision n° 448911, 449054 du 25 janvier 2023, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Nancy.
Procédures devant la cour :
I- Par une requête enregistrée sous le n° 20NC00434 le 17 février 2020, complétée par des mémoires enregistrés les 25 août et 7 septembre 2020, l'association Van D'Osier et la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de France, représentées par Me Monamy, demandent à la cour :
1°) d'annuler les jugements du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne des 10 janvier 2019 et 12 décembre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 9 mars 2015 et l'arrêté modificatif du 5 juillet 2019 du préfet de la Haute-Marne ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société Haut-Vannier une somme de 3 000 euros à leur verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- leur requête est recevable en tant qu'elle est dirigée contre le jugement avant-dire-droit du 10 janvier 2019, en application de l'article R. 811-6 du code de justice administrative ;
- les deux jugements sont irréguliers, l'article R. 741-7 du code de justice administrative ayant été méconnu ;
- le volet avifaunistique de l'étude d'impact est insuffisant, en ce qui concerne la présence de la cigogne noire sur le site d'implantation du projet éolien ;
- la commission départementale de la nature, des paysages et des sites de la Haute-Saône n'a pas été consultée, alors que le projet est également de nature à porter atteinte aux paysages et aux monuments de ce département ;
- l'avis de l'autorité environnementale est irrégulier, dès lors que c'est le même service qui a préparé l'avis de l'autorité environnementale et instruit la demande d'autorisation d'exploiter ;
- le montant des garanties de démantèlement et de remise en état du site est insuffisant ;
- l'article L. 511-1, premier alinéa, et le I de l'article L. 181-3 du code de l'environnement ont été méconnus, dès lors que le projet porte atteinte à l'avifaune et aux paysages ; s'agissant de la cigogne noire, une demande de dérogation à l'interdiction de perturbation et de destruction d'espèces animales non domestiques protégées et de leurs habitats, prévue à l'article L. 411-2 du code de l'environnement, aurait dû être présentée par le pétitionnaire.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 30 juillet et 7 septembre 2020, la société Haut-Vannier, représentée par Me Versini-Campinchi, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge solidaire de l'association Van D'Osier et de la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de France sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- le délai d'appel était largement expiré à l'encontre du jugement avant-dire-droit du 10 janvier 2019 ;
- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 septembre 2020, le ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Des mémoires présentés pour la société Haut-Vannier, pour l'association Van D'Osier et autres ainsi que pour le ministre de la transition écologique, tendant aux mêmes fins que les écritures précédentes des intéressés par les mêmes moyens, ont été enregistrés respectivement les 24 septembre 2020, 5 octobre 2020 et 9 octobre 2020, avant clôture de l'instruction, et n'ont pas été communiqués.
II- Par une requête en référé enregistrée sous le n° 20NC02421 le 19 août 2020, l'association Van D'Osier et la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de France, représentées par Me Monamy, demandent à la cour, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) de suspendre l'exécution, d'une part, de l'arrêté du 9 mars 2015 du préfet de la Haute-Marne en tant qu'il a autorisé la société Haut-Vannier à exploiter dix-sept éoliennes et quatre postes de livraison sur le territoire des communes de Fayl-Billot, de Pierremont-sur-Amance et de Pressigny, et d'autre part, de l'arrêté modificatif du préfet de la Haute-Marne du 5 juillet 2019 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société Haut-Vannier une somme de 3 000 euros à leur verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- leur requête au fond de première instance était recevable ;
- la condition d'urgence est remplie, compte tenu de l'état d'avancement des travaux ;
- elles font état de moyens propres à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité des deux arrêtés contestés.
La requête a été communiquée à la société Haut-Vannier et au ministre de la transition écologique, qui n'ont pas présenté de mémoire en défense.
Par un courrier en date du 3 septembre 2020, les parties ont été informées de ce que la cour était, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, susceptible de soulever d'office le moyen tiré de ce que, la cour statuant sur la requête en annulation par le même arrêt, la requête en référé est dépourvue d'objet et qu'il n'y a donc pas lieu de statuer sur cette requête.
Un mémoire présenté pour l'association Van D'Osier et autres, tendant aux mêmes fins que ses écritures précédentes par les mêmes moyens, a été enregistré le 1er octobre 2020, et n'a pas été communiqué.
Par un arrêt n° 20NC00434, 20NC02421 du 19 novembre 2019, la cour administrative de Nancy a dit qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la requête n° 20NC02421 et a annulé les jugements attaqués du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne des 10 janvier 2019 et 12 décembre 2019, ainsi que les arrêtés préfectoraux contestés des 9 mars 2015 et 5 juillet 2019.
Par une décision n° 448911, 449054 du 25 janvier 2023, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Nancy.
Les parties ont été informées le 6 février 2023 de la reprise d'instance après cassation sous le n° 23NC00282 et de la possibilité de produire de nouveaux mémoires ou d'éventuelles observations dans un délai d'un mois.
Le 18 septembre 2023, l'association Van d'osier et l'association " Sites et Monuments " ont informé la cour du maintien de leur requête.
Le 29 mars 2024, les parties ont été invitées à présenter des observations sur la possibilité pour la Cour de sursoir à statuer afin de permettre la régularisation du vice tiré de l'irrégularité de l'avis de l'autorité environnementale en application du 2° du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 ;
- la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 ;
- le code de l'environnement ;
- l'arrêté du 26 août 2011 relatif à la remise en état et à la constitution des garanties financières pour les installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent ;
- l'arrêté du 22 juin 2020 modifiant l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à déclaration au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Barrois, première conseillère,
- les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique,
- et les observations de Me Versini-Campinchi, pour la société Haut-Vannier.
Considérant ce qui suit :
1. La société Haut-Vannier a demandé l'autorisation d'exploiter vingt-neuf éoliennes, d'une hauteur de 182 mètres chacune, et quatre postes de livraison sur le territoire des communes de Fayl-Billot (11 machines), Pierremont-sur-Amance (2 machines), Poinson-lès-Fayl (2 machines) et Pressigny (14 machines). Par un arrêté du 9 mars 2015, le préfet de la Haute-Marne a refusé de lui délivrer l'autorisation d'exploiter les aérogénérateurs désignés E 10 à E 13, E 18 à E 20 et E 25 à E 29, et l'a autorisée à exploiter les dix-sept autres éoliennes (E1 à E9, E 14 à E17, et E21 à E24) et les quatre postes de livraison, sous réserve du respect de certaines prescriptions. L'association Van d'Osier, la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de France et plusieurs particuliers ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler cet arrêté, en tant qu'il autorise la société Haut-Vannier à exploiter dix-sept éoliennes et quatre postes de livraison sur le territoire des communes de Fayl-Billot, Pierremont-sur-Amance et Pressigny. Par un jugement avant dire droit n° 1501817 du 10 janvier 2019, le tribunal administratif a, en application des dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, sursis à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 9 mars 2015 pour permettre l'édiction d'une autorisation d'exploiter modificative destinée à régulariser le vice tenant au caractère incomplet du dossier soumis à enquête publique concernant les capacités financières de l'exploitant et enjoint au préfet de la Haute-Marne de prendre les mesures nécessaires à l'organisation de la phase d'information du public sur les capacités financières de la société Haut-Vannier décrite au point 47 du jugement et d'en assurer la publicité. Puis, le préfet ayant communiqué, dans le délai qui lui était prescrit, l'arrêté modificatif du 5 juillet 2019 permettant la régularisation du vice précité, le tribunal administratif a, par un jugement n° 1501817 du 12 décembre 2019, rejeté la demande. Par un arrêt n° 20NC00434, 20NC02421, la cour administrative de Nancy a dit qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la requête n° 20NC02421 et a annulé les jugements des 10 janvier 2019 et 12 décembre 2019, ainsi que les arrêtés des 9 mars 2015 et 5 juillet 2019. Par une décision n° 448911, 449054 du 25 janvier 2023, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Nancy.
Sur la fin de non-recevoir opposée par la société Haut-Vannier :
2. Aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751-4-1. (...) ". Aux termes de l'article R. 811-6 du même code : " Par dérogation aux dispositions du premier alinéa de l'article R. 811-2, le délai d'appel contre un jugement avant-dire-droit, qu'il tranche ou non une question au principal, court jusqu'à l'expiration du délai d'appel contre le jugement qui règle définitivement le fond du litige ".
3. Il résulte de l'instruction que le jugement du 12 décembre 2019, réglant définitivement le fond du litige au sens de l'article R. 811-6 précité, a été adressé aux parties, par voie postale, le 13 décembre suivant et qu'il a été notifié le 16 décembre 2019 à la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de France et le 18 décembre 2019 à l'association Van d'Osier. Le délai de recours contre ce jugement expirait ainsi le 17 février 2020 pour la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de France et le 19 février 2020 pour l'association Van d'Osier. Dès lors, le délai de recours contre le jugement avant-dire-droit du 10 janvier 2019 n'avait pas encore expiré lorsque la requête d'appel a été enregistrée au greffe de la cour le 17 février 2020. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la société Haut-Vannier et tirée de ce que le délai d'appel à l'encontre de ce jugement était expiré doit être écartée.
Sur la régularité du jugement attaqué :
4. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".
5. En l'espèce, il résulte de l'examen de la minute des deux jugements attaqués que ceux-ci comportent toutes les signatures requises par les dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. Par suite et nonobstant l'absence de signatures sur l'expédition des jugements notifiés aux requérantes, ces jugements ne méconnaissent pas les dispositions précitées.
Sur le bien-fondé du jugement :
6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 341-16 du code de l'environnement alors en vigueur, " Une commission départementale compétente en matière de nature, de paysages et de sites siège dans chaque département. ", de l'article R. 512-25 du code de l'environnement alors en vigueur, " Au vu du dossier de l'enquête et des avis prévus par les articles précédents, qui lui sont adressés par le préfet, l'inspection des installations classées établit un rapport sur la demande d'autorisation et sur les résultats de l'enquête. Ce rapport est présenté au conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques saisi par le préfet. L'inspection des installations classées soumet également à ce conseil ses propositions concernant soit le refus de la demande, soit les prescriptions envisagées. Le demandeur a la faculté de se faire entendre par le conseil ou de désigner, à cet effet, un mandataire. Il est informé par le préfet au moins huit jours à l'avance de la date et du lieu de la réunion du conseil et reçoit simultanément un exemplaire des propositions de l'inspection des installations classées. " et de l'article R. 553-9 du même code, " Pour les installations relevant du présent titre et pour l'application du titre Ier du livre V, la commission départementale de la nature, des paysages et des sites est consultée, dans sa formation spécialisée sites et paysages, en lieu et place de la commission compétente en matière d'environnement et de risques sanitaires et technologiques ".
7. Il résulte de l'instruction que la zone d'implantation du projet se situe en intégralité dans le département de la Haute-Marne et non dans celui de la Haute-Saône. Par suite, la commission départementale compétente de la Haute-Saône n'avait dès lors pas à se prononcer sur le projet et l'inspection des installations classées pouvait saisir uniquement la commission départementale compétente en matière de nature, de paysages et de sites de la Haute-Marne qui a d'ailleurs émis un avis défavorable du 27 janvier 2015. Ainsi, nonobstant la circonstance que l'avis d'enquête publique ait été affiché dans certaines communes de la Haute-Saône et que l'avis du service territorial de l'architecture et du patrimoine de ce département ait été recueilli, il ne résultait d'aucune disposition législative ou réglementaire l'obligation de saisir la commission départementale de la Haute-Saône. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure est écarté.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 515-101 du code de l'environnement : " I. - La mise en service d'une installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent soumise à autorisation (...) est subordonnée à la constitution de garanties financières visant à couvrir, en cas de défaillance de l'exploitant lors de la remise en état du site, les opérations prévues à l'article R. 515-106. Le montant des garanties financières exigées ainsi que les modalités d'actualisation de ce montant sont fixés par l'arrêté d'autorisation de l'installation. II. - Un arrêté du ministre chargé de l'environnement fixe, en fonction de l'importance des installations, les modalités de détermination et de réactualisation du montant des garanties financières qui tiennent notamment compte du coût des travaux de démantèlement. (...) ". L'annexe I de l'arrêté du 26 août 2011 modifié par l'arrêté du 22 juin 2020, applicable depuis le 1er juillet 2020 sur ce point, fixe le montant de la garantie par aérogénérateur à 50 000 euros lorsque la puissance unitaire installée de l'aérogénérateur est inférieure ou égale à 2 mégawatt (MW). Lorsque la puissance unitaire de l'aérogénérateur est supérieure à 2 MW, ce coût unitaire est de 50 000 euros + 10 000 * (P-2), P étant la puissance unitaire installée de l'aérogénérateur, en mégawatt, lorsque la puissance unitaire installée de l'aérogénérateur est supérieure à 2 MW. Ce montant est assorti d'une formule d'actualisation fixée à l'annexe II de l'arrêté du 26 août 2011 modifié.
9. D'une part, en se bornant à faire référence au coût estimé pour un autre projet de parc éolien ou à un rapport rendu récemment par le Conseil général de l'environnement et du développement durable, les requérants n'apportent aucun élément permettant de considérer que les dispositions introduites par l'arrêté du 22 juin 2020 ou celles de l'article 2 de l'arrêté ministériel du 26 août 2011 seraient entachées d'illégalité en ce qu'il module le montant de la garantie exigée au regard de la puissance unitaire de l'aérogénérateur et que le montant des garanties financières exigé par les nouvelles dispositions, qui prend en compte les bénéfices liés à la revente des matériaux, ne serait pas suffisant pour assurer le démantèlement des installations et la remise en état de leur site d'implantation. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'arrêté du 26 août 2011 modifié est illégal pour ce motif.
10. D'autre part, il résulte de l'instruction que le montant initial des garanties financières fixé à 894 737 euros par l'article 5 de l'arrêté du 9 mars 2015 tel que modifié par l'arrêté du 5 juillet 2019, a été calculé conformément aux dispositions de l'article 2 de l'arrêté ministériel du 26 août 2011 relatif à la remise en état et à la constitution des garanties financières pour les installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent, en vigueur à la date de l'arrêté préfectoral, sur la base d'un coût forfaitaire de 50 000 euros, par éolienne, quelle que soit sa puissance. Ces dispositions ayant, toutefois, été abrogées par l'arrêté du 22 juin 2020 précité et remplacées, s'agissant des éoliennes d'une puissance supérieure à 2 MW, comme en l'espèce. Il en résulte que le montant initial des garanties financières fixé à l'article 6 de l'arrêté attaqué est insuffisant au regard des dispositions désormais applicables. Dans ces conditions, les requérants sont fondés à soutenir que les garanties financières fixées par l'arrêté sont insuffisantes dans la mesure où elles sont inférieures au montant résultant de l'annexe I de l'arrêté du 26 août 2011 modifié le 22 juin 2020. Il y a lieu de remplacer l'article 6 de l'arrêté contesté par les dispositions qui seront précisées à l'article 1er du dispositif du présent arrêt.
11. En dernier lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 6 de la directive du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement : " Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que les autorités susceptibles d'être concernées par le projet, en raison de leurs responsabilités spécifiques en matière d'environnement, aient la possibilité de donner leur avis sur les informations fournies par le maître d'ouvrage et sur la demande d'autorisation. À cet effet, les États membres désignent les autorités à consulter, d'une manière générale ou au cas par cas (...) ". L'article L. 122-1 du code de l'environnement, pris pour la transposition des articles 2 et 6 de cette directive, dispose, dans sa rédaction applicable en l'espèce, que : " I. - Les projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements publics et privés qui, par leur nature, leurs dimensions ou leur localisation sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine sont précédés d'une étude d'impact. (...) / III. - Dans le cas d'un projet relevant des catégories d'opérations soumises à étude d'impact, le dossier présentant le projet, comprenant l'étude d'impact et la demande d'autorisation, est transmis pour avis à l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement. (...). / IV.- La décision de l'autorité compétente qui autorise le pétitionnaire ou le maître d'ouvrage à réaliser le projet prend en considération l'étude d'impact, l'avis de l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement et le résultat de la consultation du public (...) ". En vertu du III de l'article R. 122-6 du même code, dans sa version issue du décret du 29 décembre 2011 portant réforme des études d'impact des projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagement, applicable au litige, l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement mentionnée à l'article L. 122-1, lorsqu'elle n'est ni le ministre chargé de l'environnement, dans les cas prévus au I de cet article, ni la formation compétente du Conseil général de l'environnement et du développement durable, dans les cas prévus au II de ce même article, est le préfet de la région sur le territoire de laquelle le projet de travaux, d'ouvrage ou d'aménagement doit être réalisé. En vertu de l'article R. 122-25 du code de l'environnement, issu du décret du 28 avril 2016 portant réforme de l'autorité environnementale, et dont les dispositions ont par la suite été transférées à l'article R. 122-21 du même code, les agents du service régional chargé de l'environnement qui apportent leur appui à la mission régionale d'autorité environnementale du Conseil régional de l'environnement et de développement durable, sont placés, pour l'exercice de cet appui, sous l'autorité fonctionnelle du président de la mission régionale d'autorité environnementale.
12. L'article 6 de la directive du 13 décembre 2011 a pour objet de garantir qu'une autorité compétente et objective en matière d'environnement soit en mesure de rendre un avis sur l'évaluation environnementale des projets susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement, avant leur approbation ou leur autorisation, afin de permettre la prise en compte de ces incidences. Eu égard à l'interprétation de l'article 6 de la directive du 27 juin 2001 donnée par la Cour de justice de l'Union européenne par son arrêt rendu le 20 octobre 2011 dans l'affaire C-474/10, il résulte clairement des dispositions de l'article 6 de la directive du 13 décembre 2011 que, si elles ne font pas obstacle à ce que l'autorité publique compétente pour autoriser un projet soit en même temps chargée de la consultation en matière environnementale, elles imposent cependant que, dans une telle situation, une séparation fonctionnelle soit organisée au sein de cette autorité, de manière à ce que l'entité administrative concernée dispose d'une autonomie réelle, impliquant notamment qu'elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui soient propres, et soit ainsi en mesure de remplir la mission de consultation qui lui est confiée en donnant un avis objectif sur le projet concerné.
13. Lorsque le projet est autorisé par un préfet de département autre que le préfet de région, l'avis rendu sur le projet par le préfet de région en tant qu'autorité environnementale doit, en principe, être regardé comme ayant été émis par une autorité disposant d'une autonomie réelle répondant aux exigences de l'article 6 de la directive du 13 décembre 2011, sauf dans le cas où c'est le même service qui a, à la fois, instruit la demande d'autorisation et préparé l'avis de l'autorité environnementale. En particulier, les exigences de la directive, tenant à ce que l'entité administrative appelée à rendre l'avis environnemental sur le projet dispose d'une autonomie réelle, impliquant notamment qu'elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui soient propres, ne peuvent être regardées comme satisfaites lorsque le projet a été instruit pour le compte du préfet de département par la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) et que l'avis environnemental émis par le préfet de région a été préparé par la même direction, à moins que l'avis n'ait été préparé, au sein de cette direction, par le service mentionné à l'article R. 122-21 du code de l'environnement qui a spécialement pour rôle de préparer les avis des autorités environnementales.
14. Il résulte de la décision du Conseil d'Etat n° 448911, 449054 du 25 janvier 2023 que l'avis de l'autorité environnementale, qui a été émis par le préfet de la région Champagne-Ardenne sur la décision attaquée prise par le préfet du département de la Haute-Marne à une date antérieure à l'entrée en vigueur du décret du 28 avril 2016 portant réforme de l'autorité environnementale, avait été préparé par le pôle environnement durable-évaluation environnementale relevant de la mission connaissance et développement durable spécifiquement chargé de l'instruction des avis de l'autorité environnementale, mais relevant, comme le service ayant procédé à l'instruction de la demande d'autorisation, de l'autorité du directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL). Dans ces conditions, l'avis de l'autorité environnementale a, en l'espèce, été rendu en méconnaissance des exigences de la directive du 13 décembre 2011.
Sur la régularisation :
15. Aux termes du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement : " Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés : / 1° Qu'un vice n'affecte qu'une phase de l'instruction de la demande d'autorisation environnementale, ou une partie de cette autorisation, peut limiter à cette phase ou à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et demander à l'autorité administrative compétente de reprendre l'instruction à la phase ou sur la partie qui a été entachée d'irrégularité ; / 2° Qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par une autorisation modificative peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si une telle autorisation modificative est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations ". Les dispositions précitées du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement prévoient que le juge peut, après avoir constaté que les autres moyens dont il est saisi ne sont pas fondés, surseoir à statuer pour permettre la régularisation devant lui de l'autorisation environnementale attaquée lorsque le ou les vices dont elle est entachée sont susceptibles d'être régularisés par une décision modificative, en rendant un arrêt avant dire droit par lequel il fixe un délai pour cette régularisation. Le juge peut préciser, par son arrêt avant dire droit, les modalités de cette régularisation.
16. Il résulte de ce qui précède que l'arrêté est entaché d'un vice résultant de l'irrégularité de l'avis de l'autorité environnementale.
17. Dès lors que le vice de l'irrégularité de l'avis de l'autorité environnementale peut être régularisé par une décision modificative, il y a lieu de faire application des dispositions du 2° du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement et, afin de tenir compte de la régularisation, de réserver la question des conséquences du vice tiré de l'irrégularité de l'avis de l'autorité environnementale. A cet effet, les parties ont été invitées à présenter leurs observations sur la mise en œuvre des dispositions du 2° du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement.
18. Pour que cette régularisation puisse être effectuée, ce nouvel avis devra être rendu dans les conditions définies aux articles R. 122-6 à R. 122-8 et R. 122-24 du code de l'environnement, applicables à la date de l'émission de cet avis ou de la constatation de l'expiration du délai requis pour qu'il soit rendu, par la mission régionale de l'autorité environnementale (MRAe) du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) compétente pour la région Grand Est.
19. Lorsque ce nouvel avis aura été rendu, ce nouvel avis ou l'information relative à l'absence d'observations émises par la mission régionale sera mis en ligne sur un site internet suffisamment accessible et ayant une notoriété suffisante, tels que le site de la préfecture de la région Grand Est ou celui de la préfecture de la Haute-Marne, de manière à ce qu'une information suffisante du public soit assurée et que celui-ci ait la possibilité, par des cadres définis et pouvant accepter un nombre suffisant de caractères, de présenter ses observations et propositions. L'accessibilité de cet avis implique également qu'il soit renvoyé à son contenu intégral par un lien hypertexte figurant sur la page d'accueil du site en cause.
20. Dans l'hypothèse où ce nouvel avis indiquerait, après avoir tenu compte d'éventuels changements significatifs des circonstances de fait, que, tout comme l'avis irrégulier émis le 13 juin 2014, le dossier de création du parc éolien envisagé par la société Haut-Vannier est assorti d'une étude d'impact de qualité suffisante permettant la prise en compte des enjeux environnementaux et paysagers du projet, le préfet de la Haute-Marne pourra décider de procéder à l'édiction d'un arrêté modificatif régularisant ce vice.
21. Dans l'hypothèse où, à l'inverse, le nouvel avis émis par la mission régionale de l'autorité environnementale différerait substantiellement de celui qui avait été émis le 13 juin 2014, une enquête publique complémentaire devra être organisée à titre de régularisation, selon les modalités prévues par les articles L. 123-14 et R. 123-23 du code de l'environnement, dans le cadre de laquelle seront soumis au public, outre l'avis recueilli à titre de régularisation, tout autre élément de nature à régulariser d'éventuels vices révélés par le nouvel avis, notamment une insuffisance de l'étude d'impact. Au vu des résultats de cette nouvelle enquête organisée comme indiqué précédemment, le préfet de la Haute-Marne pourra décider de procéder à l'édiction d'un arrêté modificatif régularisant le vice entachant la procédure initiale d'enquête publique.
22. Dans l'hypothèse où le préfet devrait organiser une simple procédure de consultation publique du nouvel avis émis par la mission régionale de l'autorité environnementale avant de décider de prendre un arrêté de régularisation, il sera sursis à statuer sur la présente requête, pendant un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt, jusqu'à ce que la ministre de la transition écologique transmette à la cour les actes de régularisation adoptés par le préfet de la Haute-Marne pris à la suite de cette procédure.
23. Dans l'hypothèse où le préfet devrait organiser une nouvelle enquête publique, il sera sursis à statuer sur la présente requête pendant un délai de neuf mois à compter de la notification du présent arrêt, jusqu'à ce que la ministre de la transition écologique transmette à la cour les actes de régularisation adoptés par le préfet de la Haute-Marne pris à la suite de cette procédure.
24. Aux termes du IV de l'article R. 122-21 du code de l'environnement, " L'autorité environnementale formule un avis sur le rapport sur les incidences environnementales et le projet de plan, schéma, programme ou document de planification dans les trois mois suivant la date de réception du dossier prévu au I ". En exécution du présent arrêt avant dire droit, la mission régionale d'autorité environnementale formulera un avis portant notamment sur les incidences environnementales du projet, notamment sur le caractère suffisant de l'étude d'impact et en particulier sur la présence, le nombre et l'état de conservation des espèces protégées présentes, sur l'effectivité des mesures d'évitement et de réduction proposées par la société pétitionnaire ainsi que sur l'impact du projet en litige sur le paysage et l'environnement humain.
25. Il y a lieu dès lors de réserver dans l'attente de cet avis, les conclusions des parties et les moyens soulevés par les requérants tirés de l'insuffisance de l'étude d'impact, de la méconnaissance de l'article L. 511-1 du code de l'environnement et de la nécessité d'obtenir une dérogation en application de l'article L. 411-2 du code de l'environnement.
26. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de suspendre jusqu'à l'édiction de l'autorisation environnementale modificative à intervenir, l'exécution de l'arrêté du préfet de la Haute-Marne du 9 mars 2015, devenu autorisation environnementale.
D É CI D E :
Article 1er : L'article 6 de l'arrêté du préfet de la Haute-Marne du 9 mars 2015 tel que modifié est remplacé par les dispositions suivantes : " Application de l'annexe I de l'arrêté du 26 août 2011 modifié par l'arrêté du 22 juin 2020 ".
Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête présentée par l'association Van D'Osier et la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de France jusqu'à l'expiration d'un délai de six mois, qui sera porté à neuf mois dans l'hypothèse où il serait nécessaire d'organiser une nouvelle enquête publique courant à compter de la notification du présent arrêt, imparti à la société Haut-Vannier ou à l'État pour notifier à la cour, après avis régulièrement émis par l'autorité environnementale, une autorisation environnementale modificative.
Article 3 : L'exécution de l'arrêté du préfet de la Haute-Marne du 9 mars 2015, devenu autorisation environnementale, est suspendue jusqu'à l'édiction de l'autorisation environnementale modificative prévue à l'article 2.
Article 4 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'Association van d'osier, à la Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France, à la préfète de la Haute-Marne, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la Société Haut-Vannier.
Délibéré après l'audience du 11 avril 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Wallerich, président de chambre,
- M. Sibileau, premier conseiller,
- Mme Barrois, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 mai 2024.
La rapporteure,
Signé : M. BarroisLe président,
Signé : M. Wallerich
La greffière,
Signé : S. RobinetLa République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
S. Robinet
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N° 23NC00282