La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/07/2021 | FRANCE | N°20NC02952

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 01 juillet 2021, 20NC02952


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Nancy de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales et de la contribution sur les hauts revenus auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010 et 2011 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1501876 du 30 juin 2016, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 16NC01924 du 20 novembre 2018, la cour administrative d'appel

de Nancy a constaté un non-lieu à statuer à raison d'un dégrèvement intervenu en cours...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Nancy de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales et de la contribution sur les hauts revenus auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010 et 2011 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1501876 du 30 juin 2016, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 16NC01924 du 20 novembre 2018, la cour administrative d'appel de Nancy a constaté un non-lieu à statuer à raison d'un dégrèvement intervenu en cours d'instance et rejeté le surplus des conclusions de la requête d'appel formée par M. D... contre ce jugement.

Par une décision du 7 octobre 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a, saisi d'un pourvoi présenté pour M. D..., annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 20 novembre 2018 et a renvoyé l'affaire devant la même cour.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 26 août 2016, 30 mars 2017, 17 octobre 2018 et 19 mai 2021, M. B... D..., représenté par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 30 juin 2016 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales et de la contribution sur les hauts revenus auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010 et 2011, ainsi que des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier ; le tribunal ne pouvait pas statuer sur sa demande avant d'avoir statué sur l'affaire introduite par la société Garovito Construções LDA ;

- il pouvait utilement invoquer l'irrégularité de la vérification dont a fait l'objet la société Garovito Construções LDA pour obtenir la décharge de l'impôt sur le revenu afférent aux sommes réputées distribuées qui lui a été réclamé ;

- la société Garovito Construções LDA ne dispose pas d'un établissement stable en France au sens des dispositions de l'article 209 I du code général des impôts ; elle ne dispose pas davantage d'un établissement stable en France au sens des stipulations de la convention franco-portugaise ;

- l'administration ne démontre pas l'existence de revenus occultes qui seraient imposables sur le fondement de l'article 111-c du code général des impôts ; elle n'établit pas la qualité de maître d'affaires de M. D... ; en tout état de cause, elle n'établit pas que les sommes ont été désinvesties de la société et distribuées à M. D... ; les sommes n'ont pas été appréhendées par M. D... qui n'était pas maître de l'affaire ;

- l'administration aurait dû appliquer l'article 115 quinquies du code général des impôts ;

- la majoration de 25 % sur le montant des revenus considérés comme distribués pour le calcul des cotisations sociales ne pouvait pas être appliquée.

Par des mémoires, enregistrés le 30 janvier et 26 avril 2017, et 12 janvier 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au non-lieu à statuer sur le litige relatif à la majoration de 25 % appliquée aux revenus distribués et au rejet du surplus de la requête.

Il fait valoir que :

- il est fait droit à la demande du requérant relative à la majoration de 25 % appliquée aux revenus distribués ;

- il demande une substitution de base légale ;

- aucun des autres moyens invoqués par le requérant n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention du 14 janvier 1971 entre la France et le Portugal tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de Mme E... désignée en qualité de rapporteure publique, par décision de la présidente de la cour administrative d'appel de Nancy en date du 28 mai 2021 conformément aux articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative,

- et les observations de Me F..., représentant M. D....

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2009 au 30 septembre 2012, l'administration fiscale a notamment considéré que la société Garovito Construções LDA, dont le siège se trouve au Portugal, disposait en France d'un établissement stable non déclaré et a procédé à une reconstitution du chiffre d'affaires réalisé en France au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011. Tirant les conséquences de cette vérification, l'administration a regardé M. D... comme le maître de l'affaire exploitée en France et, par suite, imposé entre ses mains les bénéfices ainsi reconstitués sur le fondement du c) de l'article 111 du code général des impôts. Par un jugement du 30 juin 2016, le tribunal administratif de Nancy a rejeté la demande de M. D... tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales et de la contribution sur les hauts revenus ainsi que des pénalités correspondantes auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010 et 2011 à la suite de ces rectifications. Par un arrêt du 20 novembre 2018, la cour administrative d'appel de Nancy a constaté un non-lieu à statuer à raison d'un dégrèvement intervenu en cours d'instance et rejeté le surplus des conclusions de la requête d'appel formée par M. D... contre ce jugement. Par une décision du 7 octobre 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a, saisi d'un pourvoi présenté pour M. D..., annulé cet arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 20 novembre 2018 et a renvoyé l'affaire devant la même cour.

Sur l'étendue du litige :

2. Par une décision du 9 octobre 2018, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur régional des finances publiques de la Meuse a prononcé le dégrèvement total de la majoration de 25 %, prévue au premier alinéa du 7 de l'article 158 du code général des impôts pour l'établissement des contributions sociales, dont avait été assortie la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle M. D... a été assujetti, pour un montant en droits et pénalités de 16 041 euros. Par suite, les conclusions à fin de décharge de cette imposition sont devenues sans objet dans cette mesure.

Sur la régularité du jugement :

3. Contrairement à ce que soutient le requérant, la circonstance que le tribunal administratif a statué sur sa demande avant de statuer sur celle de la société Garovito Construções LDA tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie n'est pas de nature à entacher d'irrégularité le jugement attaqué.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

4. Eu égard à l'indépendance des procédures, l'associé d'une société ne peut utilement, pour obtenir la décharge de l'impôt sur le revenu afférent aux sommes réputées distribuées qui lui a été réclamé, invoquer l'irrégularité de la vérification de la société, dès lors que cette irrégularité a été sans effet sur la valeur probante des éléments recueillis quant au montant des recettes dissimulées et à leur appréhension par le contribuable. Les moyens tirés de l'irrégularité de la procédure d'imposition de la société Garovito Construções LDA sont, par suite, inopérants.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne l'imposition en France des bénéfices de l'établissement stable en France de la société Garovito Construções LDA imposés en tant que revenus distribués :

5. Aux termes du I de l'article 209 du code général des impôts : " (...) les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés (...) en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions (...) ". Aux termes de l'article 7 de la convention fiscale franco-portugaise du 14 janvier 1971 : " 1. Les bénéfices d'une entreprise d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices de l'entreprise sont imposables dans l'autre Etat, mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables audit établissement stable ". Aux termes de l'article 5 de la même convention : " 3. 1) Le terme " établissement stable " désigne une installation fixe d'affaires dans laquelle l'entreprise exerce tout ou partie de son activité. 2) l'expression " établissement stable " comprend notamment : a) un siège de direction ; b) une succursale ; c) un bureau ; d) une usine ; e) un atelier ; f) une mine, une carrière ou tout autre lieu d'extraction de ressources naturelles ; g) un chantier de construction ou de montage dont la durée dépasse douze mois. 3) On ne considère pas qu'il y a " établissement stable " si : a) Il est fait usage d'installations aux seules fins de stockage, d'exposition ou de livraison de marchandises appartenant à l'entreprise ; b) Des marchandises appartenant à l'entreprise sont entreposées aux seules fins de stockage, d'exposition ou de livraison ; c) Des marchandises appartenant à l'entreprise sont entreposées aux seules fins de transformation par une autre entreprise ; d) Une installation fixe d'affaires est utilisée aux seules fins d'acheter des marchandises ou de réunir des informations pour l'entreprise ; e) Une installation fixe d'affaires est utilisée, pour l'entreprise, aux seules fins de publicité, de fourniture d'informations, de recherches scientifiques ou d'activités analogues qui ont un caractère préparatoire ou auxiliaire. 4. Une personne agissant dans un Etat contractant pour le compte d'une entreprise de l'autre Etat contractant, autre qu'un agent jouissant d'un statut indépendant, visé au paragraphe 6, est considérée comme " établissement stable " dans le premier Etat si elle dispose dans cet Etat de pouvoirs qu'elle y exerce habituellement lui permettant de conclure des contrats au nom de l'entreprise, à moins que l'activité de cette personne ne soit limitée à l'achat de marchandises pour l'entreprise. 5. Une entreprise d'assurance de l'un des Etats contractants est considérée comme ayant un établissement stable dans l'autre Etat contractant dès l'instant que, par l'intermédiaire d'un représentant n'entrant pas dans la catégorie des personnes visées au paragraphe 6 ci-après, elle perçoit des primes sur le territoire de ce dernier Etat ou assure des risques situés sur ce territoire. 6. On ne considère pas qu'une entreprise d'un Etat contractant a un établissement stable dans l'autre Etat contractant du seul fait qu'elle y exerce son activité par l'entremise d'un courtier, d'un commissionnaire général ou de tout autre intermédiaire jouissant d'un statut indépendant, à condition que ces personnes agissent dans le cadre ordinaire de leur activité. 7. Le fait qu'une société qui est un résident d'un Etat contractant contrôle ou soit contrôlée par une société qui est un résident de l'autre Etat contractant ou qui y exerce son activité (que ce soit par l'intermédiaire d'un établissement stable ou non) ne suffit pas, en lui-même, à faire de l'une quelconque de ces sociétés un établissement stable de l'autre. ".

6. Si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition. Par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification. Il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer - en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office - si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale.

7. Il résulte de l'instruction que la société Garovito Construções LDA a facturé au cours des années en litige des prestations de maçonnerie à des sociétés ou des particuliers domiciliés en France, notamment dans la Meuse, et dont la plupart sont des clients habituels de la société. L'administration indique, sans être sérieusement contredite, que la société exerce son activité en France toute l'année ou, à tout le moins, une bonne partie de l'année et qu'elle emploie pour ce faire des salariés. Lors de son audition, menée le 26 septembre 2012 par un contrôleur du travail de la direction du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social dans le cadre d'une procédure de contrôle d'une autre société, M. D..., qui s'est présenté comme l'un des associés de la société requérante, a indiqué que celle-ci employait six à sept salariés à l'année pour son activité en France. Il est par ailleurs constant que la société loue de manière permanente des appartements dans le département de la Meuse afin d'y loger ses salariés. Il n'est, en outre, pas contesté que la société a pris en location un local dans la Meuse afin d'y stocker le matériel utile à son activité et que des véhicules utilisés par la société pour son exploitation en France stationnent dans la cour de ce local. Il résulte, enfin, de l'instruction que la société possède deux comptes bancaires en France qui ont été ouverts par M. D..., pour lesquels ce dernier bénéficie seul d'une procuration et qui mentionnent comme adresse postale le domicile personnel de M. D.... Dans ces conditions et alors même que le gérant de droit de la société, domicilié au Portugal, disposerait également d'un logement en France et qu'il ferait des déplacements réguliers entre la France et le Portugal, la société Garovito Construções LDA doit être regardée comme disposant d'un établissement stable en France et comme exerçant une activité lucrative en France au sens de l'article 209 du code général des impôts. Compte tenu de ce qui précède, la société Garovito Construções LDA doit être regardée comme ayant disposé en France, de façon permanente, d'une installation fixe d'affaires. Il s'ensuit que la société requérante doit également être regardée comme ayant un établissement stable au sens des stipulations précitées des articles 5 et 7 de la convention franco-portugaise. Par suite, l'administration a pu à bon droit assujettir la société requérante à l'impôt sur les sociétés au titre des années litigieuses en application des dispositions combinées du I de l'article 209 du code général des impôts et des stipulations précitées de la convention fiscale entre la France

En ce qui concerne le fondement légal de l'imposition des revenus distribués :

8. En premier lieu, aux termes des dispositions du 1 de l'article 109 du code général des impôts : " Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital. / (...) ". Aux termes de l'article 110 de ce même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109 les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés. (...) " Aux termes de l'article 111 du même code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) c. Les rémunérations et avantages occultes ". Aux termes de l'article 47 de l'annexe 2 au même code : " Toute rectification du bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés au titre d'une période sera prise en compte au titre de la même période pour le calcul des sommes distribuées ".

9. Pour fonder l'imposition des revenus distribués entre les mains de M. D..., dans la proposition de rectification du 19 mars 2013, l'administration a tiré les conséquences de la reconstitution des bénéfices réalisés par la société Garovito Construções LDA en France par l'intermédiaire d'un établissement stable et avait initialement considéré que ces bénéfices non déclarés constituaient par nature des avantages ou rémunérations occultes pour le maître de l'affaire sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts. Par son arrêt du 7 octobre 2020, le Conseil d'Etat a jugé que les bénéfices reconstitués à raison de l'activité qu'une société étrangère exerce en France par l'intermédiaire d'un établissement stable ne peuvent, de ce seul fait, être regardés comme distribués au maître de l'affaire sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts. Le ministre demande, au titre de la substitution de base légale, l'imposition des revenus distribués entre les mains de M. D... sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts.

10. Lorsque le redressement procède de l'imputation à un établissement stable situé en France, par l'intermédiaire duquel elle est regardée comme y exerçant son activité, de bénéfices réalisés par une société étrangère, il ne saurait par lui-même révéler l'existence d'une distribution de revenus par cette société, au sens de l'article 109 du code général des impôts précité. La circonstance que le contribuable que l'administration entend imposer comme bénéficiaire des distributions soit le maître de l'affaire n'a pas davantage cet effet.

11. Il résulte de l'instruction et notamment de la proposition de rectification du 19 mars 2013, qu'après avoir constaté l'absence de toute comptabilité de la société Garovito Construções LDA concernant ses recettes réalisées en France, l'administration a reconstitué les chiffres d'affaires et les résultats de la société réalisés par son établissement stable en France au titre des exercices clos en 2010 et 2011. L'administration a ainsi déterminé l'existence de produits imposables s'élevant à 94 224 euros hors taxe et 105 275 euros hors taxe au titre, respectivement, des exercices clos en 2010 et 2011. Elle a également évalué la taxe sur la valeur ajoutée éludée à 128 843 euros en 2010 et à 140 868 euros en 2011. Ces sommes ont été regardées comme des revenus distribués imposables entre les mains de M. D... comme il a déjà été dit précédemment. A la suite d'une demande d'assistance administrative internationale du 10 janvier 2013, dont la réponse est intervenue postérieurement à la proposition de rectification du 19 mars 2013, les autorités portugaises ont communiqué les déclarations de résultats déposées au Portugal par la société Garovito Construções LDA au titre des exercices clos en 2010 et en 2011, son résultat s'élevant respectivement à 61 069 euros et 101 365 euros. L'administration portugaise a également indiqué qu'aucune déclaration de taxe sur la valeur ajoutée n'avait été déposée au cours de cette période, ce qui est confirmé par les factures produites dans la présente instance. Dans son mémoire du 12 janvier 2021, le ministre soustrait les montants des résultats déclarés auprès des autorités portugaises du montant reconstitué des bénéfices réalisés en France par l'établissement stable de la société Garovito Construções LDA. Le ministre en déduit que les revenus réputés distribués entre les mains de M. D... s'élèvent ainsi à 33 155 euros en 2010 et à 4 210 euros en 2011 à raison des bénéfices soumis à l'impôt sur les sociétés. Les rappels de taxe sur la valeur ajouté non déclarés au Portugal sont qualifiés de revenus distribués à hauteur de 128 843 euros en 2010 et de 140 868 euros en 2011.

12. Le requérant soutient pour sa part que les bénéfices générés en France par la société Garovito Construções LDA ont été déclarés au Portugal et que l'administration n'établit pas ainsi l'existence de flux sortant démontrant un désinvestissement à son bénéfice.

13. D'une part, il résulte des déclarations fiscales déposées auprès des autorités portugaises par la société Garovito Construções LDA au titre des années 2010 et 2011 que la société a déclaré avoir perçu au titre des recettes les sommes de 928 532 euros hors taxe en 2010 et 980 197 euros hors taxe en 2011. Elle a déclaré des dépenses d'achat de marchandises, de fournitures et de personnel à hauteur de 844 616 euros et 796 659 euros respectivement en 2010 et 2011. Dans le cadre de la vérification de comptabilité de l'établissement stable en France de la société Garovito Construções LDA, l'administration a reconstitué le bénéfice imposable après avoir évalué les recettes à partir des encaissements observés sur les comptes bancaires détenus en France par la société pour des montants de 691 297 euros hors taxe en 2010 et 772 378 euros hors taxe en 2011, soit des montants inférieurs aux recettes déclarées au Portugal par la société. Le service a ensuite retenu des charges à hauteur de 597 073 euros hors taxe en 2010 et 667 103 euros hors taxe en 2011 et a déduit l'existence de bénéfices imposables supérieurs à ceux déclarés au Portugal comme cela a été dit au point 11. Cependant, la circonstance que le bénéfice reconstitué par l'administration fiscale au titre de l'exploitation française soit supérieur au bénéfice global déclaré par la société étrangère et imposé dans son Etat de résidence ne révèle pas, à elle seule, l'existence d'une distribution. Eu égard aux éléments précédemment rappelés, l'administration n'établit pas que la société Garovito Construções LDA n'aurait pas déclaré l'intégralité de ses revenus de source française à l'administration portugaise et que les bénéfices en découlant n'y auraient pas été imposés. Si la société disposait également de deux comptes bancaires au Portugal mouvementés par son gérant tel que cela ressort de la déclaration de la banque portugaise domiciliant ces comptes du 7 juin 2017, produite par le requérant, l'administration fiscale n'apporte pas d'élément justifiant que les bénéfices déclarés à l'étranger ne comprendraient pas l'intégralité des produits de l'exploitation française et que des recettes auraient été générées en sus au titre d'une activité réalisée au Portugal. Il n'est d'ailleurs pas contesté par l'administration que la société Garovito Construções LDA n'a déposé aucune déclaration de taxe sur la valeur ajoutée au Portugal, les prestations de service ayant été réalisées par la société sur le seul territoire français, ce qui a été confirmé au cours de l'audience. Par suite, en se bornant à soutenir que les bénéfices reconstitués en France, à hauteur des sommes de 94 224 euros en 2010 et 105 275 euros en 2011, doivent être regardés comme des revenus distribués entre les mains de M. D... au seul motif que leurs montants sont supérieurs à ceux déclarés et imposés au Portugal, l'administration n'établit pas l'existence d'une distribution au profit de M. D... des bénéfices constitués par les recettes hors taxe dégagées par l'établissement stable en France de la société Garovito Construções LDA. Il s'ensuit que la demande de substitution de base légale de l'administration ne peut être accueillie s'agissant des revenus distribués afférents aux bénéfices soumis à l'impôt sur les sociétés.

14. D'autre part, s'agissant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, les recettes dissimulées sont présumées avoir été facturées toutes taxes comprises. L'administration est par suite fondée à procéder à la réintégration extra-comptable, dans les bénéfices de la société, de la somme correspondant au montant hors taxe des recettes omises, puis à ajouter à ces bénéfices la somme correspondant au montant de la taxe sur la valeur ajoutée due sur ces recettes calculées hors taxes, et de regarder la totalité des recettes ainsi encaissées par l'établissement stable, non portées dans la comptabilité et regardées comme ayant le caractère de revenu distribué de la totalité des recettes.

15. Il est constant que la société Garovito Construções LDA n'a déclaré aucune taxe sur la valeur ajoutée auprès des autorités portugaises. Il n'est pas justifié entre outre que les clients de la société Garovito Construções LDA assujettis auraient procédé à l'autoliquidation de la taxe sur leurs déclarations. L'administration fait valoir par ailleurs, sans être contredite, que ces bénéfices constitués par la taxe sur la valeur ajoutée due mais non liquidée, réalisés par la société Garovito Construções LDA depuis son établissement stable en France, n'ont été ni mis en réserve ni incorporés au capital. M. D... ne peut utilement faire valoir que l'administration n'a identifié aucun flux sortant à son bénéfice correspondant à des revenus distribués, cette seule circonstance ne permettant pas de remettre en cause l'existence de distributions imposées sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts. Dans ces conditions, l'administration établit l'existence d'un désinvestissement correspondant au montant de la taxe sur la valeur ajoutée éludée au titre des années 2010 et 2011 à l'origine de revenus distribués imposables entre les mains de leurs bénéficiaires au titre du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts. Il s'ensuit que ces bénéfices entrent dans le champ d'application du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts. Par suite, dès lors que M. D... n'a été privé d'aucune garantie, la demande de substitution de base légale présentée par le ministre peut être accueillie au titre des revenus distribués correspondant aux bénéfices résultant de la taxe sur la valeur ajoutée non déclarée.

16. En second lieu, aux termes de l'article 115 quinquies du code général des impôts : " 1. Les bénéfices réalisés en France par les sociétés étrangères sont réputés distribués, au titre de chaque exercice, à des associés n'ayant pas leur domicile fiscal ou leur siège social en France ".

17. Au regard de ce qui a été dit aux points précédents, les bénéfices de la société Garovito Construções LDA, tirés de son activité en France, au cours de la période en litige, étaient imposables à l'impôt sur les sociétés en application de la loi fiscale française. Par conséquent, le moyen tiré par M. D..., qui réside fiscalement en France, de ce que l'administration aurait fait une inexacte application de l'article 115 quinquies du code général des impôts, applicable aux seules sociétés étrangères et aux associés ne disposant pas de domicile fiscal en France, doit être écarté comme inopérant.

En ce qui concerne l'appréhension des revenus distribués :

18. En cas de refus des rehaussements par le contribuable qu'elle entend imposer comme bénéficiaire des sommes regardées comme distribuées, il incombe à l'administration d'apporter la preuve de l'existence et du montant des revenus distribués ainsi que de l'appréhension par l'intéressé des revenus imposés à son nom. Toutefois, le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire, est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle.

19. Il résulte de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification du 19 mars 2013, qu'à la suite de l'exercice d'un droit de communication auprès des deux établissements bancaires où étaient domiciliés les comptes de la société Garovito Construções LDA, l'administration a constaté que M. D..., associé dans cette société, détenait seul la signature de ces deux comptes bancaires de la société et a signé l'ensemble des chèques dont a eu connaissance le vérificateur. L'administration a constaté qu'aucune procuration sur ces deux comptes bancaires de la société n'a été donnée au gérant. En comparant les factures des clients de la société Garovito Construções LDA et les encaissements bancaires, le vérificateur a constaté que toutes les recettes issues des chantiers de maçonnerie effectués sur le territoire français ont été encaissées sur ces deux comptes. L'ensemble des documents bancaires est adressé au domicile personnel de M. D.... Il est apparu par ailleurs que M. D... disposait du pouvoir d'engager juridiquement la société notamment en ayant ouvert personnellement les comptes bancaires de la société sans disposer de procuration de la part du gérant et en déposant les déclarations de détachement des salariés portugais de la société Garovito Construções LDA comme il l'a déclaré lors de son audition par l'inspection du travail au cours d'un contrôle le 26 septembre 2012. M. D... est par ailleurs le représentant légal de la société en matière de taxe sur la valeur ajoutée. Dans ces conditions, quand bien même il est justifié que M. A..., domicilié au Portugal et gérant de la société Garovito Construções LDA, se déplaçait régulièrement en France et disposait d'un logement et nonobstant l'attestation de M. A... du 1er février 2017, établie pour les besoins de la cause, se déclarant l'unique bénéficiaire des distributions, l'administration établit que M. D... devait être regardé comme le seul maître de l'affaire et était en mesure d'user sans contrôle des biens de la société comme de biens qui lui étaient propres. Il n'y a pas lieu de rechercher si le gérant a renoncé à son pouvoir de contrôle sur M. D.... Il s'ensuit que M. D... ne produisant aucun élément de nature à renverser la présomption selon laquelle il a appréhendé les sommes réputées distribuées par la société Garovito Construções LDA en tant que maître de l'affaire, c'est à bon droit que le service a taxé entre ses mains, sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 précité du code général des impôts, les distributions en litige.

20. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions et des pénalités correspondant à la réduction des bases d'imposition de l'impôt sur le revenu à concurrence des sommes de 94 225 euros au titre de l'année 2010 et de 105 275 au titre de l'année 2011, sommes qu'il y a lieu en conséquence de soustraire desdites bases d'imposition.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

21. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions relatives à l'application de la majoration de 25 % prévue au premier alinéa du 7 de l'article 158 du code général des impôts pour l'établissement des contributions sociales assises sur les revenus distribués mentionnés à l'article 111 du même code.

Article 2 : Les sommes de 94 225 euros au titre de l'année 2010 et de 105 275 euros au titre de l'année 2011 imposées en tant que revenus des capitaux mobiliers sont déduites des bases d'imposition de l'impôt sur le revenu de M. D... dû respectivement au titre des années 2010 et 2011.

Article 3 : M. D... est déchargé de la différence entre les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux et les cotisations de contributions sur les hauts revenus auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010 et 2011 et celles qui résultent de l'article 2 du présent arrêt, ainsi que des pénalités correspondantes.

Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Nancy du 30 juin 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. D... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

2

N° 20NC02952


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC02952
Date de la décision : 01/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-04-02-03-01 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. - Revenus distribués.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Stéphanie LAMBING
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : ACKERMANN

Origine de la décision
Date de l'import : 10/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-07-01;20nc02952 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award