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26/06/2020 | FRANCE | N°19NC02420

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 26 juin 2020, 19NC02420


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... B... épouse I..., M. E... I..., agissant tant en son nom propre qu'au nom de ses enfants mineurs A... et Diégo I..., M. D... I... et Mme J... I... épouse F... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à leur verser la somme totale de 112 100 euros en réparation des préjudices subis, avant son décès, par M. H... I..., ainsi que, en réparation de leurs

préjudices propres, la somme de 244 100,89 euros à Mme I..., la somme de 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... B... épouse I..., M. E... I..., agissant tant en son nom propre qu'au nom de ses enfants mineurs A... et Diégo I..., M. D... I... et Mme J... I... épouse F... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à leur verser la somme totale de 112 100 euros en réparation des préjudices subis, avant son décès, par M. H... I..., ainsi que, en réparation de leurs préjudices propres, la somme de 244 100,89 euros à Mme I..., la somme de 26 201,60 euros à M. D... I..., la somme de 28 474,57 euros à M. E... I..., la somme de 8 000 euros chacun aux enfants A... et Diégo I... et celle de 5 000 euros à Mme F....

Par un jugement n° 1401555 du 4 octobre 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a limité le montant des réparations mises à la charge de l'ONIAM à la somme de 65 000 euros à verser aux consorts I... en leur qualité d'ayants droit de M. H... I... et, sous déduction des sommes déjà versées à titre de provision, à la somme de 29 717,17 euros à verser à Mme G... I... et à la somme de 6 500 euros à verser à chacun de ses deux fils MM. Ludovic et Michaël I..., et a rejeté le surplus de la demande.

Par une requête et un mémoire enregistrés les 1er décembre 2016 et 23 mars 2017, les consorts I... ont demandé à la cour de réformer ce jugement et de porter le montant de la condamnation de l'ONIAM à la somme totale de 130 100 euros pour la réparation des dommages subis par M. H... I... et, pour la réparation de leurs préjudices propres, à la somme de 191 333,51 euros en ce qui concerne Mme I..., à la somme de 26 201,60 euros pour M. D... I..., à la somme de 28 474,57 euros pour M. E... I..., à la somme de 8 000 euros chacun pour les enfants A... et Diégo I... et à celle de 5 000 euros pour Mme F....

Par un arrêt n° 16NC02653 du 5 juin 2018, la cour administrative d'appel de Nancy a porté à 41 335,65 euros, 18 398,22 euros et 16 191,73 euros la somme mise à la charge de l'ONIAM au titre des préjudices propres respectivement de Mme G... I..., M. E... I... et M. D... I... mais a rejeté le surplus des conclusions d'appel.

Par une décision n° 422934 du 24 juillet 2019, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a, sur pourvoi des consorts I..., annulé l'arrêt de la cour en tant seulement qu'il a rejeté les demandes d'indemnisation présentées pour les enfants A... et Diégo I... et par Mme F... et a renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Nancy dans la mesure de la cassation prononcée.

Procédure devant la cour après cassation :

Par des mémoires enregistrés les 20 septembre et 21 octobre 2019, M. E... I..., agissant au nom de ses enfants mineurs A... et Diégo I... et Mme J... I... épouse F..., représentés par Me C..., demandent à la cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 4 octobre 2016 ;

2°) de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à verser à A... et Diégo I... une somme de 8 000 euros chacun, et à Mme J... I... épouse F... une somme de 5 000 euros, en réparation de leur préjudice moral ;

3°) de mettre à la charge de l'ONIAM le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que A... et Diégo I..., petits-fils de la victime, et Mme I... épouse F..., soeur de la victime, entretenaient des liens étroits avec M. H... I... et justifient donc de l'existence d'un préjudice moral.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 octobre 2019, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par Me de la Grange, conclut à ce que la cour ramène les demandes indemnitaires à de plus justes proportions et au rejet des demandes des consorts I... présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Favret, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. H... I..., alors âgé de 61 ans, a été pris en charge par les Hôpitaux civils de Colmar à compter du 17 août 2011 et y a fait l'objet d'une intervention chirurgicale le 20 août 2011 au cours de laquelle il a été victime d'un arrêt cardio-circulatoire à l'origine d'une encéphalopathie anoxique qui l'a laissé en état de paraplégie limitant ses capacités à un état pauci-relationnel. Il est décédé le 20 octobre 2012. La commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CRCI) d'Alsace a reconnu, dans un avis du 5 février 2013, qu'il avait été victime d'un accident médical non fautif dont les conséquences ouvraient droit à une indemnisation au titre de la solidarité nationale. Son épouse, Mme G... I..., et ses deux fils, MM. Ludovic et Michaël I... ont cependant refusé l'offre d'indemnisation qui leur a été faite par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM). Le tribunal administratif de Strasbourg a alors, par un jugement du 4 octobre 2016, mis à la charge de ce dernier le versement à Mme G... I... et MM. Ludovic et Michaël I... de la somme de 65 000 euros au titre du préjudice subi par la victime, ainsi que le versement à Mme G... I... de la somme de 29 717,17 euros, d'une part, et à MM. Ludovic et Michaël I... de la somme de 6 500 euros chacun, d'autre part, en réparation de leurs préjudices propres, mais il a rejeté le surplus de leurs demandes ainsi que les demandes indemnitaires présentées au nom de ses deux enfants mineurs A... et Diégo I... par M. E... I... et par Mme J... I... épouse F..., soeur de la victime.

2. Par un arrêt du 5 juin 2018, la cour administrative d'appel de Nancy a, sur appel des consorts I..., porté à 41 335,65 euros, 18 398,22 euros et 16 191,73 euros la somme mise à la charge de l'ONIAM au titre des préjudices propres subis respectivement par Mme G... I..., M. E... I... et M. D... I... mais a rejeté le surplus des demandes des conclusions d'appel. Par une décision du 24 juillet 2019, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, a annulé l'arrêt de la cour en tant seulement qu'il a rejeté les demandes d'indemnisation présentées par M. E... I... au nom de ses enfants mineurs A... et Diégo I... et par Mme F... et il a renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Nancy dans la mesure de la cassation prononcée.

Sur le droit à réparation de A... et Diégo I... et de Mme F... :

3. Aux termes du premier alinéa du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, issu de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dans sa rédaction résultant de la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, applicable au litige porté devant les juges du fond : " Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'incapacité permanente ou de la durée de l'incapacité temporaire de travail ".

4. En prévoyant, depuis la loi du 9 août 2004, l'indemnisation au titre de la solidarité nationale des ayants droit d'une personne décédée en raison d'un accident médical, d'une affection iatrogène ou d'une infection nosocomiale, les dispositions précitées ouvrent un droit à réparation aux proches de la victime, qu'ils aient ou non la qualité d'héritiers, qui entretenaient avec elle des liens étroits, dès lors qu'ils subissent du fait de son décès un préjudice direct et certain. Par ailleurs, lorsque la victime a subi avant son décès, en raison de l'accident médical, de l'affection iatrogène ou de l'infection nosocomiale, des préjudices pour lesquels elle n'a pas bénéficié d'une indemnisation, les droits qu'elle tirait des dispositions précitées sont transmis à ses héritiers en application des règles du droit successoral résultant du code civil.

5. A... et Diégo I..., petits-enfants de M. H... I..., et Mme F..., sa soeur, peuvent ainsi, en cette qualité, quand bien même ils n'auraient pas la qualité d'héritiers ou de légataires de la victime, prétendre à une indemnisation du préjudice moral ayant résulté pour eux du décès de M. H... I..., au titre de la solidarité nationale. Par suite, les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté les demandes d'indemnisation de A... et Diégo I... et de Mme F....

Sur le préjudice moral de A... et Diégo I... et de Mme J... F... :

6. Il résulte de l'instruction, et il n'est d'ailleurs pas contesté, que A... et Diégo I..., âgés respectivement de cinq et deux ans à la date du décès de leur grand-père, habitaient à trois cents mètres de ce dernier, qu'ils voyaient très régulièrement. Il sera fait une juste appréciation de leur préjudice moral en fixant à 3 000 euros le montant de l'indemnisation à laquelle chacun d'eux peut prétendre à ce titre.

7. Il n'est pas davantage contesté, que Mme J... F..., entretenait des relations suivies avec son frère, avec lequel elle partait régulièrement en vacances. Il sera fait une juste appréciation de son préjudice moral en lui allouant une indemnité de 5 000 euros à ce titre.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... I... et Mme J... F... sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté, dans cette mesure, leurs conclusions indemnitaires.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ONIAM le versement à A... et Diégo I..., représentés par M. E... I..., et à Mme J... F... d'une somme globale de 1 500 euros au titre de ces dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 4 octobre 2016 est annulé, en tant qu'il a rejeté les demandes indemnitaires présentées par M. E... I... pour ses enfants mineurs A... et Diégo I... et par Mme J... F....

Article 2 : L'ONIAM est condamné à verser à A... et Diégo I..., représentés par M. E... I..., une somme de 3 000 euros chacun, et à Mme J... F... une somme de 5 000 euros, en réparation de leur préjudice moral.

Article 3 : L'ONIAM versera à A... et Diégo I..., représentés par M. E... I... et à Mme J... F... une somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... I..., représentant légal de A... et Diégo I..., à Mme J... I... épouse F... et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

N° 19NC02420 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19NC02420
Date de la décision : 26/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Service public de santé - Établissements publics d'hospitalisation - Responsabilité sans faute - Actes médicaux.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Préjudice - Caractère indemnisable du préjudice - Questions diverses.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Créancier du droit à indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Jean-Marc FAVRET
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : SCP SYNERGIE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-06-26;19nc02420 ?
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