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05/06/2018 | FRANCE | N°16NC02653

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 05 juin 2018, 16NC02653


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H... C...épouseJ..., M. F...J..., agissant tant en son nom propre qu'au nom de ses enfants mineurs A...et B...J..., M. D...J...et Mme K... J... épouse G...ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à leur verser la somme totale de 112 100 euros en réparation des préjudices subis par M. I...J..., ainsi que, en réparation de leurs préjudices propres, la somme d

e 244 100,89 euros à MmeJ..., la somme de 26 201,60 euros à M. D...J...,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H... C...épouseJ..., M. F...J..., agissant tant en son nom propre qu'au nom de ses enfants mineurs A...et B...J..., M. D...J...et Mme K... J... épouse G...ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à leur verser la somme totale de 112 100 euros en réparation des préjudices subis par M. I...J..., ainsi que, en réparation de leurs préjudices propres, la somme de 244 100,89 euros à MmeJ..., la somme de 26 201,60 euros à M. D...J..., la somme de 28 474,57 euros à M. F...J..., la somme de 8 000 euros chacun à MM. A...et B...J...et celle de 5 000 euros à MmeG....

Par un jugement n° 1401555 du 4 octobre 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a limité le montant des réparations mises à la charge de l'ONIAM à la somme de 65 000 euros à verser aux consorts J...en leur qualité d'ayants droit de M. I...J...et, sous déduction des sommes déjà versées à titre de provision, à la somme de 29 717,17 euros à verser à Mme H...J...et à la somme de 6 500 euros à verser à chacun de ses deux fils MM. D... et F...J..., et a rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 1er décembre 2016, et un mémoire en réplique enregistré le 23 mars 2017, Mme H... C...épouseJ..., M. F...J..., agissant tant en son nom propre qu'au nom de ses enfants mineurs A...et B...J..., M. D...J...et Mme K... J... épouseG..., représentés par la SCP Synergie Avocats, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 4 octobre 2016 ;

2°) de porter le montant de la condamnation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à la somme totale de 130 100 euros pour la réparation des dommages subis par M. I...J...et, pour la réparation de leurs préjudices propres, à la somme de 191 333,51 euros en ce qui concerne Mme J..., à la somme de 26 201,60 euros pour M. D...J..., à la somme de 28 474,57 euros pour M. F...J..., à la somme de 8 000 euros chacun pour MM. A...et B...J...et à celle de 5 000 euros pour MmeG... ;

3°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les conditions d'une indemnisation au titre de la solidarité nationale sont réunies dès lors que M. I... J...est décédé des suites d'un choc anaphylactique aux Hôpitaux civils de Colmar ;

- ils présentent tous la qualité d'ayant droit au sens et pour l'application de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ;

- ils ont droit à l'indemnisation de l'ensemble de leurs préjudices, y compris ceux qu'ils ont subis antérieurement au décès ;

- le déficit fonctionnel subi par la victime pendant 428 jours doit être porté de la somme de 7 000 euros à celle de 32 100 euros, sur la base d'une indemnisation de 75 euros par jour ;

- les souffrances physiques et morales évaluées à 6,5 sur une échelle de 0 à 7 doivent être réparées par l'allocation d'une somme de 50 000 euros ;

- le montant de 18 000 euros alloués par les premiers juges en réparation du préjudice esthétique n'est pas contesté ;

- la conscience d'une espérance de vie limitée constitue un poste de préjudice distinct de celui des souffrances physiques et morales ;

- ce poste de préjudice doit être porté de la somme de 10 000 euros allouée par les premiers juges à celle de 30 000 euros ;

- MmeJ..., épouse de la victime, justifie d'un préjudice moral fixé à 25 000 euros par le tribunal administratif dont l'évaluation n'est pas contestée ;

- elle justifie d'un préjudice d'accompagnement évalué à 5 000 euros ;

- le montant des frais funéraires s'établit à 4 717,17 euros, ainsi que le tribunal administratif les a évalués ;

- le décès de son époux prive Mme J...de revenus pour un montant total de 149 997,86 euros ;

- l'accident médical est à l'origine de frais de déplacement évalués à 6 618,48 euros ;

- l'évaluation du préjudice moral subi par chacun des deux fils de la victime doit être portée de 6 500 à 10 000 euros ;

- ils justifient l'un et l'autre d'un préjudice d'accompagnement fixé à 5 000 euros chacun, et de frais de déplacement évalués à 6 201,60 euros pour Michaël et à 8 474,57 euros pourD... ;

- ils se trouvent privés de l'assistance de leur père pour les travaux de construction et d'entretien de leurs maisons et justifient ainsi d'un préjudice évalué pour chacun à 5 000 euros ;

- chacun des deux-petits fils de la victime justifie d'un préjudice moral évalué à 8 000 euros ;

- la soeur de la victime justifie d'un préjudice moral évalué à 5 000 euros.

Par deux mémoires en défense enregistrés le 6 avril 2017 et le 4 mai 2018, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par Me de la Grange, conclut au rejet de la requête et, par la voie d'un appel incident, à ce que la condamnation mise à sa charge soit ramenée du montant de 107 717,17 euros à celui de 88 887,17 euros.

L'ONIAM soutient que :

- le déficit fonctionnel subi par la victime doit être ramené de la somme de 7 000 euros à celle de 6 691 euros ;

- le tribunal administratif n'a pas fait une insuffisante appréciation des souffrances subies par la victime en allouant la somme de 30 000 euros à ce titre ;

- l'évaluation du préjudice esthétique doit être ramenée de la somme de 18 000 euros à celle de 10 000 euros ;

- la perte de chance de survie est un préjudice incertain qui ne saurait faire l'objet d'une indemnisation ;

- le préjudice résultant de la conscience d'une espérance de vie réduite, évaluée par les premiers juges au montant de 10 000 euros, a déjà été indemnisé au titre des souffrances physiques et morales ;

- le préjudice moral subi par l'épouse de la victime, évalué à 25 000 euros par le tribunal administratif, n'est pas contesté ;

- l'intéressée n'est pas fondée à demander l'indemnisation du préjudice d'accompagnement ;

- les frais funéraires s'établissent à la somme de 4 196,17 euros ;

- l'épouse de la victime ne justifie ni des pertes de revenus dont elle demande la réparation, ni des frais de déplacement allégués ;

- le tribunal administratif n'a pas fait une insuffisante appréciation du préjudice subi par les deux fils de la victime en allouant à chacun la somme de 6 500 euros ;

- ces derniers ne justifient ni d'un préjudice d'accompagnement, ni d'un préjudice résultant de ce qu'ils sont privés de l'assistance de leur père pour la réalisation de travaux domestiques, ni encore des frais de déplacement dont ils demandent le remboursement ;

- les deux-petits fils et la soeur de la victime ne sont pas fondés à obtenir une réparation dès lors qu'ils n'ont pas la qualité d'ayant droit ;

- à titre subsidiaire, le préjudice moral qu'ils subissent ne saurait excéder 2 000 euros pour chacun des deux petits-fils et 4 000 euros pour la soeur de la victime.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guérin-Lebacq,

- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public.

1. Considérant que M. I...J..., alors âgé de 61 ans, a été pris en charge par les Hôpitaux civils de Colmar à compter du 17 août 2011 pour le traitement de douleurs abdominales ; qu'une cholécystite lithiasique ayant été diagnostiquée, il a fait l'objet d'une intervention chirurgicale le 20 août 2011 en vue de l'ablation de la vésicule biliaire ; que l'intéressé, victime d'un arrêt cardio-circulatoire au cours de l'opération, à l'origine d'une encéphalopathie anoxique, est resté atteint d'une paraplégie limitant ses capacités à un état pauci-relationnel ; que M. J...est décédé le 20 octobre 2012 ; que son épouse, Mme H...J..., et ses deux fils, MM. D... et F...J..., ont saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CRCI) d'Alsace qui, par un avis du 5 février 2013, a estimé que M. I... J... avait été victime d'un accident médical non fautif dont les conséquences ouvraient droit à une indemnisation au titre de la solidarité nationale ; qu'après avoir refusé l'offre d'indemnisation faite par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), Mme J...et ses fils ont saisi le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg qui, par une ordonnance du 27 février 2014, a alloué une provision de 29 400 euros à la requérante et une provision de 6 000 euros à chacun de ses deux fils ; qu'en outre, les intéressés, ainsi que MM. A...et B...J...et L...G..., respectivement petits-fils et soeur de la victime, ont saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'indemnisation de leurs préjudices chiffrés, dans le dernier état de leurs écritures, à la somme globale de 431 877,06 euros ; que les requérants font appel du jugement du 4 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a limité le montant des réparations mises à la charge de l'ONIAM à la somme globale de 107 717,17 euros et demandent, devant la cour, que ce montant soit porté à 397 109,68 euros ; que, par la voie d'un appel incident, l'ONIAM demande à la cour que le montant total des réparations soit ramené à la somme de 88 887,17 euros ;

Sur le principe de l'indemnisation au titre de la solidarité nationale :

2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Lorsque la responsabilité (...) d'un établissement, service ou organisme mentionné au I (...) n'est pas engagée, un accident médical (...) ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire " ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise déposé devant la CRCI d'Alsace, que, lors de l'opération pratiquée en vue de l'ablation de sa vésicule, M. I... J...a fait l'objet d'une anesthésie au moyen notamment d'un produit à base de curare ; que l'intéressé a fait une allergie à ce produit qui se trouve à l'origine de l'arrêt cardio-respiratoire dont il a été victime et, par suite, de son encéphalopathie anoxique et des séquelles dont il est resté atteint après l'opération qui, compte tenu des multiples infections consécutives aux soins rendus nécessaires par son état, ont entrainé son décès le 20 octobre 2012 ; qu'après avoir relevé qu'aucune faute n'était imputable aux Hôpitaux civils de Colmar dans la prise en charge de M. J..., notamment l'utilisation du curare au cours de l'intervention chirurgicale, l'expert précise que les séquelles dont le patient est resté atteint puis son décès ne constituent pas une évolution prévisible de sa maladie de la vésicule biliaire ; qu'ainsi, l'acte médical subi par l'intéressé a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement ; qu'il s'ensuit que les conséquences dommageables de cet acte médical ouvrent droit, sur le fondement des dispositions précitées, à réparation au titre de la solidarité nationale, ce que l'ONIAM ne conteste pas ;

Sur les préjudices subis par M. I...J...:

4. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise déposé devant la CRCI d'Alsace, que M. I...J...a présenté un déficit fonctionnel total du 20 août 2011 au 16 septembre 2011 puis du 1er janvier 2012 au 3 janvier 2012 et un déficit fonctionnel évalué à 95 % au cours des autres périodes entre l'intervention chirurgicale du 20 août 2011 et son décès survenu le 22 octobre 2012 ; que les premiers juges ont procédé à une évaluation qui n'est ni insuffisante, ni excessive en fixant le montant de ce chef de préjudice à la somme de 7 000 euros ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que M. J...a subi, du 20 août 2011 au 22 octobre 2012, un préjudice esthétique qualifié de très important par l'expert en raison notamment de la trachéotomie qu'il a subie, de la paralysie des membres et des rétractions musculo-tendineuses dont il a souffert ; que, contrairement à ce que soutient l'ONIAM, les premiers juges n'ont pas fait une appréciation excessive de ce poste de préjudice en l'évaluant à la somme de 18 000 euros ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que M. J...a enduré pendant la période mentionnée au point 4 des souffrances physiques, psychiques et morales dont l'intensité a été évaluée à 6,5 sur une échelle de 0 à 7 par l'expert ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice, incluant la douleur morale éprouvée par la victime du fait de la conscience d'une espérance de vie réduite, en l'évaluant à la somme totale de 40 000 euros ; qu'eu égard aux sommes allouées à ce titre par les premiers juges, il s'ensuit que ni les requérants, ni l'ONIAM ne sont fondés à demander une réformation du jugement attaqué sur ce point ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les préjudices subis par M. J...s'établissent au montant total de 65 000 euros, selon l'évaluation fixée par les premiers juges ;

Sur les préjudices subis en propre par les requérants :

8. Considérant que les dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, citées au point 2, ne prévoient d'indemniser au titre de la solidarité nationale que les préjudices du patient victime d'un accident médical non fautif et, en cas de décès, les préjudices subis par ses ayants droit ; que si, eu égard aux principes énoncés au chapitre III du titre Ier du livre III du code civil, la veuve et les enfants de M. I...J...ont la qualité d'héritiers de ce dernier et peuvent être regardés comme en étant les ayants droit au sens du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, il n'est pas établi que tel serait le cas des petits-fils et de la soeur de la victime ; qu'ainsi, seuls Mme H...J...et MM. D...et F...J...sont fondés à solliciter l'indemnisation des préjudices qu'ils ont eux-mêmes subis du fait de l'accident médical non fautif subi par leur époux et père ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté les conclusions indemnitaires présentées par Mme E...G...et pour MM. A...et B...J...;

9. Considérant, en revanche, qu'il résulte des termes mêmes du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique qu'en cas de décès de la victime principale, ses ayants droit peuvent obtenir au titre de la solidarité nationale la réparation des préjudices directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins qui présentent le caractère d'un accident médical non fautif ; qu'il ressort en outre des travaux parlementaires préalables à l'adoption de la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, dont l'article 114 a modifié l'article L. 1142-1 afin de permettre l'indemnisation des ayants droit, que leur droit à réparation s'exerce non seulement à l'égard des préjudices de la victime décédée dont le droit de créance, à cet égard, leur a été transmis par voie successorale, mais également à l'égard de leurs préjudices propres, sans limiter ceux-ci aux préjudices résultant du décès de la victime ; qu'il s'ensuit que Mme J...et ses fils sont fondés à obtenir l'indemnisation de tous leurs préjudices directement imputables à l'accident médical non fautif, y compris ceux qu'ils ont subis avant le décès de leur époux et père ;

En ce qui concerne les préjudices subis par Mme H...J...:

10. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit au point précédent que Mme J... est fondée à solliciter l'indemnisation du préjudice qu'elle a subi pour accompagner son époux après l'accident médical du 20 août 2011 ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce préjudice d'accompagnement, qui inclut l'ensemble des troubles résultant pour l'intéressée de l'accident médical subi par son époux, en lui allouant une somme de 5 000 euros à ce titre ;

11. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte encore de ce qui a été dit au point 9 que Mme J... est également fondée à solliciter l'indemnisation des frais de déplacement exposés pour rendre visite à son époux hospitalisé au sein des Hôpitaux civils de Colmar du 20 août 2011 au 23 avril 2012 puis au sein du centre hospitalier de Mulhouse de cette dernière date jusqu'au décès de l'intéressé ; qu'il ressort suffisamment des éléments versés aux débats par la requérante que celle-ci s'est rendue à de multiples reprises de son domicile situé à Roggenhouse (Haut-Rhin) au lieu d'hospitalisation de son époux et a ainsi parcouru 20 240 kilomètres du 20 août 2011 au 20 octobre 2012 ; que l'ONIAM se borne à affirmer que les frais de déplacement ne sont pas établis sans contester utilement les éléments justificatifs apportés par Mme J...qui peut ainsi prétendre au paiement des frais de déplacement qu'elle a engagés ; que, sur la base du barème kilométrique de l'administration fiscale applicable au cours des années 2011 et 2012 pour les distances supérieures à 20 000 kilomètres, lequel prévoit un montant de 0,327 euros par kilomètre parcouru pour un véhicule de 4 chevaux, ces frais doivent être fixés à la somme totale de 6 618,48 euros ;

12. Considérant, en troisième lieu, que Mme J...justifie avoir exposé, du fait du décès de son époux, des frais funéraires et d'obsèques qui doivent pris en compte dans leur totalité, y compris les frais relatifs à la publication d'un avis d'obsèques dans la presse locale dès lors que cette dépense ne présente pas de caractère excessif ; qu'il résulte de l'instruction que ces frais funéraires et d'obsèques s'établissent à la somme totale de 4 717,17 euros, ainsi que la requérante l'admet en appel ; qu'il s'ensuit que les premiers juges n'ont pas fait une appréciation excessive de ce poste de préjudice en lui allouant cette somme à titre de réparation ;

13. Considérant, en quatrième lieu, que le préjudice économique subi par une personne du fait du décès de son conjoint est constitué par la perte des revenus de la victime qui étaient consacrés à son entretien, compte tenu de ses propres revenus ;

14. Considérant qu'afin de déterminer les revenus du ménage lors du décès de M. J..., il convient de prendre en compte les pensions de retraite perçues par l'intéressé au cours des années 2009 à 2011 ; qu'il ressort des avis d'imposition produits à l'instance que ces pensions s'établissent à un montant annuel moyen de 22 586 euros ; qu'il convient également de prendre en compte les revenus perçus par Mme J...en 2011, première année au cours de laquelle lesdits revenus, d'un montant de 11 309 euros, ont été constitués de sa seule pension de retraite ; qu'en revanche, si la requérante fait état d'un " préjudice d'industrie " correspondant au coût des travaux d'entretien du domicile jusqu'alors assurés par son époux et qu'il va lui falloir désormais prendre en charge, le coût représenté par ce préjudice ne saurait être intégré dans les revenus du ménage dès lors que les activités domestiques de M. J...ne généraient aucun revenu ; qu'ainsi, les revenus du ménage lors du décès de M. J... doivent être évalués à 33 895 euros ; qu'il convient de déduire de ces revenus, alors que le couple n'avait plus d'enfant à charge, une somme correspondant à la part de consommation personnelle de M. J...et évaluée à 30 % par la requérante ; qu'ainsi, le revenu restant disponible pour MmeJ..., une fois déduite la part consommée par son époux, doit être fixé à 23 726,50 euros ; qu'il résulte de l'instruction, notamment des documents fiscaux produits par MmeJ..., et qu'il n'est pas contesté par cette dernière qui indique disposer d'un revenu annuel de 24 257 euros, qu'elle perçoit depuis le décès de son époux des revenus d'un montant supérieur à celui du revenu restant disponible précité ; que, dans ces conditions, Mme J...n'établit pas avoir subi de pertes de revenus ;

15. Considérant, en dernier lieu, que MmeJ..., qui soutient que son époux prenait en charge les travaux d'aménagement et d'entretien de leur domicile, demande l'indemnisation d'un " préjudice d'industrie " évalué à 6 225 euros ; que, toutefois, ni les factures produites à l'instance par la requérante, établies postérieurement au décès de son époux non seulement pour des travaux d'entretien mais également pour des travaux visant à l'amélioration de sa résidence, ni les attestations produites en appel ne suffisent à démontrer que les travaux au titre desquels la requérante demande réparation auraient présenté un caractère de nécessité et auraient été pris en charge par son époux ; que, dans ces conditions, il n'est pas établi que ces dépenses de travaux seraient imputables au dommage ;

16. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, compte tenu en outre du préjudice moral subi par la requérante et évalué par les premiers juges au montant non contesté de 25 000 euros, que les préjudices de Mme J...doivent être évalués à la somme globale de 41 335,65 euros ;

En ce qui concerne les préjudices subis par MM. D...et F...J...:

17. Considérant, en premier lieu et ainsi qu'il a été dit au point 9, que la circonstance que le préjudice d'accompagnement allégué par MM. D...et F...J...soit antérieur au décès de leur père ne fait pas obstacle à son indemnisation ; qu'en outre, si ces derniers avaient quitté le domicile parental pour fonder leur propre foyer avant que leur père ne soit victime de l'accident médical du 20 août 2011, il résulte de l'instruction qu'ils résidaient à proximité de l'intéressé et conservaient des relations très proches avec lui ; qu'ils justifient suffisamment des troubles qu'ils ont subis dans leurs conditions de vie habituelles en raison de l'hospitalisation de leur père auquel ils ont rendu régulièrement visite jusqu'à son décès le 20 octobre 2012 ; que, par suite, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par les deux fils de la victime, incluant leur préjudice moral d'affection et leur préjudice d'accompagnement, en portant la somme allouée par les premiers juges à chacun d'entre eux du montant de 6 500 euros à celui de 10 000 euros ;

18. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte encore de ce qui a été dit au point 9 que MM. D...et F...J...sont également fondés à solliciter l'indemnisation des frais de déplacement exposés pour rendre visite à leur père hospitalisé au sein des Hôpitaux civils de Colmar du 20 août 2011 au 23 avril 2012 puis au sein du centre hospitalier de Mulhouse de cette dernière date jusqu'à son décès ; qu'il ressort suffisamment des éléments versés aux débats par les requérants, notamment du tableau détaillant leurs visites et déplacements, qu'ils se sont rendus à de très nombreuses reprises de leurs domiciles situés à Roggenhouse (Haut-Rhin) au lieu d'hospitalisation ; que M. D...J...a ainsi parcouru 18 718 kilomètres au moyen d'un véhicule de 4 chevaux, tandis que son frère, qui a alternativement utilisé un véhicule de 4 chevaux et un autre de 6 chevaux, a parcouru 10 274 kilomètres au moyen du premier et 10 434 kilomètres avec le second ; que l'ONIAM se borne à affirmer que les frais de déplacement ne sont pas établis sans contester utilement les éléments justificatifs apportés par les requérants qui peuvent ainsi prétendre au paiement des frais de déplacement qu'ils ont engagés ; que, sur la base du barème kilométrique de l'administration fiscale applicable au cours des années 2011 et 2012 pour les distances de 5 001 à 20 000 kilomètres, lequel prévoit un montant de 0,274 euros par kilomètre parcouru pour un véhicule de 4 chevaux avec un correctif de 1 063 euros, ces frais doivent être fixés à la somme totale de 6 191,73 euros pour M. D...J...; que sur la même base, ces frais doivent être fixés à la somme totale de 3 878,08 euros à raison du véhicule de 4 chevaux utilisé par M. F...J... ; que ce dernier a droit en outre, sur la base de ce barème kilométrique qui prévoit un montant de 0,316 euros par kilomètre parcouru pour un véhicule de 6 chevaux avec un correctif de 1 223 euros, à une indemnité de 4 520,14 euros à raison de son second véhicule ; qu'il s'en suit que MM. D... et F...J...sont fondés à demander l'indemnisation de leurs frais de déplacement pour des montants fixés, respectivement, à 6 191,73 euros et à 8 398,22 euros ;

19. Considérant, en dernier lieu, que les requérants, qui soutiennent que leur père les avait assisté dans la construction de leurs maisons respectives, demandent l'indemnisation d'un " préjudice d'industrie " évalué à 5 000 euros pour chacun d'entre eux ; que, toutefois, ni les devis et factures produits à l'instance, établis postérieurement au décès de leur père pour des travaux d'amélioration de leurs résidences, ni les attestations produites en appel ne suffisent à démontrer que les travaux au titre desquels les requérants demandent réparation auraient présenté un caractère indispensable ou que leur père aurait nécessairement participé à leur réalisation en l'absence d'accident médical ; que, dans ces conditions, le préjudice résultant pour eux de ce qu'ils ont financé ces travaux, alors que leur père les aurait pris en charge s'il n'était décédé, revêt un caractère éventuel et ne saurait donner lieu à indemnisation ;

20. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les préjudices de MM. D... et F...J...doivent être évalués, respectivement, à la somme globale de 16 191,73 euros et à celle de 18 398,22 euros ;

21. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérants sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a limité le montant global des réparations à 107 717,17 euros, qu'il y a lieu de porter à la somme de 140 925,60 euros, soit 65 000 euros au titre de la succession de M. I...J..., 41 335,65 euros à Mme H...J..., sous déduction de la provision de 29 400 euros, 18 398,22 euros à M. F... J..., sous déduction de la provision de 6 500 euros et 16 191,73 euros à M. D... J...sous déduction de la provision de 6 500 euros ; qu'en revanche, l'ONIAM n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a fixé le montant des réparations à un montant supérieur à 88 887,17 euros ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

22. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme J...et ses deux fils et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La somme mise à la charge de l'ONIAM par le jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 1401555 du 4 octobre 2016 en réparation des préjudices subis par Mme H... J...est portée de 29 717,17 euros à 41 335,65 euros (quarante-et-un mille trois cent trente-cinq euros et soixante-cinq centimes), sous déduction de la somme déjà versée à titre de provision.

Article 2 : La somme mise à la charge de l'ONIAM par le jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 1401555 du 4 octobre 2016 en réparation des préjudices subis par M. F... J...est portée de 6 500 euros à 18 398,22 euros (dix-huit mille trois cent quatre-vingt-dix-huit euros et vingt-deux centimes), sous déduction de la somme déjà versée à titre de provision.

Article 3 : La somme mise à la charge de l'ONIAM par le jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 1401555 du 4 octobre 2016 en réparation des préjudices subis par M. D... J...est portée de 6 500 euros à 16 191,73 euros (seize mille cent quatre-vingt-onze euros et soixante-treize centimes), sous déduction de la somme déjà versée à titre de provision.

Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 1401555 du 4 octobre 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : L'ONIAM versera à Mme H...J...et MM. D...etF... J... une somme totale de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête et l'appel incident de l'ONIAM sont rejetés.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme H... C...épouseJ..., à M. F... J..., à M. D...J..., à Mme K... J... épouse G... et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

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N° 16NC02653


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