Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 17 novembre 2011 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi et de la santé a annulé la décision du 16 mai 2011 de l'inspecteur du travail et a autorisé son licenciement.
Par un jugement n° 1200175 du 15 octobre 2013, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.
Par un arrêt n° 13NC02257 du 30 septembre 2014 la cour administrative d'appel de Nancy a annulé le jugement du tribunal administratif et la décision du 17 novembre 2011 du ministre du travail, de l'emploi et de la santé.
Par une décision n° 386108 du 23 mars 2016, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la cour et a renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Nancy.
Procédure devant la cour :
Eu égard à la décision du Conseil d'Etat, la cour se trouve à nouveau saisie de la requête enregistrée le 12 décembre 2013.
Par une requête enregistrée le 12 décembre 2013 et un mémoire produit après cassation le 1er juin 2016, M.D..., représenté par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1200175 du 15 octobre 2013 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler la décision du 17 novembre 2011 du ministre du travail, de l'emploi et de la santé ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que la somme de 35 euros qu'il a versée au titre de la taxe fiscale instaurée par l'article 1635 bis Q du code général des impôts.
Il soutient que :
- la décision du ministre n'est pas motivée ;
- la convocation à l'entretien préalable du 8 mars 2011 méconnaît l'article L. 1232-2 du code du travail en ce qu'elle ne précise pas que M. D...sera entendu et que ses observations pourront être recueillies ;
- la société a méconnu les articles L. 2323-6 et L. 2323-15 du code du travail, dès lors qu'après le premier refus d'autorisation de licenciement de l'inspecteur du travail, elle aurait dû reprendre intégralement la procédure de licenciement en saisissant à nouveau le comité d'entreprise sur le projet de réorganisation ; l'employeur n'a pas satisfait à son obligation de reclassement en ne lui faisant pas de nouvelles propositions de reclassement alors que ces propositions ont été faites le 29 septembre 2010 ;
- le motif économique tiré de la sauvegarde de la compétitivité de la société n'est pas fondé et le ministre n'a pas examiné si la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise était menacée au niveau du groupe.
Par des mémoires, enregistrés le 1er avril 2014 et le 9 janvier 2017, la société Sotralentz Packaging, représentée par MeC..., conclut :
- à ce que soient mises en cause dans la procédure ses quatre mandataires judiciaires nommés à la suite de l'engagement d'une procédure de redressement judiciaire du 28 septembre 2016 désignant en qualité d'administrateurs : Mes Weils et Guyomard, Me E..., la SELARL Jenner et associés et la SELAS Koch et associés ;
- au rejet de la requête ;
- et à ce que soit mise à la charge de M. D...une somme de 2 500 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'article L. 1232-2 du code du travail dispose expressément que la lettre de convocation doit indiquer l'objet de la convocation, mais n'impose nullement à l'employeur de préciser au salarié qu'il sera entendu et que ses observations pourront être recueillies ;
- en l'absence de changements dans les circonstances de fait ou de droit, ce qui était le cas en l'espèce, la procédure de licenciement n'a pas à être reprise, surtout lorsque le délai entre les demandes est bref ;
- faisant partie d'un groupe, elle est tenue de justifier de la réalité du motif économique, mais ce motif doit être apprécié au niveau du secteur d'activité ; en l'espèce, l'ensemble du secteur d'activité Sotralentz Packaging est concerné par la nécessité de préserver la compétitivité.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Stefanski, président,
- et les conclusions de M. Favret, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Dans le cadre d'un projet de réorganisation de la société Sotralenz Packaging, l'employeur a envisagé la suppression du poste de travail de M.D..., salarié protégé.
2. Ce dernier a indiqué qu'il n'acceptait pas de recevoir des offres de reclassement hors du territoire national puis a refusé plusieurs offres écrites de reclassement qui lui avaient été remises le 8 octobre 2010, l'une dans l'entreprise qui l'employait et deux au sein d'une autre entreprise du groupe, situées sur le même site.
3. Après qu'une première demande d'autorisation de licencier M. D...a été rejetée par l'inspecteur du travail, le 23 février 2011, pour un motif tiré de l'irrégularité de la consultation du comité d'entreprise, l'employeur a adressé une nouvelle demande en ce sens, le 18 mars 2011, que l'inspecteur du travail a de nouveau rejetée par une décision du 16 mai 2011. Par une décision du 17 novembre 2011, le ministre du travail a annulé cette décision et accordé l'autorisation demandée.
4. M. D...interjette appel du jugement du 15 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande dirigée contre la décision ministérielle du 17 novembre 2011.
5. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des délégués syndicaux et des membres du comité d'entreprise, qui bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle, est subordonné à une autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière. En outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence.
Sur la légalité externe de la décision ministérielle contestée :
6. En premier lieu, M. D...soutient que la décision du 17 novembre 2011 du ministre du travail n'est pas motivée, dès lors que le ministre ne caractérise pas l'existence d'un motif économique tiré de la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise.
7. Toutefois, la décision contesté mentionne la baisse du chiffre d'affaires dans le secteur d'activité du "packaging" du groupe Sotralentz, la nécessité de réduire les effectifs de l'entreprise pour l'adapter à la charge de travail et préserver sa compétitivité, la baisse avérée de chiffre d'affaires entre 2009 et 2010, ainsi que la diminution de l'activité du magasin dit "accessoires" dans lequel travaillait M.D..., en raison de la forte baisse du nombre de camions à charger ou à décharger, ainsi que du volume des marchandises transportées depuis ou vers le site. Ainsi, le ministre a suffisamment motivé sa décision en ce qui concerne le motif économique du licenciement envisagé.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 1233-11 du code du travail : " L'employeur qui envisage de procéder à un licenciement pour motif économique, qu'il s'agisse d'un licenciement individuel ou inclus dans un licenciement collectif de moins de dix salariés dans une même période de trente jours, convoque, avant toute décision, le ou les intéressés à un entretien préalable. / La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre ". Aux termes de l'article L. 1233-13 du même code : " Lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise ".
9. Il ne résulte pas de ces dispositions, ni d'aucune autre, que la lettre de convocation du 28 février 2011 convoquant M. D...à l'entretien préalable du 8 mars 2011 devait mentionner que l'intéressé serait entendu et que ses observations pourraient être recueillies.
Sur la légalité interne :
10. En premier lieu, aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail : " Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ".
11. La sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise peut constituer un tel motif de licenciement économique à la condition que soit établie une menace pour la compétitivité de l'entreprise, laquelle s'apprécie, lorsque l'entreprise appartient à un groupe, au niveau du secteur d'activité dont relève l'entreprise en cause au sein du groupe.
12. Il résulte de ce qui précède que, compte tenu de l'activité de fabrication d'emballages de la société Sotralentz Packaging, le ministre a pu à bon droit faire porter son examen sur la situation économique du secteur d'activité " packaging " du groupe Sotralentz et n'était pas tenu d'examiner la compétitivité de l'ensemble du groupe. Ainsi, le moyen tiré de ce que le ministre du travail a commis une erreur de droit en ne recherchant pas si la sauvegarde de la compétitivité était menacée au niveau du groupe doit être écarté.
13. Il ressort des pièces du dossier que le chiffre d'affaires de l'activité de "packaging" de la société Sotralentz Packaging a diminué de 24 % entre 2008 et 2010 et que si la société a fait un bénéfice d'un peu plus d'un million d'euros en 2009, elle a subi une perte de 35 000 euros en 2010. Il ressort notamment des débats au comité d'entreprise au cours des différentes séances qu'il a tenues dans le cadre du licenciement économique en cause, que le nombre de camions à charger et décharger dans le magasin "accessoires" auquel était affecté M. D...a diminué de plus de 16 % au cours de la même période, que le nombre d'heures effectives de travail dans ce magasin a diminué de plus de 30 %, en raison de la baisse d'activité de l'activité de fabrication d'emballages. De même, dans sa nouvelle demande de licenciement présentée le 18 mars 2011, à la suite du premier refus de l'inspecteur du travail, ainsi que dans un courrier du 2 mai 2011 adressé à la Direccte afin de produire des documents supplémentaires, la société Sotralentz a précisé les chiffres de ses activités afin de démontrer que ses difficultés s'aggravaient. Par suite, le licenciement de M. D... doit être regardé comme justifié par la nécessité de sauvegarder la compétitivité du secteur d'activité " packaging " du groupe Solatralentz et comme reposant ainsi sur un motif économique réel.
14. En second lieu, aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. / Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. / Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises ".
15 Le premier alinéa de l'article L. 1233-4-1 du même code dans sa rédaction applicable à l'espèce, dispose que : " Lorsque l'entreprise ou le groupe auquel elle appartient est implanté hors du territoire national, l'employeur demande au salarié, préalablement au licenciement, s'il accepte de recevoir des offres de reclassement hors de ce territoire, dans chacune des implantations en cause, et sous quelles restrictions éventuelles quant aux caractéristiques des emplois offerts, notamment en matière de rémunération et de localisation ".
16. Les possibilités de reclassement dans l'entreprise, et éventuellement au sein du groupe, s'apprécient antérieurement à la date d'autorisation du licenciement, à compter du moment où celui-ci est envisagé.
17. Si, après qu'une première demande d'autorisation de licenciement d'un salarié a été refusée par l'administration, celle-ci est à nouveau saisie par l'employeur d'une demande d'autorisation de licencier le même salarié, il lui appartient d'apprécier cette nouvelle demande compte tenu des circonstances de droit et de fait à la date à laquelle elle prend sa nouvelle décision. S'agissant, en particulier, de l'obligation de reclassement qui pèse sur l'employeur, il appartient à l'administration de vérifier qu'à cette date, l'employeur a recherché l'ensemble des possibilités de reclassement dans l'entreprise et éventuellement au sein du groupe compte tenu, le cas échéant, de changements des circonstances survenus postérieurement au premier refus. En revanche, l'employeur n'est pas tenu, au titre de cette obligation, d'adresser à nouveau au salarié, avant de présenter cette seconde demande, celles des propositions de reclassement encore valides qu'il avait déjà faites au salarié avant de présenter sa première demande d'autorisation de licenciement et que ce dernier aurait refusées.
18. M. D...avait été engagé par la société Sotralentz Packaging comme opérateur de production le 7 août 1995, puis est devenu magasinier à partir du 1er juillet 2002. Le 29 septembre 2010, la société a proposé à M.D..., qui avait indiqué qu'il n'accepterait pas un emploi à l'étranger, plusieurs postes, dont plusieurs en travail de nuit, situés sur le même site que celui où il travaillait et dont il n'est pas contesté qu'ils comportaient une rémunération supérieure à la sienne, dont un poste d'opérateur de production correspondant à sa première qualification. L'intéressé a refusé les cinq postes proposés.
19. Après le premier refus de l'inspecteur du travail le 23 février 2011 au motif opposé à bon droit que le vote du comité d'entreprise du 16 décembre 2010 n'avait pas été secret, la société a repris les procédures dès le 8 mars 2011 sans proposer à nouveau à M. D... les postes qu'il avait refusés ou d'autres postes, a réuni le comité d'entreprise le 7 mars en instaurant un vote secret et a saisi le 18 mars l'inspecteur du travail qui a opposé un nouveau refus le 15 mai 2011 au motif que le groupe auquel appartenait la société n'était pas en difficulté.
20. M. D...fait valoir que la société aurait pu lui proposer d'autres postes après le premier refus de l'inspecteur du travail.
21. Toutefois, à la suite du premier refus de l'inspecteur du travail et à l'occasion de sa nouvelle demande du 18 mars 2011, la société Sotralentz Packaging a, notamment dans un courrier du 2 mai 2011 adressé à la Direccte, après avoir fait état de l'aggravation de ses difficultés économiques, indiqué que, contrairement à plusieurs salariés d'autres services, M. D... n'avait pas accepté de reclassement dans un poste de production et le ministre a, dans le cadre du recours hiérarchique présenté par l'entreprise contre le second refus de licenciement opposé par l'inspecteur du travail, procédé à une nouvelle enquête contradictoire à l'issue de laquelle il a conclu, ainsi que le mentionne l'acte contesté, qu'il ne ressortait pas du dossier qu'un reclassement plus satisfaisant pouvait être proposé à M.D....
22. Ainsi, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que de nouvelles circonstances de droit et de fait imposaient à l'employeur de faire de nouvelles propositions de reclassement alors qu'il n'est pas établi ni même allégué que les propositions de reclassement qu'il avait faites - et qui ont été refusées par M. D...- n'étaient plus valides et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que d'autres postes permettant de proposer un reclassement plus satisfaisant à M. D...étaient disponibles. En conséquence, le moyen tiré de ce que le ministre aurait dû rejeter le recours hiérarchique de la société Sotralentz Packaging dès lors que de nouvelles propositions auraient dû être faites au requérant, ne peut être accueilli.
23. Il résulte de ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
24. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme à payer à M. D...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. D...le paiement d'une somme à la société Sotralentz Packaging à ce titre.
Par ces motifs,
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la société Sotralentz Packaging relatives à l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...D..., au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, au cabinet Weil et Guyomard et MeE..., administrateurs judiciaires de la société Sotralentz-Packaging, à la SELARL Jenner et Associés et la SELAS Koch et Associés, mandataires judiciaires de la société Sotralentz-Packaging.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
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N° 16NC00541