Vu la requête enregistrée le 26 mars 2004 présentée pour Mme Claudette X, élisant domicile ..., par Me Cotillot ; elle demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 03-161 du 27 janvier 2004 par lequel le Tribunal administratif de Chalons En Champagne a rejeté sa demande d'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 6 novembre 2002 de l'inspecteur du travail de la Haute Marne autorisant son employeur à la licencier pour faute grave ;
2°) d'annuler cette décision ;
3°) subsidiairement de surseoir à statuer jusqu'à la décision présidentielle relative à l'amnistie individuelle ;
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a refusé de surseoir à statuer sur sa demande eu égard à celle qu'elle avait formulée tendant au bénéfice de l'amnistie individuelle en application de l'alinéa 4 de l'article 11 et de l'alinéa 1 de l'article ;
- l'arrêt de la cour en date du 3 octobre 2002 n'est pas définitif dès lors qu'elle a introduit un pourvoi devant le Conseil d'Etat contre cet arrêt ;
- les faits qui lui ont été reprochés ne sont pas de gravité suffisante et il existe bien un lien entre la demande et le mandat exercé ;
- les faits étaient amnistiés à la date à laquelle le licenciement est intervenu ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu enregistrés les 17 mai et 18 août 2004 , les mémoires présentés pour la Fondation Lucy Lebon dont le siége est 29, rue des Ponts à Montier En Der (Haute-Marne) représentée par le président du conseil d'administration, par Mes Wilhelem et Bourron, tendant au rejet de la requête , à la condamnation de Mme X à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- la décision de l'inspecteur est conforme à l'injonction de la Cour, et elle a été prise à une date à laquelle l'intéressée n'avait même pas saisi la Présidence de la République d'une demande d'amnistie à titre individuelle, rendant inefficace toute demande de sursis ;
- sur l'appréciation des faits, la Cour s'est prononcée de façon souveraine ;
Vu, enregistré le 21 juin 2004, le mémoire en défense présenté au nom de l'Etat par le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité tendant à ce que la Cour prononce un non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête ;
Le ministre fait valoir qu'eu égard à l'amnistie individuelle accordée le 20 février 2004 par décret du Président de la République, il n'y a plus lieu de statuer sur les prétentions de la requête ;
Vu la production enregistrée le 15 février 2006, présentée pour Mme Claudette X, par Me Cotillot, avocat ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance fixant la clôture de l'instruction le 11 janvier 2006 à 16 heures ;
Vu la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002 portant amnistie ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 février 2006 :
- le rapport de M. Job, président,
- et les conclusions de M. Wallerich, commissaire du gouvernement ;
Considérant que par arrêt n° 98NC02312 en date du 3 octobre 2002, la présente Cour a annulé le jugement du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en date du 15 septembre 1998, ensemble la décision du 31 juillet 1997 de l'inspecteur du travail de la Haute-Marne refusant à la Fondation Lucy Lebon l'autorisation de licencier pour faute grave, Mme Claudette X, son employée, également déléguée syndicale ; que, par le même arrêt, la Cour a fait injonction à l'inspecteur du travail d'autoriser le licenciement de Mme X dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous réserve qu'à la date de notification de la décision de l'inspecteur, l'intéressée n'ait pas été admise au bénéfice d'une mesure individuelle d'amnistie du Président de la République en application de la loi du 6 août 2002 susvisée ; que Mme X n'ayant pas, alors, demandé le bénéfice de l'amnistie, l'inspecteur du travail a accordé à la Fondation Lucy Lebon l'autorisation de la licencier, par décision du 2 novembre 2002 ; que, par jugement du 27 janvier 2004 attaqué, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la requête de Mme X dirigée contre cette dernière décision au motif que le pourvoi en cassation n'ayant aucun effet suspensif, il ne dispensait pas l'inspecteur d'accorder l'autorisation ;
Considérant, en premier lieu, que si par décret du 20 février 2004, Mme X a été admise au bénéfice de l'amnistie par application du quatrième alinéa de l'article 11 et du premier alinéa de l'article 12 de la loi du 6 août 2002 susvisée, les effets qui s'attachent à cette décision ne sont pas équivalents à ceux qui résulteraient de l'annulation, pour excès de pouvoir, de la décision administrative d'autorisation de son licenciement accordée à son employeur le 2 novembre 2002, réalisé ; qu'ainsi, la requête de Mme X présente un intérêt qui fait obstacle à ce que la Cour prononce un non-lieu à statuer sur les conclusions de sa demande ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il est constant que par arrêt n° 252-315 en date du 25 novembre 2005, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt n° 98NC02312 en date du 3 octobre 2002 par lequel la présente Cour a annulé le jugement n° 98-53 du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 15 septembre 1998 et la décision du 31 juillet 1997 par laquelle l'inspecteur du travail de Chaumont a refusé à la Fondation Lucy Lebon de licencier Mme X et enjoint à l'inspecteur du travail d'autoriser le licenciement de Mme X ; qu'eu égard aux effets qui s'attache à l'annulation prononcée par le Conseil d'Etat, la décision du 2 novembre 2002 de l'inspecteur du travail de Haute-Marne, prise sur le seul fondement de l'injonction qui lui avait été adressée par l'arrêt annulé de la Cour, manque de base légale ; que, par suite, sans qu'il soit besoin de statuer sur les moyens de la requête, Mme X est fondée à en demander l'annulation ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en date du 27 janvier 2004, ensemble la décision de l'inspecteur du travail en date du 6 novembre 2002 sont annulés.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme X, et les conclusions de la Fondation Lucy Lebon tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Claudette X, au ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement et à la Fondation Lucy Lebon
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N°04NC00287