(Première Chambre)
Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 6 novembre 1998, présentée pour la Fondation Lucy Lebon dont le siège est 29, rue des Ponts à Montier-en-Der (Haute-Marne) et qui est représentée par le président de son conseil d'administration par Me WILHELEM, avocat ;
La Fondation Lucy Lebon demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 15 septembre 1998 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 31 juillet 1997 de l'inspecteur du travail refusant le licenciement de Mme X... ;
2°) d'annuler cette décision ;
3°) de l'autoriser à licencier Mme X... ;
Vu le jugement et la décision attaquée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002 portant amnistie ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 juin 2002 :
- le rapport de Mme SEGURA-JEAN, Premier conseiller,
- et les conclusions de Mme ROUSSELLE, Commissaire du Gouvernement ;
Considérant qu'en vertu des dispositions des articles L.425 et L. 412-18 du code du travail, les salariés légalement investis d'un mandat de délégué du personnel, de membre du comité d'entreprise ou de représentant syndical bénéficient dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que dans le cas où une demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre compétent de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution du mandat dont il est investi ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;
Considérant qu'en l'espace de moins de deux mois, Mme X... a proféré des menaces de mort à l'égard du directeur de la fondation qui l'emploie, dénoncé au Président de la République des agissements non fondés vieux d'une dizaine d'années et calomnié l'ancienne directrice et son mari ; que quel que soit son état psychologique fragile dont il n'est pas établi et il ne résulte pas des pièces du dossier qu'il ait porté atteinte à son discernement, ces faits contraires à l'honneur, répétés dans court laps de temps, les menaces datant de février 1997 et la lettre au Président de la République du 10 mars suivant, ayant entraîné des enquêtes sur le fonctionnement de l'institution, étaient d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement de l'intéressée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la Fondation Lucy Lebon est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant que le présent arrêt implique nécessairement, sous réserve de l'intervention d'une mesure individuelle accordée par décret du Président de la République prévue à l'article 11 de la loi du 6 août 2002 portant amnistie, que l'autorité administrative autorise le licenciement de Mme X... ; qu'il y a lieu, par suite, d'enjoindre à l'inspecteur du travail de Chaumont d'autoriser le licenciement de Mme X... dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sous réserve qu'à la date à laquelle sa décision devra être notifiée à Mme X..., cette dernière n'ait pas été admise au bénéfice de l'amnistie par décret du Président de la République ;
Article 1er : Le jugement n° 98-53 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 15 septembre 1998 et la décision du 31 juillet 1997 par laquelle l'inspecteur du travail de Chaumont a refusé à la Fondation Lucy Lebon de licencier Mme Claudette X... sont annulées.
Article 2 : Il est enjoint à l'inspecteur du travail de Chaumont d'autoriser le licenciement de Mme Claudette X... dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt sous les réserves mentionnées dans la motivation du présent arrêt.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Fondation Lucy Lebon, au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, à l'inspecteur du travail de Chaumont et à Mme Claudette X....