Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Grameyer a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 11 août 2015 par lequel le maire de Sénas lui a retiré le permis de construire qui lui avait été délivré le 13 mai 2015 pour une serre équipée de panneaux photovoltaïques destinée à la culture des asperges.
Par un jugement n° 1508141 du 15 mars 2018, le tribunal administratif de Marseille a annulé cet arrêté.
Par un arrêt n° 18MA02297 du 17 juillet 2020, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la commune de Sénas contre ce jugement.
M. A... B... a demandé à la Cour, par la voie de la tierce opposition, de déclarer non avenu son arrêt du 17 juillet 2020, d'annuler ce jugement, et de rejeter la demande de la société Grameyer tendant à l'annulation de l'arrêté portant retrait du permis de construire en litige.
Par un arrêt n° 21MA01145 du 22 juin 2023, la cour administrative d'appel de Marseille, après avoir admis la tierce opposition de M. B..., a rejeté ses conclusions.
Par une décision n° 487007 du 25 février 2025, le Conseil d'Etat, saisi du pourvoi de
M. B..., a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Marseille.
Procédure devant la Cour :
Avant cassation :
Par une requête en tierce opposition et des mémoires enregistrés le 18 mars 2021,
le 28 juin 2021 et le 29 juillet 2021, M. B..., représenté par Me Gras de la SCP CGCB et associés, demande à la Cour :
1°) de déclarer non avenu cet arrêt de la Cour du 17 juillet 2020 ;
2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 15 mars 2018 ;
3°) de rejeter la demande de la SCEA Grameyer présentée devant le tribunal administratif de Marseille tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 août 2015 retirant le permis de construire délivré le 13 mai 2015 à la SCEA Grameyer ;
4°) de mettre à la charge de la SCEA Grameyer la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa tierce-opposition est recevable ;
- le permis de construire retiré est entaché d'incompétence en ce qu'il méconnaît les dispositions de l'article R. 422-2 du code de l'urbanisme ;
- le projet architectural est incomplet en méconnaissance de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme ;
- le projet méconnaît les dispositions de l'article R. 122-2 du code de l'environnement sur l'étude d'impact ;
- il méconnaît également les dispositions de l'article R. 431-18-1 du code de
l'urbanisme ;
- le permis retiré a été pris en violation des dispositions de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme et son retrait est donc illégal ;
- il est contraire aux dispositions de l'article R. 111-2 du même code ;
- il méconnaît les dispositions de l'article R. 111-21 de ce code.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 10 mai 2021, 15 juillet 2021 et 12 août 2021, la SCEA Grameyer, représentée par Me Versini Campinchi, conclut :
1°) au rejet de la requête en tierce-opposition ;
2°) à titre subsidiaire, à la mise en œuvre des dispositions de l'article L. 600-5 ou
L. 600-5-1 du code de l'urbanisme pour régulariser le permis ;
3°) en tout état de cause à ce que soit mise à la charge de M. B... la somme de
3 500 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la requête en tierce-opposition est irrecevable ;
- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Après cassation :
Par un mémoire, enregistré le 4 avril 2025, M. B..., représenté par Me Gras, persiste dans ses précédentes écritures, par les mêmes moyens.
Il ajoute que :
- le vice entachant l'autorisation en litige, lié au défaut d'étude d'impact et le cas échéant, d'examen au cas par cas, est insusceptible d'être régularisé compte tenu de sa gravité et de l'inapplicabilité de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme à un recours contre le retrait d'un permis de construire, alors que les travaux correspondants sont presque achevés.
Par ordonnance du 4 avril 2025, la clôture d'instruction a été fixée au 29 avril 2025,
à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Le président de la Cour a désigné M. Revert, président assesseur, pour présider la formation de jugement de la 4ème chambre, en application des dispositions de l'article
R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Revert,
- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,
- et les observations de Me Germe, substituant Me Gras, représentant M. B....
Une note en délibéré, présentée par Me Gras, pour M. B..., a été enregistrée
le 10 juillet 2025.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 13 mai 2015, le maire de la commune de Sénas a délivré à la SCEA Grameyer un permis de construire une serre équipée de panneaux photovoltaïques destinée à la culture des asperges sur une surface de près de 17 000 mètres carrés et une hauteur de 6,30 mètres. Sur recours formé le 1er juillet 2015 notamment par M. B..., voisin immédiat du projet, le maire de Sénas a retiré ce permis par un arrêté du 11 août 2015, au motif du non-respect par le projet des dispositions de l'article 2NC du plan d'occupation des sols. Par un jugement du
15 mars 2018, le tribunal administratif de Marseille, saisi par la SCEA Grameyer, a annulé cet arrêté et par un arrêt du 17 juillet 2020, la Cour a rejeté l'appel de la commune de Sénas contre ce jugement. Par un arrêt du 22 juin 2023, la Cour a admis la tierce opposition de M. B... à son arrêt du 17 juillet 2020 mais a rejeté les conclusions de ce dernier. Mais par une décision du
25 février 2025, le Conseil d'Etat, saisi du pourvoi de M. B..., a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire à la Cour.
Sans qu'il soit besoin d'examiner l'admission de la tierce opposition de M. B... :
2. Aux termes de l'article R. 832-1 du code de justice administrative : " Toute personne peut former tierce opposition à une décision juridictionnelle qui préjudicie à ses droits, dès lors que ni elle ni ceux qu'elle représente n'ont été présents ou régulièrement appelés dans l'instance ayant abouti à cette décision ". La tierce opposition a pour effet de remettre en cause la régularité et le bien-fondé de la décision attaquée dans toute la mesure où celle-ci se trouve contestée par le tiers opposant. Elle oblige par suite le juge à réexaminer dans la limite des moyens soulevés par le tiers opposant, l'affaire qui a donné lieu au jugement ou l'arrêt entrepris. Le juge est tenu, en conséquence, de répondre expressément à ces moyens, même dans le cas où ceux-ci auraient déjà été formulés lors de l'instance initiale et où il y aurait été statué par la décision attaquée.
3. A l'appui de sa tierce opposition formée contre l'arrêt de la Cour du 17 juillet 2020 rejetant l'appel de la commune de Sénas contre le jugement annulant l'arrêté de son maire du
11 août 2015 retirant le permis de construire accordé le 13 mai 2015 à la SCEA Grameyer,
M. B... soutient que ce permis de construire est illégal pour d'autres motifs que celui retenu par le tribunal pour prononcer cette annulation. A cet effet il soulève les moyens tirés de l'incompétence de son signataire au regard de l'article R. 422-2 du code de l'urbanisme, de l'irrégularité de composition du dossier de demande compte tenu des dispositions des articles
R. 431-9, R. 431-8-1 du code de l'urbanisme et R. 122-2 du code de l'environnement, de la violation de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme et de la méconnaissance des articles
R. 111-2 et R. 111-21 du même code.
4. Toutefois, en premier lieu, les moyens de la requête en tierce opposition de
M. B..., qui sont tirés de la méconnaissance des dispositions des articles R. 431-9,
R. 431-8-1, L. 111-11, R. 111-2 et R. 111-21 du code de l'urbanisme et qui consistent à se prévaloir d'autres motifs de retrait du permis de construire que ceux invoqués par la commune au cours de l'instance initiale, tendent ainsi à soutenir une demande de substitution de motifs qui n'a pas été présentée par l'auteur de la décision en litige. Seul ce dernier étant à même de présenter une demande de substitution de motifs, de tels moyens sont donc inopérants et doivent être écartés comme tels.
5. En deuxième lieu, l'autorisation dont le retrait est en litige porte sur la construction d'une serre destinée à la culture des asperges, visant notamment à permettre une agriculture raisonnée ainsi que le décalage et l'augmentation de la durée des cultures, les panneaux photovoltaïques qu'elle prévoit pour équiper les pans sud de la toiture devant être regardés comme accessoires à cette construction. Le moyen tiré de l'incompétence du maire pour signer le permis de construire du 13 mai 2015 au regard des règles posées par les dispositions des articles
L. 422-2, R. 422-2 et R. 422-2-1 du code de l'urbanisme ne peut donc en tout état de cause qu'être écarté.
6. Enfin, il est vrai que pour confirmer l'annulation de l'arrêté du 11 août 2015 retirant le permis de construire du 13 mai 2015, la Cour a, par son arrêt attaqué par M. B..., refusé d'accueillir la demande de substitution de motif présentée par la commune de Sénas et fondée sur l'absence d'étude d'impact au dossier de demande, en méconnaissance de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme. Mais pour présenter cette demande, la commune se bornait à se prévaloir de l'arrêté du préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur du 31 mars 2015 portant décision d'examen au cas par cas et exigeant que le dossier de demande d'autorisation de serres agricoles dotées d'une toiture photovoltaïque comporte une étude d'impact.
7. Or, d'une part M. B... ne conteste pas le motif de l'arrêt de la Cour selon lequel cet arrêté préfectoral du 31 mars 2015 concernait un autre projet, situé certes sur les mêmes parcelles mais distinct car bien plus important de celui en cause, dont la demande de permis de construire n° PC 13 105 15 00009 date du 16 mars 2015, la commune ne précisant pas elle-même les éléments de fait qui rendraient cette étude d'impact exigible.
8. D'autre part, en soutenant, à l'appui de sa tierce opposition, que par ses caractéristiques et ses dimensions au sol, le projet en cause relève des rubriques 26 et 36 de l'annexe à l'article R. 122-2 du code de l'environnement et que, par sa rédaction antérieure au décret n° 2016-1110 du 11 août 2016, la première de ces deux rubriques n'est pas compatible avec les objectifs de la directive n° 2011/92/UE du 13 décembre 2011, M. B... livre devant la Cour des raisons nouvelles pour lesquelles ce projet nécessitait l'établissement préalable d'une étude d'impact et partant soulève des branches distinctes du moyen tiré par la commune de la méconnaissance de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme. Dans cette mesure, le tiers opposant doit être regardé comme sollicitant lui-même une demande de substitution de ces motifs à celui de l'arrêté en litige et comme présentant de la sorte une argumentation inopérante.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la tierce opposition de M. B... doit être rejetée.
10. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à chaque partie la charge de ses frais d'instance.
DECIDE :
Article 1er : La tierce opposition de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la SCEA Grameyer tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à la SCEA Grameyer et à la commune de Sénas.
Délibéré après l'audience du 8 juillet 2025, où siégeaient :
- M. Revert, président,
- M. Martin, premier conseiller,
- M. Lombart, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 juillet 2025.
N° 25MA004912