Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler la décision du maire de la commune de Prunelli-Di-Fiumorbo refusant de lui verser la somme de 28 123 euros à titre d'indemnité de départ volontaire, d'enjoindre sous astreinte à la collectivité de lui verser ladite somme et de la condamner au paiement d'une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Par un jugement n° 2100505 du 7 décembre 2023, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 29 janvier 2024, M. A..., représenté par Me Menage, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 7 décembre 2023 ;
2°) de faire droit à ses demandes de première instance ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Prunelli-Di-Fiumorbo une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de l'impossibilité de retirer une décision créatrice de droit ;
- l'arrêté du 11 janvier 2019 lui octroyant l'indemnité de départ volontaire n'a pas été retiré dans le délai de quatre mois et a créé des droits à son profit ; il doit être exécuté alors même qu'il serait illégal, aucune fraude n'ayant été commise ;
- aucun texte n'impose que la lettre de démission mentionne expressément les motifs de celle-ci et que la demande d'indemnité soit formulée par écrit ; au vu de la saisine du comité technique dès le 11 juillet 2018, il a nécessairement formulé cette demande antérieurement à sa radiation ; en outre, la commune n'établit pas qu'une demande écrite n'aurait pas été faite ;
- de même aucun texte n'impose qu'une délibération préalable du conseil municipal fixe les conditions d'attribution d'une telle indemnité ou que la décision accordant l'indemnité soit prise avant que la radiation n'intervienne ; en tout état de cause, il n'est pas responsable des erreurs le cas échéant commises par les services communaux ;
- les documents qu'il a fournis pour justifier de son activité sont probants et n'ont pas été critiqués ; la circonstance qu'il était déjà associé de l'entreprise reprise avant sa démission est sans incidence ; aucune jurisprudence n'imposait, au moment où cet arrêté a été pris, l'absence d'une telle antériorité ;
- rien ne justifie que cet arrêté soit qualifié d'inexistant ;
- le refus de la commune le place en difficulté.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 janvier 2025, la commune de Prunelli-Di-Fiumorbo, représentée par la SELARL Acoce, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève ;
- l'arrêté du 11 janvier 2019 est inexistant ;
- les conditions mises au versement de l'aide ne sont pas satisfaites et l'arrêté a été obtenu par fraude.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 2009-1594 du 18 décembre 2009 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Poullain,
- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,
- et les observations de Me Liégeois, représentant la commune de Prunelli-Di-Fiumorbo.
Considérant ce qui suit :
1. Par courrier du 15 juin 2018, M. A... a présenté sa démission du poste d'adjoint technique qu'il occupait depuis 1998 au sein de la commune de Prunelli-Di-Fiumorbo. Par décision du 21 juin 2018, le maire de la commune a accepté cette démission et a radié l'intéressé des cadres à compter du 19 juillet 2018, conformément à sa demande. Par un arrêté du 11 janvier 2019, il a alloué à M. A... le bénéfice d'une indemnité de départ volontaire d'un montant de 28 123 euros, à verser après présentation d'un extrait Kbis. Toutefois, bien qu'ayant produit ledit extrait, M. A... n'a jamais reçu le versement correspondant. Par courrier de son conseil du 8 février 2021, il a sollicité le paiement immédiat de la somme en cause, outre le versement de dommages et intérêts. Il relève appel du jugement du tribunal administratif de Bastia ayant rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus qui lui a été opposé par lettre du 3 mars 2021 et à la condamnation de la commune.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Le tribunal a dûment visé les moyens de M. A..., notamment celui tiré de ce que l'arrêté du 11 janvier 2019 serait une décision individuelle créatrice de droits devenue définitive, insusceptible d'être retirée au-delà d'un délai de quatre mois. Il a écarté ce moyen comme inopérant, parmi d'autres, en relevant aux points 3 et 4 de son jugement que cet arrêté était entaché d'un vice d'une gravité telle que son existence en était affectée et qu'il était de ce fait insusceptible d'avoir fait naître de quelconques droits. Il ne saurait dès lors être soutenu que les premiers juges ont insuffisamment motivé leur décision sur ce point.
3. Les autres griefs, tenant aux erreurs de droit que le tribunal aurait commises, sont susceptibles d'affecter le bien-fondé du jugement mais non sa régularité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. Aux termes de l'article 1er du décret du 18 décembre 2009 instituant une indemnité de départ volontaire dans la fonction publique territoriale, dans sa version applicable : " Une indemnité de départ volontaire peut être attribuée aux fonctionnaires qui quittent définitivement la fonction publique territoriale à la suite d'une démission régulièrement acceptée en application de l'article 96 de la loi du 26 janvier 1984 (...), pour les motifs suivants : / - restructuration de service ; / - départ définitif de la fonction publique territoriale pour créer ou reprendre une entreprise ; / - départ définitif de la fonction publique territoriale pour mener à bien un projet personnel ". Le 2ème alinéa de l'article 2 de ce décret précise, s'agissant des autres cas que ceux relevant d'une restructuration de service, que : " (...) la collectivité territoriale ou l'établissement public local fixe, par voie de délibération et après avis du comité technique, les conditions d'attribution de l'indemnité. L'autorité exécutive détermine le montant individuel versé à l'agent, dans la limite mentionnée à l'article 4, en tenant compte le cas échéant des orientations générales de sa politique de gestion des ressources humaines et de l'ancienneté dans l'administration ou du grade détenu par l'agent ". Aux termes de son article 5 : " L'indemnité de départ volontaire est versée en une seule fois dès lors que la démission est devenue effective ".
5. Par une délibération du conseil municipal du 4 janvier 2019, la commune de Prunelli-Di-Fiumorbo a instauré ce dispositif au profit de ses agents. L'article 1er de cette délibération prévoit que l'aide est instituée notamment pour le motif suivant : " 2/ Départ définitif de la FPT pour créer ou reprendre une entreprise : le démissionnaire devra justifier de la réalité du projet de création d'entreprise par tout moyen approprié ". Son article 5 prévoit que l'agent doit fournir un extrait Kbis. La fourniture de ce document vise nécessairement à vérifier la réalité de la création ou de la reprise d'entreprise.
6. En l'espèce, l'arrêté du 11 janvier 2019 alloue à M. A... le bénéfice d'une indemnité de départ volontaire en précisant, conformément à cette délibération, que son versement sera effectué après présentation d'un extrait Kbis. Or, il ressort des pièces du dossier que M. A... n'a nullement créé ou repris une entreprise postérieurement à cet arrêté, ni même postérieurement à la présentation de sa démission le 15 juin 2018, dès lors que le Kbis qu'il a produit pour obtenir le versement de l'aide concerne une entreprise qu'il a constituée bien antérieurement, avec deux autres associés, le 18 janvier 2013.
7. La commune de Prunelli-Di-Fiumorbo, qui fait valoir dans son mémoire en défense que, eu égard à cette situation, M. A... ne remplissait pas les conditions pour bénéficier de l'indemnité de départ volontaire, doit être regardée comme sollicitant que ce motif soit substitué à ceux initialement opposés dans la décision de refus de versement du 3 mars 2021. Sans qu'il soit besoin d'examiner leur légalité ou l'existence d'une fraude, il y a lieu de procéder à une telle substitution dès lors que le maire aurait pris la même décision s'il s'était fondé sur ce motif et qu'elle ne prive M. A... d'aucune garantie.
8. Cette décision de refus de versement, ainsi motivée par le constat, ressortant des pièces du dossier, que la condition concernant la création ou la reprise d'une entreprise n'a pas été respectée, se borne à exécuter l'arrêté du 11 janvier 2019 en tirant les conséquences du non-respect des conditions posées par celui-ci et n'en constitue donc pas le retrait. M. A... n'est dès lors pas fondé à se prévaloir des dispositions de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration qui encadrent le retrait d'un acte créateur de droit.
9. Ainsi, il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, les juges de première instance ont rejeté sa demande, en ce comprises ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et d'indemnisation.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Prunelli-Di-Fiumorbo qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il n'y a pour autant pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions à son bénéfice.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Prunelli-Di-Fiumorbo au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la commune de Prunelli-Di-Fiumorbo.
Délibéré après l'audience du 28 février 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,
- Mme Vincent, présidente assesseure,
- Mme Poullain, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 mars 2025.
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N° 24MA00196
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