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14/03/2025 | FRANCE | N°23MA02859

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 5ème chambre, 14 mars 2025, 23MA02859


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'Etat et la métropole Aix-Marseille-Provence à lui verser la somme de 263 750 euros et d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de procéder à la délimitation du domaine public maritime du port du Vallon des Auffes.



Par un jugement n° 2200415 du 5 octobre 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :

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Par une requête et un mémoire, enregistrés les 30 novembre 2023 et 20 novembre 2024, M. A..., représenté par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'Etat et la métropole Aix-Marseille-Provence à lui verser la somme de 263 750 euros et d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de procéder à la délimitation du domaine public maritime du port du Vallon des Auffes.

Par un jugement n° 2200415 du 5 octobre 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 30 novembre 2023 et 20 novembre 2024, M. A..., représenté par Me Ciussi, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 5 octobre 2023 ;

2°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, sous astreinte de 10 000 euros par mois de retard, de procéder à la délimitation sollicitée ;

3°) subsidiairement, de condamner in solidum l'Etat et la métropole Aix-Marseille-Provence à lui verser la somme de 263 750 euros ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat et de la métropole Aix-Marseille-Provence une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa propriété se trouve au-dessus du rivage ; elle ne figure pas dans le domaine public maritime naturel en application de l'article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques ;

- le port du Vallon des Auffes n'a plus la qualification de port maritime ; sa propriété ne peut en tout état de cause être qualifiée de bien concourant au fonctionnement d'ensemble d'un tel port ; il s'agit d'une maison d'habitation ainsi que cela ressort du permis de construire qu'il a obtenu ; elle ne fait pas partie du domaine public maritime artificiel ;

- il est en droit d'obtenir une nouvelle délimitation du domaine public maritime au droit de sa propriété, en application de l'article R. 121-11 du code de l'urbanisme ; la qualité de propriétaire ne saurait lui être déniée, au regard du permis de construire qui lui a été délivré, de l'acte notarié dressé, des droits d'enregistrement acquittés et de la taxe foncière établie à son nom en cette qualité ; si cet article ne lui conférait pas un tel droit, le droit de chacun au respect de ses biens serait méconnu ;

- à défaut, il a droit à l'indemnisation du préjudice né de la violation de son droit de propriété, en application de l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et de l'article 545 du code civil ; celui-ci est égal au prix de vente de son bien ;

- si le bien est effectivement sur le domaine public, alors le gestionnaire de ce domaine a commis une faute en ne s'opposant pas à sa vente intervenue en 1992, de même que des fautes ont été commises du fait de la publication de cette vente et de la délivrance d'un permis de construire ; il doit également être indemnisé du préjudice en résultant, égal à la valeur perdue de son bien ;

- si le gestionnaire n'a pas commis de faute en ne s'opposant pas à cette vente en 1992, alors il en a commis une en s'y opposant en 2021 ; l'autorisation d'occuper le domaine public est un bien au sens de l'article 1er du 1er protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; l'article 3 du contrat dont il est titulaire est d'ailleurs en contradiction avec le principe de cessibilité des autorisations domaniales, consacré par la jurisprudence ; un refus de cession doit être justifié et motivé.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 15 octobre et 6 décembre 2024, la métropole Aix-Marseille-Provence, représentée par la SELAS Charrel et Associés, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève.

Par un mémoire enregistré le 18 octobre 2024, la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques, conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève.

Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, qu'il était envisagé d'appeler l'affaire au cours des mois de novembre et décembre 2024, et que l'instruction pourrait être close à partir du 18 octobre 2024 sans information préalable.

Par une ordonnance du 9 janvier 2025, la clôture immédiate de l'instruction a été prononcée en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Un mémoire, présenté par la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche a été enregistré le 9 janvier 2025 et non communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code des transports ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Poullain,

- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,

- et les observations de Me Chenieau, substituant la SELAS Charrel et Associés, représentant la métropole Aix-Marseille-Provence.

Considérant ce qui suit :

1. Par acte notarié du 10 août 1992, a été constatée la cession, au profit de M. A..., d'une construction à usage d'habitation située rue du Vallon des Auffes à Marseille, édifiée sur le domaine public maritime. Par décision du 22 mai 1992, le maire de Marseille avait fait connaître son accord en vue de transférer à M. A... l'arrêté autorisant l'occupation temporaire du domaine public. Depuis lors, l'intéressé bénéficie d'un contrat " de terre-plein à usage d'habitation ", consenti par le gestionnaire du domaine public, à ce jour la métropole Aix-Marseille-Provence, et régulièrement renouvelé. Souhaitant céder la construction en cause, M. A... a sollicité la métropole afin d'obtenir son accord au transfert de cette convention, par deux fois, les 4 juillet 2017 et 27 novembre 2020. L'établissement s'y est refusé, au motif notamment que toute transaction sur le domaine public contreviendrait aux règles d'inaliénabilité et d'imprescriptibilité qui sont caractéristiques de ce domaine. En conséquence, par courrier du 17 septembre 2021, M. A... a, sans succès, d'une part, sollicité qu'il soit procédé à une nouvelle délimitation du domaine public dès lors qu'il considère que ce bien y est illégalement maintenu, d'autre part, recherché la responsabilité de l'Etat et de la métropole Aix-Marseille-Provence à raison des atteintes qu'il estime être portées à son droit de propriété et des fautes commises à son encontre. Il relève appel du jugement du tribunal administratif de Marseille ayant rejeté ses demandes en ce sens.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la délimitation du domaine public :

2. Aux termes de l'article L. 2111-6 du code général de la propriété des personnes publiques : " Le domaine public maritime artificiel est constitué : / (...) / 2° A l'intérieur des limites administratives des ports maritimes, des biens immobiliers, situés en aval de la limite transversale de la mer, appartenant à l'une des personnes publiques mentionnées à l'article L. 1 et concourant au fonctionnement d'ensemble des ports maritimes, y compris le sol et le sous-sol des plans d'eau lorsqu'ils sont individualisables ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 5314-4 du code des transports : " Les communes ou, le cas échéant, les communautés de communes, les communautés urbaines, les métropoles ou les communautés d'agglomération, sont compétentes pour créer, aménager et exploiter les ports maritimes dont l'activité principale est la plaisance ". Il est en principe aujourd'hui procédé à la délimitation de ces ports par l'organe délibérant des collectivités territoriales ou de leurs groupements compétents, en application de l'article R. 5311-1 du même code.

3. Le vallon des Auffes, s'il est un site particulièrement touristique, demeure un port maritime, dont l'activité principale est aujourd'hui la plaisance, et qui relève de la gestion de la métropole Aix-Marseille-Provence sur le fondement notamment de l'article L. 5314-4 du code des transports. Il n'est pas contesté qu'il a fait l'objet d'une délimitation par décret du 5 mai 1866 et arrêté préfectoral du 11 mai 1970, dont le plan a été produit au dossier. Il en ressort que la construction sur laquelle M. A... revendique des droits est incluse à l'intérieur des limites administratives de ce port. Contrairement à ce que soutient M. A..., s'il s'agit d'une construction à usage d'habitation, il n'en résulte pas qu'elle ne concourrait pas au fonctionnement d'ensemble du port, alors au demeurant que le requérant indique lui-même qu'il s'agit d'un ancien hangar à filets et qu'elle fait partie d'un ensemble patrimonial vernaculaire. Cette construction appartient ainsi au domaine public maritime artificiel.

4. Il résulte de ce qui précède que M. A... ne saurait utilement se prévaloir ni des dispositions de l'article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques relatives à la consistance du domaine public maritime naturel et de la circonstance que cette parcelle ne serait pas atteinte par les plus hautes mers, ni du droit de délimitation du domaine public naturel dont disposent les propriétaires riverains sur le fondement de l'article R. 121-11 du code de l'urbanisme.

5. Aux termes de l'article L. 3111-2 du code général de la propriété des personnes publiques : " Le domaine public maritime et le domaine public fluvial sont inaliénables sous réserve des droits et des concessions régulièrement accordés avant l'édit de Moulins de février 1566 et des ventes légalement consommées de biens nationaux ".

6. Dès lors que le bien litigieux est situé sur le domaine public depuis une date antérieure à l'acte notarié du 10 août 1992, ainsi que cet acte le relève d'ailleurs, il ne pouvait, en application du principe d'inaliénabilité du domaine public, faire l'objet d'une cession au bénéfice de M. A... à cette date. Il s'en suit que, quelles que soient les mentions dudit acte, le permis de construire qui a pu lui être délivré ainsi que les droits ou taxes auxquels il a été assujetti, M. A... n'est pas propriétaire de cette construction. Les moyens tirés de ce que l'absence de droit à ce qu'il soit procédé à une nouvelle délimitation méconnaitrait le droit au respect de ses biens, ainsi que son droit de propriété garanti par les articles 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et 545 du code civil doivent dès lors être écartés.

En ce qui concerne le refus de transfert de la convention d'occupation :

7. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous ". L'article L. 2122-3 précise : " L'autorisation mentionnée à l'article L. 2122-1 présente un caractère précaire et révocable ". Il ne peut y avoir transfert d'une autorisation ou d'une convention d'occupation du domaine public à un nouveau bénéficiaire que si le gestionnaire de ce domaine a donné son accord écrit. En l'espèce, la convention dont M. A... est titulaire précise qu'elle est nominative, et ni cessible, ni transmissible à un tiers.

8. Il résulte du caractère précaire et révocable de cette convention qu'elle ne constitue pas un bien dont M. A... serait propriétaire. Ce dernier ne saurait dès lors soutenir, eu égard à ce qui a été exposé précédemment aux points 3 et 6, que la métropole Aix-Marseille Provence aurait, d'une quelconque manière, méconnu son droit de propriété, et notamment l'article 1er du 1er protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en s'opposant au transfert de convention qu'il envisageait.

9. Si les gestionnaires du domaine public peuvent prévoir, dans une convention autorisant l'occupation du domaine public, une clause organisant le transfert de l'autorisation sous réserve de leur agrément préalable, ils ne sont jamais tenus de le faire. Dès lors, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la convention qui le lie à la métropole méconnaitrait un " principe de cessibilité des autorisations domaniales ".

10. Enfin, la métropole Aix-Marseille-Provence n'avait pas à justifier le refus de son accord au transfert de cette convention autrement que ce qu'elle l'a fait par ses courriers des 30 août 2017 et 16 février 2021, par référence aux clauses d'incessibilité et de non transmission figurant dans la convention et aux principes de la domanialité publique.

En ce qui concerne les autres fautes alléguées :

11. Contrairement à ce que soutient M. A..., la circonstance que le domaine public est inaliénable n'implique pas que le maire de Marseille aurait commis une illégalité en faisant part, le 22 mai 1992, de son accord de principe au transfert au profit du requérant de l'arrêté d'occupation temporaire qui avait été délivré à Mme C... A..., et en lui délivrant, le 10 février 1993, un permis de construire autorisant la réalisation de travaux sur la construction en litige.

12. Par ailleurs, ni le gestionnaire du domaine public, ni le préfet ne sauraient être responsables de la publication de la cession du 10 octobre 1992 faite auprès du service chargé de la publicité foncière de la situation des immeubles.

13. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité des conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de procéder à une délimitation, que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat et de la métropole Aix-Marseille-Provence qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... une somme de 2 000 euros à verser à la métropole Aix-Marseille-Provence sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : M. A... versera une somme de 2 000 euros à la métropole Aix-Marseille-Provence au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la métropole Aix-Marseille-Provence et à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 28 février 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,

- Mme Vincent, présidente assesseure,

- Mme Poullain, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 mars 2025.

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N° 23MA02859

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA02859
Date de la décision : 14/03/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Domaine - Domaine public - Consistance et délimitation - Domaine public artificiel - Biens faisant partie du domaine public artificiel.

Domaine - Domaine public - Régime - Occupation - Utilisations privatives du domaine.

Domaine - Domaine public - Régime - Contentieux de la responsabilité.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHENAL-PETER
Rapporteur ?: Mme Caroline POULLAIN
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : SCP KLEIN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-14;23ma02859 ?
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