Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille, par une requête n° 1806784, d'annuler la décision du 21 août 2018 par laquelle le maire de la commune de Gignac-la-Nerthe l'a radié des effectifs des cadres de la commune, et par une requête n° 1809247, d'annuler la décision du 12 septembre 2018 par laquelle le maire de la commune de Gignac-la-Nerthe l'a radié des effectifs de la commune.
Par un jugement n° 1806784-1809247 du 5 novembre 2019, le tribunal administratif de Marseille a annulé les arrêtés du maire de la commune de Gignac-la-Nerthe du 21 août 2018 et du 12 septembre 2018, et a mis à la charge de la commune de Gignac-la-Nerthe la somme de
1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un arrêt n° 20MA00077 du 5 avril 2022, la Cour a rejeté l'appel de la commune de Gignac-la-Nerthe formé contre ce jugement et a mis à sa charge la somme de 1 500 euros à verser à M. A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par une demande et des courriers, enregistrés le 25 août 2022 et le 27 octobre 2023, M. A... demande à la Cour de prononcer une astreinte à l'encontre de la commune de Gignac-la-Nerthe afin d'obtenir l'exécution du jugement du 5 novembre 2019, confirmé par l'arrêt de la Cour du 5 avril 2022, en ce qui concerne sa réintégration dans un emploi correspondant à son grade de brigadier-chef principal au 24 août 2018, la reconstitution de ses droits sociaux, notamment ses droits à retraite, la reconstitution de sa carrière, la demande d'un nouvel agrément auprès du procureur de la République et du préfet des Bouches-du-Rhône, l'établissement de ses bulletins de salaire et le versement d'indemnités au titre de ses pertes de salaire et de son préjudice moral.
Par des observations, enregistrées le 26 septembre 2022, la commune de Gignac-la-Nerthe, représentée par Me Jean-Pierre, conclut au rejet de la demande d'exécution, en faisant valoir que l'arrêt de la Cour ne prononce aucune injonction, que la demande de reconstitution de carrière fait l'objet d'une instance indemnitaire pendante devant le tribunal administratif de Marseille, que le demandeur a été de nouveau radié des effectifs et que le recours contre le retrait de son agrément a été rejeté par le tribunal.
Par une ordonnance du 22 novembre 2023, la présidente de la Cour a ordonné l'ouverture d'une procédure juridictionnelle en vue de prescrire les mesures d'exécution de l'arrêt
n° 20MA00077 rendu le 5 avril 2022 par la cour administrative d'appel de Marseille.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 janvier 2024, la commune de Gignac-la-Nerthe, représentée par Me Brunière, conclut dans le même sens que ses observations présentées avant l'ouverture de la procédure juridictionnelle d'exécution, par la même argumentation.
La commune ajoute que :
- le demandeur a été indemnisé de son préjudice moral lié à son éviction illégale, par jugement du 22 mars 2023, pour la période allant du 25 août 2016 au 25 décembre 2019 ;
- l'annulation du refus de titulariser l'intéressé pour un simple vice de procédure n'interdisait pas au maire de reprendre la même décision ;
- l'intéressé ne pouvait qu'être licencié et radié des effectifs compte tenu du retrait de son agrément, contre lequel son recours a été rejeté de manière irrévocable par arrêt de la Cour du
5 avril 2022.
Par un mémoire, enregistré le 4 mars 2024, M. A..., représenté par Me Susini, conclut aux mêmes fins que sa demande d'exécution, par les mêmes moyens, et sollicite en outre que le taux de l'astreinte soit fixé à 250 euros par jour de retard au-delà d'un délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, et que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la commune en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient en outre que :
- les mesures d'exécution sollicitées sont nécessairement impliquées par l'annulation des deux arrêtés de radiation des effectifs, même si elles ne sont pas prescrites par le jugement dont il est demandé exécution ;
- cette instance d'exécution doit être rapprochée de celle afférente au jugement ayant annulé le refus de le titulariser ;
- l'obligation pesant sur la commune d'indemniser le préjudice causé par les deux décisions d'éviction illégales n'est pas exclusive de son obligation de tirer les conséquences de leur annulation, au nombre desquelles figurent la reconstitution de sa carrière, c'est-à-dire de ses droits à avancement, mais aussi la reconstitution de ses droits à la retraite acquis en l'absence d'éviction, impliquant le versement par la commune des cotisations salariales et patronales nécessaires, ainsi que l'établissement de tous les bulletins de salaire correspondant à la période concernée ;
- les motifs de l'annulation du refus de le titulariser sont sans incidence sur la demande d'exécution du jugement annulant ses radiations des effectifs, et en tout état de cause, aucune insuffisance professionnelle ne peut lui être reprochée ;
- le retrait de son agrément, qui ne faisait pas à la commune obligation de le licencier, ne faisait pas obstacle à sa réintégration en exécution de l'annulation des radiations des effectifs ;
- en tout état de cause, sa demande d'exécution est valable pour la période du 1er juin 2016, non pas jusqu'à la date de retrait d'agrément, le 6 février 2019 mais en réalité, jusqu'au 26 décembre 2019, date de l'arrêté portant exclusion temporaire d'activité de 17 mois pour six mois avec sursis, dans l'attente de l'arrêt de la Cour dans l'instance n° 23MA01339.
Par une lettre du 11 septembre 2024, la Cour a informé les parties, sur le fondement de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce qu'elle était susceptible de fonder son arrêt sur le moyen relevé d'office tiré de ce que l'argumentation de M. A... relative aux conséquences dommageables des arrêtés de radiation des effectifs et à l'octroi d'une indemnité au titre du préjudice financier et du préjudice moral, présente à juger un litige distinct de sa demande d'exécution et n'est donc pas recevable.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-56 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Revert,
- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,
- et les observations de Me Stuart, substituant Me Susini, représentant M. A..., de Me Brunière représentant la commune de Gignac-la-Nerthe, et de M. A....
Une note en délibéré présentée par Me Brunière, pour la commune de Gignac-la-Nerthe, a été enregistrée le 20 septembre 2024.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., brigadier-chef principal de la police municipale de Gignac-la-Nerthe, a été radié des effectifs, au motif du retrait de son agrément en qualité de policier municipal, par des arrêtés du maire de la commune des 21 août et 12 septembre 2018. Par un jugement n°1806784-1809247 du 5 novembre 2019, contre lequel l'appel de la commune de
Gignac-la-Nerthe a été rejeté par un arrêt de la Cour n° 20MA00077 du 5 avril 2022, le tribunal administratif de Marseille a annulé ces deux arrêtés. M. A... demande à la Cour de prononcer une astreinte à l'encontre de la commune de Gignac-la-Nerthe afin d'obtenir l'exécution de ce jugement confirmé par cet arrêt.
Sur le bien-fondé de la demande d'exécution :
2. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander à la juridiction, une fois la décision rendue, d'en assurer l'exécution. / Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte. ".
3. L'annulation de la décision prononçant la radiation des effectifs d'un agent implique nécessairement sa réintégration juridique à compter de la date de cette radiation. Seule une nouvelle décision légalement prise par l'autorité compétente mettant fin à ses fonctions serait susceptible de faire obstacle, sans effet rétroactif, à sa réintégration effective dans un emploi équivalent à celui qu'il occupait avant son éviction illégale. Cette annulation implique nécessairement encore, au titre de la reconstitution de la carrière de cet agent, la reconstitution des droits sociaux, et notamment des droits à pension de retraite, qu'il aurait acquis en l'absence de l'éviction illégale et, par suite, le versement par l'administration des cotisations nécessaires à cette reconstitution. Ainsi, sauf à ce que l'agent ait bénéficié d'une indemnité destinée à réparer le préjudice matériel subi incluant les sommes correspondantes, il incombe à l'administration de prendre à sa charge le versement de la part salariale de ces cotisations, au même titre que de la part patronale.
4. En premier lieu, les arrêtés des 21 août et 12 septembre 2018, prononçant illégalement la radiation des effectifs de M. A..., ont pris effet au plus tôt, le 25 août 2018. Mais il est constant que, par un arrêté du 26 novembre 2020, contre lequel le recours de
M. A... a été rejeté par l'arrêt n° 23MA02087 rendu par la Cour le 2 juillet 2024, le maire de Gignac-La-Nerthe a prononcé sa radiation des effectifs à compter du 27 novembre 2020.
Il suit de là, d'une part, que l'annulation, par le jugement du 5 novembre 2019, confirmé par l'arrêt de la Cour du 5 avril 2022, des arrêtés des 21 août et 12 septembre 2018, implique seulement, bien que ces décisions ne le prescrivent pas elles-mêmes, la réintégration juridique de M. A..., à compter du 25 août 2018 jusqu'au 26 novembre 2020 inclus, et non, comme il le soutient, jusqu'à son exclusion temporaire de fonctions du 20 décembre 2019, laquelle n'emporte pas rupture du lien juridique avec son employeur et, d'autre part que sa radiation des effectifs du 26 novembre 2020 fait obstacle à sa réintégration effective au sein de la commune.
5. Par ailleurs, conformément à la règle énoncée au point 3, l'annulation des radiations des effectifs de M. A... implique nécessairement la reconstitution de sa carrière, ainsi que la reconstitution de ses droits sociaux, et notamment des droits à pension de retraite qu'il aurait acquis en l'absence d'éviction illégale et, par suite, le versement par l'administration des cotisations nécessaires à cette reconstitution, dans la mesure où il ne résulte pas de l'instruction, notamment pas de l'arrêt n° 23MA01324 du 2 juillet 2024 par lequel la Cour a statué sur l'action indemnitaire de l'intéressé liée à l'illégalité de son exclusion temporaire de fonctions de
deux ans du 20 mars 2017 et à ses radiations des effectifs des 21 août et 12 septembre 2018, que celui-ci aurait bénéficié d'une indemnité destinée à réparer le préjudice matériel subi incluant les sommes correspondantes.
6. Il y a donc lieu d'enjoindre au maire de la commune de Gignac-la-Nerthe de procéder, dans un délai de cinq mois à compter de la notification du présent arrêt, à la réintégration juridique de M. A... dans le cadre d'emploi des agents de police municipale, au grade de brigadier-chef principal, pour la période du 25 août 2018 au 26 novembre 2020 inclus, et de reconstituer sa carrière ainsi que ses droits sociaux, notamment ses droits à pension de retraite sur cette période, en prenant à sa charge le versement de la part salariale et de la part patronale de ces cotisations nécessaires à cette reconstitution. Néanmoins un fonctionnaire ne peut appartenir en même temps à deux cadres d'emploi différents ni cotiser pour ses droits sociaux à ces deux titres. Or il résulte de l'arrêt n° 23MA02903 rendu par la Cour le 22 octobre 2024 que la commune de Gignac-la-Nerthe doit également reconstituer les droits sociaux que M. A... aurait acquis en qualité de chef de service de police municipale stagiaire, notamment du 25 août 2018 au 26 novembre 2020 inclus. Par suite, la reconstitution à laquelle doit se livrer la commune en exécution du présent arrêt devant tenir compte de celle ordonnée par l'arrêt rendu par la Cour le même jour, les sommes dues à ce titre par la commune doivent correspondre, spécifiquement pour la période du
25 août 2018 au 26 novembre 2020 inclus, à la plus élevée des sommes qu'elle aurait dû verser si
M. A... était resté chef de service de police municipale stagiaire, et celles qu'elle aurait été tenue de verser si celui-ci était demeuré en activité en qualité de brigadier-chef principal.
7. Au cas d'espèce, il y a lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte dont le taux est fixé à 100 euros par jour de retard à l'expiration du délai de cinq mois imparti à la commune pour exécuter le présent arrêt.
8. En deuxième lieu, l'annulation des radiations des effectifs n'implique pas l'établissement des bulletins de salaire au bénéfice de M. A... sur la période en cause,
celui-ci n'ayant reçu ni traitement ni régime indemnitaire sur cette période en vertu de la règle législative du service fait. Elle n'implique pas non plus la présentation d'une nouvelle demande d'agrément aux fonctions de policier municipal.
9. En dernier lieu, l'argumentation de M. A... relative aux conséquences dommageables des arrêtés de radiation des effectifs et à l'octroi d'une indemnité au titre du préjudice financier et du préjudice moral, qu'il a d'ailleurs soumise au juge de la responsabilité dans le cadre d'une autre instance, présente à juger un litige distinct de sa demande d'exécution et n'est donc pas recevable.
Sur les frais d'instance :
10. Dans les circonstances de l'espèce, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Gignac-la-Nerthe une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Une astreinte est prononcée à l'encontre de la commune de Gignac-la-Nerthe si elle ne justifie pas avoir, dans les cinq mois suivant la notification du présent arrêt, procédé, d'une part, à la réintégration juridique de M. A... dans le cadre d'emploi des agents de police municipale, au grade de brigadier-chef principal, pour la période du 25 août 2018 au 26 novembre 2020 inclus, et, d'autre part, à la reconstitution de sa carrière et de ses droits sociaux sur cette même période, suivant les conditions énoncées au point 6. Le taux de cette astreinte est fixé à 100 euros par jour de retard à compter du lendemain de l'expiration de ce délai et jusqu'à la date de cette exécution.
Article 2 : La commune de Gignac-la-Nerthe communiquera à la Cour copie des actes justifiant des mesures prises pour exécuter l'article 1er du présent arrêt.
Article 3 : La commune de Gignac-la-Nerthe versera à M. A... la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la commune de Gignac-la-Nerthe.
Délibéré après l'audience du 17 septembre 2024, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Martin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 octobre 2024.
N° 23MA029002