Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 6 juin 2016 par lequel le maire de la commune de Gignac-la-Nerthe a refusé de le titulariser dans le grade de chef de service de police municipale, a mis fin à son stage en qualité de chef de police municipale à compter du 1er juin 2016, et l'a réintégré dans le grade de brigadier-chef principal.
Par un jugement n° 1606782 du 5 novembre 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la requête de M. A....
Par un arrêt n° 20MA00083 du 5 avril 2022, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé ce jugement et cet arrêté, et a mis à la charge de la commune de Gignac-la-Nerthe la somme de 1 500 euros à verser à M. A... sur le fondement des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par une demande et des courriers, enregistrés le 25 août 2022 et le 27 octobre 2023,
M. A... demande à la Cour de prononcer une astreinte à l'encontre de la commune de Gignac-la-Nerthe afin d'obtenir l'exécution de l'arrêt n° 20MA00083 de la Cour du 5 avril 2022, en ce qui concerne sa réintégration dans le grade de chef de service de police municipale stagiaire, le réexamen de sa situation administrative afin de le titulariser dans ce grade ou de saisir de nouveau la commission administrative paritaire et de prendre une nouvelle décision le concernant, la reconstitution de sa carrière, notamment de ses droits à pension de retraite, l'établissement de ses bulletins de paie pour la période d'éviction et le versement des indemnités dues au titre de perte de salaire et de préjudice moral.
Par des observations, enregistrées le 26 septembre 2022, la commune de
Gignac-la-Nerthe, représentée par Me Jean-Pierre, conclut au rejet de la demande d'exécution, en faisant valoir que l'arrêt de la Cour ne prononce aucune injonction, que le demandeur a été de nouveau radié des effectifs et que le recours contre le retrait de son agrément a été rejeté par la Cour le 5 avril 2022.
Par une ordonnance du 22 novembre 2023, la présidente de la Cour a ordonné l'ouverture d'une procédure juridictionnelle en vue de prescrire les mesures d'exécution de l'arrêt n° 20MA00083 rendu le 5 avril 2022 par la cour administrative d'appel de Marseille.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 janvier 2024, la commune de Gignac-la-Nerthe, représentée par Me Brunière, conclut dans le même sens que ses observations présentées avant l'ouverture de la procédure juridictionnelle d'exécution, par la même argumentation.
La commune ajoute que :
- le demandeur a été indemnisé de son préjudice moral lié à son éviction illégale, par jugement du 22 mars 2023, pour la période allant du 25 août 2016 au 25 décembre 2019 ;
- l'annulation du refus de titulariser l'intéressé pour un simple vice de procédure n'interdisait pas au maire de reprendre la même décision, son insuffisance professionnelle n'ayant jamais été remise en cause ;
- l'intéressé ne pouvait qu'être licencié et radié des effectifs compte tenu du retrait de son agrément, contre lequel son recours a été rejeté de manière irrévocable par arrêt de la Cour du 5 avril 2022.
Par un mémoire, enregistré le 4 mars 2024, M. A..., représenté par Me Susini, conclut aux mêmes fins que sa demande d'exécution, par les mêmes moyens, et sollicite en outre que le taux de l'astreinte soit fixé à 250 euros par jour de retard au-delà d'un délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, et que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la commune en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient en outre que :
- l'annulation contentieuse dont il demande l'exécution porte tout autant sur le refus de titularisation dans le grade de chef de service de police municipale, que la fin de son stage au
1er juin 2016 et sa réintégration dans le grade de brigadier-chef principal ;
- il doit donc être réintégré au 1er juin 2016 en tant que chef de service de police municipale stagiaire, suivant une position de détachement, et la commune doit prendre un arrêté en ce sens et saisir de son cas la commission administrative paritaire et alors reconstituer sa carrière ;
- or la commune n'a pris aucune mesure d'exécution à la suite de cette annulation, pas même en consultant de nouveau la commission administrative paritaire, ce qui ne permet donc pas de présumer d'une appréciation conduisant à un refus de titularisation ;
- l'obligation pesant sur la commune d'indemniser le préjudice causé par les
deux décisions d'éviction illégales n'est pas exclusif de son obligation de tirer les conséquences de leur annulation, au nombre desquelles figurent la reconstitution de sa carrière, c'est-à-dire de ses droits à avancement, mais aussi la reconstitution de ses droits à la retraite acquis en l'absence d'éviction, impliquant le versement par la commune des cotisations salariales et patronales nécessaires, ainsi que l'établissement de tous les bulletins de salaire correspondant à la période concernée ;
- le retrait de son agrément, qui ne faisait pas à la commune obligation de le licencier, ne faisait pas obstacle à sa réintégration en exécution de l'annulation du refus de le titulariser ;
- en tout état de cause, sa demande d'exécution est valable pour la période du
1er juin 2015, non pas jusqu'à la date de retrait d'agrément, le 6 février 2019 mais en réalité, jusqu'au 26 décembre 2019, date de l'arrêté portant exclusion temporaire d'activité de 17 mois pour six mois avec sursis, dans l'attente de l'arrêt de la Cour dans l'instance n° 23MA01339.
Par une lettre du 11 septembre 2024, la Cour a informé les parties, sur le fondement de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce qu'elle était susceptible de fonder son arrêt sur le moyen relevé d'office tiré de ce que l'argumentation de M. A... relative aux conséquences dommageables de l'arrêté du 6 juin 2016 et à l'octroi d'une indemnité au titre du préjudice financier et du préjudice moral, présente à juger un litige distinct de sa demande d'exécution et n'est donc pas recevable.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-56 du 26 janvier 1984 ;
-le décret n° 2011-444 du 21 avril 2011 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Revert,
- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,
- et les observations de Me Stuart, substituant Me Susini, représentant M. A..., de Me Brunière représentant la commune de Gignac-la-Nerthe, et de M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., brigadier-chef principal de la police municipale de Gignac-la-Nerthe, a été nommé, par voie de promotion interne, chef de service de police municipale stagiaire par un arrêté du maire de la commune du 24 juillet 2015, pour une durée de six mois, à compter du 1er août 2015. Mais par un arrêté du 6 juin 2016, pris après prolongation de ce stage pour une durée de quatre mois à compter du 1er février 2016, le maire a refusé de titulariser M. A..., a mis fin à son stage et l'a réintégré dans son grade de brigadier-chef principal. Par un arrêt
n° 20MA00083 du 5 avril 2022, la Cour, saisie par M. A... de l'appel contre le jugement du tribunal administratif de Marseille du 5 novembre 2019, a annulé cet arrêté. M. A... demande à la Cour de prononcer une astreinte à l'encontre de la commune de Gignac-la-Nerthe afin d'obtenir l'exécution de cet arrêt.
Sur le bien-fondé de la demande d'exécution :
2. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander à la juridiction, une fois la décision rendue, d'en assurer l'exécution. / Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte. ".
3. L'annulation pour excès de pouvoir d'une décision refusant de titulariser un agent en fin de stage et le réintégrant dans son cadre d'emploi ou son grade d'origine, lorsqu'elle est prononcée pour un vice de procédure, implique non pas la titularisation de l'agent dans le nouveau cadre d'emploi ou grade, mais seulement de réexaminer ses mérites en qualité d'agent stagiaire, à la date de son éviction illégale, à une telle titularisation. Cette annulation, par l'effet de laquelle l'agent est réputé n'avoir pas cessé de détenir la qualité d'agent stagiaire jusqu'à la décision réexaminant ses mérites à titularisation, implique nécessairement encore, au titre de la reconstitution de la carrière de cet agent, la reconstitution des droits sociaux, et notamment des droits à pension de retraite, qu'il aurait acquis en l'absence de l'éviction illégale et, par suite, le versement par l'administration des cotisations nécessaires à cette reconstitution. Ainsi, sauf à ce que l'agent ait bénéficié d'une indemnité destinée à réparer le préjudice matériel subi incluant les sommes correspondantes, il incombe à l'administration de prendre à sa charge le versement de la part salariale de ces cotisations, au même titre que de la part patronale.
4. En premier lieu, il résulte des énonciations de l'arrêt de la Cour du 5 avril 2022 que l'annulation qu'il prononce de l'arrêté du 6 juin 2016 refusant de titulariser M. A... en tant que chef de service de police municipale et le réintégrant dans son grade de brigadier-chef de police municipale, a été décidée au motif, de légalité externe, tiré de ce que la commission administrative paritaire a émis son avis sans disposer du rapport de fin de stage. Bien que cet arrêt ne prescrive lui-même aucune mesure d'exécution, l'annulation qu'il prononce impliquait donc, non pas que le maire de Gignac-la-Nerthe titularise M. A... dans le cadre d'emploi de chef de service de police municipale, mais qu'il réexamine ses droits à une telle titularisation, après une nouvelle consultation de la commission administrative paritaire. Il est constant que le maire de Gignac-la-Nerthe n'a pas pris de décision par laquelle il a procédé expressément à cette nouvelle appréciation. Mais il est constant que, par un arrêté du 26 novembre 2020, contre lequel le recours de M. A... a été rejeté par l'arrêt n° 23MA02087 rendu par la Cour le
2 juillet 2024, le maire de Gignac-La-Nerthe a prononcé sa radiation des effectifs de la commune à compter du 27 novembre 2020. Par cette mesure d'éviction des effectifs communaux, prononcée en raison du retrait de l'agrément de policier municipal par le Procureur de la République d'Aix-en-Provence, dont la décision fait obstacle à toute titularisation dans le cadre d'emploi de chef de service de police municipale en application de l'article 9 du décret du 21 avril 2011 portant statut particulier du cadre d'emplois des chefs de service de police municipale dans sa rédaction alors en vigueur, le maire de Gignac-la-Nerthe doit être regardé comme ayant mis fin au stage de
M. A... à compter du 27 novembre 2020, ainsi qu'il y était tenu.
5. Il suit de là que M. A... est seulement fondé à réclamer, en exécution de l'arrêt n° 20MA00083 rendu par la Cour le 5 avril 2022, la régularisation de sa situation en qualité de chef de service de police stagiaire pour la période allant du 1er juin 2016 au 26 novembre 2020 inclus.
6. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient M. A..., la régularisation de sa situation ne peut consister en la reconstitution de ses droits à avancement, compte tenu du caractère provisoire et probatoire de la qualité de stagiaire, ni en l'établissement de bulletins de salaire au titre de la période en cause, en vertu de la règle législative du service fait. En outre, l'argumentation de M. A... relative aux conséquences dommageables de l'arrêté du
6 juin 2016 et à l'octroi d'une indemnité au titre du préjudice financier et du préjudice moral présente à juger un litige distinct de sa demande d'exécution et n'est donc pas recevable.
7. En revanche et en dernier lieu, la régularisation de la situation de M. A... implique nécessairement la reconstitution des droits sociaux, et notamment des droits à pension de retraite, qu'il aurait acquis en qualité de chef de service de police municipale stagiaire en l'absence du refus de titularisation illégal et, par suite, le versement par l'administration des cotisations nécessaires à cette reconstitution, dans la mesure où il ne résulte pas de l'instruction, notamment pas de l'arrêt n° 23MA01324 du 2 juillet 2024 par lequel la Cour a statué sur l'action indemnitaire de l'intéressé liée à l'illégalité de son exclusion temporaire de fonctions de
deux ans du 20 mars 2017 et à ses radiations des effectifs des 21 août et 12 septembre 2018, que celui-ci aurait bénéficié d'une indemnité destinée à réparer le préjudice matériel subi incluant les sommes correspondantes. Il y a donc lieu d'enjoindre au maire de la commune de Gignac-la-Nerthe de procéder, dans un délai de cinq mois à compter de la notification du présent arrêt, à la régularisation de la situation administrative de M. A..., pour la période du 1er juin 2016 au
26 novembre 2020 inclus, en qualité de chef de service de police municipale stagiaire, en reconstituant ses droits sociaux, et notamment ses droits à pension de retraite sur cette période, et en prenant à sa charge le versement de la part salariale et de la part patronale de ces cotisations nécessaires à cette reconstitution. Néanmoins un fonctionnaire ne peut appartenir en même temps à deux cadres d'emploi différents ni cotiser pour ses droits sociaux à ces deux titres. Or, d'une part, l'arrêté du 6 juin 2016 a nécessairement eu pour conséquence, malgré son annulation contentieuse, de réintégrer M. A... dans le grade de brigadier-chef principal jusqu'au
25 août 2018, date de prise d'effet de sa radiation des cadres, et que, sur cette période, celui-ci a cotisé en cette qualité pour ses droits à pension. Par conséquent, les sommes dues par la commune au titre de la reconstitution des droits à pension de M. A... en exécution du présent arrêt correspondent, spécifiquement pour la période du 1er juin 2016 au 25 août 2018, à la différence entre d'une part celles qu'elle aurait dû verser si M. A... était resté chef de service de police municipale stagiaire, et celles qu'elle a effectivement versées, le cas échéant, au titre des droits acquis par l'intéressé en qualité de brigadier-chef principal. D'autre part, il résulte de l'arrêt
n° 23MA02900 rendu par la Cour le 22 octobre 2024 que la commune de Gignac-la-Nerthe doit également reconstituer les droits sociaux que M. A... aurait acquis en qualité de
brigadier-chef de police municipale, du 25 août 2018 au 26 novembre 2020 inclus. Par suite, la reconstitution à laquelle doit se livrer la commune en exécution du présent arrêt devant tenir compte de celle ordonnée par l'arrêt rendu par la Cour le même jour, les sommes dues à ce titre par la commune doivent correspondre, spécifiquement pour la période du 25 août 2018 au
26 novembre 2020 inclus, à la plus élevée des sommes qu'elle aurait dû verser si M. A... était resté chef de service de police municipale stagiaire, et celles qu'elle aurait été tenue de verser si celui-ci était demeuré en activité en qualité de brigadier-chef principal.
8. Il y a lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte dont le taux est fixé à 100 euros par jour de retard à l'expiration du délai de cinq mois imparti à la commune pour exécuter le présent arrêt.
Sur les frais d'instance :
9. Dans les circonstances de l'espèce, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Gignac-la-Nerthe une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Une astreinte est prononcée à l'encontre de la commune de Gignac-la-Nerthe si elle ne justifie pas avoir, dans les cinq mois suivant la notification du présent arrêt, procédé à la régularisation des droits sociaux de M. A..., et notamment de ses droits à pension, pour la période allant du 1er juin 2016 au 26 novembre 2020 inclus, suivant les conditions énoncées au point 7. Le taux de cette astreinte est fixé à 100 euros par jour de retard à compter du lendemain de l'expiration de ce délai et jusqu'à la date de cette exécution.
Article 2 : La commune de Gignac-la-Nerthe communiquera à la Cour copie des actes justifiant des mesures prises pour exécuter l'article 1er du présent arrêt.
Article 3 : La commune de Gignac-la-Nerthe versera à M. A... la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la commune de Gignac-la-Nerthe.
Délibéré après l'audience du 17 septembre 2024, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Martin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 octobre 2024.
N° 23MA029032