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04/06/2024 | FRANCE | N°23MA02906

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 4ème chambre, 04 juin 2024, 23MA02906


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :





La société civile immobilière (SCI) Lalie a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la délibération du 9 mars 2015 par laquelle le conseil municipal de la commune de Caudebronde a autorisé le maire à exercer au nom de la commune le droit de préemption sur la parcelle cadastrée section AB n° 9.





Par un jugement n° 1502143 du 2 juin 2017, le tribunal administratif de Montpellier a annulé cette délibération.>




Par un arrêt n° 17MA02945 du 1er avril 2019, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel for...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Lalie a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la délibération du 9 mars 2015 par laquelle le conseil municipal de la commune de Caudebronde a autorisé le maire à exercer au nom de la commune le droit de préemption sur la parcelle cadastrée section AB n° 9.

Par un jugement n° 1502143 du 2 juin 2017, le tribunal administratif de Montpellier a annulé cette délibération.

Par un arrêt n° 17MA02945 du 1er avril 2019, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la commune de Caudebronde contre ce jugement ainsi que les conclusions de la SCI Lalie tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 26 avril et 31 août 2022, les 5 septembre, 13 novembre et 12 décembre 2023 et les 1er mars et 26 avril 2024, la SCI Lalie, représentée par Me Andjerakian-Notari, demande à la Cour, sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de faire assurer l'exécution de ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 2 juin 2017 confirmé par l'arrêt de la Cour du 1er avril 2019 ;

2°) de condamner la commune de Caudebronde à lui verser une astreinte de 500 euros par jour de retard à compter, à titre principal, de l'arrêt de la Cour du 1er avril 2019 devenu irrévocable et à titre subsidiaire, à compter du 26 avril 2022, date d'enregistrement de la demande d'exécution, jusqu'à la parfaite exécution de cet arrêt par la restitution sans condition de la parcelle cadastrée section AB n° 9 pour le prix initial convenu avec le propriétaire initial, de 1 200 euros ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Caudebronde la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la délibération du conseil municipal du 27 septembre 2021 autorisant la rétrocession de cette parcelle au prix de 1 200 euros impose à cet effet, illégalement et sans l'obtention d'une décision de justice préalable, la condition d'établir une servitude de passage pour accéder aux parcelles cadastrées section AB n°s 5 et 8, au motif que celle-ci serait enclavée par l'effet de cette rétrocession ;

- la commune a fait l'acquisition de ces parcelles, postérieurement à sa décision de rétrocession de la parcelle AB n° 9 sous condition, c'est-à-dire en toute connaissance de cause de leur état d'enclavement ;

- ce refus de la commune d'exécuter une décision de justice porte une atteinte grave à son droit de disposer de son bien et s'analyse comme une expropriation indirecte de celui-ci, de sorte que seule une astreinte d'un montant significatif peut s'avérer efficace ;

- l'intervention d'une délibération du 29 janvier 2024 ne permet pas de considérer que l'arrêt de la Cour a été complètement exécuté, tant que l'acte de rétrocession n'aura pas été passé et le transfert de propriété opéré.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 25 juillet 2022 et le 6 février 2024, la commune de Caudebronde, représentée par Me Santin du cabinet Labry et Noray-Espeig, conclut dans le dernier état de ses écritures au non-lieu à statuer sur la demande d'exécution.

La commune fait valoir que :

- la rétrocession sans condition aurait pour effet d'enclaver les parcelles cadastrées section AB n°s 5 et 8 qu'elle a acquises ;

- un motif d'intérêt général s'oppose donc à la conclusion d'un acte de rétrocession en l'état des réclamations de la SCI ;

- cette procédure rend possible une médiation ;

- par une délibération du 29 janvier 2024, remplaçant et annulant celle du 27 septembre 2021, le conseil municipal a de nouveau délibéré sur la rétrocession, mais sans condition, de sorte que l'arrêt a été entièrement exécuté.

Par une ordonnance du 22 novembre 2023, la présidente de la Cour a ouvert une procédure juridictionnelle en vue de prescrire les mesures d'exécution du jugement n° 1502143 du tribunal administratif de Montpellier du 2 juin 2017 confirmé par un arrêt n° 17MA02945 du 1er avril 2019 de la cour administrative d'appel de Marseille.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Revert,

- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,

- et les observations de Me Andjerakian-Notari, représentant la SCI Lalie et Me Noray-Espeig, représentant la commune de Caudebronde.

Une note en délibéré présentée pour la SCI Lalie a été enregistrée le 23 mai 2024.

Considérant ce qui suit :

1. La SCI Lalie avait conclu une promesse de vente pour l'acquisition de la parcelle cadastrée section AB n° 9 d'une superficie de 00 ha 15 à 70 ca, au prix de 1 200 euros, sur le territoire de la commune de Caudebronde. Une déclaration d'intention d'aliéner avait été adressée au département de l'Aude, titulaire d'un droit de préemption au titre des espaces naturels sensibles, qui avait renoncé à exercer ce droit le 3 mars 2015. Le conseil municipal de la commune de Caudebronde avait alors, par une délibération du 9 mars 2015, autorisé le maire à exercer, par substitution, le droit de préemption du département de l'Aude sur cette parcelle.

Par un jugement du 2 juin 2017, le tribunal administratif de Montpellier, saisi de la demande de la SCI Lalie, a annulé cette délibération. Par un arrêt du 1er avril 2019, la Cour a rejeté l'appel de la commune de Caudebronde contre ce jugement. La SCI Lalie demande à la Cour de prononcer une astreinte à l'encontre de la commune afin d'obtenir la rétrocession de la parcelle ainsi illégalement préemptée.

2. Il appartient au juge administratif, saisi de conclusions en ce sens par l'ancien propriétaire ou par l'acquéreur évincé et après avoir mis en cause l'autre partie à la vente initialement projetée, d'exercer les pouvoirs qu'il tient des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative afin d'ordonner, le cas échéant sous astreinte, les mesures qu'implique l'annulation, par le juge de l'excès de pouvoir, d'une décision de préemption. A ce titre, il lui appartient, après avoir vérifié, au regard de l'ensemble des intérêts en présence, que le rétablissement de la situation initiale ne porte pas une atteinte excessive à l'intérêt général s'attachant à la préservation et à la mise en valeur de sites remarquables, de prescrire au titulaire du droit de préemption qui a acquis le bien illégalement préempté, s'il ne l'a pas entre temps cédé à un tiers, de prendre toute mesure afin de mettre fin aux effets de la décision annulée et, en particulier, de proposer à l'ancien propriétaire puis, le cas échéant, à l'acquéreur évincé d'acquérir le bien, à un prix visant à rétablir, sans enrichissement injustifié de l'une des parties, les conditions de la transaction à laquelle l'exercice du droit de préemption a fait obstacle.

3. Il est constant que l'annulation de la délibération du conseil municipal de Caubebronde du 9 mars 2015 par le jugement du 2 juin 2017, confirmée par l'arrêt de la Cour du 1er avril 2019, est intervenue postérieurement au transfert à la commune, le 10 juin 2015, de la propriété de la parcelle cadastrée AB n° 9 par l'effet de cette décision de préemption. Il n'est pas moins constant que l'ancien propriétaire de cette parcelle, ainsi que ses ayants cause, ont renoncé à l'acquisition de ce bien. Il suit de là qu'il revenait à la commune de Caudebronde de proposer cette acquisition à la SCI Lalie, dont le nom était mentionné dans la déclaration d'intention d'aliéner du 6 février 2015 et qui lui a présenté une demande en ce sens le 4 janvier 2022.

4. Or, il résulte de l'instruction que si, par une première délibération du 27 septembre 2021, le conseil municipal de la commune de Caudebronde a autorisé son maire à signer l'acte de rétrocession de la parcelle AB n° 9 , au prix de 1 200 euros, au bénéfice de la SCI Lalie, sous la condition que cette rétrocession prévoie l'établissement d'une servitude de passage pour accéder à la parcelle AB n° 8 qui, par l'effet de cette rétrocession, deviendrait enclavée selon la commune, le conseil municipal a retiré cette décision par une seconde délibération du 29 janvier 2024 qui autorise le maire à signer l'acte de rétrocession avec la SCI au même prix, sans condition. Cette dernière délibération, dont la SCI ne conteste pas le prix envisagé pour la rétrocession, lequel correspond à celui de la promesse de vente dont elle était bénéficiaire, constitue une mesure d'exécution appropriée du jugement du 2 juin 2017 confirmé par l'arrêt du 1er avril 2019 au regard des règles énoncées au point 2. La seule circonstance que, à la date à laquelle la Cour se prononce sur la demande d'exécution de la SCI, l'acte de rétrocession n'ait pas été effectivement signé devant notaire, n'est pas de nature à retirer à cette délibération un tel caractère. Par suite, nonobstant le délai de quelques cinq années qui s'est écoulé entre la notification à la commune de l'arrêt de la Cour, et la date de la délibération autorisant la rétrocession sans condition, il n'y a plus lieu de prononcer une astreinte à l'encontre de la commune, contrairement à ce que demande la SCI.

5. En revanche, dans les circonstances de l'espèce et en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Caudebronde, qui est la partie perdante dans cette instance que la SCI Lalie a dû engager pour obtenir l'exécution du jugement confirmé par l'arrêt de la Cour, la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par cette société et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de prononcer d'astreinte à l'encontre de la commune de Caudebronde pour l'exécution du jugement n° 1502143 rendu le 2 juin 2017 par le tribunal administratif de Montpellier et confirmé par l'arrêt de la Cour n° 17MA02945 du 1er avril 2019.

Article 2 : La commune de Caudebronde versera à la SCI Lalie la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Lalie et à la commune de Caudebronde.

Délibéré après l'audience du 22 mai 2024, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Martin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juin 2024.

N° 23MA029062


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA02906
Date de la décision : 04/06/2024
Type de recours : Exécution décision justice adm

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - Forme et procédure - Questions générales - Motivation - Motivation obligatoire.

Urbanisme et aménagement du territoire - Procédures d'intervention foncière - Préemption et réserves foncières - Droits de préemption - Espaces naturels sensibles.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Michaël REVERT
Rapporteur public ?: Mme BALARESQUE
Avocat(s) : CABINET ANDJERAKIAN - NOTARI

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-04;23ma02906 ?
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