Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le Groupement pastoral du Sud a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'ordre de recouvrer n° APCP2019000012 émis à son encontre le 26 juillet 2019 par le président directeur général de l'Agence de services et de paiement (ASP) pour un montant de 50 105,59 euros dont le reste à recouvrer s'élève à 28 046,60 euros, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux, de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme mise à sa charge par ce titre, d'ordonner à l'Agence de services et de paiement de lui restituer les sommes indûment compensées sur les aides à percevoir et, subsidiairement, de surseoir à statuer dans l'attente de la décision de la cour administrative d'appel de Marseille dans l'instance relative au jugement n° 1800424 du tribunal administratif de Marseille du 5 décembre 2019.
Par un jugement n° 2000803 du 16 décembre 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 janvier 2022, le Groupement pastoral du Sud, représenté par Me Cabriel, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 16 décembre 2021 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) à titre principal, d'annuler l'ordre de recouvrer n° APCP2019000012 émis à son encontre le 26 juillet 2019 et de prononcer la restitution des sommes ainsi recouvrées ;
3°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer jusqu'à ce que le Conseil d'Etat rende sa décision sur son pourvoi formé à l'encontre de l'arrêt n° 20MA00476 rendu par la cour administrative d'appel de Marseille le 7 octobre 2021 qui a annulé le jugement n° 1800424 du 15 décembre 2019 du tribunal administratif de Marseille ;
4°) en tout état de cause, d'annuler l'ordre de recouvrer précité, d'ordonner la restitution des sommes ainsi recouvrées et de mettre à la charge de l'Agence de services et de paiement la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa requête est recevable ;
Sur la légalité du titre de recouvrement :
En ce qui concerne la légalité externe :
S'agissant de l'incompétence de l'auteur de l'acte :
- le président-directeur général de l'ASP n'a pas qualité d'ordonnateur et, par suite, n'a pas compétence pour édicter des titres exécutoires ;
- l'auteur de l'acte ne bénéficiait pas d'une délégation de signature ;
- le titre de recouvrement contesté comporte simplement la mention de la qualité de l'ordonnateur sans faire mention de ses noms et prénoms ;
S'agissant de la forme :
- il devra être justifié de l'état exécutoire prévu par l'article 55 B de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 ;
S'agissant de l'insuffisance de motivation :
- le titre exécutoire ne prend pas en compte le jugement n° 1800424 du 5 décembre 2019 rendu par le tribunal administratif de Marseille ;
- en méconnaissance de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 portant règlement général sur la comptabilité publique, le titre contesté mentionne de manière inintelligible et insuffisante les bases et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde ;
- ce titre ne comporte aucun fondement de droit ou de fait ;
- il vise " la lettre de fin d'instruction du 4 juin 2018 " qui n'est cependant pas annexée à la décision de rejet, de sorte qu'à sa seule lecture, l'intéressé n'est pas à même de connaître l'intégralité des motifs de faits justifiant le retrait total des aides agricoles pour la campagne 2015-2020 ;
S'agissant du vice affectant le déroulement de la procédure :
- la procédure suivie méconnaît le principe du contradictoire et les droits de la défense ;
S'agissant de la prescription :
- en vertu de l'article 3 du règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 du 18 décembre 1995, les créances de l'Agence de services et de paiement, réclamées au mois de juillet 2019, étaient prescrites ;
S'agissant de la bonne foi :
- en vertu de l'article 7 du règlement d'exécution (UE) n° 809/2014 de la Commission du 17 juillet 2014 établissant les modalités d'application du règlement (UE) n° 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne le système intégré de gestion et de contrôle, les mesures en faveur du développement rural et la conditionnalité l'obligation de remboursement ne s'applique pas si le paiement a été effectué à la suite d'une erreur de l'autorité compétente ou d'une autre autorité et si l'erreur ne pouvait raisonnablement être décelée par l'agriculteur ;
En ce qui concerne la légalité interne :
- le titre exécutoire contesté est entaché d'une erreur de droit dès lors que l'ASP ne vise aucun fondement juridique pour priver le Groupement pastoral du Sud de son droit à bénéficier des aides de la politique agricole pour les campagnes 2015 à 2020 ;
- ce titre est entaché d'une erreur de fait dès lors qu'il vise la lettre de fin d'instruction établie le 4 juin 2018 par la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) qui est laconique et qui a été annulée par le tribunal administratif de Marseille ;
- le titre exécutoire contesté méconnaît le principe de proportionnalité.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 juin 2022, l'Agence de services et de paiement, représentée par Me Doukhan, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 6 000 euros soit mise à la charge du Groupement pastoral du Sud au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
Sur la recevabilité des conclusions en appel du Groupement pastoral du Sud :
- la requête n'est pas motivée pour l'application des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative et elle est, de ce fait, irrecevable ;
- les demandes de " dire et juger " sont irrecevables ;
- les conclusions de la requête tendant à ce que la cour sursoie à statuer en attendant que le Conseil d'Etat rende sa décision sur le recours introduit par le groupement requérant à l'encontre de l'arrêt n° 20MA00476 rendu par la cour administrative d'appel de Marseille le 7 octobre 2021 sont irrecevables dès lors qu'il appartenait au requérant de solliciter auprès du Conseil d'Etat la suspension de l'exécution de cet arrêt sur le fondement des dispositions des articles R. 821-5 et suivants du code de justice administrative ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
- le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire est inopérant ;
- le moyen fondé sur la méconnaissance du principe de proportionnalité est inopérant ;
- les autres moyens soulevés par le groupement appelant ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 septembre 2023, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire indique qu'il ne présentera pas d'observations.
Il fait valoir qu'il n'est pas compétent pour défendre une décision prise par l'ASP.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 du 18 décembre 1995 relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes ;
- le règlement (UE) n° 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 relatif au soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) ;
- le décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;
- le décret du 16 juillet 2015 relatif à un apport de trésorerie remboursable au bénéfice des agriculteurs ;
- l'arrêté du 9 octobre 2015 relatif aux modalités d'application concernant le système intégré de gestion et de contrôle, l'admissibilité des surfaces au régime de paiement de base et l'agriculteur actif dans le cadre de la politique agricole commune à compter de la campagne 2015, modifié par l'arrêté du 12 mai 2016 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mahmouti,
- et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le Groupement pastoral du Sud, exploitant agricole, a sollicité en 2015 le bénéfice des " aides découplées " de la politique agricole commune et de la mesure agroenvironnementale et climatique (MAEC), au titre de la campagne 2015, ainsi que le versement d'un apport de trésorerie remboursable (ATR) dans l'attente du versement définitif de ces aides. L'Agence de services et de paiement (ASP) lui a alloué une somme globale de 50 105,59 euros au titre de l'ATR, calculée sur la base d'une surface déclarée de 255,76 hectares et d'une majoration pour les 52 premiers hectares, au titre de la campagne 2015. Le 10 avril 2017, le président-directeur-général de l'ASP lui a notifié un ordre de recouvrer daté du 12 octobre 2016 lui réclamant le versement d'un montant de 40 105,69 euros, correspondant au reste à recouvrer d'ATR une fois déduites les aides obtenues par le Groupement pastoral du Sud. Par un jugement n° 1705531 du 25 juin 2019, le tribunal administratif de Marseille a prononcé l'annulation de cet ordre de recouvrer au motif que celui-ci était insuffisamment motivé. Parallèlement, le préfet des Bouches-du-Rhône a émis la lettre de fin d'instruction au titre des aides surfaciques du 1er pilier de la campagne 2015 le 4 juin 2018. Par un jugement n° 1904988 du 17 décembre 2020, le tribunal administratif de Marseille a prononcé l'annulation de la lettre de fin d'instruction en date du 4 juin 2018 en retenant le moyen tiré de l'insuffisance de sa motivation. Par deux décisions du 24 juillet 2019, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté les demandes présentées par le Groupement pastoral du Sud tendant au bénéfice des droits au paiement de base (DPB) au titre des programmes de réserve " jeune agriculteur " d'une part et " nouvel installé " d'autre part. Par un jugement n° 1800424 du 5 décembre 2019, le tribunal administratif de Marseille a prononcé l'annulation de la décision du 24 juillet 2017 refusant l'attribution au Groupement pastoral du Sud de droits au paiement de base au titre du programme " jeune agriculteur ". Par un arrêt n° 20MA00476 du 7 octobre 2021, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé ce jugement et rejeté la demande du Groupement pastoral du Sud devant le tribunal et ses conclusions d'appel incident devant la cour. Le 2 août 2019, l'ASP a notifié au Groupement pastoral du Sud l'ordre de recouvrer n° APCP2019000012 émis à son encontre le 26 juillet 2019 pour un montant de 50 105,59 euros. Par courrier du 26 septembre 2019, le Groupement pastoral du Sud a formé un recours gracieux à l'encontre de ce titre exécutoire, qui a été implicitement rejeté. Le Groupement pastoral du Sud a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'ordre de recouvrer n° APCP2019000012 émis à son encontre le 26 juillet 2019 par le président directeur général de l'Agence de services et de paiement pour un montant de 50 105,59 euros dont le reste à recouvrer s'élève à 28 046,60 euros, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux, et de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme mise à sa charge par ce titre, d'ordonner à l'Agence de services et de paiement de lui restituer les sommes indûment compensées sur les aides à percevoir et, subsidiairement, de surseoir à statuer dans l'attente de la décision de la cour administrative d'appel de Marseille dans l'instance relative au jugement du tribunal du 5 décembre 2019. Par un jugement n° 2000803 du 16 décembre 2021 dont ledit groupement relève appel, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne tout d'abord la régularité formelle du titre exécutoire contesté :
2. Aux termes de l'article D. 313-24 du code rural et de la pêche maritime : " Le président-directeur général est nommé pour une durée de trois ans par décret, sur proposition conjointe des ministres en charge de l'agriculture et de l'emploi (...). ". Aux termes de l'article D. 313-25 du même code : " Le président-directeur général dirige et représente l'Agence de services et de paiement (...). Il est ordonnateur principal des recettes et des dépenses du budget de l'établissement (...) Il peut déléguer sa signature aux agents placés sous son autorité (...). ". Comme l'avait retenu à juste titre le tribunal aux points 11 et 12 du jugement attaqué par un motif que la requérante ne critique pas sérieusement en appel et qu'il y a, par suite, lieu d'adopter, le président-directeur général de l'ASP était compétent pour ordonner les recettes, la circonstance que son nom et son prénom ne figurent pas sur le titre exécutoire en litige étant sans influence dès lors que seuls devaient figurer les mentions se rapportant à son signataire, M. A... B..., lequel était, en l'espèce, régulièrement habilité pour signer une telle décision. Le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit donc être écarté en toutes ses branches.
3. Aux termes de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci (...) ". Le V de l'article 55 de la loi du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010 prévoit que pour l'application de ces dispositions " aux titres de perception délivrés par l'Etat en application de l'article L. 252 A du livre des procédures fiscales, afférents aux créances de l'Etat ou à celles qu'il est chargé de recouvrer pour le compte de tiers, la signature figure sur un état revêtu de la formule exécutoire, produit en cas de contestation ". Il résulte de ces dispositions, d'une part, que le titre de perception individuel délivré par l'Etat doit mentionner les nom, prénom et qualité de l'auteur de cette décision, et d'autre part, qu'il appartient à l'autorité administrative de justifier, en cas de contestation, que l'état revêtu de la formule exécutoire comporte la signature de cet auteur. Ces dispositions n'imposent pas, en revanche, de faire figurer sur cet état les nom, prénom et qualité du signataire. Au cas d'espèce, les états récapitulatifs des créances revêtus de la formule exécutoire, produits par l'ASP, comportent la signature de leur auteur. Par suite, le moyen tiré de ce que ce titre de perception serait irrégulier dès lors qu'il ne comporte aucune signature de son auteur doit, en tout état de cause, être écarté.
4. Aux termes de l'article 1er du décret du 16 juillet 2015 relatif à un apport de trésorerie remboursable au bénéfice des agriculteurs, dans sa version alors applicable : " Les agriculteurs ayant déposé la demande unique prévue par l'article 11 du règlement (UE) n° 640/2014 du 11 mars 2014 susvisé pour la campagne 2015 peuvent bénéficier d'un apport de trésorerie remboursable sans intérêts dans les conditions fixées par le présent décret. / La date limite de dépôt des demandes de versement de l'apport en trésorerie est fixée au 20 août 2015. Celui-ci est versé à compter du 1er octobre 2015. / L'apport est remboursé par compensation à concurrence des versements des aides de la politique agricole commune demandées dans la demande unique au titre de la campagne 2015 et des soutiens couplés alloués en application de l'article 52 du règlement (UE) n° 1307/2013 du 17 décembre 2013 susvisé. Les reliquats éventuels sont remboursés par les bénéficiaires au plus tard le 1er février 2016. / L'apport de trésorerie n'est pas octroyé si son montant est inférieur à 500 euros. ". Aux termes de l'article 7 de ce même décret : " Le versement de l'apport de trésorerie est assuré par l'Agence de services et de paiement, qui est également chargée du recouvrement prévu par l'article 1er. ". Aux termes de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " (...) Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation. (...) ". Ainsi, tout état exécutoire doit indiquer les bases de la liquidation de la créance pour le recouvrement de laquelle il est émis et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde, soit dans le titre lui-même, soit par référence précise à un document joint à l'état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur. En l'espèce et comme l'a retenu le tribunal au point 14 de son jugement par un motif qu'il y a lieu d'adopter, la " note technique de liquidation " annexée au titre exécutoire litigieux vise les textes applicables, et en particulier le décret du 16 juillet 2015 précité, et précise suffisamment les bases de la liquidation. Les critiques faites par le Groupement pastoral du Sud contestant le bienfondé des motifs retenus par l'ASP ne peuvent, en outre, pas être utilement invoquées au moyen tiré de l'irrégularité formelle du titre contesté. De même, la circonstance que le titre exécutoire ne prenne pas en compte le jugement n° 1800424 du 5 décembre 2019 rendu par le tribunal administratif de Marseille constitue une critique de son bienfondé et ne peut être utilement invoquée au soutien de la contestation de la régularité formelle du titre exécutoire contesté. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation, pris en toutes ses branches, doit donc être écarté.
5. L'appelant soutient de nouveau en appel que la procédure de laquelle procède le titre exécutoire contesté méconnaît le principe du contradictoire et les droits de la défense. Il résulte cependant de la " note technique de liquidation " annexée au titre exécutoire litigieux que ce titre exécutoire a été établi pour le montant total de l'apport en trésorerie remboursable qui avait été accordé au groupement requérant, et qui, en application des dispositions citées au point précédent, devait nécessairement être remboursé dans son intégralité dans le délai fixé par ces dispositions. Ainsi, ce titre exécutoire ne saurait être regardé comme retirant une quelconque aide allouée au groupement requérant. Dans ces conditions, ce dernier ne peut utilement soutenir que l'édiction d'un tel titre exécutoire avait à être précédé d'une procédure contradictoire.
6. Aux termes de l'article 1er du règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 du 18 décembre 1995 relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes : " 1. Aux fins de la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, est adoptée une réglementation générale relative à des contrôles homogènes et à des mesures et des sanctions administratives portant sur des irrégularités au regard du droit communautaire. / 2. Est constitutive d'une irrégularité toute violation d'une disposition du droit communautaire résultant d'un acte ou d'une omission d'un opérateur économique qui a ou aurait pour effet de porter préjudice au budget général des Communautés ou à des budgets gérés par celles-ci, soit par la diminution ou la suppression de recettes provenant des ressources propres perçues directement pour le compte des Communautés, soit par une dépense indue ". Aux termes de l'article 3 du même règlement : " 1. Le délai de prescription des poursuites est de quatre ans à partir de la réalisation de l'irrégularité visée à l'article 1er paragraphe 1. (...) / La prescription des poursuites est interrompue par tout acte, porté à la connaissance de la personne en cause, émanant de l'autorité compétente et visant à l'instruction ou à la poursuite de l'irrégularité. Le délai de prescription court à nouveau à partir de chaque acte interruptif. / (...) ". Il résulte des termes mêmes du règlement n° 2988/95 du 18 décembre 1995 que ce texte a pour objet de constituer une réglementation générale devant servir de cadre juridique commun à tous les domaines couverts par les politiques de l'Union européenne. A cet effet, il comporte des dispositions relatives à la récupération des aides indûment versées à un opérateur économique sur le fondement d'une disposition du droit de l'Union, notamment en ce qui concerne les délais de prescription applicables à l'action des Etats membres, lorsqu'ils procèdent à la récupération de telles aides. En l'espèce, si le Groupement pastoral du Sud invoque ces dispositions, le moyen tiré de leur méconnaissance n'est pas de nature à entacher la régularité formelle du titre contesté. A supposer même que le Groupement requérant soit regardé comme contestant le bienfondé ce de titre, le recouvrement par l'Agence de services et de paiement du remboursement de l'apport mentionné à l'article 1er du décret du 16 juillet 2015 n'a pas le caractère d'une récupération d'une aide indûment versée. Par conséquent, le groupement requérant n'est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que les poursuites à son égard étaient prescrites, alors, au demeurant, qu'un premier ordre de recouvrer avait été émis à son encontre dès le 12 octobre 2016.
En ce qui concerne ensuite le bien-fondé du titre exécutoire contesté :
7. Le groupement requérant soutient que " L'ASP ne vise aucun fondement juridique pour priver le GP DU SUD de son droit à bénéficier des aides de la politique agricole pour les campagnes 2015 à 2020. ". Ce moyen, qui est dépourvu de suffisamment de précision pour en apprécier le bien-fondé, manque, en tout état de cause, en fait dès lors que, comme il l'a été dit au point 4, le titre exécutoire contesté est suffisamment motivé en droit.
8. L'appelant soutient en outre que le titre exécutoire contesté est entaché d'une erreur de fait dès lors qu'il vise la lettre de fin d'instruction établie le 4 juin 2018 par la DDTM qui, selon lui, est laconique et qui a été annulée par le tribunal administratif de Marseille. Toutefois, une telle erreur dans les visas est, à la supposer même établie, sans influence sur le bien-fondé du titre exécutoire contesté.
9. Dès lors qu'ainsi qu'il a été dit au point 5, il résulte des dispositions du décret du 16 juillet 2015 que l'apport en trésorerie remboursable qui avait été accordé au groupement requérant devait nécessairement être remboursé dans son intégralité dans le délai fixé par ces dispositions, le groupement requérant ne peut utilement soutenir que les mesures tendant au recouvrement de l'apport de trésorerie remboursable dont elle a fait l'objet sont disproportionnées par rapport au but poursuivi de " soutenir financièrement les agriculteurs ".
10. En outre, aux termes de l'article 7 " recouvrement des paiements indus " du règlement UE n° 809/2014 de la commission du 17 juillet 2014 : " 1. En cas de paiement indu, le bénéficiaire concerné a l'obligation de rembourser les montants en cause, le cas échéant, majorés d'intérêts calculés conformément au paragraphe 2. 2. Les intérêts courent de la date limite de paiement indiquée pour le bénéficiaire dans l'ordre de recouvrement, qui ne doit pas être fixée à plus de 60 jours, à la date de remboursement ou de déduction des sommes dues. Le taux d'intérêt applicable est calculé conformément au droit national mais ne peut être inférieur à celui qui s'applique en cas de recouvrement des montants en vertu des dispositions nationales. 3. L'obligation de remboursement visée au paragraphe 1 ne s'applique pas si le paiement a été effectué à la suite d'une erreur de l'autorité compétente ou d'une autre autorité, et si l'erreur ne pouvait raisonnablement être décelée par le bénéficiaire. Toutefois, lorsque l'erreur a trait à des éléments factuels pertinents pour le calcul de l'aide concernée, le premier alinéa ne s'applique que si la décision de recouvrement n'a pas été communiquée dans les 12 mois suivant le paiement ". En l'espèce, si le Groupement pastoral du Sud invoque ces dispositions, le moyen tiré de leur méconnaissance n'est pas de nature à entacher la régularité formelle du titre contesté. A supposer même qu'il soit regardé comme contestant le bienfondé de ce titre, il résulte de tout ce qui vient d'être dit qu'en sollicitant du Groupement pastoral du Sud le reversement de l'ATR versée au titre de la campagne 2015, l'ASP n'a commis aucune erreur au sens des dispositions précitées de l'article 7 du règlement UE n° 809/2014 de la commission du 17 juillet 2014. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit donc être écarté.
11. Enfin, le Groupement pastoral du Sud demande à la cour, à titre subsidiaire, de surseoir à statuer dans l'attente de la décision prise par le Conseil d'Etat sur son recours introduit à l'encontre de l'arrêt n° 20MA00476 rendu par la cour administrative d'appel de Marseille le 7 octobre 2021 qui a annulé le jugement (n° 1800424) du 5 décembre 2019 qui accorde le bénéfice des DPB au GP DU SUD. Par une décision n° 459246 du 15 février 2024, le Conseil d'Etat a rejeté ce pourvoi. Il n'y a, par suite, pas lieu de surseoir à statuer sur la requête.
12. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées en défense, le Groupement pastoral du Sud n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Sur les frais liés à l'instance :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'agence de services et de paiement qui, dans la présente instance, n'est pas partie perdante, une somme au titre des frais exposés par le Groupement pastoral du Sud non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce groupement une somme de 2 000 euros à verser à l'Agence de services et de paiement au même titre.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de l'association du Groupement pastoral du Sud est rejetée.
Article 2 : L'association du Groupement pastoral du Sud versera à l'Agence de services et de paiement une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au Groupement pastoral du Sud, à l'Agence de services et de paiement et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 11 avril 2024 où siégeaient :
- Mme Fedi, présidente de chambre,
- M. Mahmouti, premier conseiller.
- M. Danveau, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 mai 2024.
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N° 22MA00178
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