Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association " le Groupement Pastoral du Sud " a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler les deux décisions du 24 juillet 2017 par lesquelles le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté les demandes de dotation de droits au paiement de base au titre des programmes de réserve " jeune agriculteur " d'une part, et " nouvel installé " d'autre part, pour la période du 1er janvier 2013 au 15 juin 2015, ensemble la décision implicite du 21 novembre 2017 rejetant le recours gracieux formé le 21 septembre 2017.
Par un jugement n° 1800424du 5 décembre 2019, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du 24 juillet 2017 refusant l'attribution au Groupement pastoral du sud de droits au paiement de base au titre du programme " jeune agriculteur ", ainsi que la décision de rejet implicite du recours gracieux dirigé contre cette décision, et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 4 et 27 février 2020 et le 22 juillet 2021, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 5 décembre 2019 en ce qu'il a annulé les décisions du préfet des Bouches-du-Rhône des 24 juillet et 21 septembre 2017 ;
2°) de rejeter la demande présentée par le Groupement Pastoral du Sud devant le tribunal administratif de Marseille.
Il soutient que :
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le a) du 2. de l'article 50 du règlement n° 1307/2013, tel qu'interprété par la commission européenne, fait obstacle à ce qu'une personne morale bénéficie de la dotation " jeune agriculteur " si l'un de ses associés en a déjà bénéficié à titre personnel ;
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que Mmes E... et B... C... ne peuvent être regardées comme exerçant un contrôle effectif sur cette personne morale en termes de décisions liées aux risques financiers.
Par un mémoire en défense enregistré le 31 mars 2020, le Groupement Pastoral du Sud, représenté par Me Cabriel, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) par la voie de l'appel incident, à l'annulation de la décision du 24 juillet 2017 au titre de la dotation " nouvel installé " et à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'agriculture et de l'alimentation de mettre en œuvre les mesures nécessaires pour qu'il bénéficie de l'aide découplée à laquelle il est éligible ;
3°) à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- la requête est irrecevable en l'absence de preuve d'une délégation de signature au bénéfice de l'auteur de la requête pour interjeter appel du jugement attaqué au nom du ministre ;
- les moyens soulevés par le préfet ne sont pas fondés, étant précisé que les pièces qu'il produit à l'appui de ces moyens ne sont pas traduites par un traducteur assermenté et ne sont donc pas recevables ;
- les demandes tendant à l'attribution de droits de paiement de base au titre de la réserve n'ont pas un caractère financier, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, de sorte que les décisions implicites nées du silence gardé pendant deux mois sur ses demandes ont le sens de décisions d'acceptation en vertu de l'article L. 231-1 du code des relations entre le public et l'administration qui, ne pouvaient légalement être retirées le 24 juillet 2017 ;
- c'est à tort que le tribunal a jugé que la décision refusant la dotation au titre du programme " nouvel installé " était suffisamment motivée.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le règlement (UE) n° 1307/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 ;
- le règlement délégué (UE) n° 639/2014 de la Commission du 11 mars 2014 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Sanson,
- et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par des demandes présentées les 30 mai et 1er juin 2015, l'association " Groupement pastoral du sud " a sollicité du préfet des Bouches-du-Rhône le bénéfice des droits au paiement de base (DPB), par la réserve, au titre, respectivement, du programme " nouvel installé " (formulaire n°8) et du programme " jeune agriculteur " (formulaire n°6). Le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté ces demandes par deux décisions du 24 juillet 2017, avant de rejeter implicitement le recours gracieux du Groupement Pastoral du Sud. Par la requête susvisée, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation demande au tribunal d'annuler le jugement du 5 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du 24 juillet 2017 refusant la demande du Groupement Pastoral du Sud au titre du programme " jeune agriculteur ", ensemble la décision implicite de rejet du recours gracieux en tant qu'elle est confirmative de cette décision. Par la voie de l'appel incident, le Groupement Pastoral du Sud demande à la cour d'annuler ce jugement en ce qu'il rejette ses conclusions dirigées contre la décision du 24 juillet 2017 lui refusant le bénéfice du programme " nouvel installé ", ensemble la décision implicite de rejet du recours gracieux en tant qu'elle est confirmative de cette décision.
Sur la requête du ministre de l'agriculture et de l'alimentation :
En ce qui concerne la recevabilité de la requête :
2. Par décision du 2 décembre 2019 modifiant la décision du 4 novembre 2018 portant délégation de signature, Mme F... D..., attachée principale, a reçu délégation à l'effet de signer, au nom du ministre chargé de l'agriculture, tous actes, à l'exception des décrets, dans la limite des attributions de la sous-direction du droit des politiques agricoles. Elle était ainsi habilitée à signer la requête susvisée au nom du ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
En ce qui concerne la légalité de la décision du 24 juillet 2017 refusant l'attribution au Groupement pastoral du sud de droits au paiement de base au titre du programme " jeune agriculteur " :
3. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
4. Aux termes de l'article 3 de l'arrêté susvisé du 25 juillet 2016 : " (...) une dotation issue de la réserve régionale de droits à paiement de base est attribuée à tout agriculteur répondant aux conditions fixées à l'article 615-37 du code rural et de la pêche maritime. Une personne morale n'est éligible à la dotation visée au premier alinéa que si elle répond aux conditions de l'article 49 du règlement délégué (UE) n° 639/2014 de la Commission du 11 mars 2014. (...) ". L'article 49 du règlement délégué (UE) susvisé n° 639/2014 du 11 mars 2014 dispose : " 1. Le paiement annuel en faveur des jeunes agriculteurs visé à l'article 50, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 1307/2013 est accordé à une personne morale, indépendamment de sa forme juridique, pour autant que les conditions suivantes soient remplies : (...) / b) un jeune agriculteur au sens de l'article 50, paragraphe 2, du règlement (UE) no 1307/2013 exerce un contrôle effectif et durable sur la personne morale en termes de décisions liées à la gestion, aux bénéfices et aux risques financiers au cours de la première année où la personne morale demande le paiement au titre du régime des jeunes agriculteurs. (...) ". Enfin, aux termes de l'article 50 paragraphe 2 du règlement (UE) n° 1307/2013 du 17 décembre 2013 : " 2. Aux fins du présent chapitre, on entend par "jeunes agriculteurs", les personnes physiques : / a) qui s'installent pour la première fois à la tête d'une exploitation agricole, ou qui se sont installées au cours des cinq années précédant la première introduction d'une demande au titre du régime de paiement de base ou du régime de paiement unique à la surface visée à l'article 72, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 1306/2013 ; (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier qu'au cours de l'année 2012, Mme B... C... et Mme E... C..., respectivement trésorière et secrétaire générale du Groupement pastoral du sud, ont entrepris d'exploiter en leur nom propre des terres agricoles, distinctes de celles qu'elles exploitent depuis l'année 2014 avec M. A... C... dans le cadre de cette association. Cette circonstance faisant obstacle à ce qu'elles puissent être regardées, à la date de la décision contestée, comme s'installant pour la première fois à la tête d'une exploitation agricole, elles n'avaient pas la qualité de jeunes agricultrices au sens des dispositions précitées de l'article 50 paragraphe 2 du règlement (UE) du 17 décembre 2013. Dans ces conditions, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation est fondé à demander que ce motif soit substitué à celui tiré de la circonstance que Mmes C... avaient déjà obtenu une dotation au titre du programme " jeune agriculteur " et à soutenir, par suite, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a annulé la décision litigieuse par le motif retenu par les premiers juges.
6. Il appartient toutefois à la cour, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'ensemble des moyens soulevés par le Groupement pastoral du sud devant le tribunal administratif de Marseille.
7. En premier lieu, M. G..., directeur départemental interministériel des territoires et de la mer (DDTM) des Bouches-du-Rhône, signataire de la décision contestée, qui a reçu délégation à effet de signer les décisions, en matière d'économie agricole, relatives notamment aux aides couplées et découplées accordées dans le cadre de la politique agricole commune par arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône n° 2015215-101 du 3 août 2015, était compétent pour prendre la décision contestée.
8. En deuxième lieu, la décision contestée, qui vise l'ensemble des textes sur lesquelles elle repose et mentionne avec précision le motif du rejet opposé à la demande présentée par le Groupement pastoral du sud, satisfaisant aux exigences posées par les dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. La mention informant l'association de ce qu'une lettre d'instruction de son dossier " PAC 2015 " lui serait notifiée ultérieurement est à cet égard sans incidence.
9. En troisième lieu le Groupement pastoral du sud ne peut utilement invoquer les principes du contradictoire et des droits de la défense à l'encontre d'une décision prise sur une demande qu'il a spontanément adressée à l'administration.
10. En quatrième lieu, la demande présentée le 1er juin 2015 par le Groupement pastoral du sud aux fins d'obtenir le bénéfice de droits au paiement de base au titre des programmes de réserve " jeune agriculteur " tend au versement d'une somme d'argent et revêt nécessairement, dès lors, un caractère financier au sens de l'article L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration. L'association défenderesse n'est donc pas fondée à se prévaloir d'une décision implicite d'acceptation née à l'expiration d'un délai de deux mois sur cette demande à l'encontre de la décision contestée du 24 avril 2017.
11. En dernier lieu, le moyen tiré de la violation du principe de non-rétroactivité des actes règlementaires, au demeurant inopposable aux décisions individuelles telles que la décision contestée ou la " lettre d'instruction " à laquelle se réfère le Groupement pastoral du sud, n'est pas assorti de précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé.
Sur les conclusions d'appel incident du Groupement pastoral du sud :
12. En premier lieu, la décision contestée, qui vise l'ensemble des textes sur lesquelles elle repose et mentionne avec précision le motif du rejet opposé à la demande présentée par le Groupement pastoral du sud, satisfaisant aux exigences posées par les dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. La mention informant l'association de ce qu'une lettre d'instruction de son dossier " PAC 2015 " lui serait notifiée ultérieurement est à cet égard sans incidence.
13. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 10, le Groupement pastoral du sud n'est pas fondé à soutenir qu'une décision implicite d'acceptation est née du silence gardé pendant un délai de deux mois sur sa demande, présentée le 30 mai 2015, tendant au bénéfice de droits au paiement de base au titre des programmes de réserve " nouvel installé ".
14. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'agriculture et de l'alimentation est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du préfet des Bouches-du-Rhône du 24 juillet 2017 refusant l'attribution au Groupement pastoral du sud de droits au paiement de base au titre du programme " jeune agriculteur ", ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux dirigé contre cette décision. En outre, tant la demande présentée par le Groupement pastoral du sud devant le tribunal administratif de Marseille que ses conclusions d'appel incident devant la cour ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 5 décembre 2019 est annulé.
Article 2 : La demande du groupement pastoral du sud devant le tribunal administratif et ses conclusions d'appel incident devant la cour sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Le Groupement Pastoral du Sud et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
Délibéré après l'audience du 23 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Alfonsi, président,
- Mme Massé-Degois, présidente-assesseure,
- M. Sanson, conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 octobre 2021.
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N° 20MA00476
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