Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SCI Domaine du Carnavan a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 31 octobre 2019 par laquelle le maire de la commune d'Aubagne a retiré le permis de construire qu'il lui avait accordé le 6 mai 2019 pour la réalisation d'un hangar agricole.
Par jugement n° 1910839 du 24 mars 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés le 17 mai 2022, le 30 mars et le 30 mai 2023, la SCI Domaine du Carnavan, représentée par Me Reboul, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'annuler la décision du 31 octobre 2019 par laquelle le maire de la commune d'Aubagne a retiré le permis de construire qu'il lui avait accordé le 6 mai 2019 pour la réalisation d'un hangar agricole ;
3°) de mettre à la charge de la commune d'Aubagne la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier en l'absence de signature de la minute ;
- c'est à tort que les premiers juges ont admis la substitution de motif demandée par la commune alors que le vice de procédure entachant la décision contestée et son absence de motivation ne le permettait pas ;
- le motif de la fraude dont la substitution était demandée n'est en rien caractérisée ;
- la décision attaquée est dénuée de motivation en fait ;
Par un mémoire en défense enregistré le 12 mai 2023, la commune d'Aubagne, représentée par Me Caviglioli, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la SCI Domaine du Carnavan de la somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la Cour a désigné M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Angéniol,
- les conclusions de M. Quenette ;
- et les observations de Me Reboul, représentant la SCI Domaine du Carnavan et de Me Cavogioli, représentant la commune d'Aubagne.
Considérant ce qui suit :
1. La SCI Domaine du Carnavan, après un refus initial en date du 18 mars 2019, s'est vue délivrer par une nouvelle décision du maire de la commune d'Aubagne du 6 mai 2019, un permis de construire un hangar agricole sur un terrain situé quartier Bonneherbes, chemin de Carnavan, classé en zone A du règlement du plan local d'urbanisme de la commune. Par une décision du 31 octobre 2019, le maire d'Aubagne a procédé au retrait de ce permis de construire. La SCI Domaine du Carnavan relève appel du jugement du 31 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce retrait.
2. Aux termes, d'une part, de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme : " La décision de non-opposition à une déclaration préalable ou le permis de construire ou d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peuvent être retirés que s'ils sont illégaux et dans le délai de trois mois suivant la date de ces décisions. Passé ce délai, la décision de non-opposition et le permis ne peuvent être retirés que sur demande expresse de leur bénéficiaire. (... "). D'autre part, aux termes de l'article 2.1 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune d'Aubagne relatif aux zones agricoles " Sont admis dans l'ensemble des zones A : L'aménagement et l'extension des constructions légales et existantes à la date d'approbation du PLU s'ils sont nécessaires au fonctionnement des exploitations ".
3. Un permis de construire ne peut faire l'objet d'un retrait, une fois devenu définitif, qu'au vu d'éléments, dont l'administration a connaissance postérieurement à la délivrance du permis, établissant l'existence d'une fraude à la date où il a été délivré. La caractérisation de la fraude résulte de ce que le pétitionnaire a procédé de manière intentionnelle à des manœuvres de nature à tromper l'administration sur la réalité du projet dans le but d'échapper à l'application d'une règle d'urbanisme. Une information erronée ne peut, à elle seule, faire regarder le pétitionnaire comme s'étant livré à l'occasion du dépôt de sa demande à des manœuvres destinées à tromper l'administration. Lorsque l'autorité saisie d'une demande de permis de construire vient à disposer, au moment où elle statue, sans avoir à procéder à une mesure d'instruction lui permettant de les recueillir, d'informations de nature à établir son caractère frauduleux, il lui revient de refuser la demande de permis pour ce motif. Si postérieurement à la délivrance du permis de construire, l'administration a connaissance de nouveaux éléments établissant l'existence d'une fraude à la date de sa décision, elle peut légalement procéder à son retrait sans condition de délai. Il résulte de ces dispositions qu'un permis de construire ne peut être retiré au-delà d'un délai de trois mois, sauf si le bénéficiaire le demande explicitement ou s'il a été obtenu à la suite de manœuvres frauduleuses puisque cette décision ne crée pas de droits acquis et peut donc être retirée sans condition de délai.
4. La commune d'Aubagne soutient que tant le dossier de permis de construire que les pièces produites postérieurement par le pétitionnaire pour attester de la réalité de l'existence d'une exploitation agricole ont eu pour effet de la tromper sur qualité d'exploitant agricole, la réalité de l'exercice d'une activité agricole et la nécessité pour l'exploitation du bâtiment. Il ressort toutefois des pièces du dossier de demande de permis de construire que ce dernier précise qu'il porte sur la construction d'un hangar à usage agricole, que le pétitionnaire a produit pour attester de sa qualité d'exploitant une preuve d'affiliation de Mme A... à la mutualité sociale agricole ( MSA), que ce même pétitionnaire a également produit des informations relatives, d'une part, à l'existence de matériels agricoles à entreposer dans le hangar dont la construction est projetée et, d'autre part, aux plantations de vignes dans le cadre de l'exploitation agricole . La commune d'Aubagne soutient que la SCI Domaine du Carnavan, est en fait une société dont l'activité est quasi exclusivement hôtelière, qu'elle ne dispose pas d'une autorisation d'exploiter ni de l'obtention d'une autorisation de plantation nouvelle délivrée par l'organisme FranceAgriMer dans la téléprocédure Vitiplantation, et que cette SCI n'est pas affilée à son nom propre à la MSA. Il n'en demeure pas moins que ces éléments, s'ils pouvaient justifier que soit refusé un permis de construire au pétitionnaire, sur le fondement des dispositions restrictives de l'article 2.1 du règlement du plan local d'urbanisme relatif aux zones agricoles, ne permettent cependant en rien d'établir l'existence d'une intention frauduleuse, le pétitionnaire ayant fourni les éléments dont il disposait pour fonder sa demande de permis de construire, sans qu'il puisse lui être reproché d'avoir sciemment fourni des informations erronées ou d'en avoir omises certaines .Dans ces conditions, la fraude alléguée par la commune d'Aubagne, dont serait entaché le permis de construire délivré le 6 mai , n'est, comme le soutient la SCI Domaine du Carnavan, pas démontrée. Ce permis de construire ne pouvait, par suite, être retiré au-delà du délai de trois mois suivant son édiction.
5.Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que la SCI Domaine du Carnavan est fondée à soutenir que c'est à tort que, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 octobre 2019, par lequel le maire de d'Aubagne a retiré le permis de construire qui lui avait été délivré le 6 mai 2019.
Sur les frais liés au litige :
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la SCI Domaine du Carnavan, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme demandée par la commune d'Aubagne. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune d'Aubagne la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la SCI Domaine du Carnavan, et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 24 mars 2022 est annulé.
Article 2 : la décision du maire de la commune d'Aubagne du 31 octobre 2019, portant retrait de permis de construire est annulée.
Article 3 : Les conclusions de la commune d'Aubagne tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La commune d'Aubagne versera à la SCI Domaine du Carnavan la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Domaine du Carnavan et au maire de la commune d'Aubagne.
Délibéré après l'audience du 7 mars 2024, où siégeaient :
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, présidant la formation de jugement en
application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Angéniol, premier conseiller,
- M. Claudé-Mougel, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mars 2024.
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N° 22MA01422