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19/03/2024 | FRANCE | N°22MA01485

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 4ème chambre, 19 mars 2024, 22MA01485


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... et Mme A... C... ont demandé au tribunal administratif de Bastia, d'une part, de condamner l'Etat à leur verser la somme totale de 202 331,09 euros, en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis à la suite de l'annulation du permis de construire que le maire de Santa-Maria-Siché leur avait accordé, au nom de l'Etat, par un arrêté du 4 décembre 2012 et consécutivement à la délivrance, respectivement les 25 mai 2001 et 17 juillet 2002, d'un certificat d'urbanisme positif

et d'un premier permis de construire, et, d'autre part, de mettre à la char...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... et Mme A... C... ont demandé au tribunal administratif de Bastia, d'une part, de condamner l'Etat à leur verser la somme totale de 202 331,09 euros, en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis à la suite de l'annulation du permis de construire que le maire de Santa-Maria-Siché leur avait accordé, au nom de l'Etat, par un arrêté du 4 décembre 2012 et consécutivement à la délivrance, respectivement les 25 mai 2001 et 17 juillet 2002, d'un certificat d'urbanisme positif et d'un premier permis de construire, et, d'autre part, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2000455 du 24 mars 2022, le tribunal administratif de Bastia a, condamné l'Etat à verser à M. et Mme C... une somme de 54 751 euros et mis à sa charge une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, avant de rejeter le surplus des conclusions des demandeurs.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 23 mai 2022 et 4 octobre 2023, M. et Mme C..., représentés par Me Faure-Bonaccorsi, demandent à la Cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler l'article 1er de ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 24 mars 2022 en tant qu'il limite la condamnation de l'Etat au versement de la somme de 54 751 euros ;

2°) de condamner l'Etat à leur verser la somme totale de 202 031,09 euros décomposée comme suit :

. 12 155 euros, au titre de la réparation du préjudice résultant des frais financiers qu'ils ont engagés en pure perte pour l'acquisition de la parcelle qui devait accueillir leur projet de construction ;

. 20 762,09 euros, au titre de la réparation du préjudice résultant de la nécessité de recourir aux services d'un cabinet d'avocats et d'un huissier de justice pour assurer la défense du permis de construire délivré au nom de l'Etat et en l'absence d'intervention en ce sens de l'Etat ;

. 164 114 euros, au titre de la réparation du préjudice résultant de la perte vénale de leur propriété, avec la confirmation du versement de la somme de 300 euros en remboursement de l'expertise qu'ils ont été contraints de faire réaliser pour justifier ce poste de préjudice ;

. 5 000 euros, au titre de la réparation de leur préjudice moral et des troubles graves dans leurs conditions d'existence ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que le préfet de la Corse-du-Sud n'était pas fondé à opposer la prescription quadriennale résultant de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ; en défense, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ne conteste pas ce point ;

- c'est encore à bon droit que, comme le reconnaît le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, les premiers juges ont considéré que la responsabilité de l'Etat devait être engagée au titre de l'illégalité entachant le certificat d'urbanisme délivré le 25 mai 2001 et les permis de construire délivrés les 17 juillet 2002 et 4 décembre 2012 ;

- en revanche, c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la circonstance que l'Etat n'avait pas assuré sa défense dans le contentieux portant sur la légalité du permis de construire délivré le 4 décembre 2012 n'était pas de nature à engager sa responsabilité ; en toute hypothèse, et même si la faute de l'Etat n'était pas retenue à ce titre, ils sont fondés à obtenir sa condamnation à les indemniser les frais d'avocats qu'ils ont été contraints de supporter pour assurer seuls leur défense ;

- ils sont fondés à réclamer l'indemnisation de leurs préjudices et le tribunal administratif de Bastia a insuffisamment chiffré le montant de ceux-ci et en a, par ailleurs, écarté à tort certains :

. ils ont droit au versement de la somme de 12 155 euros, au titre de la réparation du préjudice résultant des frais financiers qu'ils ont engagés en pure perte pour l'acquisition de la parcelle en cause ;

. ils ont droit au versement de la somme de 164 114 euros, au titre des frais bancaires et notariés, de la perte de valeur vénale du terrain et de la perte de chance qu'ils ont subie d'acquérir un terrain constructible ; la Cour devra a minima corriger les montants alloués par le tribunal administratif de Bastia pour que leur soit versée la somme de 53'853 euros, et non pas celle de 53'451 euros ;

. la somme de 20'762,09 euros devra leur être allouée en remboursement des frais d'avocat et d'huissier relatifs au contentieux portant sur le permis de construire délivré le 4 décembre 2012 dont ils ont dû s'acquitter ; si, en défense, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires fait valoir que ces frais d'avocats ne peuvent être indemnisés que sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, en leur qualité de pétitionnaires et alors que l'autorisation en litige a été annulée au regard de son illégalité, ils n'ont pas obtenu de condamnation de l'Etat à ce titre ;

. s'agissant des frais d'expertise à hauteur de 300 euros, le point 10 du jugement du tribunal administratif de Bastia doit être confirmé par la Cour ;

. s'agissant de la réparation de leurs troubles dans les conditions d'existence et de leur préjudice moral, le jugement attaqué sera annulé en ce qu'il a limité la réparation à la somme de 1'000 euros et cette somme devra être portée à 5'000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 août 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- aucune disposition législative ou réglementaire n'impose à l'Etat l'obligation d'assurer sa défense dans un contentieux où il serait une partie et c'est donc à bon droit que le tribunal administratif de Bastia a jugé que la responsabilité pour faute de l'Etat ne pouvait pas être engagée pour ce seul motif ;

- l'information erronée contenue dans le certificat d'urbanisme informatif délivré le 25 mai 2001 et l'illégalité des permis de construire délivrés par le préfet de la Corse-du-Sud, les 17 juillet 2002 et 4 décembre 2012, sont de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

- M. et Mme C... ne peuvent se voir indemniser que d'une somme de 53 853,71 euros résultant de la différence du prix d'acquisition du terrain complété par les frais annexes, soit 57 889,71 euros, et de sa valeur vénale, soit 4 036 euros ;

- si M. et Mme C... soutiennent que leur terrain vaudrait 168 150 euros s'ils avaient disposé d'un permis de construire légal, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Bastia a refusé de leur verser cette somme fictive ;

- les frais d'avocat engagés à l'occasion du contentieux portant sur l'annulation du permis de construire litigieux ne peuvent être indemnisés que sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

- si, s'agissant des frais d'huissier, Mme et M. C... sollicitent le versement de la somme de 608,98 euros dont ils ont dû s'acquitter pour justifier de la configuration des lieux et de la co-visibilité du terrain, ce préjudice n'est ni direct, ni certain.

Par une ordonnance du 4 octobre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 3 novembre 2023, à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du patrimoine ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lombart,

- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,

- et les observations de Me Faure-Bonaccorsi, représentant M. et Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Le 25 mai 2001, le préfet de la Corse-du-Sud a délivré, au nom de l'Etat, à Mme E... D... un certificat d'urbanisme informatif déclarant constructible la parcelle cadastrée section C n° 705, située au lieu-dit Giardino, sur le territoire de la commune de Santa-Maria-Siché, avant que cette parcelle ne soit acquise, le 2 mai 2002, par M. et Mme C.... Par un arrêté du 17 juillet 2002, le maire de Sainte-Marie-Siché a délivré, au nom de l'Etat, à M. C... un permis de construire sur cette parcelle en vue de la réalisation d'une maison d'habitation. N'ayant pas usé de ses droits à construire, M. C... a ultérieurement sollicité un nouveau permis de construire, à cette même fin. Il lui a été, tout d'abord, refusé par un arrêté du préfet de la Corse-du-Sud du 15 novembre 2011, dont la légalité a été confirmée par un jugement n° 1200338 du tribunal administratif de Bastia du 26 juin 2013. Puis, M. C... s'est finalement vu délivrer une nouvelle autorisation d'urbanisme par un arrêté du maire de Sainte-Marie-Siché, au nom de l'Etat, en date du 4 décembre 2012. Mais, par un jugement n° 1300125 du 22 avril 2014, rectifié par ordonnance du 25 avril suivant, prise par son président sur le fondement des dispositions de l'article R. 741-11 du code de justice administrative, le tribunal administratif de Bastia, saisi par le propriétaire d'une parcelle voisine, a annulé cet arrêté du 4 décembre 2012. Si par un arrêt n° 14MA02680 du 11 janvier 2016, la Cour a rejeté la requête présentée par M. C... tendant à l'annulation de ce jugement, le Conseil d'Etat a, par une décision n° 397795 du 1er juin 2017, annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire à la Cour. Par un arrêt n° 17MA02357 du 21 décembre 2017, devenu irrévocable suite à la non-admission, par une décision n° 418066 du Conseil d'Etat du 18 juillet 2018, du pourvoi formé en cassation contre lui par M. C..., la Cour a annulé le jugement du tribunal administratif de Bastia du 22 avril 2014, rectifié par une ordonnance du 25 avril suivant, ainsi que l'arrêté du 4 décembre 2012. Par un courrier du 8 janvier 2020, reçu le 13 janvier suivant, M. et Mme C... ont demandé au préfet de la Corse-du-Sud l'indemnisation des préjudices qu'ils estiment avoir subis en raison de l'annulation de cet arrêté du 4 décembre 2012 et de la délivrance, le 25 mai 2001, du certificat d'urbanisme informatif et, le 17 juillet 2002, du premier permis de construire susmentionné. Sans réponse, M. et Mme C... ont alors saisi le tribunal administratif de Bastia d'un recours tendant à ce que l'Etat soit condamné à leur verser la somme totale de 202 331,09 euros, en réparation de ces préjudices. Dans la présente instance, ils relèvent appel du jugement du 24 mars 2022 par lequel cette juridiction a limité l'indemnisation desdits préjudices au versement de la somme de 54 751 euros.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En principe, toute illégalité commise par l'administration constitue une faute susceptible d'engager sa responsabilité, pour autant qu'il en soit résulté un préjudice direct et certain. La responsabilité de l'administration ne saurait en revanche être engagée pour la réparation des dommages qui ne trouvent pas leur cause dans cette illégalité.

En ce qui concerne la responsabilité de l'Etat résultant de l'information erronée contenue dans le certificat d'urbanisme informatif délivré le 25 mai 2001 :

S'agissant de la faute de l'Etat :

3. Ainsi que les premiers juges l'ont jugé à bon droit et le ministre ne le contestant, du reste, pas en appel, en déclarant constructible la parcelle cadastrée section C n° 705 au regard des dispositions de la loi du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne alors qu'il résulte de l'arrêt de la Cour du 21 décembre 2017 que de telles dispositions faisaient obstacle à sa constructibilité, le certificat d'urbanisme informatif délivré le 25 mai 2001 comportait une information erronée de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard de M. et Mme C....

S'agissant du lien de causalité entre la faute de l'Etat et les préjudices allégués par M. et Mme C... :

4. Les préjudices dont M. et Mme C... demandent la réparation sont liés à la perte de valeur vénale de la parcelle cadastrée section C n° 705 qu'ils ont acquise en 2002, au prix d'un terrain constructible, et aux frais annexes liés à cette acquisition. Il résulte de l'instruction que M. et Mme C... ont acquis cette parcelle par un acte notarié du 2 mai 2002, auquel était annexé le certificat d'urbanisme du 25 mai 2001. Il existe ainsi un lien de causalité direct entre les renseignements d'urbanisme figurant dans ce certificat auquel M. et Mme C... ont pu se fier et le dommage subi par eux tirés de ce qu'ils ont acheté cette parcelle en la croyant, à tort, constructible. Toutefois, il est constant que, par l'arrêté du 17 juillet 2002, le maire de

Sainte-Marie-Siché a délivré, au nom de l'Etat, à M. C... un permis de construire sur cette même parcelle en vue de réalisation d'une maison d'habitation, lequel n'a pas été contesté.

Or, malgré l'obtention de cette autorisation d'urbanisme, M. et Mme C... ont, pour des raisons qui leur sont propres, choisi de ne pas user de ces droits à construire. Ce faisant, les préjudices dont ils demandent la réparation résultent également directement de ce choix dès lors que la réalisation de ladite maison d'habitation, qui est à l'origine de l'acquisition du terrain en cause, aurait rendu sans objet la présente demande contentieuse. Au vu de ces éléments, il n'y a lieu de fixer qu'à hauteur de 50 % la part des conséquences dommageables subies par

M. et Mme C..., imputables à la faute commise par l'Etat.

S'agissant de la réparation des préjudices subis par M. et Mme C... :

5. En premier lieu, il résulte de l'instruction que, comme le soutiennent M. et Mme C..., ces derniers ont acquis la parcelle cadastrée section C n° 705, le 2 mai 2002, pour la somme de 45 734,71 euros, et non " 45 374 " euros, comme il l'est indiqué au point 7 du jugement attaqué. En revanche, M. et Mme C... ne peuvent utilement faire valoir que, s'ils avaient acquis en 2002 un terrain " véritablement " constructible, ils disposeraient, selon les termes de l'expertise immobilière en date du 3 avril 2019 qu'ils produisent, d'un terrain d'une valeur de 168'150 euros dès lors, d'une part, que l'estimation de la valeur qu'aurait pu avoir la parcelle cadastrée section C n° 705 si elle avait été constructible repose sur un postulat purement hypothétique, les dispositions de la loi du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne faisant obstacle à cette constructibilité, et, d'autre part, que les appelants ne justifient pas avoir acquis, en 2019, un autre terrain constructible ou même chercher à en acquérir un. Dans ces conditions, M. et Mme C... ne sont pas fondés à demander que le préjudice qu'ils ont effectivement subi soit évalué, non sur la base de la valeur d'acquisition de la parcelle cadastrée section C n° 705, mais sur celle de ce qu'aurait été la valeur d'un terrain constructible, dix-sept ans après l'acquisition de cette même parcelle. Par suite, alors qu'il ressort de l'expertise immobilière du 3 avril 2019 que la valeur vénale de cette parcelle cadastrée section C n° 705 a été estimée, eu égard à son caractère non constructible, à 4 036 euros, il y a lieu d'évaluer le préjudice que M. et Mme C... ont subi en raison de la perte de sa valeur vénale à la somme de 41 698,71 euros et, eu égard au partage de responsabilité arrêté au point 4, de ne mettre, à ce titre, à la charge de l'Etat que la somme de 20 849,35 euros.

6. En deuxième lieu, les requérants établissent qu'ils ont exposé des frais bancaires, résultant des frais d'assurances et du coût du crédit contracté pour financer leur acquisition, ainsi que des droits de mutation à hauteur d'une somme totale de 12 155 euros, et non de 12 113 euros comme également mentionné par erreur au point 7 du jugement attaqué. Il y a donc lieu de ne mettre, à ce titre, que la somme de 6 077,50 euros à la charge de l'Etat.

7. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que M. et Mme C... se sont acquittés d'une facture d'un montant de 300 euros toutes taxes comprises (TTC) correspondant aux frais d'expertise immobilière déboursés, en mars 2019, pour déterminer, dans le cadre de leur action indemnitaire, la valeur de la parcelle cadastrée section C n° 705 résultant de son inconstructibilité. Il y a donc lieu de ne mettre, à ce titre, que la somme de 150 euros à la charge de l'Etat.

8. En quatrième et dernier lieu, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence que M. et Mme C... ont subis du fait de l'illégalité du certificat d'urbanisme informatif, en l'évaluant, compte tenu du partage arrêté au point 4 ci-dessus du présent arrêt, à la somme de 2 000 euros.

En ce qui concerne la responsabilité de l'Etat résultant de l'illégalité de l'arrêté du 17 juillet 2002 :

9. Les requérants ne se prévalent d'aucun préjudice qui résulterait directement de l'illégalité du permis de construire une maison d'habitation qui leur a été délivré par le maire de la commune de Sainte-Marie-Siché le 17 juillet 2002 et qu'ainsi qu'il a été dit au point 4, ils n'ont pas mis en œuvre pour des raisons qui leur sont propres, indépendantes de son illégalité.

En ce qui concerne la responsabilité de l'Etat résultant de l'illégalité de l'arrêté du 4 décembre 2012 :

S'agissant de la faute de l'Etat :

10. Ainsi que les premiers juges l'ont également jugé à bon droit et le ministre ne le contestant, du reste, pas davantage en appel, l'illégalité du permis de construire délivré au nom de l'Etat, par un arrêté du maire de Sainte-Marie-Siché du 4 décembre 2012, annulé par un arrêt du 21 décembre 2017, devenu irrévocable, de la Cour, au motif que cet acte avait été pris en méconnaissance des dispositions de l'article L. 621-31 du code du patrimoine et du principe de constructibilité limitée, est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat. Les appelants sont fondés à obtenir la réparation des préjudices directs et certains qui en ont résulté alors même qu'aucune faute ne peut être reprochée à l'Etat pour ne pas avoir présenté des observations à l'occasion des différentes instances contentieuses engagées à l'encontre de ce permis devant le tribunal administratif de Bastia, la Cour et le Conseil d'Etat.

S'agissant de la réparation des préjudices subis par M. et Mme C... :

11. En premier lieu, dès lors qu'ils présentent un lien direct et certain avec la faute de l'Etat consistant à avoir illégalement délivré le permis de construire du 4 décembre 2012, M. et Mme C... sont fondés à demander l'indemnisation des frais de constat d'huissier qu'ils ont engagés à hauteur de la somme de 608,98 euros TTC pour tenter de démontrer devant la Cour, dans l'instance enregistrée sous le n° 14MA02680, que la construction autorisée par ce permis de construire ne serait pas visible en même temps que la chapelle Sainte-Lucie et le Palazzo Sampiero.

12. En deuxième lieu, les frais de justice exposés devant le juge administratif en conséquence directe d'une faute de l'administration sont susceptibles d'être pris en compte dans le préjudice résultant de la faute imputable à celle-ci. Toutefois, lorsque l'intéressé avait qualité de partie à l'instance, la part de son préjudice correspondant à des frais non compris dans les dépens est réputée intégralement réparée par la décision que prend le juge dans l'instance en cause sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Lorsqu'en revanche une partie autre que l'administration ayant pris la décision illégale avait la qualité de défenderesse à une telle instance ou relève appel du jugement rendu à l'issue de l'instance ayant annulé cette décision, les frais de justice utilement exposés par elle, ainsi que, le cas échéant, les frais mis à sa charge par le juge au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont susceptibles d'être pris en compte dans le préjudice résultant de la faute imputable à l'administration.

13. Après avoir constaté qu'ils étaient les parties perdantes dans ces instances et, par conséquent, avoir rejeté leurs conclusions tendant au paiement des frais liés au litige, le tribunal administratif de Bastia a, par son jugement n° 1300125 du 22 avril 2014, rectifié par ordonnance du 25 avril suivant, mis à la charge de M. C... la somme de 1 535 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, par deux fois, la Cour a fait de même en mettant à la charge de ce dernier 2 000 euros, dans ses arrêts n° 14MA02680 du 11 janvier 2016 et n° 17MA02357 du 21 décembre 2017. Dans sa décision n° 397795 du 1er juin 2017, le Conseil d'Etat a rejeté les conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans ces conditions, les frais de justice dont se sont acquittés les appelants et qui ont pour cause directe la contestation par un tiers d'un permis de construire délivré illégalement par l'autorité administrative sont susceptibles d'être pris en compte dans le préjudice résultant de cette illégalité fautive. M. et Mme C... justifient, à cet effet, par la production de factures, avoir déboursé la somme totale de 17 214,68 euros TTC de frais d'avocat tant devant le tribunal administratif de Bastia que devant la Cour et le Conseil d'Etat. Parmi ces frais de justice, seuls ceux d'un montant de 3 000 euros, exposés à l'occasion de leur second pourvoi en cassation formé contre l'arrêt de la Cour du 21 décembre 2017, qui n'a pas été admis, ne l'ont pas été utilement. Dans ces conditions, il y a lieu de condamner l'Etat à verser aux appelants la somme de 14 214,68 euros.

14. En troisième lieu, dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation des troubles dans les conditions d'existence subis par M. et Mme C... et de leur préjudice moral en raison de l'illégalité du permis de construire qui leur a été délivré le 4 décembre 2012, en évaluant ces préjudices à la somme totale de 5 000 euros.

15. Il résulte de tout ce qui précède que les préjudices subis par M. et Mme C... s'établissent à une somme totale de 48 900,51 euros. Il suit de là que les appelants ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia leur a alloué une indemnité d'un montant de 54 751 euros et, par voie de conséquence, ils ne sont pas fondés à demander la majoration du montant de cette indemnité.

Sur les frais liés au litige :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, au titre des frais exposés par la M. et Mme C..., et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à Mme A... C... et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée au préfet de la Corse-du-Sud.

Délibéré après l'audience du 20 février 2024, où siégeaient :

- Mme Helmlinger, présidente,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Lombart, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 mars 2024.

2

No 22MA01485


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA01485
Date de la décision : 19/03/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Services de l'urbanisme - Permis de construire - Existence d'une faute.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Évaluation du préjudice.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Contentieux de la responsabilité (voir : Responsabilité de la puissance publique).


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMLINGER
Rapporteur ?: M. Laurent LOMBART
Rapporteur public ?: Mme BALARESQUE
Avocat(s) : ITEM AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-19;22ma01485 ?
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