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26/01/2024 | FRANCE | N°22MA02959

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 26 janvier 2024, 22MA02959


Vu les autres pièces du dossier.



Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.





Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mahmouti ;

- et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public

;

- et les observations de Me Durand, substituant Me Pontier, représentant la SCI AJ Company, et de Me Rataouit, substit...

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mahmouti ;

- et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public ;

- et les observations de Me Durand, substituant Me Pontier, représentant la SCI AJ Company, et de Me Rataouit, substituant Me Laridan, représentant la commune de Marseille.

Une note en délibéré, enregistrée le 12 janvier 2024, a été produite pour la SCI AJ Company.

Considérant ce qui suit :

1. La SCI AJ Company relève appel du jugement du 18 octobre 2022 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de trois arrêtés pris par le maire de Marseille les 8 octobre, 13 octobre et 3 novembre 2020, à la suite de l'incendie subi par le bâtiment dont elle est en partie propriétaire, situé au 515 rue Saint-Pierre à Marseille, dans la nuit du 6 au 7 octobre.

Sur le bienfondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'arrêté du 8 octobre 2020 :

2. Aux termes, d'une part, de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (...) 5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux (...), de pourvoir d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours et, s'il y a lieu, de provoquer l'intervention de l'administration supérieure ". L'article L. 2212-4 du même code dispose que : " En cas de danger grave ou imminent, tel que les accidents naturels prévus au 5° de l'article L. 2212-2, le maire prescrit l'exécution des mesures de sûreté exigées par les circonstances (...) ".

3. Aux termes, d'autre part, de l'article L. 2213-24 du code général des collectivités territoriales : " Le maire prescrit la réparation ou la démolition des murs, bâtiments, édifices ou monuments funéraires menaçant ruine dans les conditions prévues aux articles L. 511-1 à L. 511-4-1 du code de la construction et de l'habitation ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 511-1 du code de la construction et de l'habitation : " Le maire peut prescrire la réparation ou la démolition des murs, bâtiments ou édifices quelconques lorsqu'ils menacent ruine et qu'ils pourraient, par leur effondrement, compromettre la sécurité ou lorsque, d'une façon générale, ils n'offrent pas les garanties de solidité nécessaires au maintien de la sécurité publique ". Aux termes de l'article L. 511-2 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté litigieux : " I.- Le maire, à l'issue d'une procédure contradictoire dont les modalités sont définies par décret en Conseil d'Etat, met le propriétaire de l'immeuble menaçant ruine (...) en demeure de faire dans un délai déterminé, selon le cas, les réparations nécessaires pour mettre fin durablement au péril ou les travaux de démolition, ainsi que, s'il y a lieu, de prendre les mesures indispensables pour préserver les bâtiments contigus. / Si l'état du bâtiment, ou d'une de ses parties, ne permet pas de garantir la sécurité des occupants, le maire peut assortir l'arrêté de péril d'une interdiction d'habiter et d'utiliser les lieux qui peut être temporaire ou définitive. (...) / IV.- Lorsque l'arrêté de péril n'a pas été exécuté dans le délai fixé, le maire met en demeure le propriétaire d'y procéder dans un délai qu'il fixe et qui ne peut être inférieur à un mois. / A défaut de réalisation des travaux dans le délai imparti, le maire, par décision motivée, fait procéder d'office à leur exécution. Il peut également faire procéder à la démolition prescrite, sur ordonnance du juge statuant en la forme des référés, rendue à sa demande. / (...) ". Aux termes de l'article L. 511-3 de ce code : " En cas de péril imminent, le maire, après avertissement adressé au propriétaire, demande à la juridiction administrative compétente la nomination d'un expert qui, dans les vingt-quatre heures qui suivent sa nomination, examine les bâtiments, dresse constat de l'état des bâtiments mitoyens et propose des mesures de nature à mettre fin à l'imminence du péril s'il la constate. / Si le rapport de l'expert conclut à l'existence d'un péril grave et imminent, le maire ordonne les mesures provisoires nécessaires pour garantir la sécurité, notamment, l'évacuation de l'immeuble. / Dans le cas où ces mesures n'auraient pas été exécutées dans le délai imparti, le maire les fait exécuter d'office. (...) / Si les mesures ont à la fois conjuré l'imminence du danger et mis fin durablement au péril, le maire, sur le rapport d'un homme de l'art, prend acte de leur réalisation et de leur date d'achèvement. / Si elles n'ont pas mis fin durablement au péril, le maire poursuit la procédure dans les conditions prévues à l'article L. 511-2 ".

4. Les pouvoirs de police générale reconnus au maire par les dispositions citées au point 2 ci-dessus des articles L. 2212-2 et L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales, qui s'exercent dans l'hypothèse où le danger menaçant un immeuble résulte d'une cause qui lui est extérieure, sont distincts des pouvoirs qui lui sont conférés dans le cadre des procédures de péril ou de péril imminent régies par les articles L. 511-1 à L. 511-4 du code de la construction et de l'habitation, auxquels renvoie l'article L. 2213-24 du code général des collectivités territoriales, qui doivent être mis en œuvre lorsque le danger provoqué par un immeuble provient à titre prépondérant de causes qui lui sont propres. Toutefois, en présence d'une situation d'extrême urgence créant un péril particulièrement grave et imminent, le maire peut, quelle que soit la cause du danger, faire légalement usage de ses pouvoirs de police générale, et notamment prescrire l'exécution des mesures de sécurité qui sont nécessaires et appropriées, y compris la démolition de l'immeuble.

5. Il ressort des pièces du dossier que l'immeuble dont est en partie propriétaire la SCI AJ Company a été très gravement endommagé par l'incendie qui s'y était déclaré dans la nuit du 6 au 7 octobre 2020 et que les services techniques de la commune de Marseille ont constaté, le 7 octobre 2020, l'effondrement de la majeure partie de la toiture du bâtiment, la déformation et l'affaiblissement de la totalité de sa structure et l'instabilité des revêtements métalliques et des superstructures, ce que la société requérante ne conteste pas. Eu égard au risque immédiat d'effondrement de l'immeuble et à la proximité de voies de circulation internes à la zone commerciale, notamment la proximité des locaux de la société Orange, le maire a pu légalement faire application des pouvoirs qui lui sont reconnus par les articles L. 2212-2 et L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales, son intervention n'étant par ailleurs pas limitée au cas où le danger à prévenir peut affecter la voie publique. Le maire n'a donc pas commis d'erreur de droit en usant de ses pouvoirs de police générale.

6. Il suit de ce qui vient d'être dit que la société requérante ne peut utilement invoquer la méconnaissance des dispositions des articles L. 511-2 et L. 511-3 anciens du code de la construction et de l'habitation.

7. En outre, l'arrêté contesté a prescrit la mise en place d'équipements en interdisant l'accès et le lancement des opérations visant à réaliser la mise en sécurité de l'immeuble par la dépose et le déblaiement de toutes les parties du bâtiment menaçant de s'effondrer ou de se détacher. Compte tenu de ce que, comme il l'a été dit au point 5, l'immeuble présentait un risque immédiat d'effondrement, ces mesures, qui devaient seulement être débutées et non achevées dans le délai de 24 heures imparti, ne présentaient pas de caractère excessif et, au contraire, présentaient un caractère nécessaire, proportionné et approprié à la situation d'extrême urgence existante.

8. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, la société requérante n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 8 octobre 2020.

En ce qui concerne l'arrêté du 13 octobre 2020 :

9. Il ressort des pièces du dossier que, pour décider, par l'arrêté qu'il a pris le 13 octobre 2020, la déconstruction partielle immédiate de l'immeuble, " comprenant la dépose de toute partie menaçant de s'effondrer ou de se détacher ", le maire de Marseille s'est fondé sur les motifs d'une part, que la visite effectuée ce jour-là par ses services avait permis de constater la présence de parties de bâtiments instables menaçant la sécurité du public et, d'autre part, que le propriétaire n'avait entrepris, à cette date, aucune action pour mettre en œuvre les mesures de sécurité prescrites par la commune par l'arrêté du 8 octobre précédent. Il ne ressort toutefois ni de cette motivation ni non plus des pièces du dossier que le maire se serait ainsi fondé sur une quelconque évolution des menaces présentées le bâtiment du fait des pathologies qui l'atteignaient depuis la fin de l'incendie, le 7 octobre. Dans ces conditions et tandis qu'il est constant que la société requérante a fait procéder par l'expert de son assureur à une visite de reconnaissance des lieux le 8 octobre, la situation, identique six jours après la survenue de ce sinistre et sans élément nouveau depuis lors faisant craindre un nouveau risque immédiat, ne pouvait plus être regardée comme caractérisant une extrême urgence créant un péril particulièrement grave et imminent lui permettant de s'abstenir de mettre en œuvre les procédures prévues par le code de la construction et de l'habitation. Il suit de là que la société requérante est fondée à soutenir que le maire ne pouvait pas, le 13 octobre 2020, faire légalement usage de ses pouvoirs de police générale et par suite, à demander l'annulation de l'arrêté contesté.

En ce qui concerne l'arrêté du 3 novembre 2020 :

10. L'arrêté du 13 octobre 2020 constituant la base légale de l'arrêté du 3 novembre 2020, la société requérante est, par voie de conséquence, également fondée à demander l'annulation de cet arrêté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI AJ Company est uniquement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 13 octobre 2020 et du 3 novembre 2020.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SCI AJ Company, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la commune de Marseille au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Marseille une somme de 1 500 euros à verser à la société requérante au même titre.

D É C I D E :

Article 1er : Les arrêtés du 13 octobre 2020 et du 3 novembre 2020 pris par le maire de Marseille sont annulés.

Article 2 : La commune de Marseille versera à la SCI AJ Company une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le jugement n° 2009761 du 18 octobre 2022 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI AJ Company et à la commune de Marseille.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2024 où siégeaient :

- Mme Helmlinger, présidente de la cour,

- Mme Rigaud, présidente-assesseure,

- M. Mahmouti, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 janvier 2024.

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N° 22MA02959

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA02959
Date de la décision : 26/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Police - Police générale - Sécurité publique - Police des lieux dangereux.

Police - Polices spéciales.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMLINGER
Rapporteur ?: M. Jérôme MAHMOUTI
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : SELARL ABEILLE & ASSOCIÉS - AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-26;22ma02959 ?
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