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05/10/2023 | FRANCE | N°21MA04415

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 05 octobre 2023, 21MA04415


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 à 2015, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1906806 du 21 septembre 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
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Par une requête et des mémoires, enregistrés le 16 novembre 202...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 à 2015, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1906806 du 21 septembre 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 16 novembre 2021, le 11 février 2022, le 5 avril 2022, le 30 mai 2022 et le 15 septembre 2023, Mme B..., représentée par Me Hazzan, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 21 septembre 2021 ;

2°) de prononcer la décharge, ou à défaut la réduction, des impositions et pénalités en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen tiré de ce que l'administration n'était pas fondée à mettre en œuvre la procédure imposition d'office au seul motif qu'elle n'a pas déposé de déclarations ;

- elle a été privée d'un véritable débat oral et contradictoire ;

- l'administration n'était pas fondée à mettre en œuvre la procédure d'imposition d'office ;

- la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires est excessivement sommaire ;

- elle propose deux méthodes de reconstitution du chiffre d'affaires alternatives ;

- les bases d'imposition arrêtées d'office par l'administration sont largement exagérées ;

- à titre subsidiaire, les charges que le vérificateur n'a pas pris en compte doivent être déduites à hauteur des montants respectifs de 42 947 euros, 44 383 euros et 57 388 euros pour les années 2013, 2014 et 2015.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mai 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en intervention volontaire enregistré le 30 mai 2022, Me De Carrière, administrateur judiciaire de Mme B..., représenté par Me Hazzan, s'associe aux conclusions de Mme B....

Il soutient que son intervention est recevable et que les moyens soulevés par Mme B... sont fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mastrantuono,

- les conclusions de M. Ury, rapporteur public,

- et les observations de Me Hazzan, représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... a fait l'objet d'une vérification de comptabilité de l'activité de restauration de plage qu'elle exerce à Marseille sous l'enseigne " Chez François ", portant sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015, à l'issue de laquelle l'administration fiscale, après avoir écarté la comptabilité, a procédé à la reconstitution du chiffre d'affaires. Mme B... relève appel du jugement du 21 septembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont ainsi été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 à 2015, et des pénalités correspondantes.

Sur l'intervention de Me De Carrière :

2. Me De Carrière, mandataire judiciaire désigné en vue du redressement judiciaire de Mme B... par un jugement du tribunal de commerce de Marseille du 7 mars 2022, justifie d'un intérêt suffisant, eu égard à la nature et à l'objet du litige objet de la présente instance, pour intervenir au soutien des conclusions présentées par Mme B.... Il y a lieu, par suite, d'admettre son intervention.

Sur la régularité du jugement :

3. Le tribunal a expressément répondu, au point 5 du jugement attaqué, au moyen soulevé par Mme B..., tiré de ce que l'administration fiscale n'aurait pas été fondée à mettre en œuvre la procédure imposition d'office au seul motif qu'elle n'a pas déposé de déclarations.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

4. En premier lieu, dans le cas où la vérification de comptabilité d'une entreprise a été effectuée, soit, comme il est de règle, dans ses propres locaux, soit, si son dirigeant ou représentant l'a expressément demandé, dans les locaux du comptable auprès duquel sont déposés les documents comptables, c'est au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat. Il résulte de l'instruction et il n'est pas contesté qu'après un contrôle inopiné sur place qui s'est déroulé le 16 juillet 2016, au cours duquel le vérificateur a pu constater les éléments physiques de l'exploitation, la vérification de comptabilité a débuté le 21 juillet 2016 et s'est achevée le 13 octobre 2016. Trois interventions se sont déroulées, à la demande de Mme B..., à son domicile, puis dans les locaux du cabinet comptable, l'intéressée étant présente ou représentée au cours de ces interventions. La seule circonstance que Mme B... a remis au vérificateur, le 13 octobre 2016, soit le jour de la dernière intervention, sa réponse écrite à une demande de précisions relative aux conditions d'exploitation de l'établissement datée du 27 septembre 2016 n'est pas suffisante pour démontrer que le vérificateur se serait refusé à tout échange de vue au cours des interventions. Par suite, la requérante n'apporte pas la preuve qui lui incombe qu'elle aurait été privée de la garantie s'attachant à l'existence d'un débat oral et contradictoire.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : " Sont taxés d'office : / (...) 3° aux taxes sur le chiffre d'affaires, les personnes qui n'ont pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elles sont tenues de souscrire en leur qualité de redevables des taxes (...) ". Aux termes de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales : " Peuvent être évalués d'office : / 1° Le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus provenant d'entreprises industrielles, commerciales ou artisanales, ou des revenus d'exploitations agricoles imposables selon un régime de bénéfice réel, lorsque la déclaration annuelle prévue à l'article 53 A du code général des impôts n'a pas été déposée dans le délai légal ; / (...) Les dispositions de l'article L. 68 sont applicables dans les cas d'évaluation d'office prévus aux 1° et 2° ". Aux termes de l'article L. 68 du même livre, dans sa rédaction applicable au présent litige : " La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure (...) ".

6. Il résulte de l'instruction que Mme B... avait entendu bénéficier depuis la création de son entreprise du régime dit " micro-BIC " en matière d'imposition des bénéfices et de celui dit de " franchise en base " en matière de taxe sur la valeur ajoutée. Il résulte par ailleurs de l'instruction et il n'est pas contesté que l'administration fiscale a régulièrement notifié à Mme B..., au cours de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet, des mises en demeure de déposer dans le délai de trente jours des déclarations de bénéfices industriels et commerciaux et de taxe sur la valeur ajoutée au titre des années 2013 à 2015, et que l'intéressée s'est abstenue de déposer ces déclarations dans le délai imparti. En adressant à l'intéressée ces mises en demeure, qui n'avaient pas à être motivées, et quand bien même le dépassement des seuils fondant les obligations déclaratives de Mme B... n'aurait pas été établi, l'administration fiscale ne saurait être regardée comme ayant entaché d'irrégularité ni la procédure d'évaluation d'office des bénéfices industriels et commerciaux, ni la procédure de taxation d'office à la taxe sur la valeur ajoutée, qui en tout état de cause pouvait être mise en œuvre sans envoi préalable d'une mise en demeure.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

S'agissant de la charge de la preuve :

7. Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ". Il appartient à Mme B..., régulièrement taxée d'office à la taxe sur la valeur ajoutée sur le fondement de l'article L. 66-3° du même livre, et dont les bénéfices industriels et commerciaux ont été régulièrement évalués d'office sur le fondement de l'article L. 73-1° de ce livre, ainsi qu'il a été dit précédemment, d'apporter la preuve de l'exagération des impositions litigieuses.

S'agissant de la reconstitution du chiffre d'affaires :

8. En premier lieu, la méthode retenue pour reconstituer les recettes de l'entreprise a consisté à déterminer tout d'abord le chiffre d'affaires correspondant aux ventes à consommer sur place et aux ventes à emporter au titre des années 2014 et 2015. En ce qui concerne les ventes à consommer sur place, la méthode a consisté à déterminer dans un premier temps le pourcentage des ventes de liquides dans les recettes totales à partir de tableaux détaillant les recettes fournis par Mme B... au titre de l'année 2014, dans un second temps les achats de liquides revendus à partir du dépouillement exhaustif des factures d'achat obtenues auprès des fournisseurs, en tenant compte des pertes et des offerts ainsi que de la consommation du personnel, puis le chiffre d'affaires des liquides et enfin le chiffre d'affaires total, en appliquant au chiffre d'affaires des liquides le pourcentage des ventes de liquides dans les recettes totales. En ce qui concerne les ventes à emporter, le chiffre d'affaires a été calculé à partir des quantités revendues de canettes, de bouteilles d'eau de 50 cl et de café, en tenant compte des tarifs pratiqués, des pertes et des offerts, ainsi que de la consommation du personnel. Le chiffre d'affaires de l'année 2013 a ensuite été reconstitué en appliquant au chiffre d'affaires déclaré le pourcentage de minoration de recettes constaté au titre de l'année 2014. Si Mme B... fait valoir que le rapport entre les ventes de liquides et le total des ventes établi par le vérificateur à partir des tableaux relatifs aux recettes de l'année 2014 remis au cours du contrôle ne reflète pas la réalité de l'activité, elle ne produit aucun élément de justification à cet égard. Par ailleurs, dans la mesure où la reconstitution est fondée sur les achats revendus de liquides, sont sans incidence sur la pertinence de la méthode retenue les circonstances dont la requérante fait état, tenant aux spécificités de l'établissement et à ses conditions d'exploitation. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la méthode de reconstitution de ses recettes serait excessivement sommaire. Pour le même motif, elle ne démontre pas que les bases d'imposition arrêtées d'office par l'administration seraient exagérées au regard du nombre de repas pouvant être servis en retenant un prix moyen de repas de 12,50 euros dont elle ne justifie pas.

9. En deuxième lieu, Mme B..., qui propose d'appliquer une première méthode de reconstitution alternative consistant à diviser la clientèle en tiers consommant pour l'un le menu à 15 euros, pour l'autre le plat à 12 euros, et pour le troisième le plat à 10 euros, et à retenir un rapport entre le chiffre d'affaires des liquides vendus sur place et le chiffre d'affaires total s'élevant à 42 %, ne produit aucun élément probant permettant de justifier une telle répartition de ses recettes et un tel rapport entre les chiffres d'affaires. Si elle propose également une seconde méthode alternative reposant sur une proportion de liquides vendus seuls s'élevant à 60 %, la seule production à cet égard d'une lettre rédigée par un expert-comptable le 18 janvier 2022, selon lequel la situation géographique de l'établissement lui " laisse à penser " que la clientèle est essentiellement de passage, à laquelle aucun élément de justification n'est joint, ne permet pas de démontrer l'exagération des bases d'imposition retenues par l'administration.

S'agissant des charges :

10. Aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'œuvre (...) ".

11. Mme B... revendique la déduction de charges qui n'ont pas été admises par le vérificateur, à hauteur des montants respectifs de 42 947 euros, 44 383 euros et 57 388 euros au titre des années 2013, 2014 et 2015, correspondant notamment à des charges sociales. Toutefois, si elle produit la copie de significations de contrainte relatives à des cotisations sociales impayées pour des montants de 34 893 euros au titre de l'année 2014 et de 48 109 euros au titre de l'année 2015, ces rappels, qui ont été établis au cours de l'année 2017 et n'ont fait l'objet d'aucune provision, ne peuvent venir en déduction des résultats des années 2014 et 2015. Par ailleurs, la seule production d'appel de cotisations provisionnelles de RSI au titre des années 2014 et 2015 et de relevés de charges sociales patronales établis par les soins de la requérante ne permettent pas de justifier la déductibilité de ces cotisations, dont le versement n'a au demeurant pas été constaté par le vérificateur lors de l'examen des dépenses réglées par le biais du compte professionnel de Mme B.... Enfin, cette dernière ne produit aucun élément de nature à justifier les autres charges dont elle fait état.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : L'intervention de Me De Carrière est admise.

Article 2 : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à Me De Carrière et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

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N° 21MA04415


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