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22/06/2023 | FRANCE | N°21MA02103

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 22 juin 2023, 21MA02103


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association France Nature Environnement Bouches-du-Rhône a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la délibération du 2 octobre 2017 par laquelle le conseil municipal de Grans a approuvé la révision n° 1 du plan local d'urbanisme de la commune ainsi que la décision du 1er février 2018 par laquelle le président de la métropole Aix-Marseille-Provence a rejeté le recours gracieux formé à l'encontre de cette délibération.

Par un jugement n° 1802636 du 6 avril 2021, le tribunal

administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association France Nature Environnement Bouches-du-Rhône a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la délibération du 2 octobre 2017 par laquelle le conseil municipal de Grans a approuvé la révision n° 1 du plan local d'urbanisme de la commune ainsi que la décision du 1er février 2018 par laquelle le président de la métropole Aix-Marseille-Provence a rejeté le recours gracieux formé à l'encontre de cette délibération.

Par un jugement n° 1802636 du 6 avril 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 3 juin 2021 et le 26 janvier 2023, l'association France Nature Environnement Bouches-du-Rhône, représentée par Me Victoria, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 6 avril 2021 ;

2°) d'annuler la délibération du 2 octobre 2017 par laquelle le conseil municipal de Grans a approuvé la révision n° 1 du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune ainsi que la décision du 1er février 2018 par laquelle le président de la métropole Aix-Marseille-Provence a rejeté le recours gracieux formé à l'encontre de cette délibération ;

3°) de mettre à la charge de la métropole Aix-Marseille-Provence la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la délibération attaquée est fondée sur un rapport de présentation insuffisant en méconnaissance des dispositions des articles R. 151-1 et suivants du code de l'urbanisme ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 414-4 du Code de l'environnement ;

- la révision n° 1 du plan local d'urbanisme est incompatible avec le schéma de cohérence territoriale Ouest Etang de Berre ;

- le classement des zones Clésud et des Arènes en zone constructible est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par des mémoires en défense enregistrés le 16 mars 2022 et le 7 mars 2023, la métropole Aix-Marseille-Provence, représentée par Me Susini, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de l'association requérante au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le décret n° 2015-1783 du 28 décembre 2015 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Quenette,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me Susini pour la Métropole Aix-Marseille-Provence et Me Victoria pour l'association France Nature Environnement Bouches-du-Rhône.

Une note en délibéré présentée par Me Susini pour la métropole Aix-Marseille-Provence a été enregistrée le 22 juin 2022 à 12h45.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 5 octobre 2015, le conseil municipal de Grans a prescrit la révision générale du plan local d'urbanisme de la commune. Par une délibération du 6 février 2017, il a tiré le bilan de la concertation et a arrêté le projet de plan. Le projet a ensuite été soumis à enquête publique du 17 juin 2017 au 21 juillet 2017 et a reçu un avis favorable du commissaire enquêteur, assorti de réserves. Par une délibération du 2 octobre 2017, le conseil municipal de Grans a approuvé la révision n° 1 de son plan local d'urbanisme de la commune. Par un courrier du 29 novembre 2017 l'association France Nature Environnement Bouches-du-Rhône a formé un recours gracieux tendant au retrait de cette délibération qui a été rejeté par le président de la métropole Aix-Marseille-Provence le 1er février 2018. Cette même association relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette délibération du 2 octobre 2017 ainsi que la décision de rejet de son recours gracieux.

Sur l'existence d'un désistement d'office en première instance :

2. Aux termes de l'article R. 612-5 du code de justice administrative : " Devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, si le demandeur, malgré la mise en demeure qui lui a été adressée, n'a pas produit le mémoire complémentaire dont il avait expressément annoncé l'envoi ou, dans les cas mentionnés au second alinéa de l'article R. 611-6, n'a pas rétabli le dossier, il est réputé s'être désisté. ".

3. Si la demande présentée par l'association France Nature Environnement Bouches-du-Rhône devant le tribunal administratif de Marseille est intitulée " requête sommaire ", elle est régulièrement motivée et n'annonce pas l'envoi d'un mémoire complémentaire, aucune mise en demeure de présenter un tel mémoire n'ayant par ailleurs été adressée à la requérante. Par suite, celle-ci ne peut être regardée comme s'étant désistée d'office en première instance par application des dispositions de l'article R. 612-5 du code de justice administrative, comme l'a exposé la commune de Grans devant le tribunal administratif.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 414-4 du code de l'environnement : " I. -Lorsqu'ils sont susceptibles d'affecter de manière significative un site Natura 2000, individuellement ou en raison de leurs effets cumulés, doivent faire l'objet d'une évaluation de leurs incidences au regard des objectifs de conservation du site, dénommée ci-après " Evaluation des incidences Natura 2000 " : / 1° Les documents de planification qui, sans autoriser par eux-mêmes la réalisation d'activités, de travaux, d'aménagements, d'ouvrages ou d'installations, sont applicables à leur réalisation (...) ; / VI. - L'autorité chargée d'autoriser, d'approuver ou de recevoir la déclaration s'oppose à tout document de planification, programme, projet, manifestation ou intervention si l'évaluation des incidences requise en application des III, IV et IV bis n'a pas été réalisée, si elle se révèle insuffisante ou s'il en résulte que leur réalisation porterait atteinte aux objectifs de conservation d'un site Natura 2000. (...) / VII. - Lorsqu'une évaluation conclut à une atteinte aux objectifs de conservation d'un site Natura 2000 et en l'absence de solutions alternatives, l'autorité compétente peut donner son accord pour des raisons impératives d'intérêt public majeur. Dans ce cas, elle s'assure que des mesures compensatoires sont prises pour maintenir la cohérence globale du réseau Natura 2000. Ces mesures compensatoires sont à la charge de l'autorité qui a approuvé le document de planification ou du bénéficiaire du programme ou projet d'activités, de travaux, d'aménagements, d'ouvrages ou d'installations, de la manifestation ou de l'intervention. La Commission européenne en est tenue informée. (...) ".

5. D'une part, il ressort du rapport de présentation du PLU que ce dernier prévoit, dans le cadre d'une orientation d'aménagement programmée (OAP), l'extension de la zone d'activité de Clésud pour une superficie de 55 hectares supplémentaire. Cette extension se fera vers l'ouest, sur une zone composée de verger et vers le nord, sur une zone de 28 hectares composée de prairie irriguée. L'ensemble de cette extension jouxte la zone spéciale de conservation du site Natura 2000 FR9301595 "Crau centrale - Crau sèche", constituée d'une vaste plaine alternant prairie sèche naturelle présentant une végétation steppique unique en France et prairie irriguée, qui forment ensemble 9 habitats élémentaires d'intérêt communautaire dont 3 prioritaires. Elle jouxte également la zone spéciale de protection du site Natura 2000 FR9310064 "Crau", qui, par son avifaune exceptionnelle tant d'un point de vue qualitatif que quantitatif, figure parmi les sites européens à préserver en priorité au titre de la directive " Oiseaux ". Au regard de la proximité immédiate des deux sites Natura 2000, de l'étendue du projet qui fait 55 hectares et de la circonstance que le terrain d'extension se présente comme une zone tampon entre la zone d'activité actuelle et les zones protégées alors même qu'il n'est pas localisé à l'intérieur d'un périmètre de protection, le plan local d'urbanisme doit être regardé comme susceptible d'affecter de manière significative ces sites au sens des dispositions de l'article L. 414-4 du code de l'environnement. Or, il ressort du rapport de présentation que l'évaluation de l'impact du projet sur les sites Natura 2000, s'agissant de la zone de vergers, a des impacts faibles sur les objectifs préservés par les sites Natura 2000. Il ressort en revanche du même rapport que le projet aura des impacts bruts forts sur la faune aviaire inventoriée en 2016 au titre du site Natura 2000 " Crau ", en particulier sur la Outarde canepetière qui présente un enjeu patrimonial très fort et l'Œdicnème criard et le Rollier d'Europe, qui présentent un enjeu patrimonial fort, en tant que le projet réduit d'environ 28 hectares des superficies de prairies bocagères servant d'habitat d'alimentation ou d'hivernage et de zone de chasse ou de nidification potentielle, et dérangera les espèces en phases tant de travaux que d'exploitation, dès lors que le terrain d'assiette sert de zone tampon entre la zone Clésud existante et la prairie steppique appelée coussoul située au nord. Il aura également des impacts bruts qualifiés de moyen par l'étude sur la faune d'intérêt communautaire au titre du site Natura 2000 "Crau centrale - Crau sèche", notamment sur les chiroptères à forte valeur patrimoniale, en réduisant de 28 hectares le périmètre de chasse, en détruisant des gîtes potentiels et des corridors écologiques, en perturbant des routes de vols du fait de pollutions lumineuses et en modifiant les comportements de chasse entrainant une vulnérabilité des espèces du fait de l'augmentation de la ressource alimentaire au niveau des zones éclairées au détriment des zones d'ombre. Or, les mesures de réduction des impacts, consistant en une mise en défense stricte des milieux sensibles en phase travaux, la création d'une haie bocagère en remplacement des haies détruites, des mesures calendaires pour les travaux d'aménagement hors période de reproduction et d'hivernage, des mesures en phase chantier, des mesures d'abattages spécifiques des arbres gîtes, la limitation des nuisances lumineuses, la gestion différenciées des espaces verts, la gestion des eaux pluviales, la limitation de la prolifération des espèces végétales invasives et des mesures de suivi et d'accompagnement, ne permettent pas de réduire suffisamment les incidences potentielles sur le site Natura 2000 de protection des oiseaux qui restent, après application de ces mesures, à un niveau d'incidence qualifié de moyen dans le rapport. Par suite, s'agissant spécifiquement de l'extension du projet Clésud sur les 28 hectares de prairie irriguée en bordure de zone Natura 2000, l'association requérante est fondée à soutenir que sa réalisation porterait atteinte aux objectifs de conservation des deux sites Natura 2000 adjacents.

6. Or, si la commune de Grans prévoit deux mesures compensatoires précisées dans l'OAP Clésud 2 consistant d'abord à compenser la perte de la superficie actuellement occupée par la prairie irriguée au niveau de Clésud 2 grâce à la remise à l'irrigation d'une surface équivalente d'un secteur hydrogéologiquement propice et au sein ou au contact direct avec les habitats et espèces des sites Natura 2000 R9310064 " Crau " et FR9301595 " Crau centrale - Crau sèche " et ensuite à créer ou renforcer les haies plurispécifiques d'un linéaire au minimum équivalent à celui qui ne pourra être compensé sur le site de projet de Clésud 2, elle n'établit ni même n'allègue que l'extension du site Clésud sur les 28 hectares de prairies irriguées pour implanter des bâtiments logistiques constitués d'entrepôts ou de bureaux serait justifiée par des raisons impératives d'intérêt public majeur en l'absence de solution alternative, étant précisé que l'extension du chantier de transport combiné dont il est fait état dans le rapport de présentation est circonscrite dans l'OAP à la zone de verger. Par suite, la commune n'établit pas que l'extension de la zone d'activité de Clésud relève des dérogations prévues par les dispositions précitées de l'article L. 414-4 du code de l'environnement lui permettant de porter atteinte aux objectifs de conservation des deux sites Natura 2000 adjacents. Le plan local d'urbanisme doit dès lors être annulé en tant qu'il prévoit l'extension de la zone Clésud 2 sur 28 hectares de prairie irriguée.

7. D'autre part, il ressort du rapport de présentation du PLU que ce dernier prévoit, dans le cadre d'une autre OAP, le développement de l'habitat à court et moyen terme du quartier des Arènes sur une emprise de 7 hectares. Ce quartier empiète sur le périmètre du site Natura 2000 " Crau centrale - Crau sèche " et son urbanisation aura, aux termes du rapport, des incidences sur ce site et portera des atteintes aux objectifs de conservation des espèces et de leur habitat du fait de l'emprise de 7 hectares sur les prairies de fauche considérées comme un habitat d'intérêt communautaire justifiant le classement en site Natura 2000, lequel sera partiellement imperméabilisé. Le rapport souligne aussi l'emprise du site sur les habitats de l'Agrion de Mercure, la réduction des superficies de territoire de chasse et de corridor écologique pour les chiroptères, la réduction des zones de nidification potentielle du Rollier d'Europe et la réduction des superficies de territoire de chasse de l'avifaune. L'incidence brute globale du projet avant mesure de réduction ou évitement, est considérée comme moyenne, voire même forte pour ce qui concerne les enjeux de conservation de la faune. Les mesures envisagées ne permettent pas de neutraliser cet impact qui est encore qualifié de faible après ces mesures. L'autorité environnementale consultée sur le projet a d'ailleurs émis des réserves quant à l'opportunité d'ouvrir ce secteur à l'urbanisation. Elle indique dans son avis du 7 juin 2017 qu': " une analyse globale en amont (...) aurait permis de requestionner certaines orientations susceptible d'impacts sur l'environnement et d'argumenter les choix de développement de la commune. C'est en particulier le cas pour la zone à vocation d'habitat des Arènes, prévue en site Natura 2000, avec de fortes incidences sur la biodiversité, le paysage et la consommation de surfaces irriguées contribuant au rechargement de la nappe de la Crau, et de nature à favoriser les déplacements automobiles au des détriments des modes actifs " et précise que " le niveau d'incidence faible retenu dans l'évaluation des incidences Natura 2000 parait sous-estimé compte tenu de l'enjeu local de conservation des prairies de foin de Crau. Le pourcentage de surface d'un habitat détruit par rapport à sa surface totale sur un site Natura 2000 n'est pas un indicateur pertinent " avant d'ajouter que les mesures de compensation ne sont pas suffisantes. Par suite, et alors même que le projet en litige concerne une zone limitée à 7 hectares du site Natura 2000 " Crau centrale - Crau sèche ", l'association requérante est fondée à soutenir que le développement de l'urbanisation du quartier des Arènes porterait atteinte aux objectifs de conservation du site Natura 2000.

8. Par ailleurs, la commune de Grans n'établit ni même n'allègue que le maintien de l'urbanisation du site des Arènes à l'urbanisation serait justifié par des raisons impératives d'intérêt public majeur en l'absence de solution alternative. Par suite, la commune n'établit pas que le développement de l'habitat à court et moyen terme du quartier des Arènes relève des dérogations prévues par les dispositions de l'article L. 414-4 du code de l'environnement lui permettant de porter atteinte aux objectifs de conservation du site Natura 2000. Le plan local d'urbanisme doit dès lors être annulé en tant qu'il prévoit l'urbanisation de 7 hectares de prairie irriguée sur la zone des Arènes en la classant en zone IAU.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 123-2-1 du code de l'urbanisme applicable au litige en vertu du premier alinéa du VI de l'article 12 du décret du 28 décembre 2015 relatif à la partie réglementaire du livre Ier du code de l'urbanisme et à la modernisation du contenu du plan local d'urbanisme, l'élaboration du plan local d'urbanisme ayant été prescrite avant le 1er janvier 2016 et en l'absence de délibération expresse intervenue avant l'arrêt du projet de plan : " Lorsque le plan local d'urbanisme doit faire l'objet d'une évaluation environnementale conformément aux articles L. 121-10 et suivants, le rapport de présentation : / 1° Expose le diagnostic prévu au deuxième alinéa de l'article L. 123-1-2 et décrit l'articulation du plan avec les autres documents d'urbanisme et les plans ou programmes mentionnés à l'article L. 122-4 du code de l'environnement avec lesquels il doit être compatible ou qu'il doit prendre en considération ; / 2° Analyse l'état initial de l'environnement et les perspectives de son évolution en exposant, notamment, les caractéristiques des zones susceptibles d'être touchées de manière notable par la mise en œuvre du plan ; / 3° Analyse les incidences notables prévisibles de la mise en œuvre du plan sur l'environnement et expose les conséquences éventuelles de l'adoption du plan sur la protection des zones revêtant une importance particulière pour l'environnement, en particulier l'évaluation des incidences Natura 2000 mentionnée à l'article L. 414-4 du code de l'environnement ; / 4° Explique les choix retenus pour établir le projet d'aménagement et de développement durables, au regard notamment des objectifs de protection de l'environnement établis au niveau international, communautaire ou national, et, le cas échéant, les raisons qui justifient le choix opéré au regard des solutions de substitution raisonnables tenant compte des objectifs et du champ d'application géographique du plan. Il expose les motifs de la délimitation des zones, des règles qui y sont applicables et des orientations d'aménagement. Il justifie l'institution des secteurs des zones urbaines où les constructions ou installations d'une superficie supérieure à un seuil défini par le règlement sont interdites en application du a de l'article L. 123-2 ; / 5° Présente les mesures envisagées pour éviter, réduire et, si possible, compenser, s'il y a lieu, les conséquences dommageables de la mise en œuvre du plan sur l'environnement ; / 6° Définit les critères, indicateurs et modalités retenus pour l'analyse des résultats de l'application du plan prévue par l'article L. 123-12-2. Ils doivent permettre notamment de suivre les effets du plan sur l'environnement afin d'identifier, le cas échéant, à un stade précoce, les impacts négatifs imprévus et envisager, si nécessaire, les mesures appropriées ; / 7° Comprend un résumé non technique des éléments précédents et une description de la manière dont l'évaluation a été effectuée. / Le rapport de présentation est proportionné à l'importance du plan local d'urbanisme, aux effets de sa mise en œuvre ainsi qu'aux enjeux environnementaux de la zone considérée (...) ".

10. A l'appui du moyen tiré de l'insuffisance du rapport de présentation, l'association requérante soutient que le rapport de présentation n'expose aucune analyse des besoins fonciers en activité et services à l'échelle de la zone d'activités de Clésud dans son ensemble, partagée avec la Commune de Miramas, et ne repositionne pas le projet dans un contexte géographique et temporel plus large, à l'échelle intercommunale ou métropolitaine, n'étudiant aucune alternative à cette extension d'urbanisation. Il ressort au contraire des pages 35 et suivantes que le rapport souligne " l'emplacement géostratégique du site au cœur du pôle économique du Sud de la France ", dans lequel " seuls 8 hectares résiduels, développés sur deux parcelles localisées sur la commune de Miramas, pourraient éventuellement accueillir une à deux nouvelles activités ". Le rapport précise que " le transport combiné de marchandises, dimensionné pour accueillir 39 000 caisses, en accueille aujourd'hui 48 000 ", nécessite un doublement capacitaire, et que les perspectives laissent entrevoir " l'extension ou la création d'un nouveau centre multimodal d'ici 2030 ". Le rapport fait également état, à une échelle territoriale plus large, d'un déficit de foncier disponible sur la métropole Aix-Marseille. Il précise que " sur l'Ouest de l'Etang de Berre, les besoins sont en effet estimés à 440 ha sur 15 ans dont 260 hectares pour les plateformes logistiques. La demande de logistique est tirée par le projet de triplement du trafic de conteneurs du GPMM à l'horizon 2030. Face à une demande estimée de foncier logistique de 260 ha sur les quinze prochaines années, seule une centaine d'hectares (dont Clésud) est aujourd'hui identifiée en dehors du territoire de compétence du Grand Port Maritime de Marseille (GPMM) ". Elle doit dès lors être regardée comme justifiant de son choix d'ouverture à l'urbanisation du site Clésud 2 à défaut de foncier disponible, étant précisé que le rapport détaille les mesures afin d'éviter, réduire et compenser cette extension d'urbanisation en page 398 et suivantes relatives à l'analyse des incidences au titre de Natura 2000. Le même chapitre indique que l'extension d'urbanisation des secteurs des Arènes et du Camp Jouven, après mesures de réduction, ont un impact faible voire nul sur les objectifs de protection de sites Natura 2000. Si l'association requérante soutient, s'agissant de secteur des Arènes, que l'évaluation des incidences Natura 2000 est insuffisante, en se prévalant de l'avis du 7 juin 2017 de la Mission régionale d'autorité environnementale de Provence-Alpes-Côte-d'Azur sur le plan local d'urbanisme de Grans, notamment en ce qu'il ne permet pas d'appréhender les enjeux écologiques et les incidences potentielles du projet, avec la destruction de 7 hectares de prairies fauchées méso hygrophiles méditerranéennes et destruction de l'habitat de l'Agrion Mercure, le rapport de présentation présente toutefois de manière détaillée les atteintes à ces milieux et habitats évalués comme moyennes et présente les mesures de réduction pour diminuer l'atteinte. Si l'association soutient également que l'évaluation est insuffisante en ce qu'elle ne procède pas à l'analyse cumulée des incidences des extensions d'urbanisation prévues au PLU notamment au niveau des zones logistiques en cours de développement sur la Commune de Saint-Martin-de-Crau, la Cour administrative de Marseille a, par un arrêt n° 14MA04062 du 29 octobre 2015, jugé illégal le classement en zone 1AUe du secteur n° 15 pôle logistique de Saint Martin de Crau, sur laquelle la SCI Boussard Sud avait un projet, situé à proximité de la ZSC Crau sèche-Crau centrale et la ZPS Crau, et annulé dans cette mesure la délibération du 5 juillet 2011 approuvant le PLU initial, en sorte qu'aucun impact cumulé entre cette zone et le PLU de Grans ne devait être examiné. Le rapport de présentation permet en revanche d'appréhender l'effet cumulé de la disparation des prairies irriguée de la zone Clésud et des Arènes, l'impact sur chacune des zones ayant été étudié. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance du rapport de présentation doit être écarté.

11. En troisième lieu, pour apprécier la compatibilité d'un PLU avec un SCOT, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle de l'ensemble du territoire couvert en prenant en compte l'ensemble des prescriptions du document supérieur, si le plan ne contrarie pas les objectifs qu'impose le schéma, compte tenu des orientations adoptées et de leur degré de précision, sans rechercher l'adéquation du plan à chaque disposition ou objectif particulier.

12. Si le SCOT Ouest Etang de Berre prévoit que " les PLU délimitent les espaces naturels identifiés comme réservoir de biodiversité et assurent la stricte protection de leur fonctionnalité écologique " et que, dans les zones agricoles de la Crau, " les PLU devront garantir la vocation agricole pérenne tout en assurant le respect des paysages et des milieux ", il identifie également dans son document d'orientations et d'objectifs (DOO) la zone Clésud comme une zone logistique créatrice d'emploi et précise que ce secteur représente un enjeu majeur pour l'affirmation du territoire au sein d'un espace économique élargi. Le plan d'aménagement et de développement durable (PADD) identifie de même la zone Clésud comme un secteur portuaire / transport / logistique permettant de développer la bimodalité. Ainsi, le plan local communal en prévoyant l'extension de la zone Clésud sur une surface de terre agricole limitée à 55 hectares, en dehors des zones Natura 2000 et de la réserve naturelle régionale tout en prévoyant des mesures d'atténuation et de compensation pour assurer leur fonctionnalité écologique ne peut être regardé comme étant incompatible avec le SCOT Ouest Etang de Berre.

13. En dernier lieu, aux termes de l'article R. 123-6 du code de l'urbanisme : " Les zones à urbaniser sont dites " zones AU ". Peuvent être classés en zone à urbaniser les secteurs à caractère naturel de la commune destinés à être ouverts à l'urbanisation. / Lorsque les voies publiques et les réseaux d'eau, d'électricité et, le cas échéant, d'assainissement existant à la périphérie immédiate d'une zone AU ont une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter dans l'ensemble de cette zone, les orientations d'aménagement et de programmation et le règlement définissent les conditions d'aménagement et d'équipement de la zone. Les constructions y sont autorisées soit lors de la réalisation d'une opération d'aménagement d'ensemble, soit au fur et à mesure de la réalisation des équipements internes à la zone prévus par les orientations d'aménagement et de programmation et le règlement. / Lorsque les voies publiques et les réseaux d'eau, d'électricité et, le cas échéant, d'assainissement existant à la périphérie immédiate d'une zone AU n'ont pas une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter dans l'ensemble de cette zone, son ouverture à l'urbanisation peut être subordonnée à une modification ou à une révision du plan local d'urbanisme. ".

14. Il ressort du rapport de présentation que les auteurs du plan local d'urbanisme ont entendu, s'agissant de l'extension de la zone Clésud, prolonger la zone industrielle existante sur une surface de terre agricole limitée à 55 hectares en dehors des zones Natura 2000 et, s'agissant de la zone des Arènes, conforter une zone déjà ouverte à l'urbanisation dans le prolongement du village existant. Si l'urbanisation de ces secteurs porte atteinte à l'environnement ainsi qu'il a été dit aux points 5 à 8, l'impact résiduel est faible après mesure d'évitement, de réduction et de compensation. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté s'agissant du classement tendant au maintien de l'urbanisation du secteur des Arènes et de l'extension de la zone Clésud.

15. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que l'association France Nature Environnement Bouches-du-Rhône est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation la délibération du 2 octobre 2017 par laquelle le conseil municipal de la commune de Grans a approuvé la révision n° 1 de son plan local d'urbanisme en tant seulement qu'elle classe en zone 1AUEb la prairie irriguée au nord de la zone Clésud et en zone 1AU le quartier des Arènes ainsi que, dans cette mesure, la décision du 1er février 2018 par laquelle le président de la métropole Aix-Marseille-Provence a rejeté le recours gracieux formé à l'encontre de cette délibération.

Sur les frais liés au litige :

16. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

17. Ces dispositions font obstacle à ce que la somme demandée à ce titre par la commune de Grans soit mise à la charge de l'association France Nature Environnement Bouches-du-Rhône qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, et sur le fondement de ces mêmes dispositions, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Grans une somme de 2 000 euros à verser à l'association France Nature Environnement Bouches-du-Rhône.

D É C I D E :

Article 1er : La délibération du 2 octobre 2017 par laquelle le conseil municipal de la commune de Grans a approuvé la révision n° 1 de son plan local d'urbanisme est annulée en ce qu'elle classe la zone nord de Clésud en secteur 1AUEb et la zone des Arènes en secteur 1AU, ainsi que, dans cette mesure, la décision du 1er février 2018 par laquelle le président de la métropole Aix-Marseille-Provence a rejeté le recours gracieux formé à l'encontre de cette délibération.

Article 2 : Le jugement n° 1802636 du 6 avril 2021 du tribunal administratif de Marseille est réformé en ce qu'il est contraire à l'article 1er.

Article 3 : La commune de Grans versera la somme de 2 000 euros à l'association France Nature Environnement Bouches-du-Rhône en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Grans, à la Métropole Aix Marseille Provence et à l'association France Nature Environnement Bouches-du-Rhône.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône

Délibéré après l'audience du 8 juin 2023, où siégeaient :

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Quenette, premier conseiller,

- M. Mouret, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 juin 2023.

Le rapporteur,

Signé

M-A. QUENETTELe président,

Signé

P. d'IZARN de VILLEFORTLa greffière,

Signé

N. JUAREZ

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoiresen ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

No 21MA02103


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21MA02103
Date de la décision : 22/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. - Plans d'aménagement et d'urbanisme. - Plans d`occupation des sols (POS) et plans locaux d’urbanisme (PLU).


Composition du Tribunal
Président : M. D'IZARN DE VILLEFORT
Rapporteur ?: M. Marc-Antoine QUENETTE
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : VICTORIA

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-06-22;21ma02103 ?
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