La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/06/2023 | FRANCE | N°21MA01145

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 22 juin 2023, 21MA01145


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile d'exploitation agricole (SCEA) Grameyer a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 11 août 2015 par lequel le maire de Sénas lui a retiré le permis de construire accordé le 13 mai 2015.

Par un jugement n° 1508141 du 15 mars 2018, le tribunal administratif de Marseille a annulé cet arrêté.

La commune de Sénas a demandé à la Cour administrative d'appel de Marseille d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 15 mars 2018 e

t de rejeter la demande de la SCEA Grameyer présentée devant le tribunal administratif de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile d'exploitation agricole (SCEA) Grameyer a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 11 août 2015 par lequel le maire de Sénas lui a retiré le permis de construire accordé le 13 mai 2015.

Par un jugement n° 1508141 du 15 mars 2018, le tribunal administratif de Marseille a annulé cet arrêté.

La commune de Sénas a demandé à la Cour administrative d'appel de Marseille d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 15 mars 2018 et de rejeter la demande de la SCEA Grameyer présentée devant le tribunal administratif de Marseille.

Par un arrêt n° 18MA02297 du 17 juillet 2020, la Cour a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête en tierce-opposition et des mémoires enregistrés le 18 mars 2021, le 28 juin 2021 et le 29 juillet 2021, M. A..., représenté par Me Gras, demande à la Cour :

1°) de déclarer non avenu cet arrêt de la Cour du 17 juillet 2020 ;

2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 15 mars 2018 ;

3°) de rejeter la demande de la SCEA Grameyer présentée devant le tribunal administratif de Marseille tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 août 2015 retirant le permis de construire délivré le 13 mai 2015 à la SCEA Grameyer ;

4°) de mettre à la charge de la SCEA Grameyer la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la tierce-opposition est recevable ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'incompétence en ce qu'il méconnait les dispositions de l'article R. 422-2 du code de l'urbanisme ;

- le projet architectural est incomplet en méconnaissance de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme ;

- le projet méconnait les dispositions de l'article R. 122-2 du code de l'environnement sur l'étude d'impact ;

- il méconnait les dispositions de l'article R. 431-18-1 du code de l'urbanisme ;

- il méconnait les dispositions de l'article R. 111-11 du code de l'urbanisme ;

- il méconnait les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;

- il méconnait les dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme.

Par des mémoires en défense enregistrés le 10 mai 2021, 15 juillet 2021 et 12 août 2021, la SCEA Grameyer, représentée par Me Versini Campinchi, conclut au rejet de la requête en tierce-opposition, de mettre en œuvre à titre subsidiaire les dispositions de l'article L. 600-5 ou L. 600-5-1 du code de l'urbanisme pour régulariser le permis et demande en tout état de cause que soit mise à la charge de M. A... la somme de 3 500 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête en tierce-opposition est irrecevable ;

- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Quenette,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public

- et les observations de Me Djabali, représentant M. A..., et de Me Louis, représentant la SCEA Grameyer.

Une note en délibéré, présentée par Me Muller et Me Gras pour M. A..., a été enregistrée le 9 juin 2023.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 13 mai 2015, le maire de la commune de Sénas a délivré à la SCEA Grameyer un permis de construire une serre équipée de panneaux photovoltaïques destinée à la culture des asperges, au motif que la construction projetée était nécessaire à l'exercice de la profession agricole exercée par le pétitionnaire. A la suite de deux recours gracieux des 1 er et 17 juillet 2015 formés par des riverains et le préfet des Bouches-du-Rhône à l'encontre du projet, le maire de Sénas a, par un arrêté du 11 août 2015, retiré le permis de construire au motif que le projet de construction d'une serre photovoltaïque en vue de la culture d'asperges n'est pas compatible avec une activité agricole pérenne et ainsi méconnaît la vocation agricole de la zone sur laquelle il est implanté, et que l'autorisation initiale est illégale car non conforme à l'article 2NC du règlement du plan d'occupation des sols, alors en vigueur. Par un arrêt n° 18MA02297 du 17 juillet 2020, la Cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la commune de Sénas contre le jugement du tribunal administratif de Marseille du 15 mars 2018 qui a annulé l'arrêté de retrait du 11 août 2015 du permis de construire initial. M. A... forme tierce opposition à cet arrêt.

Sur la recevabilité de la tierce-opposition :

2. Aux termes de l'article R. 832-1 du code de justice administrative : " Toute personne peut former tierce opposition à une décision juridictionnelle qui préjudicie à ses droits, dès lors que ni elle ni ceux qu'elle représente n'ont été présents ou régulièrement appelés dans l'instance ayant abouti à cette décision ".

3. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. A... dispose d'une habitation à proximité immédiate du projet de construction de serres agricoles présentant 16 983 mètres carrés de surface et 6,30 mètres de hauteur, susceptible de troubler les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de sa propriété et que le retrait a été prononcé à sa demande.

4. D'autre part, M. A..., dont les intérêts privés ne peuvent être regardés comme convergeant avec les intérêts publics de la commune alors même que cette dernière aurait fait droit à son recours gracieux en retirant le permis initialement octroyé à la SCEA Grameyer, n'a pas été présent ou régulièrement appelé à l'instance contestée.

5. Par suite, la tierce-opposition formée par M. A... est recevable.

Sur le bienfondé du jugement attaqué :

6. En premier lieu, une substitution de motifs ne peut être demandée au juge de l'excès de pouvoir que par l'administration auteur de la décision attaquée. Par suite, les motifs de retrait soulevés par M. A... seul, tirés de ce que le permis initial serait entaché d'incompétence, qu'il méconnait les dispositions de l'article R. 431-18-1 du code de l'urbanisme, qu'il méconnait les dispositions de l'article R. 111-11 du code de l'urbanisme, qu'il méconnait les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et qu'il méconnait les dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme, ne peuvent utilement être invoqués par M. A....

7. En second lieu, dans sa requête d'appel, la commune a soutenu, au terme d'une substitution de motif, que le permis de construire octroyé méconnaissait les dispositions de l'article R. 122-2 du code de l'environnement sur l'étude d'impact.

8. Aux termes de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme, relatif aux pièces complémentaires devant être jointes à la demande de permis de construire en fonction de la situation ou de la nature du projet : " Le dossier joint à la demande de permis de construire comprend en outre, selon les cas : / a) L'étude d'impact, lorsqu'elle est prévue en application du Code de l'environnement (...) ". Selon l'article R. 122-2 du code de l'environnement : " I. - Les travaux, ouvrages ou aménagements énumérés dans le tableau annexé au présent article sont soumis à une étude d'impact soit de façon systématique, soit après un examen au cas par cas, en fonction des critères précisés dans ce tableau. / (...) ". Il ressort de la rubrique 26 du tableau annexé à l'article R. 122-2 du code de l'environnement que sont systématiquement soumis à étude d'impact les ouvrages de production électrique à partir de l'énergie solaire installée sur le sol pour les puissances égales ou supérieures à 250 kWc. La rubrique 36 du même tableau prévoit que sont systématiquement soumis à étude d'impact les travaux ou constructions réalisés en une ou plusieurs phases, lorsque l'opération crée une surface hors œuvre nette supérieure ou égale à 40 000 mètres carrés et, au cas par cas, les travaux ou constructions réalisées en une ou plusieurs phases, lorsque l'opération crée une SHON supérieure ou égale à 10 000 mètres carrés et inférieure à 40 000 mètres carrés. Selon l'article R. 112-2 du code de l'urbanisme, la surface de plancher d'une construction est la somme des surfaces de planchers de chaque niveau clos et couvert. L'article R. 122-3 du même code dans sa version alors applicable, dispose que : " I.- Pour les projets relevant d'un examen au cas par cas en application de l'article R. 122-2, l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement, définie à l'article R. 122-6, examine, au regard des informations fournies par le pétitionnaire ou le maître d'ouvrage, si le projet doit faire l'objet d'une étude d'impact. / Les informations demandées au pétitionnaire sont définies dans un formulaire de demande d'examen au cas par cas dont le contenu est précisé par arrêté du ministre chargé de l'environnement. Ce formulaire comprend notamment : / une description des caractéristiques principales du projet, notamment sa nature, sa localisation et ses dimensions ; / une description succincte des éléments visés aux 2° et 3° du II de l'article R. 122-5 susceptibles d'être affectés de manière notable par le projet. (...) IV.-L'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement dispose d'un délai de trente-cinq jours à compter de la réception du formulaire complet pour informer, par décision motivée, le pétitionnaire ou le maître d'ouvrage de la nécessité ou non de réaliser une étude d'impact. L'absence de réponse au terme de ce délai vaut obligation de réaliser une étude d'impact. (...) / V.- Tout recours contentieux contre la décision imposant la réalisation d'une étude d'impact doit, à peine d'irrecevabilité, être précédé d'un recours administratif préalable devant l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement qui a pris la décision. / (...) ".

9. Le projet en litige ne constitue par un ouvrage de production d'électricité à partir de l'énergie solaire installée sur le sol mais sur des serres. En outre, la décision en litige est antérieure à la date du 16 mai 2017 impartie aux états membres pour se conformer à la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011. La circonstance à la supposer établie que la rubrique 26 dans sa version applicable au litige, en se bornant à ne viser que les installations de production d'électricité au sol, méconnaitrait les objectifs de cette directive, est dès lors sans influence sur la légalité du permis de construire attaqué. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que les constructions de serres agricoles envisagées sur une surface de près de 17 000 mètres carrés sont d'une part pourvues d'une toiture partiellement recouverte de panneaux photovoltaïques et d'autre part de murs des façades composés de films plastiques escamotables par un système d'enroulement permettant une aération de la serre par les côtés. Cependant, le système de fermeture souple et amovible, dépourvu de toute fondation ou fermeture hermétique, ne peut être regardé, dans le cas d'espèce, comme constituant un espace clos. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le permis initialement délivré était soumis à étude d'impact, le cas échéant au cas par cas, en application des dispositions de l'article R. 122-2 du code de l'environnement.

10. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêt

n° 18MA02297 du 17 juillet 2020 est non avenu, et à demander l'annulation du jugement du 15 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du 11 août 2015 du maire de Sénas retirant le permis de construire accordé le 13 mai 2015 à la SCEA Grameyer.

Sur les frais liés au litige :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... la somme de 2 000 euros au profit de la SCEA Grameyer au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les dispositions du même article font par ailleurs obstacle à ce que les sommes demandées à ce titre par M. A... soient mises à la charge de la SCEA Grameyer, qui n'est pas la partie perdante.

D É C I D E :

Article 1er : La tierce opposition de M. A... est admise.

Article 2 : Les conclusions de M. A... sont rejetées.

Article 3 : M. A... versera une somme de 2 000 euros à la société civile d'exploitation agricole Grameyer au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. A..., à la société civile d'exploitation agricole Grameyer et à la commune de Sénas.

Copie sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône

Délibéré après l'audience du 8 juin 2023, où siégeaient :

- M. Portail, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Quenette, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 juin 2023.

2

N° 21MA01145


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21MA01145
Date de la décision : 22/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Nature de la décision - Refus du permis.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Légalité interne du permis de construire - Légalité au regard de la réglementation locale - POS ou PLU (voir supra : Plans d`aménagement et d`urbanisme).


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Marc-Antoine QUENETTE
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : SCP SVA

Origine de la décision
Date de l'import : 25/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-06-22;21ma01145 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award