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30/06/2022 | FRANCE | N°20MA04840

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 30 juin 2022, 20MA04840


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de commerce ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de procédure civile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public.

Une note en délibéré présentée pour Me de Carrière a été enregistrée le 20 juin 2022 et

n'a pas été communiquée.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Plein Soleil, qui exerçait une activité de promotion immobilière, s'es...

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de commerce ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de procédure civile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public.

Une note en délibéré présentée pour Me de Carrière a été enregistrée le 20 juin 2022 et n'a pas été communiquée.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Plein Soleil, qui exerçait une activité de promotion immobilière, s'est déclarée en cessation de paiement le 9 février 2009 et a été placée en liquidation judiciaire par un jugement du 27 février 2009 du tribunal de commerce de Gap, qui a nommé Me Vincent de Carrière en qualité de mandataire liquidateur de la société. Le comptable public du service des finances publiques des Hautes-Alpes a déclaré le 6 avril 2009, lors de la procédure de liquidation judiciaire de la société, une créance fiscale pour un montant de 177 382, 93 euros, correspondant à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée dus par cette dernière. Me de Carrière a adressé le 21 avril 2011 un courrier à la direction générale des finances publiques de Briançon, par lequel il entendait contester la créance fiscale déclarée par le comptable public le 6 avril 2009. Débouté, il a demandé au tribunal administratif de Marseille de le décharger de l'obligation de payer la somme de 177 382,93 euros correspondant à une dette de taxe sur la valeur ajoutée révélée par la déclaration de créances effectuée le 6 avril 2009 par le comptable public du service des finances publiques des Hautes-Alpes. Par un jugement n° 1207544 du 11 juillet 2014, le tribunal administratif de Marseille a fait droit à sa demande. Par un arrêt n° 16MA04682 du 22 janvier 2019, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé le jugement du 11 juillet 2014 du tribunal administratif de Marseille et remis à la charge de la SARL Plein Soleil l'obligation de payer la somme litigieuse. Par une décision n° 428890 du 22 décembre 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi de Me Vincent de Carrière, annulé l'arrêt de la cour et renvoyé l'affaire devant la même cour, où elle a été de nouveau enregistrée le même jour sous le n° 20MA04840.

Sur la prescription de l'action en recouvrement :

2. Aux termes de l'article 274 du livre des procédures fiscales du code général des impôts dans sa rédaction applicable à l'imposition en litige : " Les comptables du Trésor qui n'ont fait aucune poursuite contre un contribuable retardataire pendant quatre années consécutives, à partir du jour de la mise en recouvrement du rôle perdent leur recours et sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable. / Le délai de quatre ans mentionné au premier alinéa, par lequel se prescrit l'action en vue du recouvrement, est interrompu par tous actes comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous autres actes interruptifs de la prescription. ".

3. Les créances en matière de TVA et d'impôt sur les sociétés dont le recouvrement est poursuivi ont fait l'objet d'un avis de mise en recouvrement n° 2000880 en date du 7 mars 2000, notifié le 30 suivant. En application des dispositions précitées de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales, l'action en vue du recouvrement de cette dette était prescrite le 30 mars 2004. L'administration fiscale se prévaut toutefois de plusieurs actes interruptifs de prescription, dont la société requérante conteste l'effet interruptif.

En ce qui concerne l'effet interruptif de l'avis à tiers détenteur du 19 mai 2000 :

4. Aux termes de l'article L. 275 du même livre, dans sa rédaction alors en vigueur : " La notification d'un avis de mise en recouvrement interrompt la prescription courant contre l'administration et y substitue la prescription quadriennale. / Le délai de quatre ans mentionné au premier alinéa est interrompu dans les conditions indiquées à l'article L. 274. ". Un avis à tiers détenteur ne peut interrompre la prescription qu'elles prévoient qu'à la condition d'avoir été régulièrement notifié tant au tiers détenteur qu'au redevable concerné.

5. Il résulte de l'instruction, et il n'est d'ailleurs pas contesté, qu'un avis à tiers détenteur émis le 19 mai 2000 par le comptable chargé du recouvrement des impositions en litige a été régulièrement notifié, d'une part, au tiers détenteur, qui a répondu à l'administration fiscale par un courrier du 23 mai suivant, ainsi que, d'autre part, à la SARL Plein Soleil, par un pli qui lui a été présenté le 22 mai suivant et qui est revenu avec la mention " non réclamé ". Dans ces conditions, cet avis a interrompu le cours de la prescription de l'action en recouvrement.

En ce qui concerne l'effet interruptif de l'avis à tiers détenteur du 24 mai 2000 :

6. Il résulte de l'instruction, et il n'est d'ailleurs pas contesté, qu'un avis à tiers détenteur émis le 24 mai 2000 par le comptable en charge du recouvrement des impositions en litige a été régulièrement notifié, d'une part, au tiers détenteur, qui a, en retour, effectué un versement le 29 janvier 2001, ainsi que, d'autre part, à la SARL Plein Soleil qui en a accusé réception le 31 mai 2000. Dans ces conditions, cet avis a interrompu le cours de la prescription de l'action en recouvrement.

En ce qui concerne l'effet interruptif de l'avis à tiers détenteur du 8 novembre 2001 :

7. Il résulte de l'instruction qu'un avis à tiers détenteur émis le 8 novembre 2001 par le comptable chargé du recouvrement des impositions en litige a été régulièrement notifié au tiers détenteur qui a répondu à l'administration par un bulletin-réponse daté du 13 novembre suivant. Le pli présenté le 9 novembre à la SARL Plein Soleil est revenu au centre des impôts le 4 décembre suivant, revêtu de la mention " Non réclamé ". Me de Carrière soutient que cette notification est irrégulière.

8. Premièrement et contrairement à ce que soutient le requérant, les références figurant sur la lettre de notification, à savoir " D : 306773 N : 01010111001 I : 3738 " sont identiques à celles figurant sur l'avis de réception.

9. Deuxièmement, compte tenu des modalités de présentation des plis recommandés prévues par la réglementation postale, doit être regardé comme portant des mentions précises, claires et concordantes suffisant à constituer la preuve d'une notification régulière le pli recommandé retourné à l'administration auquel est rattaché un volet "avis de réception" sur lequel a été apposée la date de vaine présentation du courrier et qui porte, sur l'enveloppe ou l'avis de réception, l'indication du motif pour lequel il n'a pu être remis. En l'espèce, l'avis de réception attaché au pli recommandé comportait la mention " présenté le : 09/11/2001 " et il y était apposé au moyen d'un tampon la mention " non réclamé retour à l'envoyeur ", correspondant au motif de non distribution. Ainsi, ces mentions étant précises, claires et concordantes, elles suffisent à constituer la preuve d'une notification régulière de l'avis à tiers détenteur du 8 novembre 2001, peu important la circonstance que le destinataire n'aurait pas informé par un avis de passage de ce que le pli était à sa disposition au bureau de poste et de la durée de sa mise à disposition.

10. Dans ces conditions, l'avis à tiers détenteur du 8 novembre 2001 a interrompu le cours de la prescription de l'action en recouvrement.

En ce qui concerne l'effet interruptif de l'avis à tiers détenteur du 14 mars 2002 :

11. Il résulte de l'instruction que l'avis à tiers détenteur émis le 14 mars 2002 par le comptable chargé du recouvrement des impositions en litige a été remis par le service postal à une personne qui a signé l'avis de réception et y a inscrit son identité. Me de Carrière soutient que cette personne est toutefois inconnue de la SARL Plein Soleil et qu'elle n'était ainsi pas habilitée pour recevoir le pli en question. Ce faisant et en l'absence de contestation faite par l'administration sur ce point, il établit que le signataire de l'avis n'avait pas qualité pour recevoir le pli en cause. Dès lors, l'avis à tiers détenteur du 14 mars 2002 ne peut être regardé comme ayant interrompu le cours de la prescription de l'action en recouvrement.

En ce qui concerne l'effet interruptif du commandement aux fins de saisie immobilière :

12. Aux termes de l'article 2244 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige : " Une citation en justice, même en référé, un commandement ou une saisie, signifiés à celui qu'on veut empêcher de prescrire, interrompent la prescription ainsi que les délais pour agir. ". Aux termes de l'article 659 du code de procédure civile : " Lorsque la personne à qui l'acte doit être signifié n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l'huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu'il a accomplies pour rechercher le destinataire de l'acte (...) ".

13. Il résulte de l'instruction que l'administration a, suivant exploit de Me Laissard, huissier de justice, fait signifier à la SARL Plein Soleil un commandement aux fins de saisie immobilière, transformé en procès-verbal de recherches daté du 10 février 2005 qui, contrairement à ce qui est soutenu par Me de Carrière, fait état de l'accomplissement des diligences pour rechercher son destinataire et lui notifier les actes de poursuites propres à assurer le recouvrement des impositions mises à sa charge. En outre, si le mandataire liquidateur soutient que le commandement en question était irrégulier, il invoque à l'appui de son moyen les dispositions des articles R. 321-1 et suivants du code de procédure civile d'exécution, lesquelles n'étaient pas en vigueur à la date de la réalisation des actes en question. Il suit de là que le commandement aux fins de saisie immobilière signifié le 10 février 2005 a interrompu le cours de la prescription de l'action en recouvrement.

En ce qui concerne l'effet interruptif de l'avis à tiers détenteur du 16 mars 2006 :

14. Il résulte de l'instruction que l'avis à tiers détenteur (ATD) émis le 16 mars 2006 par le comptable chargé du recouvrement des impositions en litige a été notifié au tiers détenteur, le Crédit Commercial de France, qui, par un courrier daté du 21 mars suivant, a répondu à l'administration sous le cachet de la banque HSBC, qui est la dénomination prise par le Crédit Commercial de France à compter du mois de novembre 2005. Par ailleurs, et contrairement à ce qui est soutenu par Me de Carrière, les numéros d'ATD figurant sur l'avis émis par le comptable et sur le bulletin-réponse envoyé par la banque HSBC sont identiques.

15. Il résulte également de l'instruction que l'administration fournit la preuve établissant que le pli a été présenté le 22 mars 2006 à la SEGESCOM, lieu où il n'est pas contesté que la SARL Plein Soleil a transféré son siège social à compter du 5 décembre 2005 ainsi que celle-ci l'a déclaré au greffe du tribunal de commerce de Gap. Si Me de Carrière fait observer qu'une partie de l'adresse du destinataire est écrite de façon manuscrite sur l'avis de réception postal, il n'en tire aucune conclusion alors, au demeurant, que cette circonstance n'est pas de nature à démontrer à elle seule que le pli en question n'aurait pas effectivement été distribué dans les conditions rappelées ci-avant. De même, le mandataire liquidateur se borne à relever que la signature apposée sur cet avis est illisible et que le signataire n'est pas identifié sans toutefois alléguer ni démontrer que cette signature ne correspond à aucune de celles couramment faites par les personnes habilitée pour recevoir les plis adressés à la SARL Plein Soleil. Enfin et en tout état de cause, dans un courrier daté du 6 juin 2006 adressé à l'administration, le conseil de la SARL Plein Soleil a fait expressément référence à cet avis du 16 mars 2006 en indiquant qu'il lui avait été communiqué par sa cliente. Dans ces conditions, cet avis a interrompu le cours de la prescription de l'action en recouvrement.

16. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Plein Soleil n'est pas fondée à soutenir que la dette en litige était prescrite le 6 avril 2009, date de la déclaration de créance effectuée par le comptable public du service des impôts de Briançon.

Sur le montant de la créance :

17. Le comptable public a mentionné dans sa déclaration de créances du 6 avril 2009 faite auprès du liquidateur la somme de 177 382,93 euros.

18. Il résulte de l'instruction que l'avis de mise en recouvrement n° 2000880 en date du 7 mars 2000 portait sur un montant de 2 240 483 francs, soit 341 559,43 euros, intérêts compris. L'administration justifie avoir recouvré la somme de 9 611,76 euros au moyen de l'ATD émis le 2 février 2001, celle de 714,53 euros au moyen de l'ATD émis le 8 novembre 2001, celle de 34,07 euros au moyen de l'ATD émis le 16 mars 2006, celle de 8 291,11 euros en vertu d'une ordonnance du tribunal de grand instance de Gap du 3 septembre 2007 et, contrairement à ce que soutient le mandataire, l'administration justifie avoir recouvré la somme de 119 500 euros en exécution du jugement de ce même tribunal en date du 15 décembre 2005 dont la copie est versée aux débats. Enfin, les pénalités, d'un montant de 170 713 francs, soit 26 025,03 euros, et non 28 425,03 euros comme l'indique le ministre dans ses écritures, ont quant à elles été annulées à la suite de la mise en liquidation de la judiciaire de la SARL Plein Soleil. Le solde restant à recouvrer s'élevant, ainsi, à la somme de 177 382,93 euros, Me de Carrière n'est fondé à soutenir ni que le montant de la créance mentionné par le comptable public dans sa déclaration de créance serait inexact, ni qu'il ne serait pas justifié.

19. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la demande de première instance, que le ministre de l'économie, des finances et de la relance est fondé à soutenir que c'est à tort que, par un jugement n° 1207544 du 11 juillet 2014, le tribunal administratif de Marseille a déchargé la SARL Plein Soleil de l'obligation de payer résultant de la déclaration de créance effectuée le 6 avril 2009 par le comptable public du service des finances publiques des Hautes-Alpes. Il y a, dès lors, lieu d'annuler le jugement attaqué et de rétablir cette obligation de payer.

Sur les frais de l'instance :

20. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à chacune des parties la charge de ses frais d'instance, l'Etat ne justifiant d'ailleurs pas avoir supporté des frais spécifiques pour la défense de ses intérêts.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1207544 du 11 juillet 2014 du tribunal administratif de Marseille est annulé.

Article 2 : L'obligation de payer résultant de la déclaration de créance effectuée le 6 avril 2009 par le comptable public du service des finances publiques des Hautes-Alpes est remise à la charge de la SARL Plein Soleil.

Article 3 : La demande présentée par la SARL Plein Soleil devant le tribunal administratif de Marseille est rejetée.

Article 4 : Les conclusions présentées par le ministre de l'économie, des finances et de la relance et par la SARL Plein Soleil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à Me Vincent de Carrière.

Copie en sera adressée à la DIRCOFI Sud-Est.

Délibéré après l'audience du 16 juin 2022 où siégeaient :

- M. Alfonsi, président de chambre,

- Mme Massé-Degois, présidente assesseure,

- M. Mahmouti, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 juin 2022.

2

N° 20MA04840

nl


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA04840
Date de la décision : 30/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-05-01-005 Contributions et taxes. - Généralités. - Recouvrement. - Action en recouvrement. - Prescription.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: M. Jérôme MAHMOUTI
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : SCP PIWNICA et MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-06-30;20ma04840 ?
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