Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Marold et M. A... B... ont demandé, par deux demandes, au tribunal administratif de Nîmes de condamner l'Etat à réparer les conséquences dommageables de fautes commises dans les procédures d'établissement de rehaussement d'impôts consécutives à une vérification de comptabilité portant sur la période du 2 mai 2001 au 31 mars 2004 en versant la somme de 210 327,26 euros à la SARL Marold et celle de 100 871,17 euros à M. B..., assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts.
Par un jugement n° 1701838, 1801661 du 22 novembre 2019, le tribunal administratif de Nîmes a condamné l'Etat à payer à M. B... la somme de 2 000 euros, assortie des intérêts à compter du 10 avril 2017 et de la capitalisation des intérêts à compter du 10 avril 2018, a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et a rejeté le surplus de leurs demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 janvier 2020 et 12 avril 2021, la SARL Marold, représentée par son mandataire ad hoc, et ayant pour avocat la SCP GMC Avocats Associés agissant par Me Chauvet, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler les articles 1er et 3 de ce jugement du 22 novembre 2019 du tribunal administratif de Nîmes par lesquels il a condamné l'Etat à payer à M. B... la somme de 2 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 10 avril 2017 et de la capitalisation des intérêts à compter du 10 avril 2018, d'une part, et a rejeté le surplus de la requête présentée par M. B... et la SARL Marold ainsi que celle présentée par M. B..., d'autre part ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 210 327,26 euros en réparation de l'ensemble de ses préjudices, cette somme étant assortie des intérêts à taux légal et des intérêts capitalisés ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la responsabilité pour faute de l'Etat est engagée à raison de l'appréciation triplement erronée portée sur l'absence de justification du passif du bilan de la société pour les règlements effectués en espèces par M. B... pour le compte de la société, sur l'applicabilité des dispositions du I de l'article L. 112-6 du code monétaire et financier aux règlements effectués à l'étranger pour lui infliger une amende et sur les revenus distribués à M. B... au sens de l'article 109-1 du code général des impôts ;
- la responsabilité pour faute de l'Etat est également engagée à raison des insuffisances de la vérification de comptabilité, l'administration ayant, d'une part, ignoré les pièces justificatives transmises le 21 mai 2007 par M. B..., de sorte que le débat contradictoire n'a pas eu lieu, d'autre part, réalisé de manière contradictoire des dégrèvements successifs, et, enfin, fait preuve d'un acharnement inacceptable sur les postes non dégrevés ;
- ces fautes sont à l'origine de la cessation d'activité de la société, compte tenu de la saisie des marchandises représentant son stock le 11 janvier 2011 convertie en saisie vente le 12 juin 2013, outre le prélèvement de la somme de 150 250 euros, tandis que M. B... s'est vu prélever par avis à tiers détenteur la somme de 90 258,82 euros le 8 octobre 2013 ;
- les préjudices subis par la société Marold sont constitués par l'impossibilité de vendre le fonds de commerce faisant l'objet d'un nantissement et d'une saisie conservatoire, soit un préjudice estimé à 164 203,28 euros, la perte de chance de vendre le matériel saisi stocké dans un box et constitutive d'un préjudice estimé à 28 974 euros, le coût du licenciement économique du salarié de la société en octobre 2008, soit un préjudice estimé à 10 150,98 euros, ainsi que le remboursement des pénalités indûment prélevées et non remboursées pour un montant de 6 999 euros ;
- la SARL Marold et M. B... sont également en droit d'obtenir le remboursement du coût du gardiennage du matériel saisi entre le 11 janvier 2011 et septembre 2015 pour un montant de 5 771,90 euros ;
- les préjudices subis par M. B... sont constitués par le coût des frais d'assistance et de représentation non couverts par la condamnation aux frais irrépétibles pour un montant de 13 644,20 euros, les frais de représentation par un mandataire ad hoc durant la phase d'exécution des décisions de justice et la procédure juridictionnelle engagée pour la réparation des préjudices, soit un total de 42,12 euros, le montant des pénalités non remboursées pour 2 701 euros, les frais de poursuites pour 2 196 euros, les intérêts pour 14 858,94 euros et la majoration de 10 % pour 6 657 euros, outre un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence estimés à 50 000 euros et une atteinte à sa réputation professionnelle évaluée à 5 000 euros ;
- l'appel incident du ministre n'est pas fondé.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 15 octobre 2020 et le 16 avril 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la Cour de rejeter la requête de la SARL Marold.
Il fait valoir que :
- les conclusions de la société tendant à l'indemnisation des frais de gardiennage pour un montant total de 5 771,91 euros sont nouvelles en appel ;
- les conclusions de la société tendant à l'indemnisation due au titre des pénalités indument acquittées à hauteur de 6 999 euros sont irrecevables, eu égard à l'exception de recours parallèle ;
- pour le surplus, les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par lettre du 23 mai 2022, la Cour a, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, informé les parties de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur deux moyens relevés d'office, constatant l'irrecevabilité partielle de la requête et tirés de ce que :
- d'une part, la SARL Marold ne justifie pas d'un intérêt personnel à demander l'annulation de l'article 1er du jugement attaqué qui a condamné l'Etat à verser à M. B... la somme de 2 000 euros, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts ;
- d'autre part, si la société requérante demande également l'annulation de l'article 3 du jugement, en tant qu'il a rejeté le surplus de la requête n° 1701838 et la requête n° 1801661 devant le tribunal administratif, elle n'a pas davantage intérêt à agir contre cet article, en tant qu'il porte rejet de la requête n° 1801661, qui concerne uniquement M. B... ; à l'intérieur de la requête n° 1701838, la société n'a intérêt à agir qu'en tant que cette requête concerne la réparation de ses propres préjudices et non ceux de M. B....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code civil ;
- le code monétaire et financier ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné Mme Bernabeu, présidente assesseure, pour présider la formation de jugement, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- les conclusions de Mme Courbon, rapporteure publique,
- et les observations de Me Soulier, représentant la SARL Marold.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Marold, qui exerçait une activité de négoce d'objets de décoration et d'ameublement, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 2 mai 2001 au 31 mars 2004, à l'issue de laquelle elle a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sur l'impôt sur les sociétés, au titre des exercices clos les 31 décembre 2003 et 2004 ainsi qu'à des amendes pour paiements effectués en espèces pour les trois exercices vérifiés. Par un arrêt n° 13MA01141 du 23 juillet 2015, la cour administrative d'appel a pris acte des dégrèvements prononcés par l'administration en cours d'instance et a réduit les bases de l'impôt sur les sociétés au titre des années 2003 et 2004. En outre, l'administration fiscale a estimé que certaines des rectifications opérées correspondaient à des revenus distribués à M. B..., gérant et associé de la SARL Marold, revenus imposables sur le fondement de l'article 109-1 du code général des impôts, et a notifié en conséquence aux époux B... des rehaussements en matière d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2002, 2003 et 2004. Par un arrêt n° 13MA01142 du 23 juillet 2015, la Cour a pris acte des dégrèvements prononcés par l'administration en cours d'instance et a réduit les bases de l'impôt des époux B... au titre des années précitées. Par une demande enregistrée sous le n° 1701838 au greffe du tribunal administratif de Nîmes, la SARL Marold et M. B... ont demandé réparation des conséquences dommageables des fautes commises dans les procédures d'établissement de leurs impositions supplémentaires. Par une demande enregistrée sous le n° 1801661 au même greffe, M. B... a demandé réparation pour les fautes commises à son endroit dans l'établissement des impositions supplémentaires établies en son nom propre et s'agissant uniquement de ses préjudices personnels. Par un jugement commun du 22 novembre 2019, le tribunal administratif de Nîmes a condamné l'Etat à payer à M. B... la somme de 2 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 10 avril 2017 et de la capitalisation des intérêts à compter du 10 avril 2018, a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et a rejeté le surplus des demandes. Par la présente requête, la SARL Marold relève appel de ce jugement et demande la condamnation de l'Etat à lui verser la somme totale de 210 327,26 euros en réparation de ses préjudices. Contrairement à ce que fait valoir la société, le ministre n'a présenté aucune conclusion par la voie de l'appel incident.
I. Sur la recevabilité de certaines conclusions d'appel :
2. D'une part, la SARL Marold ne justifie pas d'un intérêt personnel à demander l'annulation de l'article 1er du jugement qui a condamné l'Etat à verser à M. B... la somme de 2 000 euros, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts, dès lors que cette somme a été allouée à M. B... en vue de la réparation d'un préjudice moral. Par suite, de telles conclusions, ainsi que la Cour en a informé les parties en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, doivent être rejetées comme irrecevables.
3. D'autre part, la SARL Marold demande l'annulation de l'article 3 du jugement attaqué qui rejette le surplus des conclusions de la requête n° 1701838 et la requête n° 1801661. Cependant, la société ne justifie pas d'un intérêt à contester le jugement attaqué en tant qu'il rejette la requête n° 1801661, qui concerne uniquement les préjudices subis par M. B.... En outre, s'agissant de la requête n° 1701838, la société n'a intérêt à agir qu'en tant qu'elle concerne la réparation de ses propres préjudices, et non ceux de M. B.... Par suite, ainsi que la Cour en a informé les parties en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, ces conclusions sont, dans cette mesure, irrecevables.
4. Il en résulte que la SARL Marold n'est recevable qu'à contester le jugement attaqué qu'en tant qu'il rejette ses conclusions propres présentées dans la requête n° 1701838.
II. Sur l'étendue du litige :
5. Si la SARL Marold reprend dans ses écritures l'ensemble de préjudices invoqués par M. B... à titre personnel, il résulte de l'instruction qu'elle n'en sollicite pas la réparation, dès lors que ses conclusions indemnitaires sont limitées à la somme totale de 210 327,26 euros correspondant aux seuls préjudices qu'elle aurait elle-même subis. Par suite, les moyens y afférents sont inopérants.
III. Sur les conclusions indemnitaires :
En ce qui concerne le principe de responsabilité :
6. Une faute commise par l'administration lors de l'exécution d'opérations se rattachant aux procédures d'établissement et de recouvrement de l'impôt est de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard du contribuable ou de toute autre personne si elle leur a directement causé un préjudice. Un tel préjudice, qui ne saurait résulter du seul paiement de l'impôt, peut être constitué des conséquences matérielles des décisions prises par l'administration et, le cas échéant, des troubles dans ses conditions d'existence dont le contribuable justifie. Le préjudice invoqué ne trouve pas sa cause directe et certaine dans la faute de l'administration si celle-ci établit soit qu'elle aurait pris la même décision d'imposition si elle avait respecté les formalités prescrites ou fait reposer son appréciation sur des éléments qu'elle avait omis de prendre en compte, soit qu'une autre base légale que celle initialement retenue justifie l'imposition. Enfin, l'administration peut invoquer le fait du contribuable ou, s'il n'est pas le contribuable, du demandeur d'indemnité comme cause d'atténuation ou d'exonération de sa responsabilité.
S'agissant de la faute commise dans l'établissement d'un passif injustifié :
7. Dans sa proposition de rectification du 30 septembre 2005, l'administration fiscale a estimé, au regard du 2 de l'article 38 du code général des impôts, que des écritures portées au crédit du compte courant d'associé de M. B..., son gérant, et au compte fournisseur " B... ", qui constataient des dettes de la société figurant au passif de son bilan, n'avaient pas été justifiées. Elle a ainsi initialement retenu un passif injustifié à hauteur respectivement de 101 977 euros au titre de l'exercice clos le 31 mars 2002, de 19 246 euros au titre de l'exercice clos le 31 mars 2003 et de 113 178 euros au titre de l'exercice clos le 31 mars 2004. Dans sa réponse du 20 décembre 2005 aux observations de la contribuable, elle a ramené ces passifs injustifiés au titre des exercices précités respectivement aux montants de 41 932 euros, 14 738 euros et 79 974 euros. Les impositions ont été mises en recouvrement le 3 mai 2007, à hauteur des sommes de 51 202 euros au titre de l'impôt sur les sociétés sur la période du 2 mai 2001 au 31 mars 2004 et de 1 513 euros au titre de la contribution sur l'impôt sur les sociétés. Le 5 janvier 2011, la réclamation de la société a fait l'objet d'une décision d'admission partielle, les impositions précitées étant ramenées aux sommes respectives de 33 859 euros et 993 euros. Par un jugement n° 1100320 du 17 janvier 2013, le tribunal administratif de Nîmes a jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de la société Marold, à concurrence des dégrèvements prononcés en cours d'instance, soit un montant de 1 516 euros au titre de l'impôt sur les sociétés et de la contribution sur l'impôt sur les sociétés, et a rejeté le surplus de sa demande. Après plusieurs dégrèvements, et le litige ayant été porté devant la cour administrative d'appel sous l'instance n° 13MA01141, l'administration a maintenu des rectifications concernant, au titre de l'exercice clos au 31 mars 2003, un montant de 12 582 euros sur le compte courant d'associé de M. B... et, au titre de l'exercice clos au 31 mars 2004, des montants de 10 204 euros sur le compte " Fournisseur B... " et de 24 779 euros sur le compte courant d'associé de M. B.... La Cour a considéré, par un arrêt du 23 juillet 2015, qu'au regard des pièces produites, la base d'imposition de la SARL Marold à l'impôt sur les sociétés devait être réduite de 12 582 euros au titre de l'année 2003 et de 29 942 euros au titre de l'année 2004.
8. La société Marold soutient, comme en première instance, que l'administration fiscale a commis une faute en portant une appréciation erronée sur le passif injustifié de la société et en ne tenant pas compte des justificatifs transmis par M. B... pendant les opérations de contrôle et au plus tard, par courrier du 21 mai 2007 à la suite de l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires du 18 décembre 2006 qui faisait état de la nécessité de justifier les paiements effectués par son gérant pour le compte de la société.
9. Toutefois, il résulte de l'instruction que ce courrier du 21 mai 2007, produit à nouveau en appel, comporte en pièces jointes seulement des attestations de fournisseurs adressées à la société Marold et des extraits du compte courant d'associé de M. B... et du grand livre relatifs à différentes écritures d'opérations diverses, mais aucune pièce de nature à justifier la réalité et le montant des décaissements et paiements effectués par l'intéressé. Comme l'ont relevé les premiers juges, en se bornant à soutenir que les relevés de comptes bancaires de M. B... ont tous été examinés au cours de la vérification de la comptabilité de la SARL Marold, alors même que cette vérification ne portait pas sur les comptes personnels de ce dernier, la société requérante ne démontre pas que les relevés des comptes bancaires personnels de M. B..., notamment les relevés de carte visa sur lesquels la cour administrative d'appel s'est fondée pour admettre la réalité des règlements fournisseurs par le gérant à partir de son compte bancaire personnel, avaient été portés à la connaissance de l'administration. A cet égard, même si la société requérante verse, pour la première fois en appel, le mémoire en réponse produit devant la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires le 7 novembre 2006, elle n'établit pas que ce sont les mêmes pièces qui ont conduit la Cour à prononcer les dégrèvements dont elle se prévaut. D'ailleurs, la commission précitée a elle-même estimé ne pas disposer des justificatifs nécessaires opération par opération pour justifier que les sommes inscrites en compte courant d'associé ou sur le compte fournisseur " B... " correspondaient bien à des dettes de cette dernière envers M. B.... Ainsi, dans la mesure où la société ne démontre pas avoir, avant l'introduction de la requête d'appel n° 13MA01141, fourni à l'administration des éléments justifiant, opération par opération, la réalité de la dette de la société Marold à l'égard de M. B... et des apports en compte courant, la circonstance que l'administration a regardé les sommes en litige comme un passif injustifié de la société et n'a pas procédé au dégrèvement sollicité par la société dès transmission du mémoire en réponse devant la commission précitée en novembre 2006, ni même lors de la réception par l'administration du courrier du 21 mai 2007 et de ses pièces jointes, n'est pas constitutive d'une faute de nature à engager sa responsabilité.
S'agissant du comportement fautif de l'administration lors des opérations de vérification et lors de dégrèvements successifs :
10. En premier lieu, la SARL Marold se plaint de ce que l'administration fiscale n'a pas tenu compte, de manière péremptoire, des pièces produites par M. B... pendant les opérations de contrôle, jusqu'à l'instance précitée devant la cour administrative d'appel. Compte tenu de ce qui a été dit précédemment, aucune faute de nature à engager la responsabilité de l'administration ne saurait être retenue dans la manière dont le vérificateur a pu conduire les opérations de vérification de comptabilité. A cet égard, et contrairement à ce que suggère la société, il ne résulte pas de l'instruction que l'administration se serait refusée à tout débat oral et contradictoire ni qu'elle n'aurait pas procédé à l'examen des pièces produites par la société à tous les stades de la procédure, et en particulier, celui des pièces versées devant la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ainsi que celles communiquées par le courrier du 21 mai 2007.
11. En second lieu, si la société Marold se prévaut du caractère contradictoire entre certaines rectifications effectuées et des dégrèvements opérés successivement, elle ne justifie pas davantage que l'administration aurait adopté un comportement fautif en prononçant de tels dégrèvements, avant, pendant ou après les instances devant le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel. A cet égard, et ainsi que l'ont retenu à bon droit les premiers juges, les dépenses de règlements de fournisseurs effectués en espèces par M. B... pour le compte de la société devant être justifiées individuellement, opération par opération, la circonstance que l'administration a prononcé, au cours de la procédure d'établissement des impositions dues par la société Marold, des dégrèvements concernant les exercices clos les 31 mars 2002 et 2003 n'exonérait pas celle-ci de l'obligation de justifier la réalité et le montant des décaissements et paiements effectués pour son compte par M. B... au titre d'autres dépenses engagées au cours des exercices clos en 2003 et 2004. Enfin, les dégrèvements successifs sur les sommes restant en litige au titre de ces exercices ont été prononcés par le service dans un délai raisonnable après avoir eu connaissance des motifs et justificatifs invoqués par la requérante devant la cour administrative d'appel. Par suite, la société Marold n'est pas fondée à soutenir que l'administration fiscale aurait adopté un comportement constitutif d'un " acharnement " à son encontre.
S'agissant de l'illégalité fautive commise dans l'application de l'amende pour paiement en espèces :
12. Il résulte des dispositions du premier alinéa du I de l'article L. 112-6 du code monétaire et financier, dans sa rédaction à la date des faits révélés à l'encontre de la SARL Marold et de l'article L. 112-7 du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige, que l'obligation d'effectuer par chèque barré, virement ou carte bancaire les règlements qui excèdent la somme de 750 euros s'applique à tous les paiements qui ont lieu en France, quelle que soit la loi applicable au contrat pour l'exécution duquel ils interviennent et quels que soient la nationalité ou le lieu de la résidence habituelle du débiteur ou du créancier ou, s'agissant de sociétés, l'Etat dans lequel elles ont leur siège. Les dispositions du premier alinéa de l'article 3 du code civil n'ont pas pour effet de soumettre les règlements effectués hors du territoire français à l'obligation instaurée au I de l'article L. 112-6 du code monétaire et financier.
13. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a mis à la charge de la SARL Marold une amende d'un montant total de 11 080 euros sur le fondement de l'article L. 112-7 du code monétaire et financier au titre des sommes indûment réglées en numéraire au-delà de 750 euros. Cette amende a toutefois fait l'objet d'un dégrèvement en cours d'instance devant la Cour à hauteur de 7 823 euros, ainsi que celle-ci l'a relevé aux points 2 et 33 de l'arrêt n° 13MA01141 du 23 juillet 2015, devenu définitif. Le surplus, soit un montant de 3 257 euros, qui portait sur des paiements en espèces intervenus en France, a en revanche été maintenu par le juge d'appel. Il n'est en outre pas contesté, et ainsi que l'a jugé la Cour à ce point 33, que l'administration n'était pas fondée à infliger à une société ayant son siège en France l'amende fiscale prévue à l'article 1840 N sexies du code général des impôts à l'encontre des contrevenants aux dispositions de l'article L. 112-6 du code monétaire et financier uniquement pour des paiements réalisés à l'étranger. Ainsi, l'illégalité entachant, dans cette mesure, l'application de l'amende pour paiement en espèces à hauteur d'un montant de 7 823 euros constitue, par suite, une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat.
En ce qui concerne les préjudices :
14. La faute commise par l'administration fiscale dans l'application de l'amende précitée pour paiement en espèces ne peut être regardée, eu égard tant au chiffre d'affaires qu'aux résultats nets de l'entreprise, comme étant à l'origine de ses difficultés économiques puis de sa cessation d'activité. Par suite, les préjudices allégués par la SARL Marold, constitués par le licenciement économique d'un salarié en octobre 2008, l'impossibilité de vendre son fonds de commerce, la perte de chance de vendre le matériel saisi stocké dans un box et les frais de gardiennage occasionnés par cette saisie, ne sauraient être regardés comme en lien direct et certain avec la seule faute qui peut être, en l'espèce, retenue.
15. En outre, les premiers juges ont rejeté, à bon droit, comme irrecevables les conclusions de la SARL Marold tendant au remboursement de la somme de 6 999 euros au titre des pénalités assortissant les impositions mises à sa charge, au motif exposé au point 6 du jugement attaqué, que ne sont pas recevables des conclusions indemnitaires qui n'invoquent pas de préjudice autre que celui résultant du paiement de l'imposition et ont, en conséquence, le même objet que l'action tendant à la décharge de cette imposition, en droits et pénalités, que le contribuable a introduite ou aurait pu introduire sur le fondement des règles de juridiction contentieuse applicable à la contestation des impositions. La société Marold ne conteste pas sérieusement le motif d'irrecevabilité retenu par ces derniers, de sorte que ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées. Par ailleurs, et en tout état de cause, le lien entre un éventuel préjudice et la faute retenue n'est pas établi dès lors que l'amende en litige n'a été à l'origine d'aucune pénalité.
16. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre aux conclusions relatives au remboursement de frais de gardiennage, que la SARL Marold n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL Marold est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Marold et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction générale des finances publiques - service de la sécurité juridique et du contrôle fiscal - sous-direction SJCF1 - bureau SJCF-1B.
Délibéré après l'audience du 2 juin 2022, où siégeaient :
- Mme Bernabeu, présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme D... et Mme E..., premières conseillères.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 juin 2022.
La présidente-rapporteure,
SIGNE
M. C...L'assesseure la plus ancienne
dans l'ordre du tableau,
SIGNE
S. D...La greffière d'audience,
SIGNE
N. CHALULEU
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
2
N° 20MA00574
nc