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23/06/2022 | FRANCE | N°20MA00317

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 23 juin 2022, 20MA00317


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) C...et M. A... B... ont demandé, par deux demandes, au tribunal administratif de Nîmes de condamner l'Etat à réparer les conséquences dommageables de fautes commises dans les procédures d'établissement de rehaussement d'impôts consécutives à une vérification de comptabilité portant sur la période du 2 mai 2001 au 31 mars 2004 en versant la somme de 210 327,26 euros à la SARL C... et celle de 100 871,17 euros à M. B..., assortie des intérêts au taux l

gal et de la capitalisation des intérêts.

Par un jugement n° 1701838, 1801661 du 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) C...et M. A... B... ont demandé, par deux demandes, au tribunal administratif de Nîmes de condamner l'Etat à réparer les conséquences dommageables de fautes commises dans les procédures d'établissement de rehaussement d'impôts consécutives à une vérification de comptabilité portant sur la période du 2 mai 2001 au 31 mars 2004 en versant la somme de 210 327,26 euros à la SARL C... et celle de 100 871,17 euros à M. B..., assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts.

Par un jugement n° 1701838, 1801661 du 22 novembre 2019, le tribunal administratif de Nîmes a condamné l'Etat à payer à M. B... la somme de 2 000 euros, assortie des intérêts à compter du 10 avril 2017 et de la capitalisation des intérêts à compter du 10 avril 2018, a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et a rejeté le surplus de leurs demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 janvier 2020, et sa régularisation enregistrée le 11 février 2020, ainsi qu'un mémoire enregistré le 12 avril 2021, M. B..., représenté par la SCP GMC Avocats Associés agissant par Me Chauvet, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler les articles 1er et 3 de ce jugement du 22 novembre 2019 du tribunal administratif de Nîmes par lesquels il a condamné l'Etat à payer à M. B... la somme de 2 000 euros, assortie des intérêts à compter du 10 avril 2017 et de la capitalisation des intérêts à compter du 10 avril 2018, d'une part, et a rejeté le surplus de la requête présentée par M. B... et la SARL C...et la requête de M. B..., d'autre part ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 100 871,17 euros en réparation de l'ensemble de ses préjudices, cette somme étant assortie des intérêts à taux légal et des intérêts capitalisés ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la responsabilité pour faute de l'Etat est engagée à raison de l'appréciation triplement erronée portée sur l'absence de justification du passif du bilan de la société pour les règlements effectués en espèces par M. B... pour le compte de la société, sur l'applicabilité des dispositions du I de l'article L. 112-6 du code monétaire et financier aux règlements effectués à l'étranger pour lui infliger une amende, et sur les revenus distribués à M. B... au sens de l'article 109-1 du code général des impôts ;

- la responsabilité pour faute de l'Etat est également engagée à raison des insuffisances de la vérification de comptabilité, l'administration ayant, d'une part, ignoré les pièces justificatives transmises le 21 mai 2007 par M. B..., de sorte que le débat contradictoire n'a pas eu lieu, d'autre part, réalisé de manière contradictoire des dégrèvements successifs, et, enfin, fait preuve d'un acharnement inacceptable sur les postes non dégrevés ;

- ces fautes sont à l'origine de la cessation d'activité de la société, compte tenu de la saisie des marchandises représentant son stock le 11 janvier 2011 convertie en saisie vente le 12 juin 2013, outre le prélèvement de la somme de 150 250 euros, tandis que M. B... s'est vu prélever par avis à tiers détenteur la somme de 90 258,82 euros le 8 octobre 2013 ;

- les préjudices subis par la société C... sont constitués par l'impossibilité de vendre le fonds de commerce faisant l'objet d'un nantissement et d'une saisie conservatoire, soit un préjudice estimé à 164 203,28 euros, la perte de chance de vendre le matériel saisi stocké dans un box et constitutive d'un préjudice estimé à 28 974 euros, le coût du licenciement économique du salarié de la société en octobre 2008, soit un préjudice estimé à 10 150,98 euros, ainsi que le remboursement des pénalités indûment prélevées et non remboursées pour un montant de 6 999 euros ;

- la SARL C... et M. B... sont également en droit d'obtenir le remboursement du coût du gardiennage du matériel saisi entre le 11 janvier 2011 et septembre 2015 pour un montant de 5 771,90 euros ;

- les préjudices subis par M. B... sont constitués par le coût des frais d'assistance et de représentation non couverts par la condamnation aux frais irrépétibles pour un montant de 13 644,20 euros, les frais de représentation par un mandataire ad hoc durant la phase d'exécution des décisions de justice et la procédure juridictionnelle engagée pour la réparation des préjudices, soit un total de 42,12 euros, le montant des pénalités non remboursées pour 2 701 euros, les frais de poursuites pour 2 196 euros, les intérêts pour 14 858,94 euros et la majoration de 10 % pour 6 657 euros, outre un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence estimés à 50 000 euros et une atteinte à sa réputation professionnelle évaluée à 5 000 euros ;

- l'appel incident du ministre n'est pas fondé.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 15 octobre 2020 et le 16 avril 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la Cour de rejeter la requête de M. B... et, par la voie de l'appel incident, d'annuler les articles 1er et 2 du jugement attaqué.

Il fait valoir que :

- les conclusions de M. B... tendant à l'indemnisation due au titre des " pénalités, frais de poursuites, intérêts et majorations de 10 % ", indument acquittés à hauteur de 24 216,94 euros sont irrecevables, eu égard à l'exception de recours parallèle ;

- les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés ;

- s'agissant de l'appel incident, d'une part, l'application de l'amende pour paiement en espèces ne peut être regardée comme illégale à hauteur de son montant total, soit 11 080 euros, mais uniquement à concurrence du montant 7 823 euros appliqué au titre des paiements effectués à l'étranger et, d'autre part, M. B... ne justifie d'aucun préjudice en lien direct et certain avec l'illégalité partielle de l'amende mise à sa charge.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code civil ;

- le code monétaire et financier ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de Mme Courbon, rapporteure publique,

- et les observations de Me Soulier, pour la SCP GMC, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. La SARL C..., qui exerçait une activité de négoce d'objets de décoration et d'ameublement, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 2 mai 2001 au 31 mars 2004, à l'issue de laquelle elle a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sur l'impôt sur les sociétés, au titre des exercices clos les 31 décembre 2003 et 2004 ainsi qu'à des amendes pour paiements effectués en espèces pour les trois exercices vérifiés. Par un arrêt n° 13MA01141 du 23 juillet 2015, la cour administrative d'appel a pris acte des dégrèvements prononcés par l'administration en cours d'instance et a réduit les bases de l'impôt sur les sociétés au titre des années 2003 et 2004. En outre, l'administration fiscale a estimé que certaines des rectifications opérées correspondaient à des revenus distribués à M. B..., gérant et associé de la SARL C..., revenus imposables sur le fondement de l'article 109-1 du code général des impôts, et a notifié en conséquence aux époux B... des rehaussements en matière d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2002, 2003 et 2004. Par un arrêt n° 13MA01142 du 23 juillet 2015, la Cour a pris acte des dégrèvements prononcés par l'administration en cours d'instance et a réduit les bases de l'impôt des époux B... au titre des années précitées. Par une demande enregistrée sous le n° 1701838 au greffe du tribunal administratif de Nîmes, la SARL C... et M. B... ont demandé réparation des conséquences dommageables des fautes commises dans les procédures d'établissement de leurs impositions supplémentaires. Par une demande enregistrée sous le n° 1801661 au même greffe, M. B... a demandé réparation pour les fautes commises à son endroit dans l'établissement des impositions supplémentaires établies en son nom propre et s'agissant uniquement de ses préjudices personnels. Par un jugement commun du 22 novembre 2019, le tribunal administratif de Nîmes a, en son article 1er, condamné l'Etat à payer à M. B... la somme de 2 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 10 avril 2017 et de la capitalisation des intérêts à compter du 10 avril 2018, en son article 2, mis à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et rejeté le surplus des demandes. Par la présente requête, M. B... relève appel de ce jugement et demande la condamnation de l'Etat à lui verser la somme totale de 100 871,17 euros en réparation de ses préjudices. Par la voie de l'appel incident, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande l'annulation des articles 1er et 2 du jugement attaqué.

I. Sur l'étendue du litige :

2. Si M. B... reprend dans ses écritures l'ensemble de préjudices invoqués par la SARL C..., il résulte de l'instruction qu'il n'en sollicite pas la réparation, dès lors que ses conclusions indemnitaires sont limitées à la somme totale de 100 871,17 euros correspondant aux seuls préjudices qu'il aurait lui-même subis à titre personnel. Par suite, les moyens y afférents sont inopérants.

II. Sur les conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne le principe de responsabilité :

3. Une faute commise par l'administration lors de l'exécution d'opérations se rattachant aux procédures d'établissement et de recouvrement de l'impôt est de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard du contribuable ou de toute autre personne si elle leur a directement causé un préjudice. Un tel préjudice, qui ne saurait résulter du seul paiement de l'impôt, peut être constitué des conséquences matérielles des décisions prises par l'administration et, le cas échéant, des troubles dans ses conditions d'existence dont le contribuable justifie. Le préjudice invoqué ne trouve pas sa cause directe et certaine dans la faute de l'administration si celle-ci établit soit qu'elle aurait pris la même décision d'imposition si elle avait respecté les formalités prescrites ou fait reposer son appréciation sur des éléments qu'elle avait omis de prendre en compte, soit qu'une autre base légale que celle initialement retenue justifie l'imposition. Enfin, l'administration peut invoquer le fait du contribuable ou, s'il n'est pas le contribuable, du demandeur d'indemnité comme cause d'atténuation ou d'exonération de sa responsabilité.

S'agissant de la faute commise dans l'établissement d'un passif injustifié :

4. Dans sa proposition de rectification du 30 septembre 2005, l'administration fiscale a estimé, au regard du 2 de l'article 38 du code général des impôts, que des écritures portées au sein de la comptabilité de la SARL C... au crédit du compte courant d'associé de M. B..., son gérant et associé, et au compte fournisseur " B... ", qui constataient des dettes de la société figurant au passif de son bilan, n'avaient pas été justifiées. Par proposition de rectification du 20 décembre 2005, l'administration a également notifié aux époux B... des rehaussements en matière d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2002, 2003 et 2004. Elle a en effet estimé que certaines des rectifications opérées à l'égard de la société correspondaient à des revenus distribués à M. B... imposables sur le fondement du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, pour le passif injustifié concernant le compte courant d'associé et le compte fournisseur ouverts au nom de M. B..., et, sur le fondement du 1° du 1 du même article, pour les honoraires et commissions non admis en tant que charges déductibles exposées dans l'intérêt de l'entreprise. Par un jugement n° 1100314 du 17 janvier 2013, le tribunal administratif de Nîmes a jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de M. et Mme B... tendant à la décharge de ces impositions à hauteur des dégrèvements prononcés en cours d'instance et rejeté le surplus des conclusions de leur demande de décharge des impositions demeurant en litige. Après plusieurs dégrèvements, et le litige ayant été porté devant la cour administrative d'appel sous l'instance n° 13MA01142, cette dernière a considéré, par un arrêt du 23 juillet 2015, qu'au regard des pièces produites, la base d'imposition des intéressés à l'impôt sur le revenu devait être réduite de 10 983 euros au titre de l'année 2002, 3 867 euros au titre de l'année 2003 et 27 674 euros au titre de l'année 2004.

5. M. B... soutient, comme en première instance, que l'administration fiscale a commis une faute en portant une appréciation erronée sur le passif injustifié de la société dont il était le gérant et en ne tenant pas compte des justificatifs qu'il a transmis pendant les opérations de contrôle et au plus tard, par courrier du 21 mai 2007 à la suite de l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires du 18 décembre 2006 qui faisait état de la nécessité de justifier les paiements effectués par son gérant pour le compte de la société. Il ajoute que pendant près de dix ans, l'administration a estimé que certains rehaussements opérés sur la comptabilité de la SARL C... avaient constitué des revenus distribués sur le fondement des dispositions de l'article 109-1 du code général des impôts, en particulier les sommes inscrites au crédit de son compte courant d'associé et du compte fournisseur ouvert à son nom, regardées à tort comme un passif injustifié et comme des revenus imposables entre ses mains dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.

6. Toutefois, il résulte de l'instruction que ce courrier du 21 mai 2007, produit à nouveau en appel, comporte en pièces jointes seulement des attestations de fournisseurs adressées à la société C... et des extraits du compte courant d'associé de M. B... et du grand livre relatifs à différentes écritures d'opérations diverses, mais aucune pièce de nature à justifier la réalité et le montant des décaissements et paiements effectués par l'intéressé. Comme l'ont relevé les premiers juges, en se bornant à soutenir que les relevés de comptes bancaires de M. B... ont tous été examinés au cours de la vérification de la comptabilité de la SARL C..., alors même que cette vérification ne portait pas sur les comptes personnels de ce dernier, le requérant ne démontre pas que ses relevés des comptes bancaires personnels, notamment les relevés de carte visa sur lesquels la cour administrative d'appel s'est fondée pour admettre la réalité des règlement fournisseurs par le gérant à partir de son compte bancaire personnel, avaient été portés à la connaissance de l'administration. A cet égard, même si M. B... verse, pour la première fois en appel, le mémoire en réponse produit devant la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires le 7 novembre 2006, il n'établit pas que ce sont les mêmes pièces qui ont conduit la Cour à prononcer les dégrèvements dont il se prévaut. D'ailleurs, la commission précitée a elle-même estimé ne pas disposer des justificatifs nécessaires opération par opération pour justifier que les sommes inscrites en compte courant d'associé ou sur le compte fournisseur " B... " correspondaient bien à des dettes de cette dernière envers M. B.... Ainsi, dans la mesure où l'intéressé ne démontre pas avoir, avant l'introduction de la requête d'appel n° 13MA01142, fourni à l'administration des éléments justifiant, opération par opération, la réalité de la dette de la société C... à son égard et des apports en compte courant, la circonstance que l'administration a regardé les sommes en litige comme un passif injustifié de la société et n'a pas procédé au dégrèvement correspondant dès transmission du mémoire en réponse devant la commission précitée en novembre 2006, ni même lors de la réception par l'administration du courrier du 21 mai 2007 et de ses pièces jointes, n'est pas constitutive d'une faute de nature à engager sa responsabilité.

S'agissant du comportement fautif de l'administration lors des opérations de vérification et lors de dégrèvements successifs :

7. En premier lieu, M. B... se plaint de ce que l'administration fiscale n'a pas tenu compte, de manière péremptoire, des pièces qu'il a produites pendant les opérations de contrôle, jusqu'à l'instance précitée devant la cour administrative d'appel. Compte tenu de ce qui a été dit précédemment, aucune faute de nature à engager la responsabilité de l'administration ne saurait être retenue dans la manière dont le vérificateur a pu conduire les opérations de vérification de comptabilité. A cet égard, et contrairement à ce que suggère M. B..., il ne résulte pas de l'instruction que l'administration se serait refusée à tout débat oral et contradictoire ni qu'elle n'aurait pas procédé à l'examen des pièces produites par la société C... ou ses soins à tous les stades de la procédure, et en particulier, celui des pièces versées devant la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ainsi que celles communiquées par le courrier du 21 mai 2007.

8. En second lieu, si M. B... se prévaut du caractère contradictoire entre certaines rectifications effectuées et des dégrèvements opérés successivement, il ne justifie pas davantage que l'administration aurait adopté un comportement fautif en prononçant de tels dégrèvements, avant, pendant ou après les instances devant le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel. A cet égard, il convient d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 13 du jugement attaqué.

S'agissant de l'illégalité fautive commise dans l'application de l'amende pour paiement en espèces :

9. Il résulte des dispositions du premier alinéa du I de l'article L. 112-6 du code monétaire et financier, dans sa rédaction à la date des faits révélés à l'encontre de la SARL C... et de l'article L. 112-7 du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige, que l'obligation d'effectuer par chèque barré, virement ou carte bancaire les règlements qui excèdent la somme de 750 euros s'applique à tous les paiements qui ont lieu en France, quelle que soit la loi applicable au contrat pour l'exécution duquel ils interviennent et quels que soient la nationalité ou le lieu de la résidence habituelle du débiteur ou du créancier ou, s'agissant de sociétés, l'Etat dans lequel elles ont leur siège. Les dispositions du premier alinéa de l'article 3 du code civil n'ont pas pour effet de soumettre les règlements effectués hors du territoire français à l'obligation instaurée au I de l'article L. 112-6 du code monétaire et financier.

10. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a mis à la charge de la SARL C... une amende d'un montant total de 11 080 euros sur le fondement de l'article L. 112-7 du code monétaire et financier au titre des sommes indûment réglées en numéraire au-delà de 750 euros. Cette amende a toutefois fait l'objet d'un dégrèvement en cours d'instance devant la Cour à hauteur de 7 823 euros, ainsi que celle-ci l'a relevé aux points 2 et 33 de l'arrêt n° 13MA01141 du 23 juillet 2015, devenu définitif. Il n'est en outre pas contesté, et ainsi que l'a jugé la Cour à ce point 33, que l'administration n'était pas fondée à infliger à une société ayant son siège en France l'amende fiscale prévue à l'article 1840 N sexies du code général des impôts à l'encontre des contrevenants aux dispositions de l'article L. 112-6 du code monétaire et financier uniquement pour des paiements réalisés à l'étranger. Le surplus, soit un montant de 3 257 euros, qui portait sur des paiements en espèces intervenus en France, a en revanche été maintenu par le juge d'appel. Par suite, et contrairement à ce que fait valoir le ministre par la voie de l'appel incident, l'illégalité entachant, dans cette mesure, l'application de l'amende pour paiement en espèces à hauteur d'un montant de 7 823 euros constitue, par suite, une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat.

En ce qui concerne les préjudices :

S'agissant du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence de M. B... en lien avec la faute retenue dans l'application de l'amende pour paiement en espèces :

11. Les premiers juges ont considéré que la faute commise par l'administration, exposée au point 10 ci-dessus, avait été à l'origine " de tracasseries et d'un préjudice moral pour M. B..., gérant de la SARL C..., dont il sera fait une juste appréciation en fixant à 2 000 euros la somme destinée à les réparer ". Le ministre relève, dans son appel incident dirigé contre cette condamnation, que l'amende n'est illégale et donc fautive qu'à concurrence du montant de 7 823 euros appliqué au titre des paiements effectués à l'étranger et qui a fait l'objet d'un dégrèvement prononcé en cours d'instance devant la Cour, le surplus de l'amende, ayant été maintenu dans l'arrêt du 23 juillet 2015. Il fait valoir que M. B... ne peut se prévaloir d'aucun préjudice, en sa qualité de gérant de la SARL C..., qui résulterait de cette faute et ajoute qu'aucun paiement au titre de l'amende n'a été effectué par la société. Si l'intéressé justifie d'un préjudice moral et de troubles dans les conditions d'existence résultant de la faute commise par l'administration, dès lors que ce n'est que pendant l'instance devant la Cour, par décision du 21 novembre 2013, que l'administration a procédé au dégrèvement partiel de l'amende à hauteur de 7 823 euros, l'évaluation d'un tel préjudice, au demeurant mesuré, ne saurait toutefois excéder la somme 1 000 euros, au lieu de celle de 2 000 euros retenue à tort par les premiers juges.

S'agissant des autres préjudices :

12. En premier lieu, la faute commise par l'administration fiscale dans l'application de l'amende précitée pour paiement en espèces ne peut être regardée, eu égard tant au chiffre d'affaires qu'aux résultats nets de l'entreprise, comme étant à l'origine de ses difficultés économiques puis de sa cessation d'activité. Par suite, les préjudices allégués par M. B..., constitués par les frais de gardiennage, les frais de désignation d'un mandataire ad hoc de la société C..., le préjudice moral en lien avec les difficultés financières de cette dernière et la cessation de son activité, ainsi que par l'atteinte à sa réputation professionnelle, ne sauraient être regardés comme en lien direct et certain avec la seule faute qui peut être, en l'espèce, retenue.

13. En deuxième lieu, les premiers juges ont rejeté, à bon droit, comme irrecevables les conclusions de M. B... tendant au remboursement des pénalités assortissant les impositions mises à sa charge, au motif exposé au point 6 du jugement attaqué, que ne sont pas recevables des conclusions indemnitaires qui n'invoquent pas de préjudice autre que celui résultant du paiement de l'imposition et ont, en conséquence, le même objet que l'action tendant à la décharge de cette imposition, en droits et pénalités, que le contribuable a introduite ou aurait pu introduire sur le fondement des règles de juridiction contentieuse applicable à la contestation des impositions. M. B... ne conteste pas sérieusement le motif d'irrecevabilité retenu par ces derniers, de sorte que ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées. Par ailleurs, et en tout état de cause, le lien entre un éventuel préjudice et la faute retenue n'est pas établi dès lors que l'amende en litige n'a été à l'origine d'aucune pénalité. Il n'est en outre pas établi que M. B... aurait lui-même supporté ces pénalités alors qu'elles ont été mises à la charge de la société. Enfin, le lien entre les frais de poursuites pour 2 196 euros, les intérêts pour 14 858,94 euros et la majoration de 10 % pour 6 657 euros, qui auraient été supportés par M. B..., et la seule faute retenue à l'encontre des services fiscaux fait également défaut.

14. En troisième lieu, s'agissant des frais d'avocat et de conseil, un tel préjudice n'est pas en lien avec la faute précitée. A cet égard, si la SARL C... a obtenu partiellement satisfaction s'agissant de l'amende dans l'instance devant la cour administrative d'appel n° 13MA01141, cet arrêt a, en son article 5, mis à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Or, et d'une part, comme le soutient en défense le ministre, lorsque l'intéressé a fait valoir devant le juge une demande fondée sur l'article L. 761-1 précité, le préjudice est intégralement réparé par la décision que prend le juge sur ce fondement. D'autre part, il résulte de l'instruction que c'est la société C... à qui seule a été infligée l'amende, qui a supporté les frais de justice afférents à cette instance, et non M. B... à titre personnel. Enfin, les autres frais d'avocat et de conseil invoqués par l'intéressé sont soit sans lien avec la faute commise, comme les frais de consultation sur la valeur du fonds de commerce, soit ont été acquittés par la SARL C..., comme les frais d'assistance à contrôle fiscal. Par suite, la réparation de tels chefs de préjudice ne peut qu'être rejetée.

15. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre aux conclusions relatives au remboursement de frais de gardiennage, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté le surplus de sa demande. Par ailleurs, eu égard à ce qui a été dit au point 11 du présent arrêt, il y a lieu de réformer ce jugement dès lors que le ministre de l'économie, des finances et de la relance est fondé, par la voie de l'appel incident, à demander que le montant de sa condamnation prononcée par le tribunal soit ramené à la somme de 1 000 euros.

III. Sur les frais de justice :

16. D'une part, Il y a lieu de faire droit aux conclusions du ministre de l'économie, des finances et de la relance, présentées par la voie de l'appel incident, tendant à l'annulation de l'article 2 du jugement attaqué par lequel le tribunal administratif de Nîmes a mis à la charge de l'Etat le versement à M. B... de la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, dès lors que ce dernier était, en première instance, la partie perdante pour l'essentiel.

17. D'autre part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : L'indemnité que l'Etat a été condamnée à verser à M. B... par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Nîmes du 22 novembre 2019 est ramenée à la somme de 1 000 euros.

Article 3 : M. B... reversera à l'Etat la somme de 1 200 euros qui lui a été accordée en première instance au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Nîmes du 22 novembre 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt, et son article 2 est annulé.

Article 5 : Le surplus des conclusions du ministre de l'économie, des finances et de la relance est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction générale des finances publiques - service de la sécurité juridique et du contrôle fiscal - sous-direction SJCF1 - bureau SJCF-1B.

Délibéré après l'audience du 2 juin 2022, où siégeaient :

- Mme Bernabeu, présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme E... et Mme F..., premières conseillères.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 juin 2022.

La présidente-rapporteure,

SIGNE

M. D...L'assesseure la plus ancienne

dans l'ordre du tableau,

SIGNE

S. E...La greffière d'audience,

SIGNE

N. CHALULEU

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

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N° 20MA00317

nc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA00317
Date de la décision : 23/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Services économiques - Services fiscaux.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation.


Composition du Tribunal
Président : Mme BERNABEU
Rapporteur ?: Mme Mylène BERNABEU
Rapporteur public ?: Mme COURBON
Avocat(s) : SCP GOUJON-MAURY-CHAUVET

Origine de la décision
Date de l'import : 26/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-06-23;20ma00317 ?
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