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29/03/2022 | FRANCE | N°19MA01506

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 29 mars 2022, 19MA01506


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner La Poste à lui verser une somme de 230 000 euros au titre du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait d'agissements de harcèlement moral de La Poste, d'ordonner une expertise médicale et comptable et de lui allouer une provision de 10 000 euros.

Par un jugement n° 1604518 du 1er février 2019, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 1er avr

il 2019, Mme A..., représentée par Me Braganti, demande à la Cour :

1°) d'annuler le juge...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner La Poste à lui verser une somme de 230 000 euros au titre du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait d'agissements de harcèlement moral de La Poste, d'ordonner une expertise médicale et comptable et de lui allouer une provision de 10 000 euros.

Par un jugement n° 1604518 du 1er février 2019, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 1er avril 2019, Mme A..., représentée par Me Braganti, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 1er février 2019 du tribunal administratif de Nice ;

2°) de condamner La Poste à lui payer la somme totale ramenée à 80 000 euros en réparation de son préjudice ;

3°) de mettre à la charge de La Poste la somme de 2 500 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a été victime de faits constitutifs de harcèlement moral au sens de l'article 6 quinquiès de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 dans le cadre de ses fonctions de nature à engager la responsabilité pour faute de La Poste ;

- ces faits ont entraîné une dégradation de son état de santé et divers préjudices ;

- la Cour ordonnera une expertise médicale pour déterminer son état de santé psychique ;

- sa mise à la retraite anticipée pour raisons médicales a entraîné un préjudice moral et financier dont elle demande réparation à hauteur de 80 000 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 août 2019, La Poste, représentée par la SELARL d'avocats Freichet AMG, conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce que soit ramenée à de plus justes proportions la demande indemnitaire de la requérante, et en tout état de cause, à ce qu'il soit mis à la charge de cette dernière la somme de 1 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-364 du 13 juillet 1983 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la Cour a décidé, par décision du 24 août 2021, de désigner M. Portail, président assesseur, pour statuer dans les conditions prévues à l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Carassic,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me Freichet représentant La Poste.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., cadre de premier niveau à La Poste, à la retraite depuis le 1er mars 2014, a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner La Poste à lui verser la somme de 230 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait d'agissements de harcèlement moral. Par le jugement dont Mme A... relève appel, les premiers juges ont rejeté sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 relative aux droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : /1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. (...) " .

3. Il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral, lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'administration à laquelle il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. Pour être qualifiés de harcèlement moral, ces agissements doivent être répétés et excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Dès lors qu'elle n'excède pas ces limites, une simple diminution des attributions justifiée par l'intérêt du service, en raison d'une manière de servir inadéquate ou de difficultés relationnelles, n'est pas constitutive de harcèlement moral. Une souffrance psychologique liée à des difficultés professionnelles ne saurait caractériser à elle seule un harcèlement moral, lequel se définit également par l'existence d'agissements répétés de harcèlement ainsi que d'un lien entre ces souffrances et ces agissements. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

4. Si la requérante soutient qu'elle a fait l'objet de harcèlement moral, pendant sa période de stage en tant que cadre de premier niveau sur le poste de chargée de clientèle au bureau de Poste de Menton, entre avril 2002 et novembre 2003, la circonstance qu'elle s'est vue confier, sans bénéficier d'un encadrement sérieux, durant son stage, un poste difficile qui excédait les capacités professionnelles d'un chargé de clientèle débutant, ce qui a abouti au refus de la titulariser dans ce grade à l'issue de ce stage, ne saurait par elle-même caractériser des faits de harcèlement moral. La requérante n'a d'ailleurs pas invoqué de tels faits lors de l'instance qu'elle a engagée devant la cour administrative d'appel de Marseille, qui a annulé, par un arrêt n° 08MA03776 du 29 juin 2010, la décision du 1er décembre 2003 de La Poste de la réintégrer à compter du 1er janvier 2004 dans son ancien grade de cadre professionnel, au motif que Mme A... n'avait pas été mise à même de faire la preuve pendant son stage de ses capacités pour les fonctions auxquelles elle était destinée. A la suite de cet arrêt, La Poste a procédé à la reconstitution de sa carrière et la requérante a été régularisée dans le grade de cadre de premier niveau à compter du 1er janvier 2004. Elle a effectué un nouveau stage de chargé de clientèle en janvier 2007 et a été titularisée dans le grade de cadre de premier niveau à compter du 1er janvier 2008, ce qui ne peut faire présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre.

5. Il ressort des pièces du dossier que la requérante a demandé en juillet 2008 à être " orientée vers une fonction autre que le commercial " et qu'elle était intéressée par une fonction d'encadrement de type " responsable clientèle ". Elle a été informée, par courrier du 2 septembre 2008 du directeur de La Poste des Alpes-Maritimes, que cette fonction de responsable clientèle exigeait d'acquérir des compétences en faisant différents remplacements, y compris sur des postes de guichet, pour candidater ultérieurement sur un poste d'encadrant guichet et qu'elle bénéficierait d'un cursus de formation en ce sens. La requérante n'a pu immédiatement commencer ce cursus eu égard à son placement en congé de longue maladie du 16 septembre 2008 au 24 mai 2009 et à sa reprise à mi-temps thérapeutique. Si la requérante affirme qu'elle a été nommée par lettre du 29 avril 2010 au poste de simple " guichetière animateur " au sein du bureau de Poste de l'Ariane, qui ne correspondait pas à un poste correspondant à sa fonction III 2, il ressort des pièces qu'elle a elle-même candidaté le 23 avril 2010 sur ce poste et qu'elle a été nommée à compter du 1er juin 2010 conformément à sa demande, dans le cadre du cursus de formation dont elle continuait à bénéficier pour obtenir une progression de sa carrière conformément à ses attentes. Elle ne peut, dans ces conditions, utilement invoquer une diminution de ses attributions ou une dégradation de ses conditions de travail pour faire présumer l'existence d'un harcèlement moral de La Poste à son encontre en raison de son affectation sur ce poste.

6. Si Mme A... soutient aussi que ses difficultés professionnelles ont entraîné une souffrance psychologique telle que, le 12 juillet 2010, après une altercation avec son supérieur hiérarchique qui lui avait refusé un congé demandé trop tardivement et contre lequel elle s'est emportée, elle a fait une tentative d'autolyse qui a entraîné un mois d'hospitalisation et qui nécessite un suivi psychiatrique au long cours, ces souffrances ne peuvent en tout état de cause présenter un lien de causalité avec les faits susdécrits, dès lors qu'ils ne font pas par eux-mêmes présumer l'existence de faits de harcèlement moral de la part de La Poste à son encontre.

7. Dans ces conditions, la requérante ne soumet pas au juge d'éléments de nature à faire présumer l'existence à son encontre, dans l'exercice de ses fonctions, d'agissements répétés de harcèlement moral ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel au sens de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983. Dès lors, la requérante n'est pas fondée à rechercher la responsabilité de La Poste du chef du harcèlement moral allégué et à en demander l'indemnisation. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté sa demande indemnitaire, sa demande de provision et celle tendant à ordonner une expertise.

8. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

9. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de La Poste, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une quelconque somme au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... la somme que demande La Poste au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par La Poste sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à La Poste.

Délibéré après l'audience du 15 mars 2022, où siégeaient :

- M. Portail, président par intérim, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Carassic, première conseillère,

- M. Mouret, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 mars 2022.

2

N° 19MA01506


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA01506
Date de la décision : 29/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-04-01 Fonctionnaires et agents publics. - Positions. - Congés. - Congés de maladie.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: Mme Marie-Claude CARASSIC
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : BRAGANTI

Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-03-29;19ma01506 ?
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