Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler la décision du 22 février 2016 par laquelle la société Orange a prononcé son admission à la retraite à compter du 1er mars 2016, en tant qu'elle n'a pas retenu la date du 19 janvier 2015 comme date de mise à la retraite, d'autre part, d'annuler le titre de pension du 29 février 2016.
Par un jugement n° 1603575, 1603776 du 5 juillet 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 6 septembre 2018, M. B..., représenté par la SCP Alain Roustan, Marc Beridot, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cette décision et ce titre de pension ;
3°) d'enjoindre à la société Orange de calculer ses droits à pension de retraite à compter du 19 janvier 2015 et de lui verser les sommes correspondantes ;
4°) de mettre à la charge de la société Orange la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il aurait dû être admis à la retraite à compter du 19 janvier 2015, à l'expiration de la dernière période de congé de longue durée et compte tenu de son inaptitude définitive reconnue par le comité médical le 6 novembre 2014 ;
- n'ayant pas été placé en disponibilité d'office à cette date, il ne s'est pas trouvé dans une position régulière et ce, jusqu'au 1er mars 2016 ;
- le titre de pension contesté doit prendre effet, par voie de conséquence, à compter du 19 janvier 2015 ;
- la rente viagère doit être calculée en fonction d'un taux d'incapacité de 110 %.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 octobre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 2 août 2019, la société anonyme Orange, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 28 août 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 septembre 2020 à 12 h 00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions civiles et militaires ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant la société Orange.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite d'un avis émis en ce sens par la commission de réforme le 3 décembre 2015, M. B..., fonctionnaire de la société Orange, a, par décision du 22 février 2016, été admis à la retraite pour invalidité imputable au service à compter du 1er mars 2016. Une pension civile d'invalidité lui a été concédée par arrêté du 29 février 2016, à compter également du 1er mars 2016 s'accompagnant d'une rente viagère d'invalidité de 30 %. M. B... a présenté deux demandes devant le tribunal administratif de Marseille, tendant, pour l'une, à l'annulation de cette décision du 22 février 2016, en tant qu'elle n'a pas retenu la date du 19 janvier 2015 comme date de mise à la retraite, pour l'autre, à l'annulation de ce titre de pension en tant que sa date d'effet et le taux de la rente attribuée sont erronés. Il relève appel du jugement du 5 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes.
Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté du 29 février 2016 :
2. Les conclusions présentées par M. B... et tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant que celui-ci a statué sur sa demande dirigée contre l'arrêté du 29 février 2016 se rapportent à un litige en matière de pensions. En vertu des dispositions de l'article R. 811-1 du code de justice administrative, de telles conclusions ne ressortissent pas à la compétence de la Cour mais à celle du Conseil d'Etat, statuant en tant que juge de cassation. Il y a lieu, dès lors, de transmettre ces conclusions au Conseil d'Etat.
Sur les conclusions dirigées contre la décision du 22 février 2016 :
3. Aux termes de l'article 27 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires : " ... Lorsqu'un fonctionnaire a obtenu pendant une période de douze mois consécutifs des congés de maladie d'une durée totale de douze mois, il ne peut, à l'expiration de sa dernière période de congé, reprendre son service sans l'avis favorable du comité médical : en cas d'avis défavorable il est soit mis en disponibilité, soit reclassé dans un autre emploi, soit, s'il est reconnu définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, admis à la retraite après avis de la commission de réforme. Le paiement du demi-traitement est maintenu, le cas échéant, jusqu'à la date de la décision de reprise de service, de reclassement, de mise en disponibilité ou d'admission à la retraite... ". Aux termes de l'article 47 du même décret : " Le fonctionnaire ne pouvant, à l'expiration de la dernière période de congé de longue maladie ou de longue durée, reprendre son service est soit reclassé dans un autre emploi, en application du décret n° 84-1051 du 30 novembre 1984 pris en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat en vue de faciliter le reclassement des fonctionnaires de l'Etat reconnus inaptes à l'exercice de leurs fonctions, soit mis en disponibilité, soit admis à la retraite après avis de la commission de réforme. / Pendant toute la durée de la procédure requérant soit l'avis du comité médical, soit l'avis de la commission de réforme, soit l'avis de ces deux instances, le paiement du demi-traitement est maintenu jusqu'à la date de la décision de reprise de service ou de réintégration, de reclassement, de mise en disponibilité ou d'admission à la retraite. ". L'article 48 de ce décret précise : " La mise en disponibilité prévue aux articles 27 et 47 du présent décret est prononcée après avis du comité médical ou de la commission de réforme sur l'inaptitude du fonctionnaire à reprendre ses fonctions. (...) ".
4. Les décisions administratives ne peuvent légalement disposer que pour l'avenir. Par suite, en l'absence de disposition législative l'y autorisant, l'administration ne peut, même lorsqu'elle est saisie d'une demande de l'intéressé en ce sens, déroger à cette règle générale et conférer un effet rétroactif à une décision d'admission à la retraite, à moins qu'il ne soit nécessaire de prendre une mesure rétroactive pour tirer les conséquences de la survenance de la limite d'âge, pour placer l'agent dans une situation régulière ou pour remédier à une illégalité.
5. Par décisions successives, la société Orange a placé M. B... en congé de longue durée pour maladie imputable au service du 19 janvier 2007 au 18 janvier 2015. Consécutivement à l'avis du comité médical du 6 novembre 2014 prononçant l'inaptitude totale et définitive de M. B... à l'exercice de toutes fonctions, ce congé avait notamment été prolongé à compter du 19 octobre 2014, avec perception d'un demi-traitement, l'intéressé étant informé par lettre du 8 décembre 2014 qu'il percevrait au-delà de cette date l'équivalent d'un demi-traitement sous forme de versement de prestation invalidité dans l'attente du traitement de son dossier de retraite. En tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant ait été expressément placé en disponibilité d'office par son employeur, dans l'attente de l'avis de la commission de réforme. En réalité, l'administration était tenue de prendre une mesure rétroactive à la date du 19 janvier 2015 pour placer M. B... dans une situation régulière, dès lors que celui-ci avait épuisé ses droits à congé de maladie et que les dispositions de l'article 27 du décret du 14 mars 1986 faisaient obstacle à ce qu'il soit placé définitivement en disponibilité d'office entre le 19 janvier 2015 et la date de son admission à la retraite, eu égard à son inaptitude absolue et définitive à toute fonction. En fixant au 1er mars 2016 la date à laquelle le requérant était admis à la retraite, la société Orange a donc entaché d'illégalité la décision du 22 février 2016.
6. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 22 février 2016, en tant qu'elle n'a pas retenu la date du 19 janvier 2015 comme date de mise à la retraite.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. M. B... doit être regardé comme demandant à la Cour d'enjoindre à la société Orange de calculer ses droits à pension de retraite à compter du 19 janvier 2015 et de lui verser les sommes correspondantes. Le présent arrêt, qui ne statue pas sur ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 29 février 2016 lui concédant une pension civile d'invalidité accompagnée d'une rente viagère d'invalidité, n'implique pas cette mesure d'exécution. Ces conclusions ne peuvent donc qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société Orange demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Orange une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Les conclusions de la requête de M. B... tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille du 5 juillet 2018, en tant que celui-ci a statué sur sa demande dirigée contre l'arrêté du 29 février 2016, sont transmises au Conseil d'Etat.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 5 juillet 2018, en tant que celui-ci a statué sur la demande de M. B... dirigée contre la décision du 22 février 2016, et cette décision, en tant qu'elle n'a pas retenu la date du 19 janvier 2015 comme date de mise à la retraite, sont annulés.
Article 3 : La société Orange versera à M. B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à la société anonyme Orange et au ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 22 juin 2021, où siégeaient :
- M. Badie, président,
- M. D..., président assesseur,
- M. Ury, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 juin 2021.
N° 18MA04204 5