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08/12/2020 | FRANCE | N°18MA01674

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 08 décembre 2020, 18MA01674


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision implicite par laquelle le président directeur général de la société Orange a rejeté sa demande tendant à ce qu'il soit nommé au grade de conducteur de travaux des lignes à compter du 1er novembre 1994, après établissement d'une liste d'aptitude ainsi que d'un tableau d'avancement, et de procéder à la reconstitution de sa carrière jusqu'en 2005.

Par un jugement n° 1503541 du 16 février 2018, le tribunal administra

tif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des m...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision implicite par laquelle le président directeur général de la société Orange a rejeté sa demande tendant à ce qu'il soit nommé au grade de conducteur de travaux des lignes à compter du 1er novembre 1994, après établissement d'une liste d'aptitude ainsi que d'un tableau d'avancement, et de procéder à la reconstitution de sa carrière jusqu'en 2005.

Par un jugement n° 1503541 du 16 février 2018, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 16 avril 2018, le 13 septembre 2018, le 27 mars 2019 et le 2 juin 2020, M. D..., représenté par la SELARL Horus Avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 16 février 2018 ;

2°) de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Nice ou, subsidiairement, d'annuler la décision implicite du président directeur général de la société Orange évoquée ci-dessus ;

3°) d'enjoindre à la société Orange, d'une part, de réexaminer rétroactivement ses possibilités de promotion interne au grade de conducteur de travaux des lignes tant au titre des années 1994 à 2004 qu'au titre de l'année 2005 et, d'autre part, de le nommer à ce grade à compter du 1er novembre 1994 ;

4°) de mettre à la charge de la société Orange la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa requête d'appel est recevable et ne se heurte pas à l'autorité de la chose jugée par l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 6 décembre 2016 ;

- le jugement est irrégulier dès lors qu'il n'a pas été répondu à son moyen tiré de ce qu'il appartenait à la société Orange d'établir rétroactivement des listes d'aptitudes ;

- il appartenait à son employeur d'établir rétroactivement des listes d'aptitude ainsi que des tableaux d'avancement au grade de conducteur de travaux des lignes au titre des années 1994 à 2004 ;

- il appartenait à son employeur d'établir rétroactivement des listes d'aptitude ainsi que des tableaux d'avancement à ce même grade au titre de l'année 2005 ;

- le dispositif de promotion interne mis en oeuvre par la société Orange sur le fondement du décret n° 2004-1300 du 26 novembre 2004 méconnaît l'article 26 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, ce décret ainsi que les dispositions statutaires relatives à l'accès au grade de conducteur de travaux des lignes ;

- son employeur était tenu de faire droit à sa demande de nomination à ce grade au 1er novembre 1994 compte tenu de l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du tribunal administratif de Nice du 11 octobre 2011.

Par des mémoires en défense enregistrés les 31 juillet, 12 octobre et 30 novembre 2018, les 7 février, 1er juillet, 22 octobre et 28 novembre 2019, puis les 15 avril et 22 juin 2020, ainsi qu'un mémoire non communiqué enregistré le 17 novembre 2020, la société Orange, représentée par l'AARPI de Guillenchmidt et Associés, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable dès lors que la demande de reconstitution de carrière de M. D... a déjà été rejetée par un arrêt n° 15MA04514 du 6 décembre 2016 ;

- l'autorité de la chose jugée attachée à cet arrêt s'oppose à ce qu'il soit fait droit à la demande de M. D... ;

- les moyens invoqués par M. D... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

la loi n° 83634 du 13 juillet 1983 ;

la loi n° 8416 du 11 janvier 1984 ;

la loi n° 90568 du 2 juillet 1990 ;

- le décret n° 90-1225 du 31 décembre 1990 ;

le décret n° 20041300 du 26 novembre 2004 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- et les conclusions de M. Roux, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., fonctionnaire des postes et télécommunications à compter de 1984, a été promu au grade de contremaître en 1992. L'intéressé, qui a opté pour le maintien dans son corps d'origine en 1993 lors du changement de statut de son employeur, a été admis à faire valoir ses droits à la retraite le 10 mars 2005. Par un jugement devenu définitif du 11 octobre 2011, le tribunal administratif de Nice, faisant droit à la demande de M. D..., a notamment estimé que l'employeur de ce dernier avait commis une faute en refusant de prendre toute mesure de promotion interne en faveur des fonctionnaires dits " reclassés " et que l'Etat avait commis une faute, distincte de celle imputable à France Télécom, en attendant le 26 novembre 2004 pour prendre les décrets organisant les possibilités de promotion interne pour les fonctionnaires issus des corps de " reclassement ". M. D... a, par un courrier du 8 octobre 2013, demandé au président directeur général de la société Orange, venant aux droits de France Telecom, de procéder à la reconstitution de sa carrière à compter du 1er novembre 1994 en le nommant au grade de conducteur de travaux des lignes et de lui verser une indemnité. Par un jugement du 9 octobre 2015, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite refusant de faire droit à sa demande du 8 octobre 2013 et à ce que la société Orange soit condamnée à lui verser les indemnités sollicitées. La cour administrative d'appel de Marseille a, par un arrêt du 6 décembre 2016, devenu définitif, rejeté la requête de M. D... dirigée contre ce jugement. Entre-temps, par une lettre du 23 juin 2015, M. D... a saisi son employeur d'une nouvelle demande, présentée comme complétant celle du 8 octobre 2013, tendant à ce qu'il soit procédé à sa nomination au grade de conducteur de travaux des lignes à compter du 1er novembre 1994, après établissement d'une liste d'aptitude et d'un tableau d'avancement, et à ce qu'il soit procédé à la reconstitution de sa carrière selon les mêmes modalités jusqu'en 2005. M. D... relève appel du jugement du 16 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite refusant de faire droit à cette demande reçue le 24 juin 2015 par son employeur.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Les premiers juges, alors même qu'ils n'ont pas cité l'ensemble des décisions du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, invoquées par M. D..., ont répondu, en se fondant sur le principe de nonrétroactivité des décisions administratives, au moyen tiré de ce que l'illégalité de la décision implicite de son employeur impliquait nécessairement, selon lui, l'établissement rétroactif d'une liste d'aptitude notamment. Par suite, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que le tribunal aurait entaché son jugement d'irrégularité en omettant de répondre à ce moyen.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la reconstitution de carrière de M. D... et sa nomination rétroactive au grade de conducteur de travaux des lignes :

3. Les conclusions de M. D... tendant à la reconstitution de sa carrière à compter du 1er novembre 1994 et à sa nomination rétroactive au grade de conducteur de travaux des lignes sont similaires à celles que la cour administrative d'appel de Marseille a déjà rejetées par son arrêt n° 15MA04514 du 6 décembre 2016 mentionné au point 1, lequel est devenu définitif. Le présent litige, en tant qu'il porte sur ces conclusions, oppose les mêmes parties, est fondé sur la même cause juridique et se rapporte à la même demande que celle qui est à l'origine du litige réglé, sur ce point, par cet arrêt du 6 décembre 2016. Dans ces conditions, l'autorité de la chose jugée, qui s'attache tant aux motifs qu'au dispositif de cet arrêt, s'oppose à ce qu'il soit fait droit à la nouvelle action que M. D... dirige, sur le même fondement, contre la société Orange.

En ce qui concerne l'établissement de listes d'aptitude et de tableaux d'avancement :

4. Les décisions administratives ne peuvent légalement disposer que pour l'avenir. S'agissant des décisions relatives à la carrière des fonctionnaires, l'administration ne peut, en dérogation à cette règle générale, leur conférer une portée rétroactive que dans la mesure nécessaire pour assurer la continuité de la carrière de l'agent intéressé ou procéder à la régularisation de sa situation.

5. En premier lieu, s'agissant de la période de 1994 à 2004, ni le jugement déjà évoqué du tribunal administratif de Nice du 11 octobre 2011, ni d'ailleurs aucune autre décision de justice ou disposition législative, n'impliquent que soient rétroactivement établies des listes d'aptitude et des tableaux d'avancement ou que la carrière de M. D... soit rétroactivement reconstituée. M. D... n'est donc pas fondé à invoquer l'autorité de la chose jugée qui s'attache à ce jugement pour demander l'annulation de la décision de son employeur refusant implicitement d'établir des listes d'aptitude et des tableaux d'avancement au titre des années 1994 à 2004.

6. En second lieu, s'agissant de la période de 2004 à 2005, la société Orange a mis en place, à la suite de la parution du décret visé ci-dessus du 26 novembre 2004, entré en vigueur le 30 novembre 2004, un dispositif de promotion interne à compter de l'année 2004 qui retient comme unique mode de promotion interne la voie du concours. Or, aucune disposition de ce décret, ni aucune disposition du statut particulier du corps des conducteurs de travaux des lignes de France Télécom n'emporte dérogation à l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 selon lequel, outre la promotion par concours, les statuts particuliers doivent prévoir des modalités de promotion interne soit par examen professionnel, soit par liste d'aptitude. Toutefois, l'illégalité entachant le dispositif de promotion interne alors en vigueur n'imposait pas à la société Orange de procéder rétroactivement à l'établissement de listes d'aptitude ou d'organiser des examens professionnels, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une telle mesure serait nécessaire pour assurer la continuité de la carrière de M. D... ou pour régulariser sa situation. Par suite, les conclusions du requérant tendant à l'annulation du refus implicite de son employeur d'établir rétroactivement des listes d'aptitude et des tableaux d'avancement de 2004 à 2005 doivent être rejetées.

7. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la requête, M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 7611 du code de justice administrative doivent être rejetées. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D... la somme que demande la société Orange au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Orange au titre de l'article L. 7611 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et à la société Orange.

Délibéré après l'audience du 24 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Chazan, président,

- Mme B..., présidente assesseure,

- M. C..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 décembre 2020.

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N° 18MA01674


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-13 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme SIMON
Rapporteur ?: M. Raphaël MOURET
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : SELARL HORUS AVOCATS

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Date de la décision : 08/12/2020
Date de l'import : 19/12/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 18MA01674
Numéro NOR : CETATEXT000042659224 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-12-08;18ma01674 ?
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