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15/09/2020 | FRANCE | N°18MA03890

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 15 septembre 2020, 18MA03890


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier :

- sous le n° 1602760, d'annuler l'arrêté du 10 mai 2016 par lequel le maire de Puisserguier s'est opposé à leur déclaration préalable de travaux ;

- sous le n° 1604267, d'annuler l'arrêté du 28 juin 2016 par lequel le maire de Puisserguier s'est opposé à leur déclaration préalable de travaux.

Par le jugement n° 1602760, 1604267 du 26 juin 2018, le tribunal administratif de Montpellier a joint ces deux de

mandes et a annulé ces deux arrêtés du maire de la commune de Puisserguier.

Procédure devant la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier :

- sous le n° 1602760, d'annuler l'arrêté du 10 mai 2016 par lequel le maire de Puisserguier s'est opposé à leur déclaration préalable de travaux ;

- sous le n° 1604267, d'annuler l'arrêté du 28 juin 2016 par lequel le maire de Puisserguier s'est opposé à leur déclaration préalable de travaux.

Par le jugement n° 1602760, 1604267 du 26 juin 2018, le tribunal administratif de Montpellier a joint ces deux demandes et a annulé ces deux arrêtés du maire de la commune de Puisserguier.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 13 août 2018, la commune de Puisserguier, représentée par la SCP d'avocats CGCB, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 26 juin 2018 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) de rejeter les demandes des époux A... ;

3°) de mettre à la charge solidaire des époux A... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'illégalité d'un des trois motifs de la décision en litige ne peut fonder à elle seule l'annulation de cette décision ;

- le second motif tiré de ce que la construction existante n'était pas conforme à la règle d'urbanisme en vigueur et que les travaux projetés n'avaient pas pour objet de rendre la construction plus conforme peut fonder légalement la décision en litige ;

- les travaux en cause exigeaient le dépôt d'une déclaration de travaux, comme l'a jugé la cour d'appel de Montpellier dans son arrêt définitif du 5 avril 2016 revêtu de l'autorité de la chose jugée ;

- ces travaux ne sont pas de simples travaux d'entretien ;

- le troisième motif, non contesté par les pétitionnaires, tiré de ce que les travaux en cause ne régularisent pas cette non-conformité, peut à lui seul fonder aussi la décision en litige.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 octobre 2018, les époux A..., représentés par la SCP d'avocats Dillenschneider, concluent au rejet de la requête et que soit mise à la charge de la commune de Puisserguier la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me D... représentant la commune de Puisserguier.

Considérant ce qui suit :

1. Les époux A... ont réalisé sans autorisation des travaux de rénovation d'un bâtiment ancien situé sur la parcelle cadastrée section A n° 204, classée en zone agricole par le plan local d'urbanisme de la commune de Puisserguier et en zone rouge du plan de prévention des risques de la commune approuvé le 15 avril 2009. Le 5 juillet 2012, un procès-verbal d'infraction a été dressé au motif que les travaux entrepris, qui consistaient en un changement de toutes les huisseries et en la reprise des linteaux, la création d'un plafond avec poutres servant de plancher, la pose d'un conduit pour l'évacuation des eaux usées, la pose de carrelage et d'un WC, avaient pour objet de modifier la destination de ce bâtiment agricole pour le transformer en logement, sans avoir obtenu d'autorisation d'urbanisme, et en méconnaissance des dispositions du plan local d'urbanisme et de celles du plan de prévention des risques et des inondations. L'arrêté interruptif de travaux du 6 septembre 2012 pris par le maire agissant au nom de l'Etat, en application de l'article L. 480-2 du code de l'urbanisme, a été annulé par l'arrêt n° 14MA02095 du 29 janvier 2016 de la cour administrative d'appel de Marseille, confirmé par la décision n° 398360 du 8 février 2017 du Conseil d'Etat, au motif que le bâtiment sur lequel M. et Mme A... avaient entrepris des travaux était déjà affecté précédemment à l'habitation compte tenu de ses caractéristiques propres. Parallèlement, par arrêt définitif du 5 avril 2016, la Cour d'appel de Montpellier a estimé que la matérialité de l'infraction d'exécution irrégulière par les époux A... de travaux soumis à déclaration préalable était établie. Les époux A..., afin de régulariser ces travaux reconnus illicites par le juge pénal, ont déposé deux déclarations de travaux, qui ont donné lieu les 10 mai 2016 et 28 juin 2016, aux deux arrêtés d'opposition à déclaration préalable en litige du maire de Puisserguier. Le tribunal administratif de Montpellier saisi par les époux A... a annulé ces deux arrêtés. La commune de Puisserguier relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 421-17 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable: " Doivent être précédés d'une déclaration préalable lorsqu'ils ne sont pas soumis à permis de construire en application des articles R*421-14 à *R. 421-16 les travaux exécutés sur des constructions existantes, à l'exception des travaux d'entretien ou de réparations ordinaires, et les changements de destination des constructions existantes suivants :a) Les travaux ayant pour effet de modifier l'aspect extérieur d'un bâtiment existant, à l'exception des travaux de ravalement (...) ".

3. Les travaux dont la régularisation est demandée consistent notamment en un changement de toutes les huisseries de bois en PVC, de nature à modifier l'aspect extérieur du bâtiment des époux A... et exigeaient donc, contrairement à ce que ces derniers soutiennent, d'être précédés d'une déclaration préalable.

4. Pour annuler les deux arrêtés en litige du maire, les premiers juges ont estimé que l'un des motifs communs aux deux décisions en litige, tiré de ce que les travaux en cause emportaient changement de destination d'un bâtiment agricole en maison d'habitation qui entrait ainsi dans le champ du permis de construire, était déterminant et que les travaux en cause ne pouvaient être regardés comme ayant pour objet un changement de destination de la construction existante.

En ce qui concerne l'arrêté du 10 mai 2016 du maire :

5. Pour s'opposer aux travaux déclarés le 15 avril 2016 par les époux A..., le maire de Puisserguier s'est fondé sur deux motifs tirés de ce que, d'une part, les travaux en cause emportaient changement de destination d'un bâtiment agricole en maison d'habitation et exigeraient ainsi l'obtention d'un permis de construire, d'autre part, que les travaux en cause portaient sur une construction existante non conforme aux articles A1 et A2 de la zone agricole du plan local d'urbanisme de la commune approuvé le 5 février 2013, qu'ils ne rendaient pas cette construction plus conforme et qu'ils n'étaient pas étrangers aux règles méconnues.

6. En premier lieu, ainsi que l'a jugé le Conseil d'Etat dans sa décision définitive du 8 février 2017, le bâtiment objet des travaux en litige étant déjà affecté à un usage d'habitation, le premier motif de la décision en litige tiré de ce que les travaux en cause emporteraient changement de destination d'un bâtiment agricole en maison d'habitation ne pouvait fonder légalement l'arrêté du 10 mai 2016 en litige.

7. En second lieu, la circonstance qu'une construction existante n'est pas conforme à une ou plusieurs dispositions d'un plan local d'urbanisme régulièrement approuvé ne s'oppose pas, en l'absence de dispositions de ce plan spécialement applicables à la modification des immeubles existants, à la délivrance ultérieure d'un permis de construire s'il s'agit de travaux qui, ou bien doivent rendre l'immeuble plus conforme aux dispositions réglementaires méconnues, ou bien sont étrangers à ces dispositions.

8. L'article A1 du règlement du PLU de la commune de Puisserguier interdit toutes occupation et utilisation nouvelle autre que celles admises sous conditions à l'article A2. L'article A2 de ce règlement autorise notamment les constructions à usage d'habitation nécessaires au logement des exploitants agricoles ou de leur personnel dans la limite d'une surface de plancher de 200 m² par exploitation. Il n'est pas établi, ni même allégué que la construction à usage d'habitation existante était nécessaire au logement d'un exploitant agricole. Il est constant que les époux A... ne sont pas exploitants agricoles. Les travaux dont la régularisation est demandée consistent en un changement de toutes les huisseries de bois en PVC, et en la reprise des linteaux, en la création d'un plafond avec poutres servant de plancher, en la pose d'un conduit pour l'évacuation des eaux usées et en la pose de carrelage et d'un WC sur une construction existante déjà à usage d'habitation. S'ils ne rendent pas cette construction plus conforme aux exigences de l'article A2 du règlement du PLU, ils sont cependant étrangers à la règle méconnue de constructions à usage d'habitation nécessaires au logement des exploitants agricoles dans cette zone, alors même que ces travaux auraient pour effet d'améliorer le confort d'habitation de personnes ne présentant pas la qualité d'agriculteur. Par suite, le maire ne pouvait pas s'opposer à cette déclaration préalable, ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges.

En ce qui concerne l'arrêté du 28 juin 2016 du maire :

9. Pour s'opposer aux travaux déclarés le 3 juin 2016 par les époux A..., le maire de Puisserguier s'est fondé sur deux motifs tirés de ce que, d'une part, les travaux en cause emportaient changement de destination d'un bâtiment agricole en maison d'habitation et exigeraient ainsi l'obtention d'un permis de construire, d'autre part, que les travaux en cause portaient sur une construction existante non conforme aux articles A1, A2 et A4 de la zone agricole du plan local d'urbanisme de la commune, ne rendaient pas cette construction plus conforme et n'étaient pas étrangers aux règles méconnues

10. L'article A4 du règlement de ce PLU exige que les constructions nécessitant une alimentation en eau potable soient raccordées au réseau public d'eau potable et que toute construction nécessitant un équipement sanitaire comporte un dispositif non collectif de traitement et d'évacuation des eaux usées. Il est constant que la maison des époux A... n'est pas desservie en eau potable et ne comporte pas de dispositif non collectif de traitement et d'évacuation des eaux usées.

11. L'autorité de la chose jugée au pénal s'impose aux autorités et juridictions administratives en ce qui concerne les constatations de fait que les juges répressifs ont retenues et qui sont le support nécessaire à leurs décisions. La Cour d'appel de Montpellier dans son arrêt définitif du 5 avril 2016 mentionne notamment parmi les travaux en litige, à l'étage de la maison, la pose d'un " WC en cours d'installation " et la création d'une salle de bain avec une cabine de douche. Ces travaux ne rendent pas la construction plus conforme à la règle imposant un équipement sanitaire comportant un dispositif non collectif de traitement et d'évacuation des eaux usées et ne sont pas étrangers à cette règle, ce que ne contestent d'ailleurs pas les époux A.... Par suite, le maire a pu légalement s'opposer à la déclaration préalable des époux A... au motif que ces travaux méconnaissaient l'article A4 du règlement du PLU de la commune. Il résulte de l'instruction que le maire aurait pris la même décision s'il n'avait retenu que ce motif de nature à justifier à lui seul la décision en litige du 28 juin 2016.

12. Il résulte de ce qui précède que la commune de Puisserguier n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 10 mai 2016 du maire. Elle est en revanche fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé l'arrêté du 28 juin 2016 du maire de la commune.

Sur les frais liés au litige :

13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à charge d'une partie à verser à l'autre une quelconque somme au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 26 juin 2018 du tribunal administratif de Montpellier est annulé en tant qu'il a annulé l'arrêté du 28 juin 2016 du maire de la commune de Puisserguier.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la commune de Puisserguier est rejeté.

Article 3 : Les conclusions présentées par les époux A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Puisserguier et à M. et Mme C... A....

Délibéré après l'audience du 1er septembre 2020, où siégeaient :

- Mme B..., présidente assesseure, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme E..., première conseillère,

- M. Mouret, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 septembre 2020.

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N° 18MA03890


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA03890
Date de la décision : 15/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-04-045-02 Urbanisme et aménagement du territoire. Autorisations d`utilisation des sols diverses. Régimes de déclaration préalable. Déclaration de travaux exemptés de permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIMON
Rapporteur ?: Mme Marie-Claude CARASSIC
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS CGCB et ASSOCIES MONTPELLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 26/09/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-09-15;18ma03890 ?
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