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29/01/2016 | FRANCE | N°14MA02095

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre - formation à 3, 29 janvier 2016, 14MA02095


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C... B...ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 6 septembre 2012 par lequel le maire de la commune de Puisserguier, agissant au nom de l'Etat, les a mis en demeure d'interrompre des travaux de construction entrepris sur le terrain, constitué des parcelles cadastrées section A n° 204,284, 286 et 288, situé chemin de Poilhes, à Puisserguier.

Par un jugement n° 1205165 du 27 février 2014, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande. r>
Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 15 mai 2014, M. et ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C... B...ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 6 septembre 2012 par lequel le maire de la commune de Puisserguier, agissant au nom de l'Etat, les a mis en demeure d'interrompre des travaux de construction entrepris sur le terrain, constitué des parcelles cadastrées section A n° 204,284, 286 et 288, situé chemin de Poilhes, à Puisserguier.

Par un jugement n° 1205165 du 27 février 2014, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 15 mai 2014, M. et Mme B..., représentés par la SCP d'avocats MarijonE..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 27 février 2014 ;

2°) d'annuler l'arrêté interruptif de travaux du 6 septembre 2012 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 300 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, à verser à MeE..., sous réserve qu'elle renonce à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, ainsi que les dépens.

Ils soutiennent que :

- les travaux qu'ils ont entrepris n'étaient pas soumis à permis de construire, car ils n'entraînent pas de changement de destination d'une construction, qui était déjà à usage d'habitation ;

- en outre, les travaux n'affectaient pas la superficie ou l'aspect extérieur de la bâtisse ;

- le juge répressif a estimé que les travaux n'entraînaient pas de changement de destination du bâtiment.

Par un courrier du 16 septembre 2015, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, de la date à partir de laquelle la clôture de l'instruction sera susceptible d'être prononcée et de la date prévisionnelle de l'audience.

Par un mémoire, enregistré le 13 octobre 2015, la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité a conclu au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- le bâtiment sur lequel ont été effectués les travaux en litige n'avait pas de destination d'habitation, de sorte que sa destination a été modifiée ;

- les travaux ont eu pour effet de modifier la façade du bâtiment car des menuiseries neuves en PVC ont été posées, une nouvelle fenêtre a été créée à l'étage et les linteaux des encadrements ont été modifiés ;

- les travaux étaient, dans ces conditions, soumis à permis de construire ;

- en outre, des travaux non autorisés et qui méconnaissent les dispositions d'un plan de prévention des risques naturels peuvent faire l'objet d'un arrêté interruptif de travaux ; en l'occurrence, les quatre parcelles des requérants sont classées en zone inondable d'aléa très fort, dite de danger.

Une ordonnance du 5 novembre 2015 a fixé la clôture de l'instruction à la date de son émission, en application des dispositions des articles R. 613-1 et R. 611-11-1 du code de justice administrative.

Les époux B...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle, à hauteur de 55%, par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Marseille du 16 avril 2014.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Portail,

- et les conclusions de M. Roux, rapporteur public.

1. Considérant que les époux B...ont acquis, le 28 juillet 2008, quatre parcelles cadastrées section A n° 204, 284, 286,288, situées au lieu-dit chemin de Poilhes, sur le territoire de la commune de Puisserguier ; qu'ils ont entrepris de restaurer une construction située sur la parcelle cadastrée section A n° 204 ; que, par arrêté du 6 septembre 2012, le maire de la commune de Puisserguier, agissant au nom de l'Etat, a ordonné l'interruption des travaux, au motif qu'ils consistent à changer la destination de ce bâtiment, pour le rendre à usage d'habitation, sans autorisation d'urbanisme ; que par un jugement du 27 février 2014, dont les requérants relèvent appel, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

2. Considérant, d'une part, que l'article R. 421-14 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée, dispose : " Sont soumis à permis de construire les travaux suivants, exécutés sur des constructions existantes, à l'exception des travaux d'entretien ou de réparations ordinaires (...)c) Les travaux ayant pour effet de modifier les structures porteuses ou la façade du bâtiment, lorsque ces travaux s'accompagnent d'un changement de destination entre les différentes destinations définies à l'article R. 123-9 (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 421-17 du même code : " Doivent être précédés d'une déclaration préalable lorsqu'ils ne sont pas soumis à permis de construire en application des articles R. 421-14 à R. 421-16, les travaux exécutés sur des constructions existantes, à l'exception des travaux d'entretien ou de réparations ordinaires, et les changements de destination des constructions existantes suivants : a) Les travaux de ravalement et les travaux ayant pour effet de modifier l'aspect extérieur d'un bâtiment existant ; b) Les changements de destination d'un bâtiment existant entre les différentes destinations définies à l'article R. 123-9(...) " ; qu'aux termes de l'article R. 123-9 dudit code : " Les règles édictées dans le présent article peuvent être différentes, dans une même zone, selon que les constructions sont destinées à l'habitation, à l'hébergement hôtelier, aux bureaux, au commerce, à l'artisanat, à l'industrie, à l'exploitation agricole ou forestière ou à la fonction d'entrepôt. En outre, des règles particulières peuvent être applicables aux constructions et installations nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif(...) " ;

3. Considérant, d'autre part, que l'article L. 480-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée, dispose : " Dès qu'un procès-verbal relevant l'une des infractions prévues à l'article L. 480-4 a été dressé, le maire peut également, si l'autorité judiciaire ne s'est pas encore prononcée, ordonner par arrêté motivé l'interruption des travaux. Copie de cet arrêté est transmise sans délai au ministère public(...) " ; qu'aux termes de l'article L. 480-4 du même code : " Le fait d'exécuter des travaux mentionnés aux articles L. 421-1 à L. 421-5 en méconnaissance des obligations imposées par les titres Ier à VII du présent livre et les règlements pris pour leur application ou en méconnaissance des prescriptions imposées par un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou par la décision prise sur une déclaration préalable est puni d'une amende comprise entre 1 200 euros et un montant qui ne peut excéder, soit, dans le cas de construction d'une surface de plancher, une somme égale à 6000 euros par mètre carré de surface construite, démolie ou rendue inutilisable au sens de l'article L. 430-2, soit, dans les autres cas, un montant de 300 000 euros. En cas de récidive, outre la peine d'amende ainsi définie un emprisonnement de six mois pourra être prononcé(...) " ;

4. Considérant que la construction située sur la parcelle section A n° 204, que les requérants ont entrepris de restaurer, a été réalisée en pierre sèche d'extraction locale ; que sa superficie est d'environ 50 m² ; qu'elle comporte un étage avec une fenêtre ; qu'il résulte du procès-verbal de constat, dressé le 18 juin 2012 par la SCP d'huissiers de justice F. Appe-JF Roperch, que les gonds anciens et accroches-volets de cette fenêtre sont encore visibles ; que le bâtiment comporte un conduit de cheminée ; qu'eu égard à ces éléments, et aux caractéristiques architecturales du bâtiment, et alors même que la procuration donnée le 11 mars 2008 à l'étude de Me D... pour la vente de cette parcelle fait état d'un " bâtiment rural en mauvais état avec terrain attenant ", et que le terrain d'assiette du bâtiment est situé au milieu d'une vaste zone agricole, il ressort des pièces du dossier que ce bâtiment a été affecté précédemment à l'habitation ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que cette destination ait été modifiée avant les travaux entrepris par les épouxB... ; que ceux-ci sont dès lors fondés à soutenir que c'est à tort que, pour ordonner l'interruption des travaux qu'ils ont entrepris, le maire de la commune de Puisserguier s'est fondé sur le fait que ces travaux entraînaient la transformation d'un bâtiment à destination agricole en maison d'habitation ;

5. Considérant, toutefois, que l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision ; qu'il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif ; que dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué ;

6. Considérant, d'une part, que la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité fait valoir que l'arrêté interruptif de travaux est légalement justifié par la situation des parcelles propriété des époux B...en zone rouge du plan de prévention des risques naturels d'inondation bassin versant du Lirou, approuvé par arrêté du préfet de l'Hérault du 15 avril 2009 ; que, toutefois, et en tout état de cause, il ne résulte pas de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif ; qu'en effet, il ressort des dispositions du règlement dudit plan de prévention des risques d'inondation applicable en zone rouge qu'y sont autorisées les modifications de constructions sous réserve de ne pas créer de logements supplémentaires ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 5, les travaux entrepris par les époux B...portent sur un bâtiment, qui était déjà à destination d'habitation quand les intéressés en ont fait l'acquisition, et n'entraînent pas la création de logements supplémentaires ;

7. Considérant, d'autre part, que si, en première instance, la commune de Puisserguier a demandé qu'au motif erroné de la décision attaquée soit substitué un motif tiré de ce que les travaux litigieux auraient dû être précédés d'une déclaration de travaux en application des dispositions de l'article R. 421-17 du code de l'urbanisme, il n'y a pas lieu de procéder à une telle substitution de motifs qui ne peut être demandée au juge de l'excès de pouvoir que par l'administration auteur de la décision attaquée, laquelle est, en l'espèce, l'autorité étatique et non le maire, agissant au nom de la commune ;

8. Considérant, pour l'application des dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, qu'aucun des autres moyens invoqués par M. et Mme B... ne sont de nature, en l'état de l'instruction, à justifier également l'annulation de l'arrêté contesté ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les époux B...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande et qu'ils sont, dès lors, fondés à demander l'annulation de ce jugement ainsi que de l'arrêté interruptif de travaux du 6 septembre 2012 ;

Sur les frais non compris dans les dépens :

10. Considérant qu'il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 300 euros, à verser à MeE..., sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 27 février 2014 et l'arrêté du maire de la commune de Puisserguier, agissant au nom de l'Etat, en date du 6 septembre 2012 sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera 1 300 (mille trois cents) euros à Me E...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C...B..., à la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité et à Me A...E....

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault et à la commune de Puisserguier.

Délibéré après l'audience du 8 janvier 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Buccafurri, présidente,

- M. Portail, président-assesseur,

- M. Argoud, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 29 janvier 2016.

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N° 14MA02095


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA02095
Date de la décision : 29/01/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-05-02 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Contrôle des travaux. Interruption des travaux.


Composition du Tribunal
Président : Mme BUCCAFURRI
Rapporteur ?: M. Philippe PORTAIL
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : SCP MARIJON DILLENSCHNEIDER

Origine de la décision
Date de l'import : 10/02/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-01-29;14ma02095 ?
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