Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association francophonie avenir a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du maire de la commune du Grau-du-Roi du 2 février 2016 refusant de supprimer la dénomination " Let's Grau " sur l'ensemble des supports publicitaires sur lesquels elle figure.
Par un jugement n° 1601521 du 16 mars 2018, le tribunal administratif de Nîmes a annulé cette décision.
Par un arrêt n° 18MA02080, la cour administrative d'appel de Marseille a fait droit à la demande de sursis à exécution de ce jugement présentée par la commune dans l'attente de la décision d'appel au fond.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 7 mai 2018, et un mémoire non communiqué du 19 février 2019, la commune du Grau-du-Roi, représentée par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 16 mars 2018 ;
2°) de mettre à la charge de l'association francophonie avenir la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande à fin d'annulation de la décision attaquée de l'association francophonie avenir est irrecevable en ce que l'association ne justifie pas d'un intérêt lui donnant qualité pour agir ;
- la requête de l'association francophonie avenir est irrecevable en ce qu'aucune décision implicite de rejet n'a été prise et que le recours, introduit le 11 mai 2016, est tardif eu égard à la décision du 2 février 2016 ;
- les premiers juges étaient incompétents pour juger de l'existence d'une traduction possible de la dénomination " Let's Grau " conformément aux dispositions du décret n° 96-602 du 3 juillet 1996 relatif à l'enrichissement de la langue française ;
- les premiers juges ont commis une erreur en ce qu'il n'existe pas d'expression ou de terme français de même sens que la dénomination " Let's Grau ".
Par des mémoires en défense, enregistrés le 8 juin 2018 et 21 février 2019, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, l'association francophonie avenir, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune du Grau-du-Roi une somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle demande également à ce que l'article 1er du dispositif du jugement du tribunal administratif de Nîmes, qui est entaché d'une erreur matérielle, soit corrigé et que les termes " mention anglaise du logotype de l'université " soient remplacés par ceux de " la marque " Let's Grau " ".
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution du 4 octobre 1958 et notamment son article 2 ;
- la loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française ;
- le décret n° 96-602 du 3 juillet 1996 relatif à l'enrichissement de la langue française ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marcovici,
- les conclusions de M. Revert, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant la commune du Grau-du-Roi, et de Me B..., représentant l'association francophonie avenir.
Considérant ce qui suit :
1. L'association francophonie avenir a demandé au maire de la commune du Grau-du-Roi de supprimer la dénomination " Let's Grau ", marque ombrelle associant un verbe de langue anglaise au patronyme de la commune et ayant " vocation à communiquer sur l'offre événementielle et touristique de la cité balnéaire ". Par une décision du 2 février 2016, le maire a rejeté cette demande. La commune du Grau-du-Roi relève appel du jugement du 16 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a annulé cette décision et lui a enjoint de procéder au retrait de la dénomination " Let's Grau " sur l'ensemble des supports sur lesquels elle figure dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande de première instance :
Sur le bien-fondé du jugement :
2. L'article 2 de la Constitution du 4 octobre 1958 dispose que : " La langue de la République est le français ". Il résulte de ces dispositions que l'usage du français s'impose aux personnes morales de droit public et aux personnes de droit privé dans l'exercice d'une mission de service public. Aux termes de l'article 1 de la loi du 4 août 1994 : " Langue de la République en vertu de la Constitution, la langue française est un élément fondamental de la personnalité et du patrimoine de la France. Elle est la langue de l'enseignement, du travail, des échanges et des services publics. Elle est le lien privilégié des Etats constituant la communauté de la francophonie. ". Aux termes de son article 2, la même loi prévoit que : " Dans la désignation, l'offre, la présentation, le mode d'emploi ou d'utilisation, la description de l'étendue et des conditions de garantie d'un bien, d'un produit ou d'un service, ainsi que dans les factures et quittances, l'emploi de la langue française est obligatoire. Les mêmes dispositions s'appliquent à toute publicité écrite, parlée ou audiovisuelle. Les dispositions du présent article ne sont pas applicables à la dénomination des produits typiques et spécialités d'appellation étrangère connus du plus large public. La législation sur les marques ne fait pas obstacle à l'application des premiers et troisièmes alinéas du présent article aux mentions et messages enregistrés avec la marque. " et aux termes de son article 3 : " Toute inscription ou annonce apposée ou faite sur la voie publique, dans un lieu ouvert au public ou dans un moyen de transport en commun et destinée à l'information du public doit être formulée en langue française. ... ". Enfin, aux termes de l'article 14 de la loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française : " I. L'emploi d'une marque de fabrique, de commerce ou de service constituée d'une expression ou d'un terme étrangers est interdit aux personnes morales de droit public dès lors qu'il existe une expression ou un terme français de même sens approuvés dans les conditions prévues par les dispositions réglementaires relatives à l'enrichissement de la langue française. Cette interdiction s'applique aux personnes morales de droit privé chargées d'une mission de service public, dans l'exécution de celle-ci. ". A ce titre, le décret n°96-602 du 3 juillet 1996 relatif à l'enrichissement de la langue française prévoit ainsi les conditions dans lesquelles la commission d'enrichissement de la langue française adopte une liste de termes et expressions qui sont publiés au journal officiel et sont obligatoirement utilisés à la place des termes et expressions équivalents en langue étrangère.
3. La marque " Let's Grau ", qui a été enregistrée auprès de l'INPI le 2 mars 2016, est utilisée par les structures touristiques communales du Grau-du-Roi par l'intermédiaire de la société d'économie mixte " Le Grau-du-Roi Développement ". Elle est également apposée sur les outils de communication évènementielle de la commune en complément de son logo. Cette marque présente donc une dimension publicitaire. Mais elle est également un slogan qui fait référence à l'expression anglaise " let's go ", qui a la nature d'un calembour, et qui joue sur l'utilisation presque homophonique du nom de la commune. En ce sens, il ne dispose pas d'équivalent en langue française. Il en résulte que la décision de refus qui a été opposée par la commune à la demande de l'association ne méconnait pas les dispositions précitées de l'article 14 de la loi n° 94-665 du 4 août 1994, ni d'ailleurs l'article 2 de la Constitution.
4. Il s'ensuit que la commune du Grau-du-Roi est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a annulé la décision du maire du 2 février 2016.
5. Il résulte de tout ce qui précède, l'effet dévolutif de l'appel ne conduisant à examiner aucun autre moyen, que la commune du Grau-du-Roi est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a annulé sa décision du 2 février 2016.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par l'association francophonie avenir ne peuvent qu'être rejetées, la commune du Grau-du-Roi n'ayant pas la qualité de partie perdante à l'instance. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de l'association francophonie avenir la somme de 1 000 euros à verser à la commune du Grau-du-Roi.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1601521 du 16 mars 2018 du tribunal administratif de Nîmes est annulé.
Article 2 : Les conclusions de première instance et d'appel de l'association francophonie avenir sont rejetées.
Article 3 : L'association francophonie avenir versera une somme de 1 000 (mille) euros à la commune du Grau-du-Roi sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié à la commune du Grau-du-Roi et à l'association francophonie avenir.
Copie en sera adressée au préfet du Gard.
Délibéré après l'audience du 25 février 2019, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président-assesseur,
- M. Pecchioli, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 mars 2019.
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N° 18MA02081