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09/07/2018 | FRANCE | N°18MA02080

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 09 juillet 2018, 18MA02080


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Francophonie et Avenir a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du maire de la commune du Grau-du-Roi refusant de supprimer la dénomination " Let's Grau ", d'enjoindre au maire de respecter les dispositions des articles 1, 2 et 14 de la loi 94-665 du 4 août 1994 et de condamner la commune du Grau-du-Roi à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice moral et la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
>Par un jugement n° 1601521 du 16 mars 2018, le tribunal administratif de Nî...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Francophonie et Avenir a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du maire de la commune du Grau-du-Roi refusant de supprimer la dénomination " Let's Grau ", d'enjoindre au maire de respecter les dispositions des articles 1, 2 et 14 de la loi 94-665 du 4 août 1994 et de condamner la commune du Grau-du-Roi à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice moral et la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1601521 du 16 mars 2018, le tribunal administratif de Nîmes a annulé cette décision.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 7 mai 2018, le 31 mai 2018, et 20 juin 2018, la commune du Grau-du-Roi, représentée par MeA..., demande à la Cour :

1°) de prononcer le sursis à exécution de ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 16 mars 2018 ;

2°) de mettre à la charge de l'association Francophonie et Avenir une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à verser à la commune.

Elle soutient que :

- l'association n'a pas d'intérêt pour agir ;

- aucune décision n'a été prise ;

- la commune n'a pas méconnu la loi du 4 août 1994, telle que précisée par le décret du 3 juillet 1996 ;

- le tribunal a commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 30 mai 2018 et le 8 juin 2018, l'association Francophonie et Avenir, représentée par Me B...conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune du Grau-du-Roi une somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable faute de recours au fond joint à la requête ;

- les moyens que la commune soulève sont nouveaux ;

- les moyens soulevés par la commune du Grau-du-Roi ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution du 4 octobre 1958 et notamment son article 2 ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 94-665 du 4 août 1994;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marcovici,

- les conclusions de M. Revert, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant la commune du Grau-du-Roi, et de Me B..., représentant l'association Francophonie et Avenir.

Considérant ce qui suit :

1. L'association Francophonie et Avenir a demandé par un courrier du 11 janvier 2016 au maire de la commune du Grau-du-Roi de supprimer la dénomination " Let's Grau ", marque ombrelle associant un verbe de langue anglaise au patronyme de la commune et ayant " vocation à communiquer sur l'offre événementielle et touristique de la cité balnéaire ". Elle doit être regardée comme ayant demandé l'annulation de la décision du 2 février 2016, qu'elle a communiquée en première instance, refusant d'accéder à sa demande. Par jugement du 16 mars 2018, le tribunal administratif de Nîmes a fait droit à cette demande d'annulation et à fin d'injonction. La commune du Grau-du-Roi demande à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.

2. Aux termes de l'article R. 811-15 du code de justice administrative : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement ".

3. L'association Francophonie et Avenir soutient que la commune n'a pas joint à sa demande fondée sur les dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative la copie du recours au fond comme prévu par les dispositions de l'article R. 811-17-1 du même code. Mais la commune du Grau-du-Roi a communiqué à la Cour copie de ce recours. Elle a ainsi pu régulariser sa requête, contrairement aux affirmations de l'association. Elle est par ailleurs recevable à invoquer à l'encontre du jugement attaqué toutes fins de non recevoir et tout moyen au fond.

4. L'article 2 de la Constitution du 4 octobre 1958 dispose que : " La langue de la République est le français ". Il résulte de ces dispositions que l'usage du français s'impose aux personnes morales de droit public et aux personnes de droit privé dans l'exercice d'une mission de service public. Aux termes de l'article 2 de la loi du 4 août 1994, l'emploi du français est obligatoire dans la désignation des biens, produits et services commercialisés sur le territoire français. Cet article précise que les mêmes dispositions s'appliquent à toute publicité écrite, parlée ou audiovisuelle. Aux termes de l'article 14 du même texte : " L'emploi d'une marque de fabrique, de commerce ou de service constituée d'une expression ou d'un terme étranger est interdit aux personnes morales de droit public dès lors qu'il existe une expression ou un terme français de même sens approuvés dans les conditions prévues par les dispositions réglementaires relatives à l'enrichissement de la langue française. (...). ".

5. La marque " Let's Grau " est utilisée par les structures touristiques communales du Grau-du-Roi, par l'intermédiaire de la société d'économie mixte " Le Grau-du-Roi Développement ". Elle est également apposée sur les outils de communication évènementielle de la commune en complément de son logo. Cette marque présente donc une dimension publicitaire. Elle a été enregistrée le 2 mars 2016 auprès de l'INPI. Cette marque est également un slogan qui fait référence à l'expression anglaise " let's go ". Il a la nature d'un calembour, qui joue sur l'utilisation presque homophonique du nom de la commune, et qui ne dispose pas d'équivalent en langue française. Pour ce motif, son utilisation ne méconnait pas les dispositions précitées de la loi du 4 août 1994. Le moyen d'erreur de droit soulevé par la commune paraît donc en l'état de l'instruction sérieux et de nature à justifier outre l'annulation du jugement, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par le jugement.

6. Aucun autre moyen invoqué en première instance ou en appel ne paraît, en l'état de l'instruction, de nature à confirmer l'annulation de la décision attaquée.

7. Il résulte de ce qui précède que la commune du Grau-du-Roi est fondée à demander à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du 16 mars 2018.

8. La commune du Grau-du-Roi n'a pas la qualité de partie perdante à l'instance. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de l'association Francophonie et Avenir fondées sur ces dispositions. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'association une somme de 1 000 euros à verser à la commune au titre de ces dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : Il est sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Nîmes du 16 mars 2018 jusqu'à ce que la Cour statue sur la requête de la commune du Grau-du-Roi.

Article 2 : Les conclusions de l'association Francophonie et Avenir fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. L'association Francophonie et Avenir versera une somme de 1 000 euros à la commune du Grau-du-Roi au titre de ces dispositions.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Francophonie et Avenir et à la commune du Grau-du-Roi.

Copie en sera adressée au préfet du Gard.

Délibéré après l'audience du 25 juin 2018, où siégeaient :

- M. Macovici, président,

- Mme Hameline, premier conseiller,

- Mme Marchessaux, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 juillet 2018.

2

N° 18MA02080


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18MA02080
Date de la décision : 09/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Appréciation de légalité

Analyses

Arts et lettres - Usage de la langue française.

Procédure - Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Laurent MARCOVICI
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : SCP VINSONNEAU-PALIES NOY GAUER et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-07-09;18ma02080 ?
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