La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/02/2019 | FRANCE | N°17MA00337

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre - formation à 3, 28 février 2019, 17MA00337


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat des copropriétaires de la résidence " Le Central Park " a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 22 septembre 2014 du maire de la commune de Péone accordant, au nom de l'État, à la société d'économie mixte (SEM) Habitat 06, un permis de construire un ensemble immobilier mixte comportant des locaux à usage d'habitation et de commerces et des places de stationnement automobiles sur un terrain situé rue du Mont Mounier sur le territoire communal et la décision implici

te de rejet de son recours gracieux du 19 novembre 2016 tendant au retrait d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat des copropriétaires de la résidence " Le Central Park " a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 22 septembre 2014 du maire de la commune de Péone accordant, au nom de l'État, à la société d'économie mixte (SEM) Habitat 06, un permis de construire un ensemble immobilier mixte comportant des locaux à usage d'habitation et de commerces et des places de stationnement automobiles sur un terrain situé rue du Mont Mounier sur le territoire communal et la décision implicite de rejet de son recours gracieux du 19 novembre 2016 tendant au retrait de cet arrêté.

Par un jugement n° 1501024 du 1er décembre 2016, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistré le 24 janvier 2017, le 22 décembre 2017 et le 5 janvier 2018, le syndicat des copropriétaires de la résidence " Le Central Park ", représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice 1er décembre 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 22 septembre 2014 portant délivrance d'un permis de construire à la société d'économie mixte (SEM) Habitat 06 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Péone et de la SEM Habitat 06 la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa requête d'appel est recevable ;

- il a intérêt à agir dès lors que la copropriété doit être regardée comme immédiatement voisine du projet litigieux ;

- il justifie de l'autorisation d'ester en justice ;

- le permis de construire en litige méconnaît les dispositions des articles R. 111-2 et R. 111-5 du code de l'urbanisme en raison du risque de mouvement de terrain affectant cette parcelle et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- le permis de construire en litige méconnaît les dispositions des articles R. 111-2 et R. 111-5 du code de l'urbanisme en raison des risques qui en résulteront pour la circulation routière affectant cette parcelle et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- le projet en litige méconnaît les dispositions du e) de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme relatives à l'attestation établie par l'architecte du projet ou par un expert de réalisation d'une étude préalable permettant de déterminer les conditions de réalisation, d'utilisation ou d'exploitation d'un projet de construction situé dans le périmètre d'un plan de prévention des risques naturels prévisibles ;

- le nombre de places de stationnement automobile prévu par le projet est insuffisant ;

- le projet méconnaît les dispositions de l'article R. 431-13 du code de l'urbanisme dès lors que le terrain d'assiette relève du domaine public de la commune et n'a pas été déclassé ;

- le propriétaire du tréfonds du terrain d'assiette n'a pas autorisé le projet en litige en méconnaissance des dispositions de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 novembre 2017, la société d'économie mixte (SEM) Habitat 06, représentée par Me E..., demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer par application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme pour permettre la régularisation d'éventuels vices par un permis modificatif ;

3°) de mettre à la charge du syndicat des copropriétaires de la résidence " Le Central Park " la somme de 4 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il appartient au syndicat de copropriétaire requérant de justifier de l'autorisation d'ester en justice donnée au syndic par l'assemblée générale des copropriétaires ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 10 novembre 2017, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, demande à la Cour :

1°) à titre principal, de rejeter la requête d'appel dirigée contre le jugement du tribunal administratif de Nice du 1er décembre 2016 ;

2°) à titre subsidiaire, de faire application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme pour permettre la régularisation, le cas échéant, de l'omission de l'accord du gestionnaire du domaine prévu par les dispositions de l'article R. 431-13 du code de l'urbanisme par un permis modificatif.

Il soutient que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 novembre 2017, la commune de Péone, représentée par Me F..., demande à la Cour :

1°) à titre principal, de rejeter la requête d'appel du syndicat des copropriétaires de la résidence " Le Central Park " ;

2°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer par application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme pour permettre la régularisation d'éventuels vices par un permis modificatif ;

3°) de mettre à la charge du syndicat des copropriétaires de la résidence " Le Central Park " la somme de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il appartient au syndicat de copropriétaire requérant de justifier de l'autorisation d'ester en justice donnée au syndic par l'assemblée générale des copropriétaires ;

- les moyens soulevés par le syndicat appelant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 1er septembre 2008 portant approbation du plan de prévention des risques naturels prévisibles sur le territoire de la commune de Péone ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. D... Portail en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Silvy, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Giocanti, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., de la société d'avocats LLC et associés, représentant le syndicat des copropriétaires de la résidence " Le Central Park ", de Me C..., représentant la SEM Habitat 06 et de Me F..., représentant la commune de Péone.

Considérant ce qui suit :

1. La société d'économie mixte (SEM) Habitat 06 a déposé le 30 avril 2014 une demande de permis de construire un ensemble immobilier mixte et un parking public sur un terrain situé rue du Mont Mounier à Péone et cadastré section AC n° 571, pour une surface de plancher créée de 2 510 m². Par un arrêté du 22 septembre 2014, le maire de la commune de Péone a accordé au nom de l'État le permis de construire sollicité, sous réserve de diverses prescriptions. Le syndicat des copropriétaires de la résidence " Le Central Park " relève appel du jugement du 1er décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce permis de construire et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux du 19 novembre 2014.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le syndic Citya Tordo a été habilité à introduire la requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 septembre 2014 par une résolution n° 5 de l'assemblée générale spéciale des copropriétaires de la résidence " Central Park " du 3 décembre 2014.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme : " Le délai de recours contentieux à l'encontre (...) d'un permis de construire (...) court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15 . ". Toutefois, par dérogation à ces dispositions, l'exercice par un tiers d'un recours administratif ou contentieux contre un permis de construire a pour effet de faire courir le délai de recours contentieux à l'égard de ce tiers. Dans le cas d'un recours gracieux, ce délai s'interrompt jusqu'à ce qu'il y soit statué ou qu'intervienne une décision implicite de rejet. En cas de naissance d'une décision implicite de rejet du recours administratif formé par un tiers contre un permis de construire, le nouveau délai ouvert à l'auteur de ce recours pour saisir la juridiction court dès la naissance de cette décision implicite, qu'il ait été ou non accusé réception de ce recours.

4. D'une part, en l'absence au dossier de toutes précisions quant à la date d'affichage du permis de construire en litige, le recours gracieux dont la commune de Péone a accusé réception le 24 novembre 2014 doit être regardé comme ayant été formé dans le délai de recours contentieux. D'autre part, une décision implicite de rejet de ce recours gracieux est née le 24 janvier 2015. La requête enregistrée le 6 mars 2015 au greffe du tribunal administratif de Nice l'a donc été dans le délai de recours contentieux. La fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la demande de première instance doit donc être écartée.

Sur la recevabilité de la requête d'appel :

5. Il ressort des pièces du dossier que le syndic Citya Tordo a été habilité à faire appel du jugement du tribunal administratif de Nice du 1er décembre 2016 par une résolution n° 24 de l'assemblée générale annuelle des copropriétaires du 8 juin 2017. La fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité pour relever appel du syndic de la copropriété " Le Central Park " doit, par suite, être rejetée.

Sur le bien-fondé du jugement du tribunal administratif de Nice n° 1501024 du 1er décembre 2016 :

En ce qui concerne le dossier de demande de permis de construire :

6. En premier lieu, aux termes de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue du décret n° 2012-1109 du 1er octobre 2012 applicable à la date de la demande de permis de construire : " Le dossier joint à la demande de permis de construire comprend en outre, selon les cas : (...) / e) Lorsque la construction projetée est subordonnée par un plan de prévention des risques naturels prévisibles ou un plan de prévention des risques miniers approuvés, (...) à la réalisation d'une étude préalable permettant d'en déterminer les conditions de réalisation, d'utilisation ou d'exploitation, une attestation établie par l'architecte du projet ou par un expert certifiant la réalisation de cette étude et constatant que le projet prend en compte ces conditions au stade de la conception ; (...) ". Aux termes du chapitre 2 du titre II du plan de prévention des risques naturels (PPRN) de la commune de Péone approuvé le 1er septembre 2008 par le préfet des Alpes-Maritimes, relatif aux dispositions applicables en zone bleue : " (...) Article II.3 - Sont interdits : (...) II.3.5 Dans les zones exposées au risque d'effondrement karstique : E / - l'épandage d'eau à la surface du sol ou en profondeur à l'exception de l'irrigation contrôlée des cultures. / - le pompage dans les nappes. / Article II.4 - Sont autorisés dans cette zone, avec prescriptions (sous réserve de ne pas aggraver les risques ou leurs effets, de ne pas en provoquer de nouveaux et de ne pas augmenter significativement le nombre de personnes exposées) : (...) II.4.5 Dans les zones exposées au risque d'effondrement karstique : E / - tous travaux, ouvrages, aménagements ou constructions, (...). / Prescriptions à mettre en oeuvre : / - les projets devront prendre en compte la présence éventuelle de cavités et être adaptés en conséquence ; / - tous les rejets d'eau (eaux usées, eaux pluviales, eaux de drainage, eaux de vidange et de piscines) doivent être évacués dans les réseaux collectifs existants ou, en cas d'absence de ces réseaux, dans un autre exutoire qui possède les qualités d'absorption du volume d'eau rejeté (...)En l'absence de réseaux collectifs, tout projet devra faire l'objet d'une étude géologique et hydrogéologique permettant de définir les caractéristiques de cet exutoire et démontrant que les rejets d'eaux engendrés par le projet n'aggravent pas l'aléa sur l'ensemble des parcelles exposées ; / - les projets devront résister aux tassements différentiels. ".

7. Il ressort des pièces du dossier que la commune de Péone est notamment exposée à des risques d'effondrement du sous-sol calcaire érodé (" effondrements karstiques ") et fait l'objet d'un arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 1er septembre 2008 portant plan de prévention des risques naturels prévisibles (PPRN) relatifs aux mouvements de terrain et aux crues torrentielles. Il ressort également du plan de zonage 2.1b annexé à cet arrêté et relatif au secteur 3 " Valberg " que le terrain d'assiette du projet est situé en zone bleue, au sein d'une sous-zone " E " correspondant à l'aléa d'effondrement de cavités souterraines délimitée par ce plan, correspondant à une zone d'aléa limitée dans laquelle des confortations peuvent être réalisées, et qu'il est éloigné de près de 50 mètres de la zone rouge la plus proche.

8. Il résulte des termes même du e) de l'article R. 431-16 que celui-ci n'impose au pétitionnaire ni de joindre les études préalables au dossier de demande, ni de procéder à une synthèse ou à une présentation de celles-ci dans cette attestation, laquelle est établie par une personne qualifiée qui engage ce faisant sa responsabilité professionnelle. L'attestation du 30 avril 2014 émise par l'architecte du projet, qui certifie que les études prescrites afin de déterminer les conditions de réalisation, d'utilisation et d'exploitation du projet et de la prise en compte de ces conditions au stade de la conception ont été réalisées, satisfait, dès lors, à l'obligation fixée par cet article. Le moyen doit, par suite, être écarté.

9. En second lieu, aux termes de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme : " Les demandes de permis de construire, d'aménager ou de démolir et les déclarations préalables sont adressées par pli recommandé avec demande d'avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés : / a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux ; (...) ". Et aux termes de l'article R. 431-5 du même code : " La demande de permis de construire précise : / a) L'identité du ou des demandeurs ; (...) La demande comporte également l'attestation du ou des demandeurs qu'ils remplissent les conditions définies à l'article R. 423-1 pour déposer une demande de permis ".

10. Il résulte de ces dispositions que les demandes de permis de construire doivent seulement comporter l'attestation du pétitionnaire qu'il remplit les conditions définies à l'article R. 423-1 cité ci-dessus. Les autorisations d'utilisation du sol, qui ont pour seul objet de s'assurer de la conformité des travaux qu'elles autorisent avec la législation et la réglementation d'urbanisme, étant accordées sous réserve du droit des tiers, il n'appartient pas à l'autorité compétente de vérifier, dans le cadre de l'instruction d'une demande de permis, la validité de l'attestation établie par le demandeur. Ainsi, sous réserve de la fraude, le pétitionnaire qui fournit l'attestation prévue à l'article R. 423-1 du code doit être regardé comme ayant qualité pour présenter sa demande. Il résulte de ce qui précède que les tiers ne sauraient utilement invoquer, pour contester une décision accordant une telle autorisation au vu de l'attestation requise, la circonstance que l'administration n'en aurait pas vérifié l'exactitude.

11. Le syndicat de copropriétaire requérant soutient que le pétitionnaire devait justifier de l'accord du propriétaire du tréfonds du terrain d'assiette du projet dès lors qu'une convention entre la commune et le propriétaire initial du terrain sur lequel est situé la résidence " Le Central Park " le 21 juin 1980, par acte sous seing privé, avait transféré à ce dernier la propriété d'une partie du sous-sol du parking public. Il résulte toutefois de ce qui a été indiqué au point 7, alors que l'existence d'une fraude ne ressort pas des pièces du dossier, que les dispositions précitées de l'article R. 431-5 du code de l'urbanisme imposaient seulement au maire de la commune de Péone de s'assurer que le dossier de demande de permis comportait l'attestation de la SEM Habitat 06 que celle-ci remplissait les conditions pour déposer une demande de permis. En tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier que le transfert de propriété prévu par cette convention a été effectivement réalisé et régulièrement enregistré alors que la rétrocession qu'il envisageait était soumise à plusieurs conditions préalables. Le moyen doit, par suite, être écarté.

En ce qui concerne les atteintes alléguées à la sécurité publique :

12. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme dans sa rédaction issue du décret n° 2007-18 du 5 janvier 2007 en vigueur à la date de délivrance du permis de construire en litige : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations.". Et aux termes de l'article R. 111-5 de ce code, dans sa rédaction en vigueur à la date de délivrance du permis de construire en litige : " Le projet peut être refusé sur des terrains qui ne seraient pas desservis par des voies publiques ou privées dans des conditions répondant à son importance ou à la destination des constructions ou des aménagements envisagés, et notamment si les caractéristiques de ces voies rendent difficile la circulation ou l'utilisation des engins de lutte contre l'incendie. / Il peut également être refusé ou n'être accepté que sous réserve de prescriptions spéciales si les accès présentent un risque pour la sécurité des usagers des voies publiques ou pour celle des personnes utilisant ces accès. Cette sécurité doit être appréciée compte tenu, notamment, de la position des accès, de leur configuration ainsi que de la nature et de l'intensité du trafic. ".

13. En premier lieu, en vertu de l'article L. 562-1 du code de l'environnement, l'État élabore et met en application des plans de prévention des risques naturels prévisibles, en particulier pour les inondations, qui ont notamment pour objet de délimiter les zones exposées aux risques, en tenant compte de leur nature et de leur intensité, d'y interdire les constructions ou la réalisation d'aménagements ou d'ouvrages ou de prescrire les conditions dans lesquelles ils doivent être réalisés, utilisés ou exploités. Et aux termes de l'article L. 562-4 du code de l'environnement : " Le plan de prévention des risques naturels prévisibles approuvé vaut servitude d'utilité publique. Il est annexé au plan d'occupation des sols, conformément à l'article L. 126-1 du code de l'urbanisme. (...) ".

14. Les prescriptions d'un plan de prévention des risques naturels prévisibles, destinées notamment à assurer la sécurité des personnes et des biens exposés à certains risques naturels et valant servitude d'utilité publique, s'imposent directement aux autorisations de construire, sans que l'autorité administrative ne soit tenue de reprendre ces prescriptions dans le cadre de la délivrance du permis de construire. Il appartient toutefois à l'autorité compétente pour délivrer une autorisation d'urbanisme, si les particularités de la situation l'exigent, de préciser dans l'autorisation, le cas échéant, les conditions d'application d'une prescription générale contenue dans le plan ou de subordonner, en application des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, la délivrance du permis de construire sollicité à d'autres prescriptions spéciales, si elles lui apparaissent nécessaires, que celles qui résultent du plan de prévention des risques naturels prévisibles. L'autorité compétente pour délivrer l'autorisation d'urbanisme peut aussi, si elle estime, au vu d'une appréciation concrète de l'ensemble des caractéristiques de la situation d'espèce qui lui est soumise et du projet pour lequel l'autorisation de construire est sollicitée, y compris d'éléments déjà connus lors de l'élaboration du plan de prévention des risques naturels, que les risques d'atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique le justifient, refuser, sur le fondement de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de délivrer un permis de construire, alors même que le plan n'aurait pas classé le terrain d'assiette du projet en zone à risques ni prévu de prescriptions particulières qui lui soient applicables.

15. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que le terrain d'assiette du projet en litige est situé en zone d'aléa modéré du PPRN en ce qui concerne le risque d'affaissement de terrain. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet en cause ou le sous-sol du terrain d'assiette présenterait un risque particulier et notamment la présence de cavités, lesquelles justifieraient des prescriptions supplémentaires de l'autorité compétente dès lors que l'article II.4.5 précité du règlement du plan de prévention impose, dans de telles circonstance l'adaptation des projets en conséquence. Par ailleurs, les dispositions invoquées du règlement de ce PPRN relatives à l'interdiction des actions dont l'ampleur pourrait déstabiliser le sol (déboisement, excavation, remblais, etc.) résultent des articles II.3.2, II.3.3 et II.3.4 respectivement relatifs aux zones G*, G et R ne sont, dès lors, pas applicables en zone E. Le maire de la commune de Péone a pu légalement, par suite, n'assortir le permis de construire en litige contesté que de prescriptions limitées en lien avec les évacuations d'eaux de l'immeuble à construire et à la résistance aux tassements différentiels, conformément aux prévisions de ce même article II.4.5.

16 En second lieu, le syndicat appelant fait valoir que le projet va entraîner une intensification importante du trafic routier, alors que l'accès au parc de stationnement souterrain de deux cent trente-trois places prévu sur l'emprise du projet en remplacement du parc aérien actuel de cinquante-deux places se fera notamment dans des conditions de visibilité insuffisante. Il ressort des documents graphiques et notamment des plans de masse annexés à la demande de permis de construire que l'accès au futur parc de stationnement souterrain se fera sur une rue, dite " rue de l'École ", qui présente une largeur suffisante à cet endroit et à plusieurs mètres de l'intersection de cet axe avec la route du Mont Mounier qui enserre le terrain d'assiette sur son côté nord-est avant de rejoindre la route départementale 29, plus au Sud. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'accès qui sera ainsi aménagé présenterait un risque particulier en terme de visibilité ou pour la réalisation des manoeuvres d'entrée ou de sortie. Enfin, le projet prévoit la création de vingt-six logements, pour lesquels les stationnements projetés sont en nombre suffisants, et de divers commerces et services de proximité à destination de personnes déjà présentes dans la station de montagne de Valberg. Ainsi, la construction de cet immeuble à usage mixte n'entraînera pas un accroissement tel de la circulation routière que celle-ci en viendrait à présenter un risque pour les automobilistes et les autres usagers de la voirie. Le syndicat de copropriétaire du central Park n'est, par suite, pas fondé à soutenir que le maire de la commune a méconnu les dispositions précitées des articles R. 111-2 et R. 111-5 du code de l'urbanisme en délivrant le permis de construire en litige, ni qu'il a entaché cette décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne les places de stationnement automobile :

17. Si le syndicat de copropriétaires requérant fait valoir que le nombre de places de stationnement aménagées dans le parking souterrain prévu par le projet en litige serait insuffisant et révélerait une erreur manifeste d'appréciation du maire de la commune de Péone, il ressort des pièces du dossier et de ce qui a été dit précédemment que le nombre de places de stationnement mises à disposition des occupants des vingt-six nouveaux logements prévus par le projet ainsi que des résidents et vacanciers usagers des services prévus dans l'immeuble à construire et du parking existant sera porté de cinquante-deux à deux cent trente-trois. C'est, par suite, sans erreur manifeste d'appréciation sur les besoins en terme de stationnement automobile que l'autorité compétente a pu autoriser le projet en litige.

En ce qui concerne les règles relatives à la protection du domaine public :

18. Aux termes de l'article R. 431-13 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet de construction porte sur une dépendance du domaine public, le dossier joint à la demande de permis de construire comporte une pièce exprimant l'accord du gestionnaire du domaine pour engager la procédure d'autorisation d'occupation temporaire du domaine public. ".

19. Avant l'entrée en vigueur, le 1er juillet 2006, du code général de la propriété des personnes publiques, l'appartenance d'un bien au domaine public était, sauf si ce bien était directement affecté à l'usage du public, subordonnée à la double condition que le bien ait été affecté au service public et spécialement aménagé en vue du service public auquel il était destiné. En l'absence de toute disposition en ce sens, l'entrée en vigueur de ce code n'a pu, par elle-même, avoir pour effet d'entraîner le déclassement de dépendances qui, n'ayant encore fait l'objet d'aucun aménagement, appartenaient antérieurement au domaine public.

20. Il est constant que la parcelle cadastrée section AC n° 571 qui constitue le terrain d'assiette du projet en litige appartient à la commune de Péone. Il ressort d'une convention passée le 21 juin 1980 entre cette commune et un particulier que cette parcelle était destinée, à cette date, à un usage de parc de stationnement et il ressort du formulaire de demande de permis de construire souscrit par le pétitionnaire que les derniers travaux conduits sur ce terrain l'ont été en 1995, circonstances qui ne sont par ailleurs pas contestées en défense. En l'état de l'instruction, cette parcelle doit donc être regardée comme ayant servi de parking public depuis une date antérieure à l'entrée en vigueur du code général de la propriété des personnes publiques. Il ressort encore des pièces du dossier et notamment des extraits du cadastre produits et des clichés aériens que le parc de stationnement automobile librement accessible présent sur cette parcelle est organisé par la présence d'un marquage de peinture au sol délimitant des emplacements de stationnement en épi et par une séparation centrale, organisation qui atteste de l'intention de la commune de l'affecter à l'usage direct du public. Cette parcelle est, dès lors, entrée dans le domaine public de la commune et il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle en serait sortie par l'effet d'une décision régulière de déclassement. La SEM Habitat 06 était, par suite, tenue de joindre à sa demande de permis de construire l'attestation prescrite par les dispositions précitées de l'article R. 413-13 du code de l'urbanisme. Les dispositions précitées de cet article n'ont pas pour objet de permettre à l'autorité compétente de s'assurer de la conformité du projet à la réglementation applicable mais concourent à la protection des dépendances du domaine public contre des usages ou des occupations non autorisées. Dès lors, la circonstance que la méconnaissance de cette obligation ne serait pas de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité compétence sur la légalité de ce projet est sans incidence sur les conséquences qui s'attachent à la méconnaissance de cette règle. Il n'y a pas lieu, par suite, de rechercher si cette illégalité est susceptible d'avoir exercé une influence sur le sens de la décision de l'autorité compétente ou si elle aurait privé une partie prenante d'une garantie. Enfin, la circonstance que le maire de la commune de Péone a délivré le permis de construire en litige n'est pas de nature à révéler, en lui-même, un accord du gestionnaire du domaine à ce projet ni à satisfaire aux prévisions précitées de l'article R. 431-13 du code de l'urbanisme.

21. Par suite, le syndicat des copropriétaires de la résidence " Le Central Park " est fondé à soutenir que le permis de construire en litige est entaché d'un vice de procédure tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 413-13 du code de l'urbanisme.

22. Toutefois, aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par un permis modificatif peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si un tel permis modificatif est notifié dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. ".

23. Le seul vice dont le présent arrêt reconnaît, au point 20 ci-dessus, qu'il entache d'illégalité le permis de construire en litige, apparaît susceptible d'être régularisé par un permis modificatif. Il y a donc lieu pour la Cour, dans un premier temps et en application des dispositions précitées, d'inviter les parties à lui présenter leurs observations sur l'éventualité d'une telle régularisation, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt et, à cette seule fin, de surseoir à statuer sur la requête du syndicat des copropriétaires de la résidence " Le Central Park ".

D É C I D E :

Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête du syndicat des copropriétaires de la résidence " Le Central Park ".

Article 2 : Les parties sont invitées à présenter leurs observations sur la possibilité de régulariser, par la délivrance d'un permis de construire modificatif, la méconnaissance des dispositions de l'article R. 431-13 du code de l'urbanisme dont est entaché le permis de construire en litige, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat des copropriétaires de la résidence " Le Central Park ", à la SEM Habitat 06, à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et à la commune de Péone.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 14 février 2019, où siégeaient :

- M. Portail, président assesseur, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Gougot, premier conseiller.

- M Silvy, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 février 2019.

11

N° 17MA00337

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA00337
Date de la décision : 28/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Nature de la décision - Octroi du permis.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Légalité interne du permis de construire - Légalité au regard de la réglementation nationale.

Urbanisme et aménagement du territoire - Règles de procédure contentieuse spéciales - Pouvoirs du juge.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Jean-Alexandre SILVY
Rapporteur public ?: Mme GIOCANTI
Avocat(s) : KATTINEH

Origine de la décision
Date de l'import : 05/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-02-28;17ma00337 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award