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30/11/2018 | FRANCE | N°16MA04423

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 30 novembre 2018, 16MA04423


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La chambre syndicale des buralistes du Gard, Mme I...F..., Mme N...M..., Mme J...G..., M. E...D...et M. B...K...ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 26 février 2015 par laquelle le maire de la commune de Montaren-et-Saint-Médiers a autorisé le déplacement du débit de tabac exploité par la SNC Cuboni Frères du 45 rue Principale à un emplacement situé zone d'activité commerciale (ZAC) des Sablas sur le territoire de cette commune.

Par un jugement n° 1501081 du

29 septembre 2016, le tribunal administratif de Nîmes a annulé cette décision du 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La chambre syndicale des buralistes du Gard, Mme I...F..., Mme N...M..., Mme J...G..., M. E...D...et M. B...K...ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 26 février 2015 par laquelle le maire de la commune de Montaren-et-Saint-Médiers a autorisé le déplacement du débit de tabac exploité par la SNC Cuboni Frères du 45 rue Principale à un emplacement situé zone d'activité commerciale (ZAC) des Sablas sur le territoire de cette commune.

Par un jugement n° 1501081 du 29 septembre 2016, le tribunal administratif de Nîmes a annulé cette décision du 26 février 2015.

Par un arrêt n° 17MA00073 du 21 avril 2017, la cour administrative d'appel de Marseille a prononcé le sursis à l'exécution de ce jugement du 29 septembre 2016.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 29 novembre 2016 et le 8 novembre 2017, la SNC Cuboni Frères, représentée par Me H..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 29 septembre 2016 ;

2°) de rejeter la demande présentée par la chambre syndicale des buralistes du Gard et autres devant le tribunal administratif de Nîmes ;

3°) de mettre à la charge solidaire de la chambre syndicale des buralistes du Gard et autres la somme globale de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision en litige n'est entachée ni d'incompétence en ce qu'elle n'aurait pas été prise par le maire lui-même, ni d'incompétence négative en ce que celui-ci se serait cru en situation de compétence liée par l'avis du conseil municipal ;

- cette décision n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 10 mars 2017, le 29 septembre 2017 et le 8 novembre 2017, la chambre syndicale des buralistes du Gard et autres, représentés par Me L..., conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge solidaire de la SNC Cuboni Frères et de l'Etat une somme globale de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que :

- les demandes d'annulation du jugement du 29 septembre 2016 présentées par l'Etat et par la commune de Montaren-et-Saint-Médiers sont irrecevables ;

- aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Le ministre des finances et des comptes publics a produit des observations enregistrées le 26 janvier 2017, le 3 avril 2017, le 19 avril 2017, le 24 octobre 2017 et le 29 novembre 2017.

La commune de Montaren-et-Saint-Médiers, représenté par Me A..., a produit des observations enregistrées le 20 février 2017.

Après l'audience tenue le 28 septembre 2018, la SNC Cuboni Frères a produit une note en délibéré enregistrée le 1er octobre 2018.

Elle soutient en outre que la décision querellée ne méconnaît pas les dispositions de l'article 11 du décret du 28 juin 2010.

Le ministre des finances et des comptes publics et la commune de Montaren-et-Saint-Médiers ont produit des observations enregistrées respectivement le 15 octobre 2018 et le 17 octobre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 ;

- le décret n° 2010-720 du 28 juin 2010 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de la nouvelle audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Coutier, premier conseiller,

- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,

- et les observations de Me H... représentant la SNC Cuboni Frères, et de Me C..., représentant la chambre syndicale des buralistes du Gard et autres.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 29 septembre 2016, le tribunal administratif de Nîmes a annulé la décision du 26 février 2015 par laquelle le maire de la commune de Montaren-et-Saint-Médiers a autorisé le déplacement du débit de tabac exploité par la SNC Cuboni frères du 45 rue Principale à un emplacement situé ZAC des Sablas et mis la somme de 1 200 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La SNC Cuboni Frères doit être regardée comme relevant appel de ce jugement seulement en tant qu'il a annulé la décision du 26 février 2015.

2. Le ministre des finances et des comptes publics et la commune de Montaren-et-Saint-Médiers ont reçu communication de la requête d'appel présentée par la SNC Cuboni Frères. Les mémoires présentés en leur nom constituent, non une intervention, mais des observations en réponse à cette communication. Le ministre des finances et des comptes publics, qui avait qualité pour faire appel de ce jugement dès lors que, la décision en litige ayant été prise par le maire de Montaren-et-Saint-Médiers au nom de l'Etat, il avait nécessairement la qualité de partie devant le tribunal administratif, ne s'est pas pourvu dans le délai d'appel contre le jugement du 29 septembre 2016, ce alors même que ce jugement a été notifié, par erreur, au ministre de l'intérieur. Il s'ensuit que sont irrecevables les conclusions présentées par l'Etat tendant à ce qu'une somme globale de 3 000 euros soit mise à la charge solidaire de la chambre syndicale des buralistes du Gard et autres et à obtenir le remboursement des sommes qu'il leur a versé à ce titre en exécution de ce jugement.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :

3. Aux termes de l'article 70 de la loi du 12 mai 2009 : " Le déplacement, dans la même commune, d'un débit de tabac ordinaire permanent est autorisé par le maire, après avis du directeur régional des douanes et de l'organisation professionnelle représentative sur le plan national des débitants de tabac. (...) ". Aux termes de l'article 13 du décret du 28 juin 2010 : " Un débit de tabac ordinaire permanent peut être déplacé à l'intérieur d'une même commune dans les conditions prévues à l'article 70 de la loi du 12 mai 2009 susvisée. / Les dispositions des articles 9 et 11 s'appliquent aux déplacements intra-communaux ". Aux termes de l'article 9 du même décret : " L'implantation d'un débit de tabac ne doit pas avoir pour effet de déséquilibrer le réseau local existant de vente au détail des tabacs ".

4. Il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté qu'au sein de la commune de Montaren-et-Saint-Médiers, qui compte moins de 1 500 habitants et est située en zone rurale, la population quitte progressivement le centre-ville pour s'installer dans les nouveaux quartiers récemment urbanisés, en périphérie, particulièrement autour de la RD 981 la reliant à la commune mitoyenne d'Uzès. Il n'est pas davantage contesté que le débit de tabac exploité par la SNC Cuboni Frères, qui était installé au centre de ce village, connaissait une désaffection croissante occasionnée par cette nouvelle répartition de la population sur le territoire communal et que ce désintérêt constituait une menace pour la pérennité de ce commerce. Ainsi, alors même que le déplacement intracommunal de ce débit de tabac dans la zone commerciale des Sablas, tel qu'il a été autorisé par la décision du 26 février 2015 du maire de la commune de Montaren-et-Saint-Médiers, était de nature à élargir sensiblement sa zone de chalandise et à produire des effets sur le chiffre d'affaire des débitants de tabac de la commune d'Uzès et des communes avoisinantes, il ne ressort pas des pièces du dossier que le maire aurait commis, en autorisant ce déplacement, une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'exigence de ne pas déséquilibrer le réseau local existant de vente au détail des tabacs posé à l'article 9 précité du décret du 28 juin 2010. Si les intimés se prévalent de l'avis défavorable rendu par la direction régionale des douanes dans le cadre de l'instruction par le maire de la demande de déplacement motivé par le fait que la localisation du nouveau local, dans un ensemble commercial bénéficiant d'une bonne attractivité, risquait de pénaliser les exploitants des communes limitrophes, il ressort des pièces du dossier que cette administration s'est abstenue de saisir le préfet du Gard aux fins d'annulation de l'autorisation qui a finalement été délivrée alors même qu'il lui est loisible de le faire lorsque l'autorité municipale délivre une telle autorisation et qu'il apparaît qu'elle méconnaît de façon flagrante les dispositions du décret de 2010, notamment au regard du principe d'équilibre du réseau. La circonstance, enfin, que l'administration des douanes a opposé un refus aux deux précédentes demandes de déplacement du débit de tabac exploité par la SNC Cuboni Frères à destination de cette même zone commerciale au motif de leurs conséquences sur l'équilibre du réseau, refus dont la légalité a été confirmée par arrêt n° 10MA01923 du 24 janvier 2012 de la cour administrative de Marseille devenu irrévocable après la décision de non-admission du pourvoi en cassation rendue par le Conseil d'Etat le 28 décembre 2012, ne faisait pas obstacle à ce que le maire de la commune de Montaren-et-Saint-Médiers, devenu compétent pour ce faire en vertu de l'article 70 de la loi du 12 mai 2009 précité, délivre l'autorisation en litige au regard de considérations de fait nouvelles, cet arrêt de la Cour n'étant au demeurant pas revêtu de l'autorité absolue de la chose jugée.

5. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, pour annuler la décision du 26 février 2015 du maire de la commune de Montaren-et-Saint-Médiers, le tribunal administratif de Nîmes a estimé que cet arrêté était entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

6. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la chambre syndicale des buralistes du Gard et autres devant le tribunal administratif de Nîmes et devant la Cour.

Sur les autres moyens invoqués par la chambre syndicale des buralistes du Gard et autres :

7. L'article 70 précité de la loi du 12 mai 2009 confie au maire le soin d'autoriser les déplacements intracommunaux de débits de tabac. Ni ces dispositions, ni aucune autre, ne faisait obstacle à ce que le maire de Montaren-et-Saint-Médiers consulte pour avis le conseil municipal. Il ne ressort pas des énonciations de la décision contestée du 26 février 2015, prise par le maire lui-même, que l'intéressé se serait senti lié par l'avis rendu par l'assemblée communale. Il y a lieu, dès lors, d'écarter les moyens tirés de ce que cette décision serait entachée de vice de procédure, d'incompétence, et d'incompétence négative.

8. Aux termes de l'article 11 du décret du 28 juin 2010 : " Les implantations de débits de tabac sont interdites : (...) / 2° Dans les centres commerciaux, hormis ceux constitués exclusivement de commerces de proximité desservant principalement ou en totalité les résidents d'une commune ou de l'un de ses quartiers ; (...) ".

9. Il ressort des pièces du dossier que le local dans lequel s'est opérée la réinstallation du débit de tabac en litige, au sein de la ZAC des Sablas, dispose d'un parking propre comptant quelques places de stationnement et ne présente aucun lien fonctionnel avec le supermarché ni avec les quelques autres commerces situés dans cet espace. Par ailleurs, la SNC Cuboni Frères soutient, sans être contestée, que la zone commerciale dans laquelle sont installés ces différents commerces n'est régie par aucune convention qui les associerait conjointement à sa gestion logistique ou commerciale. Dans ces conditions, cet ensemble de commerces ne peut en l'espèce être regardé comme formant un centre commercial au sens et pour l'application du 2° de l'article 11 du décret du 28 juin 2010. C'est dès lors sans méconnaître les dispositions précitées de l'article 11 du décret du 28 juin 2010 que le maire de Montaren-et-Saint-Médiers a autorisé le déplacement querellé.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la SNC Cuboni Frères est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a annulé la décision du 26 février 2015.

Sur les frais liés au litige :

11. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat et de la SNC Cuboni Frères, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que la chambre syndicale des buralistes du Gard et autres demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge solidaire de la chambre syndicale des buralistes du Gard et autres une somme globale de 2 000 euros au titre des frais exposés par la SNC Cuboni Frères et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 29 septembre 2016 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la chambre syndicale des buralistes du Gard et autres devant le tribunal administratif de Nîmes et le surplus de leurs conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : La chambre syndicale des buralistes du Gard et autres verseront solidairement à la SNC Cuboni Frères une somme globale de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par le ministre des finances et des comptes publics tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et au remboursement des sommes que l'Etat a versé à ce titre aux demandeurs de première instance sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SNC Cuboni Frères, à la chambre syndicale des buralistes du Gard, à Mme I...F..., à Mme N... M..., à Mme J...G..., à M. E... D...et à M. B... K....

Copie en sera également adressée à la commune de Montaren-et-Saint-Médiers et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 16 novembre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. Guidal, président-assesseur,

- M. Coutier, premier conseiller.

Lu en audience publique le 30 novembre 2018.

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N° 16MA04423

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA04423
Date de la décision : 30/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

14-02-02-07 Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique. Réglementation des activités économiques. Modalités de la réglementation. Modalités de la réglementation des monopoles.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: M. Bruno COUTIER
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS CLAUDE BEGUE

Origine de la décision
Date de l'import : 11/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-11-30;16ma04423 ?
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