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17/04/2025 | FRANCE | N°23LY00737

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 1ère chambre, 17 avril 2025, 23LY00737


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



La SCCV 3 AE... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision implicite du maire de Lyon rejetant sa demande de retrait de l'arrêté du 20 octobre 2020 par lequel il a refusé de lui délivrer un permis de construire et de condamner la ville de Lyon à lui verser la somme de 2 200 183 euros en raison des préjudices résultant de ce refus illégal.

Par un jugement n° 2102044 du 29 décembre 2022, le tribunal administratif de Lyon, après avoir requalifié l

es conclusions à fin d'annulation comme étant dirigées à l'encontre de l'arrêté du 20 octobre ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SCCV 3 AE... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision implicite du maire de Lyon rejetant sa demande de retrait de l'arrêté du 20 octobre 2020 par lequel il a refusé de lui délivrer un permis de construire et de condamner la ville de Lyon à lui verser la somme de 2 200 183 euros en raison des préjudices résultant de ce refus illégal.

Par un jugement n° 2102044 du 29 décembre 2022, le tribunal administratif de Lyon, après avoir requalifié les conclusions à fin d'annulation comme étant dirigées à l'encontre de l'arrêté du 20 octobre 2020, a annulé cet arrêté ainsi que la décision de rejet du recours gracieux de la SCCV 3 AE... (article 1er), a enjoint au maire de Lyon de délivrer à la SCCV 3 AE... le permis de construire sollicité dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement (article 2) et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande (article 4).

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 27 février 2023 et un mémoire en réplique enregistré le 20 janvier 2025, la ville de Lyon, représentée par la SELARL SKOV, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 29 décembre 2022 du tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a annulé l'arrêté du 20 octobre 2020 du maire de Lyon ainsi que la décision de rejet du recours gracieux de la SCCV 3 AE... et a enjoint au maire de Lyon de délivrer à cette dernière le permis de construire sollicité dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent jugement ;

2°) de rejeter la demande de première instance de la SCCV 3 AE... ;

3°) de mettre à la charge de la SCCV 3 AE... le versement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que le refus de permis de construire en litige est entaché d'erreur d'appréciation au regard tant de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme que des articles 4.2.2 des dispositions communes et 4.2.3 des dispositions applicables en zone UCe1 du règlement du plan local d'urbanisme et de l'habitat (PLU-H) de la métropole de Lyon dès lors que le " quartier Canut " dans lequel est inclus le terrain d'assiette du projet de construction se caractérise par le fait qu'il s'agit d'un ensemble urbain porteur d'identité pour le 4ème arrondissement, ses immeubles caractéristiques typiques d'une architecture exclusivement adaptée à l'activité de tissage, les hauteurs de plafond permettant l'implantation des métiers Jacquard, le rapport, sur les façades des bâtiments, entre bâti et percement très équilibré pour apporter un maximum d'apport de lumière et l'impression de continuité qui est accentuée par la concordance des étagements et les rives de toitures parallèles ; le site concerné présente un intérêt particulier et la proportion " niveau/ouverture " en façade et son insertion avec l'existant justifiait le refus de permis de construire en litige ; les immeubles AE... sont tous alignés, sont constitués d'un rez-de-chaussée et de quatre étages, leurs différentes fenêtres sont quasiment toutes alignées et leur hauteur est similaire ; l'existant présente les caractéristiques du périmètre d'intérêt patrimonial (PIP) A6 ;

- le motif du refus de permis de construire relatif à la densité du projet au regard de son environnement était fondé ainsi qu'il a été retenu par l'architecte des bâtiments de France dès lors que le projet de construction prévoit des étages moins hauts que ceux des immeubles voisins, des baies plus petites que celles des immeubles voisins, et ne permettra pas de compenser l'absence d'espaces extérieurs privatifs ; le fait de créer un espace de pleine terre de 25 m² n'a pas permis de compenser la très forte densité prévue à l'intérieur de la construction projetée ; les premiers juges ont entaché leur jugement de plusieurs erreurs de fait dès lors qu'il est constant que l'immeuble situé à droite de la construction projetée comporte sur sa façade cinq et non six niveaux, que c'est l'immeuble situé à l'est de la construction envisagée, si l'on examine la façade principale qui est sur rue, qui présente une hauteur supérieure à la hauteur autorisée et non l'immeuble situé à l'ouest qui, lui, présente une hauteur inférieure à la hauteur autorisée ;

- elle n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant de faire application de la règle alternative aux dispositions de l'article 2.5.1.1 du règlement de la zone UCe1 du règlement du PLU-H et la cour confirmera le jugement sur les autres motifs de refus ;

- la demande indemnitaire de la société SCCV 3 AE... est irrecevable car présentée tardivement au regard des dispositions de l'article R. 811-2 du code de justice administrative dès lors qu'elle relève d'un litige différent de l'appel principal et, en tout état de cause, elle n'est pas fondée en l'absence d'illégalité du refus de permis de construire et en ce que le préjudice allégué n'est pas démontré.

Par des mémoires enregistrés les 6 juillet 2023 et 28 janvier 2025, ce dernier n'ayant pas été communiqué, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble " le Patio ", M. V... E..., Mme O... K..., M. T... F..., Mme I... L... et M. J... W..., M. S... R..., Mme Q... M..., Mme B... N..., Mme Z... C..., M. A... G..., M. AD... AA..., M. P... H..., M. AC... AB..., M. X... U... et Mme D... Y..., représentés par la SC Jakubowicz et Associés puis par Me Grisel, déclarent intervenir volontairement à l'instance et demandent à la cour :

1°) d'admettre leur intervention ;

2°) de faire droit aux conclusions de la ville de Lyon.

Ils soutiennent que :

- ils ont intérêt à intervenir à l'appui de la requête d'appel de la ville de Lyon ;

- le projet autorisé comporte cinq façades avec des baies nombreuses, alors que les constructions voisines AE..., comportent quatre étages au moins et le projet méconnaît les dispositions de l'article 4.2.3 du règlement de la zone UCe1 du règlement du PLU-H ; le projet comporte un niveau en plus par rapport aux autres immeubles mitoyens qui sont d'une hauteur équivalente voire moindre, implique que le nombre de baies est a minima 25% supérieur par rapport aux autres constructions et emporte une différence dans le rapport ouvertures/mur plein ; la composition de la façade ne respecte pas la composition générale des constructions avoisinantes ;

- la façade du projet dépasse les 16 mètres de hauteur en méconnaissance de la règle de droit commun prévue par l'article 2.5 du règlement de la zone et la société pétitionnaire ne pouvait revendiquer le bénéfice de la règle alternative en ce que le bâtiment qui comporte 6 niveaux s'implante entre deux immeubles qui présentent en façade, à l'ouest et à l'est 4 (R+3) et 5 (R+4) niveaux et le projet ne permet pas un épannelage harmonieux et crée un pignon aveugle à proximité de l'angle des rues de Belfort et Gigodot ;

- la situation de fait à la date du jugement avait évolué s'agissant des stationnements dès lors que la réalisation des places par location, concession ou acquisition n'apparaissait plus possible compte tenu des conditions suspensives prévues dans les actes de vente et de concession et elle faisait obstacle à l'injonction de délivrer le permis de construire.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 décembre 2023, la SCCV 3 AE..., représentée par Me Garcia, conclut au rejet de la requête la ville de Lyon, à titre subsidiaire, à la condamnation la ville de Lyon à lui verser la somme de 2 200 183 euros et, en tout état de cause, à ce que soit mis à la charge solidairement de cette dernière et des intervenants volontaires le versement de la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les interventions volontaires sont irrecevables en l'absence d'intérêt à agir des intervenants et d'habilitation, par l'assemblée générale, du syndicat des copropriétaires de l'immeuble " le Patio " pour intervenir dans la présente instance ;

- les moyens invoqués ne sont pas fondés ;

- à titre subsidiaire, si la cour venait à infirmer le jugement du 29 décembre 2022 du tribunal administratif de Lyon quant à l'octroi du refus de permis de construire, elle condamnera la ville de Lyon à lui verser la somme de 2 200 183 euros en réparation des conséquences du refus de permis de construire.

Par une ordonnance du 4 décembre 2024 la clôture de l'instruction a été fixée au 28 janvier 2025.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 ;

- le décret n°67-223 du 17 mars 1967 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Burnichon, première conseillère,

- les conclusions de Mme Djebiri, rapporteure publique,

- les observations de Me Duverneuil pour la ville de Lyon, de Me Grisel pour le syndicat des copropriétaires de l'immeuble " le Patio " et autres, et de Me Garcia pour la SCCV 3 AE....

Considérant ce qui suit :

1. La SCCV 3 AE... a déposé, le 2 juin 2020, une demande de permis de construire portant sur la démolition d'un bâtiment existant et la construction d'un immeuble de quinze logements, un local commercial, la création de quatorze aires de stationnement et l'affectation de deux places de stationnement pour une surface de plancher totale de 1 122 m² sur un terrain situé 3 AE... dans le 4ème arrondissement de Lyon. Par un arrêté du 20 octobre 2020, le maire de Lyon a refusé de délivrer le permis de construire sollicité. La SCCV 3 AE... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler cet arrêté ainsi que le rejet de son recours gracieux et de condamner la ville de Lyon à lui verser la somme de 2 200 183 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis. Par un jugement du 29 décembre 2022, le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 20 octobre 2020 ainsi que la décision de rejet du recours gracieux de la SCCV 3 AE..., a enjoint au maire de Lyon de délivrer le permis de construire sollicité dans un délai d'un mois à compter de sa notification et a rejeté le surplus des conclusions de la SCCV 3 AE.... La ville de Lyon relève appel de ce jugement en tant que le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 20 octobre 2020 et lui a enjoint de délivrer à la SCCV 3 AE... le permis de construire sollicité. En défense, la SCCV 3 AE... conclut au rejet de la requête de la ville de Lyon et à titre subsidiaire, demande à la cour de condamner la ville de Lyon à lui verser la somme de 2 200 183 euros en réparation de son préjudice.

Sur l'appel principal :

Sur la recevabilité des interventions :

2. D'une part, en vertu de l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, le syndic représente le syndicat des copropriétaires en justice. Aux termes de l'article 55 du décret du 17 mars 1967 pris pour l'application de cette loi : " Le syndic ne peut agir en justice au nom du syndicat sans y avoir été autorisé par une décision de l'assemblée générale. / Une telle autorisation n'est pas nécessaire pour les actions en recouvrement de créance, la mise en œuvre des voies d'exécution forcée à l'exception de la saisie en vue de la vente d'un lot, les mesures conservatoires et les demandes qui relèvent des pouvoirs de juge des référés, ainsi que pour défendre aux actions intentées contre le syndicat. / Dans tous les cas, le syndic rend compte à la prochaine assemblée générale des actions introduites ". Il résulte de ces dispositions que, dans les cas où une autorisation est requise, le syndic, agissant au nom de la copropriété, est tenu de disposer, sous peine d'irrecevabilité de sa demande, d'une autorisation formelle de l'assemblée générale des copropriétaires pour agir en justice en son nom, habilitation qui doit préciser l'objet et la finalité du contentieux engagé. Le pouvoir ainsi donné au syndic est compris dans les limites qui ont, le cas échéant, été fixées par la décision de l'assemblée générale.

3. Il ressort des énonciations du procès-verbal de l'assemblée générale ordinaire du syndicat des copropriétaires de l'immeuble " le Patio " qui s'est tenue le 31 mai 2023, que celle-ci autorise uniquement le syndic à solliciter du tribunal administratif de Lyon l'annulation du permis de construire délivré le 20 janvier 2023 par le maire de Lyon à la SCCV 3 AE..., en exécution de l'injonction ordonnée par le jugement attaqué du 29 décembre 2022. Il n'autorise pas le syndic à former, devant la juridiction administrative, une intervention au soutien de la requête de la ville de Lyon à l'encontre du jugement précité annulant l'arrêté du 20 octobre 2020 portant refus de permis de construire. Ainsi, l'intervention volontaire en tant qu'elle est présentée par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble " le Patio " est irrecevable.

4. D'autre part, le projet en litige vise à la démolition d'un immeuble ancien composé d'un rez-de-chaussée et d'un R+1 en vue de l'édification d'un immeuble collectif à usage d'habitation d'une hauteur de façade de 18,88 m avec un parking souterrain de quatorze places. Compte tenu de l'importance de ce projet et ses incidences sur le quartier en litige, M. E..., Mme K..., M. F..., Mme L..., M. W..., M. R..., Mme M..., Mme N..., Mme C..., M. G..., M. AA..., M. H..., M. AB..., M. U... et Mme Y..., qui sont propriétaires de biens immobiliers voisins immédiats du terrain d'assiette de ce projet, justifient d'un intérêt suffisant pour intervenir à l'appui de la requête de la ville de Lyon tendant à la contestation du jugement du tribunal administratif de Lyon du 29 décembre 2022 annulant le refus de permis de construire opposé par l'arrêté du maire de Lyon du 20 octobre 2020.

Sur la légalité de l'arrêté du 20 octobre 2020 :

5. Pour refuser de délivrer le permis de construire sollicité, le maire de Lyon a retenu, après avoir recueilli, le 23 juin 2020, les recommandations de l'architecte des bâtiments de France au titre du respect de l'intérêt public attaché au patrimoine, et visé l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme et le plan local d'urbanisme et de l'habitat (PLU-H) de la métropole de Lyon, que la hauteur des niveaux proposée est insuffisante pour s'apparenter à l'écriture des immeubles canuts (3 mètres minimum sous plafond), que les baies d'étages proposées ne sont pas en harmonie avec les baies des immeubles canuts mitoyens du fait de leur proportion, que le projet est trop dense au regard de son environnement, qu'il ne satisfait pas aux orientations du Périmètre d'Intérêt Patrimonial (PIP) et du code de l'urbanisme en terme patrimonial et en terme environnemental et enfin, que le projet en litige propose une hauteur de façade de 18,88 mètres, supérieure à la hauteur maximale autorisée.

6. En premier lieu, aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ". Pour rechercher l'existence d'une atteinte de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il appartient à l'autorité administrative compétente d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction pourrait, compte tenu de sa nature et de ses effets, avoir sur le site. Il est exclu de procéder, dans le second temps du raisonnement, pour apprécier la légalité du permis de construire délivré, à une balance d'intérêts divers en présence, autres que ceux visés par l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme et le plan local d'urbanisme de la commune.

7. Par ailleurs aux termes de l'article 4.2.2 des dispositions communes du PLU-H alors applicable : " Dans les Périmètres d'Intérêt Patrimonial, définis ci-avant, les constructions nouvelles, les extensions ou les travaux d'aménagement, sont conçus pour concourir à une mise en valeur des caractéristiques culturelles, historiques, patrimoniales, ou architecturales de l'ensemble, ainsi qu'à la préservation des caractéristiques et la valorisation de l'ordonnancement du bâti et des espaces non bâtis organisant ledit périmètre, tout en assurant un développement respectueux de l'identité des lieux, y compris par une réinterprétation sur un mode contemporain. / Les démolitions/reconstructions, partielles ou totales, ainsi que le recours à l'architecture contemporaine, peuvent être envisagés dès lors qu'ils répondent aux objectifs de préservation et de valorisation définis ci-avant, compte tenu des caractéristiques de la construction et du périmètre considérés ".

8. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet se situe en zone UCe1 du plan, au sein du quartier de la Croix-Rousse, qui a fait l'objet, par le PLU-H alors applicable, d'une identification au titre d'un Périmètre d'Intérêt Patrimonial " quartier Canut ", qui concerne le tissu historique d'ilot couronne non régulier d'immeubles canuts à valeur mémorielle, urbaine, sociale et d'usage. La fiche A6 relative à ce Périmètre d'Intérêt Patrimonial précise que " c'est à la migration de l'activité de soierie des pentes de la Croix-Rousse et de Saint-Jean au XIX siècle qui conduit à une densification du tissu urbain avec le développement d'immeubles caractéristiques typiques d'une architecture exclusivement adaptée à l'activité de tissage : ( façade sans décoration, ( hauteur de plafond permettant l'implantation des métiers Jacquard, (...), ( sur la façade principale, le rapport entre bâti et percement est très équilibré pour un maximum d'apport de lumière . - le bâti est implanté à alignement, de part et d'autre de la voie, selon un parcellaire étroit en lanières. La densité forte est accentuée par un front bâti continu. Sa cohérence générale et son échelle humaine font sa qualité et son caractère remarquable. - le tissu se compose selon le réseau de voies orthogonales. - l'homogénéité du tissu repose sur l'implantation régulière des bâtiments, ainsi que sur leur rapport à la voie mais également le linéaire continu de rez-de-chaussée commerciaux sur les axes principaux ou le traitement architectural particulier accordé aux rez-de-chaussée sur les axes secondaires. L'impression de continuité est accentuée par la concordance des étagements et les rives de toitures parallèles (pas ou peu de pignons) ; - l'architecture est de facture simple. Pour la majorité de l'ensemble, les façades sont lisses et ne présentent pas de modénature. (...). ". Compte tenu de cette identification en tant que Périmètre d'Intérêt Patrimonial, de l'intérêt historique, patrimonial et architectural du quartier où se situe le terrain d'assiette du projet, il y a lieu de relever, ce qui n'est pas contesté, la qualité du site au sein duquel la construction en litige est projetée.

9. D'autre part, le projet, comme relevé par l'architecte des Bâtiments de France, consiste en la construction d'un immeuble de logements collectifs composé, ainsi que cela ressort du plan de la façade sud, côté AE..., d'un rez-de-chaussée et de cinq niveaux supplémentaires. L'immeuble mitoyen au projet qui se trouve au croisement de la rue de Belfort et de la AE... est un R + 3 étages. De l'autre côté du terrain d'assiette, le bâtiment en R+4 est, quant à lui, d'une hauteur supérieure au projet. Le plan de la façade sud permet également de constater que la construction prévoit des niveaux d'une hauteur inférieure à celle des niveaux des deux bâtiments mitoyens, lesquels sont caractéristiques du quartier Canut. La photographie d'insertion du projet produite à l'appui de la demande de permis de construire ainsi que les photographies produites par la ville de Lyon dans ses écritures démontrent que la AE... se caractérise, s'agissant des immeubles de logements collectifs, par une harmonie des niveaux des étages et des ouvertures alors même qu'il ne peut être relevé une totale similitude entre les deux immeubles mitoyens au projet. Ces mêmes documents photographiques ainsi que les plans des façades démontrent également que, contrairement aux objectifs de préservation et de valorisation du PIP tendant à maintenir une impression de continuité par la concordance des étagements, le projet en litige va emporter un décalage important de ces niveaux par rapport à ceux des immeubles mitoyens. Compte tenu de ce décalage, les ouvertures/baies sur façade, s'agissant notamment de la façade sud, ne sont pas en harmonie, par leur localisation et leur nombre, avec les baies des immeubles existants, qu'il s'agisse de ceux mitoyens mais également de ceux situés sur le reste de la AE.... De plus, compte tenu de la taille réduite des étages et du nombre de baies présentes sur les façades, bien qu'elles aient des proportions similaires à celles des immeubles avoisinants, le projet présente une importante densité, supérieure à celles des autres immeubles du quartier, d'autant qu'il est seulement prévu un espace de pleine terre de 25 m² en fond de parcelle et la plantation d'un seul arbre. Enfin, le projet en litige emportera la démolition d'un local artisanal constitué d'un rez-de-chaussée et d'un autre bâtiment en R+1, qui laissait apparaître, depuis l'angle des rues Gigodot et de Belfort, un seul pignon, celui du bâtiment situé à l'est du projet depuis la AE.... Si le projet emporte une réduction de ce pignon qui sera limité à 1,80 m, il a toutefois pour conséquence la création d'un nouveau pignon entre le bâtiment projeté et l'immeuble situé au croisement des rues Gigodot et de Belfort de près de trois mètres alors que le PIP recommande, pour accentuer l'impression de continuité résultant de l'implantation régulière des bâtiments, le parallélisme des rives devant aboutir à l'absence ou à la limitation des pignons. Il suit de là, au regard de l'intérêt historique, patrimonial et architectural du quartier, qu'en refusant le permis de construire en litige, le maire de Lyon n'a pas commis d'erreur d'appréciation dans l'application des dispositions précitées.

10. En second lieu, en application de l'article 2.5.1.1 du règlement de la zone UCe1 et du règlement graphique du PLU-H, la hauteur de façade maximale autorisée sur le terrain d'assiette du projet est fixée à seize mètres. Aux termes de l'article 2.5.2 de ce règlement : " Une hauteur de construction différente de celle prévue par la règle peut être appliquée dans les conditions et cas suivants : a. la construction ou l'extension* d'une construction qui est inscrite au sein d'une séquence d'un ensemble de constructions ou située entre deux constructions ayant des hauteurs différentes, d'un niveau au moins, de celles prévues par la règle. Dans l'objectif de garantir un épannelage harmonieux, la hauteur de façade* prévue par la règle peut être modulée (réduite ou augmentée) au maximum de la hauteur d'un niveau* sur tout ou partie de la construction. (...) ". Lorsque l'autorité administrative compétente, se prononçant sur une demande d'autorisation d'urbanisme, ne fait pas usage d'une faculté qui lui est ouverte par le règlement d'un plan local d'urbanisme d'accorder ou d'imposer l'application d'une règle particulière, dérogeant à une règle générale de ce règlement, il incombe au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens au soutien de la contestation de la décision prise, de s'assurer que l'autorité administrative n'a pas, en ne faisant pas usage de cette faculté, commis d'erreur manifeste d'appréciation.

11. Il ressort des pièces du dossier et particulièrement du plan de la façade sud, sur la AE..., que la hauteur du bâtiment, correspondant à la différence entre la cote de l'égout du toit (265,35) et celle du sol (246,62) doit être fixée à 18,73 mètres sur cette façade, hauteur supérieure à la hauteur de seize mètres autorisée. Par ailleurs, le projet en litige correspond à un immeuble en R+5 et s'insère entre d'une part, un immeuble mitoyen à l'est depuis la AE... qui est plus haut, d'environ 1,80 mètre selon les cotes indiquées à l'arrête des toits, et d'autre part, à l'ouest, un autre immeuble de type R+4 moins haut d'environ 2,80 mètres par rapport au projet. Si la société pétitionnaire soutient que le maire de Lyon aurait dû faire application des dispositions alternatives du PLU-H permettant de déroger à la hauteur de façade maximale autorisée, compte tenu du nombre de niveau de la construction projetée et de la création d'un pignon supplémentaire, leur absence de mise en œuvre ne peut être regardée comme étant, dans les circonstances de l'espèce, entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la ville de Lyon est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 20 octobre 2020 de son maire refusant la délivrance d'un permis de construire à la SCCV 3 AE... ainsi que la décision de rejet du recours gracieux de cette dernière.

Sur l'appel incident :

13. Le jugement attaqué, en son article 1er, a annulé l'arrêté du 20 octobre 2020 du maire de Lyon ainsi que la décision de rejet du recours gracieux de la SCCV 3 AE.... Par la présente la requête, la ville de Lyon a sollicité la réformation de ce jugement en tant seulement que les premiers juges ont annulé ce refus de permis de construire précité. Les conclusions d'appel incident présentées par la SCCV 3 AE..., dans son mémoire enregistré le 11 décembre 2023 et tendant à la condamnation de la ville de Lyon à lui verser la somme de 2 200 183 euros, constituent un litige indemnitaire distinct de l'appel principal relevant de l'excès de pouvoir et ne concernant que la légalité de l'arrêté du 20 octobre 2020. Dès lors, et ainsi que le soutient la ville de Lyon, les conclusions indemnitaires enregistrées après l'expiration du délai d'appel, qui courrait à compter de la notification du jugement en litige à la SCVV le 30 décembre 2022, ne sont pas recevables.

Sur les frais du litige :

14. En application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de mettre à la charge de la SCCV 3 AE... le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la ville de Lyon. Par ailleurs, ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par la SCCV 3 AE... au même titre.

DECIDE :

Article 1er : L'intervention du syndicat des copropriétaires de l'immeuble " le Patio " n'est pas admise.

Article 2 : L'intervention de M. E..., Mme K..., M. F..., Mme L..., M. W..., M. R..., Mme M..., Mme N..., Mme C..., M. G..., M. AA..., M. H..., M. AB..., M. U... et Mme Y... est admise.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 29 décembre 2022 est annulé.

Article 4 : Les conclusions indemnitaires et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées par la SCCV 3 AE... sont rejetées.

Article 5 : La SCCV 3 AE... versera à la ville de Lyon une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la ville de Lyon, à la SCCV 3 AE... et à M. V... E..., représentant unique.

Délibéré après l'audience du 1er avril 2025 à laquelle siégeaient :

Mme Anne-Gaëlle Mauclair, présidente de la formation de jugement,

Mme Claire Burnichon, première conseillère,

Mme Gabrielle Maubon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 avril 2025.

La rapporteure,

C. BurnichonLa présidente,

A.-G. Mauclair

La greffière,

O. Ritter

La République mande et ordonne à la préfète du Rhône en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Une greffière,

N° 23LY00737 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23LY00737
Date de la décision : 17/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Nature de la décision - Refus du permis.


Composition du Tribunal
Président : Mme MAUCLAIR
Rapporteur ?: Mme Claire BURNICHON
Rapporteur public ?: Mme DJEBIRI
Avocat(s) : SELARL SKOV

Origine de la décision
Date de l'import : 27/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-17;23ly00737 ?
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