Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2013 ainsi que des intérêts de retard et des pénalités correspondantes, pour un montant de 165 873 euros.
Par un jugement n° 2001496 du 17 mars 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et des mémoires enregistrés le 11 mai 2023, le 16 juillet et 8 août 2024, M. C..., représenté par la SCP Arbor, Tournoud et Associés, demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu, des intérêts de retard et des majorations auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2013 pour un montant de 312 014 euros ;
3°) à défaut, d'ordonner la réduction du revenu imposable de l'année 2013 d'un montant de 789 872 euros en base, et par suite, d'ordonner la décharge correspondante des rappels d'impôt sur le revenu mis à sa charge au titre de ses revenus de 2013 par le rôle du 30 avril 2019 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les juges ont dénaturé les faits, commis une erreur de droit et méconnu l'autorité de la chose jugée par l'arrêt n° 19LY00167 de la cour administrative d'appel de Lyon du 6 août 2020 ;
- les revenus distribués par la société Alpira, payés en 2013, étaient imposables en 2013 et non pas en 2012 au titre de l'impôt sur le revenu, de sorte qu'il est fondé à demander l'imputation du prélèvement en cause sur ses revenus 2013 ;
- la cour dans son arrêt du 6 août 2020 a jugé que la société Alpira n'avait pas commis d'erreur en déposant une déclaration n° 2777-SD au titre de l'année 2013 ;
- il est constant que le délai de reprise de l'administration est expiré vis-à-vis de la société, de sorte que l'administration n'est pas légalement fondée à vouloir remettre à la charge de celle-ci le prélèvement dégrevé le 2 juin 2016 ;
- en outre et en réplique, la portée du litige n'est pas limitée à 165 873 euros, puisqu'il a demandé le dégrèvement total des rappels mis à sa charge au titre de ses revenus de 2013, soit 312 014 euros, ainsi qu'il ressort de l'avis d'imposition contesté ;
- il est constant qu'il existe aussi une double imposition, puisque le montant de 789 872 euros que le service a réintégré aux revenus de 2013 par le rôle de 2019 a été aussi imposé au titre de 2012, de sorte qu'il est fondé à demander la réduction en base de 789 872 euros du revenu imposé et d'ordonner le dégrèvement des rappels correspondants ;
- en émettant un nouveau rôle le 30 avril 2019 exprimant à nouveau un revenu imposable identique à celui du rôle primitif, l'administration a redressé le revenu de 2013 d'un montant de 789 872 euros, sans lui avoir adressé une proposition de rectification qui soit de nature à justifier cette correction en méconnaissance des dispositions impératives de l'article L. 57 du LPF ayant été totalement méconnues.
Par des mémoires, enregistrés le 28 novembre 2023, le 26 juillet 2024 et le 14 août 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- le moyen invoqué dans le mémoire en réplique portant sur une demande tendant au dégrèvement du montant correspondant à la réduction en base imposable de 789 872 euros du revenu au titre de l'année 2013 est irrecevable en vertu de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales comme relevant de conclusions nouvelles de celles présentées dans la présente instance d'appel ;
- en outre, s'agissant de ces impositions, conformément aux termes des articles R. 196-1 et R. 196-3 du livre des procédures fiscales, les délais de réclamation sont forclos ;
- en tout état de cause, en application de l'article L. 199 C du livre des procédures fiscales, le dégrèvement demandé dans la réclamation étant expressément limité à 165 873 euros, l'appelant n'est pas recevable à demander en appel la décharge d'un montant de 312 014 euros au titre des revenus de l'année 2013, soit un dégrèvement supérieur à celui qu'il a demandé devant le tribunal administratif et a fortiori à celui demandé dans sa réclamation préalable ;
- à titre subsidiaire, le moyen tendant à la décharge en base d'un montant de 789 872 euros majorant indûment les revenus de l'année 2013 ne peut qu'être écarté ;
- pour le surplus, aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par une ordonnance du 16 juillet 2024, la clôture d'instruction a été reportée et fixée en dernier lieu le 2 septembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Haïli, président-assesseur,
- les conclusions de M. Laval, rapporteur public,
- et les observations de Me Tournoud, représentant M. B... C... ;
Une note en délibéré présentée par Me Tournoud pour M. C... a été enregistrée le 18 novembre 2024.
Considérant ce qui suit :
1. La SA Alpira, dont M. C... détenait 34,92 % du capital, a décidé, lors d'assemblées générales ordinaires des 27 février 2012 et 30 septembre 2012, de distribuer des dividendes à ses associés. Conformément à l'article 117 quater du code général des impôts, elle a souscrit, le 13 mai 2013, la déclaration n° 2777-D relative au prélèvement forfaitaire et aux prélèvements sociaux dus à la source sur les revenus distribués au titre de l'année 2013, année de versements des dividendes, et s'est acquittée du prélèvement libératoire de 21 % prévu par ces dispositions. M. C..., qui avait perçu des dividendes d'un montant total de 1 136 817 euros, les a fait figurer, à, hauteur de 346 944 euros dans sa déclaration d'impôt sur le revenu de l'année 2012 et, à hauteur de 789 872 euros dans sa déclaration d'impôt sur le revenu de l'année 2013. A la suite d'une vérification de comptabilité de la SA Alpira et d'un contrôle des déclarations de revenus de l'intéressé, l'administration fiscale estimant que les dividendes étaient imposables en 2012, année au cours de laquelle ils ont été inscrits au crédit du compte courant de l'intéressé, a, par une proposition de rectification du 3 avril 2015, inclus la somme de 789 872 euros déclarée au titre de l'année 2013 dans la base imposable à l'impôt sur le revenu de M. C... de l'année 2012. En conséquence de ce rehaussement, celui-ci a été assujetti, au titre de l'année 2012, à une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu de 195 137 euros et a été soumis, pour un montant de 29 983 euros, à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenu. Corrélativement, l'administration fiscale ayant exclu de la base imposable à l'impôt sur le revenu de l'année 2013 le montant de 789 872 euros déclaré à tort a, par une décision du 29 décembre 2015, prononcé le dégrèvement partiel, à hauteur de 221 554 euros, de l'imposition primitive à laquelle M. C... avait été assujetti au titre de l'année 2013. Estimant que l'administration fiscale n'avait pas tiré la pleine conséquence de ses propres constatations s'agissant du rattachement à l'année 2012 des dividendes distribués aux associés, la SA Alpira a demandé le remboursement du prélèvement forfaitaire et des prélèvements sociaux déclarés en 2013. Par une décision du 2 juin 2016, l'administration fiscale lui a accordé ce remboursement comprenant, à hauteur de 165 873 euros, le prélèvement forfaitaire acquitté au titre des dividendes versés à M. C... .
2. Enfin, par une proposition de rectification du 8 novembre 2016, l'administration a remis en cause l'imputation du prélèvement forfaitaire sur le montant de l'imposition due au titre de l'année 2013 à laquelle M. C... avait eu droit en application de l'article 117 quater du code. Celui-ci a ainsi été assujetti à une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu de 165 873 euros, au titre de l'année 2013, mise en recouvrement le 30 avril 2019. M. C..., qui relève appel du jugement du 17 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande de décharge de cette imposition, demande, dans le dernier état de ses écritures, la décharge de la totalité de l'imposition à l'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2013 à concurrence de 312 014 euros.
Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre intimé :
3. A l'appui de ses mémoires en réplique devant la cour, M. C..., qui confirme ses conclusions aux fins de décharge des impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu mises à sa charge au titre de l'année 2013, en droits, intérêts de retard et pénalités, pour un montant total de 312 014 euros, présente pour la première fois en appel des conclusions aux fins de décharge du montant correspondant à la réduction en base imposable de 789 872 euros du revenu au titre de l'année 2013. Il résulte des écritures de l'appelant que ce montant correspond à des dividendes indûment déclarés au titre des revenus de l'année 2013 faisant suite à un contrôle sur pièces des déclarations de revenus des années 2012 et 2013, par une proposition de rectification n° 2120 du 3 avril 2015.
4. Toutefois, tant la réclamation présentée par M. C... devant l'administration fiscale que sa demande introduite devant les premiers juges tendaient uniquement à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu, des intérêts de retard et des majorations auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2013, mise en recouvrement le 30 avril 2019 par voie de rôle n° 917 A, pour un montant de 165 873 euros, qui procède de la remise en cause par le service, par une proposition de rectification n° 2120 du 8 novembre 2016, de l'imputation de cette somme sur le montant de l'impôt sur le revenu de l'année 2013 dont M. C... avait bénéficié. Dès lors, ainsi que l'oppose en défense le ministre intimé, ses conclusions nouvelles à hauteur d'appel tendant à la décharge totale d'impôt sur le revenu mis à sa charge au titre de ses revenus de 2013 pour un montant de 312 014 euros et à la réduction du revenu imposable de l'année 2013 d'un montant de 789 872 euros en base, à défaut d'avoir fait l'objet d'une réclamation préalable, sont irrecevables comme portant sur une imposition distincte. Par suite, en vertu des dispositions de l'article R. 190-1 du livre des procédures fiscales, ces conclusions nouvelles ne peuvent être que rejetées.
Sur la régularité du jugement attaqué :
5. Hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. M. C... ne peut donc utilement se prévaloir, pour demander l'annulation du jugement attaqué, de la dénaturation des faits et de l'erreur de droit que les premiers juges auraient commise.
Sur le surplus des conclusions d'appel :
6. Aux termes de l'article 12 du code général des impôts : " L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année. ".
7. En premier lieu, d'une part, M. C... ayant perçu en 2012 des dividendes dont un montant de 789 872 euros inscrit au crédit de son compte courant d'associé en 2012, le fait générateur de l'impôt sur les bénéfices distribués est la clôture de l'exercice au terme duquel les sommes distribuées ont été mises à la disposition du contribuable, sans qu'importe à cet égard la circonstance que la somme n'aurait été liquidée par la société Alpira à son profit qu'au cours de l'année 2013. D'autre part, il résulte de l'instruction, notamment de la décision du 2 juin 2016 statuant sur la réclamation de la société Alpira, que l'administration a procédé au dégrèvement du prélèvement forfaitaire au taux de 21 % d'un montant total de 475 010 euros acquitté le 13 mai 2013 en application des dispositions combinées de l'article 117 quater et de l'article 1671 C du code général des impôts. Par suite, dès lors que ce prélèvement forfaitaire constitue un simple acompte de l'impôt sur le revenu dû par les bénéficiaires des revenus distribués, au titre de l'année au cours de laquelle ces distributions sont intervenues, et compte tenu de ce remboursement à la société Alpira du prélèvement forfaitaire non libératoire versé sur lesdits dividendes, c'est à bon droit que l'administration fiscale a remis en cause l'imputation dont M. C... avait bénéficié en sa qualité d'associé à hauteur de 165 873 euros au titre du prélèvement forfaitaire de l'année 2013.
8. En deuxième lieu, eu égard à l'irrecevabilité des conclusions mentionnée au point 3 du présent arrêt, le moyen qui se rattache à ces conclusions, tiré de ce que le redressement d'un montant de 789 872 euros correspondant au rôle en date du 30 avril 2019 n'a pas donné lieu à la notification d'une proposition de rectification en méconnaissance de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, ne peut qu'être écarté comme inopérant.
9. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que le rappel en litige d'un montant de 165 873 euros, qui procède de la proposition de rectification en date du 8 novembre 2016 notifié à M. C..., a pour seul objet de tirer les conséquences du remboursement à la société Alpira du prélèvement forfaitaire non libératoire de l'année 2013 sur les distributions allouées à l'intéressé par la remise en cause de l'imputation sur l'impôt sur le revenu dont l'intéressé a bénéficié au motif que lesdits dividendes n'étaient pas imposables au titre de l'année 2013. Par suite, l'administration fiscale ayant exclu de la base imposable à l'impôt sur le revenu de l'année 2013 le montant de 789 872 euros déclaré à tort et ayant par une décision du 29 décembre 2015 prononcé le dégrèvement partiel, à hauteur de 221 554 euros, de l'imposition primitive à laquelle M. C... avait été assujetti au titre de l'année 2013, l'appelant n'est pas fondé à soutenir qu'il existerait une double imposition au titre de l'année 2013.
10. En quatrième lieu, en l'absence de la triple identité de partie, d'objet et de cause juridique, et alors, au demeurant, que le paiement des dividendes en 2013 par la société Alpira, fait générateur des prélèvements sociaux, est sans incidence sur l'année de rattachement des sommes mises à disposition du contribuable dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, soit l'année 2012, l'appelant ne peut utilement soutenir que le rappel d'impôt sur le revenu notifié par l'administration fiscale méconnaitrait l'autorité de la chose jugée de l'arrêt n° 19LY00167 rendu le 6 août 2020 par lequel la cour a rejeté la requête de la société Alpira aux fins d'obtenir la décharge des prélèvements sociaux afférents aux prélèvements forfaitaires prévus à l'article 117 quater du code général des impôts dont elle s'était acquittée en tant qu'établissement payeur au titre de l'année 2013.
11. En cinquième et dernier lieu, si l'appelant soutient que " les délais de reprise sont largement expirés vis-à-vis de la société Alpira, de sorte que l'administration n'est pas légalement fondée à vouloir remettre à la charge de celle-ci le prélèvement dégrevé le 2 juin 2016 ", son moyen n'est pas assorti de précisions suffisantes pour mettre à même la cour d'en apprécier le bien-fondé. En tout état de cause, un tel moyen, s'il concerne l'imposition acquittée par un contribuable distinct, ne peut qu'être écarté comme inopérant.
12. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, une somme quelconque au titre des frais exposés par la partie appelante.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
M. Haïli, président-assesseur,
M. Porée, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 décembre 2024.
Le rapporteur,
X. Haïli
Le président,
D. Pruvost
La greffière,
M. A...
La République mande et ordonne au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 23LY01604