Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision implicite par laquelle la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer a rejeté son recours hiérarchique dirigé à l'encontre de la décision du 20 février 2017 par laquelle l'assistante préparatrice section PS du centre nucléaire de production d'électricité (CNPE) de Saint-Alban Saint-Maurice-l'Exil lui a interdit l'accès à ce centre.
Par un jugement n° 1702853 du 18 décembre 2020, le tribunal administratif de Grenoble a, d'une part, annulé cette décision, d'autre part, enjoint à la ministre de la transition écologique de délivrer l'autorisation sollicitée sous réserve d'éléments nouveaux.
Par un arrêt n° 21LY00601 du 19 avril 2022, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par la ministre de la transition écologique contre ce jugement.
Par une décision n° 465070 du 26 avril 2024, le Conseil d'État statuant au contentieux a annulé cet arrêt et a renvoyé à la cour l'affaire.
Procédure devant la cour après cassation :
Les parties ont été informées le 2 mai 2024 de la reprise d'instance après cassation sous le n° 24LY01203 et de la possibilité de produire de nouveaux mémoires ou d'éventuelles observations dans un délai d'un mois.
Par un mémoire enregistré le 27 septembre 2024, la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques conclut aux mêmes fins que précédemment.
Elle soutient qu'elle persiste dans ses précédentes écritures en appel et cassation.
Par une ordonnance du 11 septembre 2024, la date de la clôture de l'instruction a été fixée au 27 septembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la défense ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Picard, président de chambre ;
- et les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 20 février 2017, prise après avis du préfet de l'Isère du 2 février 2017, implicitement confirmée par la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer sur recours administratif exercé le 10 mars 2017, M. B... A..., ouvrier monteur ayant travaillé depuis 2011 dans des centres nucléaires de production d'électricité, s'est vu refuser l'autorisation d'accès à celui de Saint-Alban Saint-Maurice-l'Exil. Par un jugement du 18 décembre 2020, confirmé par un arrêt de la cour du 19 avril 2022, le tribunal administratif de Grenoble, à la demande de M. A..., a annulé cette décision. Par une décision du 26 avril 2024, le Conseil d'État a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire à la cour.
2. D'une part, en vertu de l'article L. 1332-1 du code de la défense : " Les opérateurs publics ou privés exploitant des établissements ou utilisant des installations et ouvrages, dont l'indisponibilité risquerait de diminuer d'une façon importante le potentiel de guerre ou économique, la sécurité ou la capacité de survie de la nation, sont tenus de coopérer à leurs frais dans les conditions définies au présent chapitre, à la protection desdits établissements, installations et ouvrages contre toute menace, notamment à caractère terroriste ". Aux termes de l'article L. 1332-2-1 du même code : " L'accès à tout ou partie des établissements, installations et ouvrages désignés en application du présent chapitre est autorisé par l'opérateur qui peut demander l'avis de l'autorité administrative compétente dans les conditions et selon les modalités définies par décret en Conseil d'Etat. / L'avis est rendu à la suite d'une enquête administrative (...) La personne concernée est informée de l'enquête administrative dont elle fait l'objet ". L'article R. 1332-22-1 du même code, dans sa rédaction applicable en l'espèce, précise que : " Avant d'autoriser l'accès d'une personne physique ou morale à tout ou partie d'un point d'importance vitale qu'il gère ou utilise, l'opérateur d'importance vitale peut demander par écrit l'avis du préfet de département dans le ressort duquel se situe le point d'importance vitale (...). / Cette demande peut justifier que soit diligentée sous le contrôle de l'autorité concernée une enquête administrative destinée à vérifier que les caractéristiques de la personne physique ou morale intéressée ne sont pas incompatibles avec l'accès envisagé et pouvant donner lieu à la consultation des traitements automatisés de données personnelles mentionnés à l'article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978. (...) ". Aux termes de l'article R. 1332-22-3 du code de la défense : " L'opérateur d'importance vitale informe par écrit la personne concernée de la demande d'avis formulée auprès de l'autorité administrative et lui indique que, dans ce cadre, elle fait l'objet d'une enquête administrative conformément aux dispositions de l'article L. 1332-2-1 du présent code ". Enfin, l'article R. 1332-33 du même code dispose que : " Préalablement à l'introduction d'un recours contentieux contre tout acte administratif pris en application du présent chapitre (...), le requérant adresse un recours administratif au ministre coordonnateur du secteur d'activités dont il relève. Le ministre statue dans un délai de deux mois. En l'absence de décision à l'expiration de ce délai, le recours est réputé être rejeté ".
3. En vertu de ces dispositions, l'accès d'une personne à une installation d'importance vitale peut être refusé par l'exploitant de l'installation lorsque les caractéristiques de cette personne ne sont pas compatibles avec cet accès. L'exploitant peut solliciter par écrit l'avis du préfet de département, lequel peut demander à ce que soit diligentée une enquête administrative destinée à vérifier que les caractéristiques de la personne physique ou morale intéressée ne sont pas incompatibles avec l'accès envisagé. Lorsqu'il est saisi, par le recours administratif prévu à l'article R. 1332-33 du code de la défense à titre de préalable obligatoire, d'une décision de refus d'accès à une telle installation, il appartient au ministre compétent d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les caractéristiques de la personne concernée sont effectivement incompatibles avec l'accès à l'installation en cause.
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 2312-4 du code de la défense : " Une juridiction française dans le cadre d'une procédure engagée devant elle ou le président d'une des commissions permanentes de l'Assemblée nationale ou du Sénat chargées des affaires de sécurité intérieure, de la défense ou des finances peut demander la déclassification et la communication d'informations, protégées au titre du secret de la défense nationale, à l'autorité administrative en charge de la classification. / Cette demande est motivée. / L'autorité administrative saisit sans délai la Commission du secret de la défense nationale. ". Aux termes de l'article L. 2312-7 du même code : " La Commission du secret de la défense nationale émet un avis dans un délai de deux mois à compter de sa saisine. Cet avis prend en considération, d'une part, les missions du service public de la justice, le respect de la présomption d'innocence et les droits de la défense, ou l'exercice du pouvoir de contrôle du Parlement, d'autre part, le respect des engagements internationaux de la France ainsi que la nécessité de préserver les capacités de défense et la sécurité des personnels. / (...) ". Par ailleurs, l'article L. 2312-8 du même code prévoit que : " Dans le délai de quinze jours francs à compter de la réception de l'avis de la Commission du secret de la défense nationale, ou à l'expiration du délai de deux mois mentionné à l'article L. 2312-7, l'autorité administrative notifie sa décision, assortie du sens de l'avis, à la juridiction (...) ayant demandé la déclassification et la communication d'informations classifiées. / (...) ".
5. Il appartient au juge administratif, dans l'exercice de ses pouvoirs généraux de direction de la procédure, de prendre toutes mesures propres à lui procurer, par les voies de droit, les éléments de nature à lui permettre de former sa conviction sur les points en litige. Lorsqu'il est fait valoir que certains de ces éléments sont protégés au titre du secret de la défense nationale, il résulte des dispositions citées au point précédent que la Commission du secret de la défense nationale ne peut alors être saisie qu'à la demande de la juridiction en vue du règlement du litige porté devant elle, si elle l'estime utile.
6. Par un jugement avant dire droit du 31 janvier 2020, le tribunal administratif de Grenoble a ordonné un supplément d'instruction tendant notamment à la production par la ministre des armées de toutes précisions sur les motifs permettant d'apprécier la légalité du refus d'accès opposé à M. A..., après avoir saisi la commission du secret de la défense nationale en application des dispositions de l'article L. 2312-4 du code de la défense et, le cas échéant, déclassifié les informations en cause. Par un mémoire du 21 août 2020, le ministre a indiqué ne pas pouvoir porter à la connaissance de la juridiction la note classifiée au niveau " confidentiel défense " établie le 12 mai 2017. Il a toutefois en partie exposé le contenu de cette note reposant, d'une part, sur les conclusions de la commission des recours du service de défense, de sécurité et d'intelligence économique selon lesquelles l'intéressé entretenait des relations avec des personnes liées au terrorisme susceptibles d'induire une vulnérabilité incompatible avec l'accès à des installations d'importance vitale, d'autre part sur des scenarii de menaces envisageables, s'agissant d'une personne occupant le poste auquel M. A... souhaitait accéder, mais ne pouvant être divulgués, et enfin, sur une note du service départemental du renseignement territorial de l'Ain apportant des précisions sur les relations entretenues par l'intéressé dont la teneur était explicitée. Il apparaît que la note classifiée au niveau " confidentiel défense " établie le 12 mai 2017, dont la ministre de la transition écologique avait fait valoir dès l'instance devant le tribunal le contenu alors qu'il n'était justifié d'aucune saisine de la commission du secret de la défense nationale malgré le jugement avant-dire droit du 31 janvier 2020, pourrait être utile au règlement du litige, et permettre en particulier de s'assurer de la compatibilité des caractéristiques de M. A... avec l'accès envisagé. Il y a donc lieu de demander à la ministre de la transition écologique, sur le fondement de l'article L. 2312-4 du code de la défense, de déclassifier et de communiquer la note du 12 mai 2017, après saisine de la Commission du secret de la défense nationale, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans l'attente de la production de cette note, il est sursis à statuer sur la requête présentée par la ministre de la transition écologique. Dans l'hypothèse où la ministre estimerait que la classification de la note du 12 mai 2017 et le refus de communication de tout ou partie de celle-ci seraient justifiés par le secret de la défense nationale, il lui appartiendrait, dans le même délai, de verser au dossier de l'instruction écrite contradictoire tous les éléments relatifs à la nature des informations écartées et aux raisons pour lesquelles elles sont classifiées, de telle sorte que la cour puisse se prononcer en connaissance de cause sur les prétentions du requérant sans porter directement ou indirectement atteinte à ce secret.
DÉCIDE :
Article 1er : La ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques est invitée, dans les conditions rappelées ci-dessus, à produire la note du 12 mai 2017 ou, le cas échéant, tous autres éléments.
Article 2 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques et à M. B... A....
Délibéré après l'audience du 7 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre ;
Mme Duguit Larcher, présidente assesseure ;
Mme Boffy, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2024.
Le président, rapporteur,
V-M. Picard
La présidente assesseure,
A. Duguit-Larcher
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N° 24LY01203 2
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