Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon, d'une part, d'annuler la décision du 11 avril 2019 par laquelle l'inspectrice d'académie, directrice académique des services de l'éducation nationale de l'Ain, a refusé de prendre en compte ses services antérieurs pour son reclassement dans le corps des professeurs des écoles, ensemble la décision du 24 mai 2019 rejetant son recours gracieux, d'autre part, d'enjoindre au recteur de l'académie de Lyon de la reclasser dans le corps des professeurs des écoles en intégrant l'ancienneté acquises dans ses services antérieurs, subsidiairement, de réexaminer sa situation.
Par un jugement n° 1905854 lu le 10 juin 2020, le tribunal a rejeté ses demandes.
Procédure initiale devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 30 juillet 2020 et 18 juin 2021, Mme B..., représentée par Me Gehin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement, ainsi que la décision du 11 avril 2019 prise par la directrice académique des services de l'éducation nationale de l'Ain et le rejet de son recours gracieux ;
2°) d'enjoindre au recteur de l'académie de Lyon de la reclasser dans le corps des professeurs des écoles en intégrant l'ancienneté acquise dans les fonctions d'enseignement en instituts médicaux-éducatifs, dans un délai d'un mois, subsidiairement, de réexaminer sa situation ;
3°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- en dénaturant les écritures de la défense qui ne comportaient pas de demande de substitution de motifs, le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité ;
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- la décision en litige méconnaît les dispositions de l'article 7 bis du décret du 5 décembre 1951 modifié et l'article 7 bis du décret du 5 décembre 1951.
Par un mémoire enregistré le 7 décembre 2020, le recteur de l'académie de Lyon conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par un arrêt n° 20LY02076 du 29 juillet 2022, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par Mme B... contre ce jugement.
Procédure devant le Conseil d'État
Par une décision n° 456900 du 28 juin 2023, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire devant la même cour.
Procédure devant la cour après renvoi du Conseil d'État
Par un mémoire, enregistré le 13 juillet 2023, Mme B..., représentée par Me Gehin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 10 juin 2020 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler la décision du 11 avril 2019 et la décision du 24 mai 2019 susvisées ;
3°) d'enjoindre au recteur de l'académie de Lyon de la reclasser dans le corps des professeurs des écoles en intégrant l'ancienneté acquise dans les fonctions d'enseignement en instituts médicaux-éducatifs, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 50 euros passé un délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre de l'instance d'appel et la somme de 2 500 euros au titre de la première instance.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal a dénaturé les pièces du dossier en identifiant une demande de substitution de motifs qui n'existait pas dans les écritures de l'administration ;
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- la décision en litige méconnaît les dispositions de l'article 7 bis du décret du 5 décembre 1951 modifié.
Par deux mémoires, enregistrés les 20 octobre 2023 et 21 novembre 2023, le recteur de l'académie de Lyon conclut au prononcé d'un non-lieu à statuer et au rejet des demandes présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- il a été procédé au reclassement de Mme B... au 7ème échelon dans le grade de professeur des écoles de classe normale à compter du 1er septembre 2018 ;
- la demande présentée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'agissant de la première instance est irrecevable et celle présentée au titre de l'instance d'appel doit être rejetée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de l'éducation ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État ;
- le décret n° 51-1423 du 5 décembre 1951 portant règlement d'administration publique pour la fixation des règles suivant lesquelles doit être déterminée l'ancienneté du personnel nommé dans l'un des corps de fonctionnaires de l'enseignement relevant du ministère de l'éducation nationale ;
- le décret n° 90-680 du 1er août 1990 relatif au statut particulier des professeurs des écoles ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Rémy-Néris, première conseillère,
- et les conclusions de MmeLordonné, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par décision du 11 avril 2019, l'inspectrice d'académie, directrice académique des services de l'éducation nationale de l'Ain, a refusé à Mme B... la prise en compte de ses services antérieurs au sein de deux instituts médico-éducatifs (IME) pour son reclassement dans le corps des professeurs des écoles à la suite de sa réussite au concours externe de professeur des écoles au titre de l'année 2018. Une décision du 24 mai 2019 a rejeté son recours gracieux. Par un jugement du 10 juin 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de Mme B... tendant à l'annulation de ces décisions. Par un arrêt du 29 juillet 2021, la cour a rejeté l'appel formé par Mme B... contre ce jugement. Par une décision n° 456900 du 28 juin 2023, le Conseil d'État statuant au contentieux a annulé cet arrêt de la cour et lui a renvoyé l'affaire pour qu'il y soit statué à nouveau.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article 20 du décret du 1er août 1990 relatif au statut particulier des professeurs des écoles : " Les professeurs des écoles recrutés par la voie des concours prévus à l'article 4 ci-dessus sont classés, lors de leur nomination en qualité de stagiaire, conformément aux dispositions du décret du 5 décembre 1951 susvisé ". En vertu de l'article 2 du décret du 5 décembre 1951 portant règlement d'administration publique pour la fixation des règles suivant lesquelles doit être déterminée l'ancienneté du personnel nommé dans l'un des corps de fonctionnaires de l'enseignement relevant du ministère de l'éducation nationale : " Les candidats qui accèdent à l'un des corps mentionnés à l'article premier du présent décret sont nommés à l'échelon de début de leur nouveau grade, sous réserve des dispositions des articles 3 à 7 ter et des règles spéciales faisant l'objet du chapitre II du présent décret ". Aux termes de l'article 7 bis du même décret : " Les années d'enseignement que les fonctionnaires régis par le présent décret ont accomplies dans les établissements d'enseignement privés avant leur nomination entrent en compte dans l'ancienneté pour l'avancement d'échelon dans les conditions définies ci-après : 1° Les services effectifs d'enseignement accomplis avant le 15 septembre 1960 sont pris en compte forfaitairement pour les deux tiers de leur durée ; 2° Les services effectifs d'enseignement accomplis dans une classe hors contrat après le 15 septembre 1960 sont pris en compte forfaitairement pour les deux tiers de leur durée, puis révisés le cas échéant en fonction des coefficients caractéristiques définis au dernier alinéa du présent article ; 3° Les services effectifs d'enseignement et de direction accomplis dans les établissements ou classes sous contrat après le 15 septembre 1960 sont pris en compte pour la totalité de leur durée, puis révisés dans les mêmes conditions qu'au 2° ci-dessus (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 112-1 du code de l'éducation dans sa rédaction applicable au litige : " Pour satisfaire aux obligations qui lui incombent en application des articles L. 111-1 et L. 111-2, le service public de l'éducation assure une formation scolaire, professionnelle ou supérieure aux enfants, aux adolescents et aux adultes présentant un handicap ou un trouble de la santé invalidant. Dans ses domaines de compétence, l'Etat met en place les moyens financiers et humains nécessaires à la scolarisation en milieu ordinaire des enfants, adolescents ou adultes handicapés. / (...) De même, les enfants et les adolescents accueillis dans l'un des établissements ou services mentionnés au 2° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles ou dans l'un des établissements mentionnés au livre Ier de la sixième partie du code de la santé publique peuvent être inscrits dans une école ou dans l'un des établissements mentionnés à l'article L. 351-1 du présent code autre que leur établissement de référence, proche de l'établissement où ils sont accueillis. Les conditions permettant cette inscription et cette fréquentation sont fixées par convention entre les autorités académiques et l'établissement de santé ou médico-social. (...) ". Aux termes du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles: " Sont des établissements et services sociaux et médico-sociaux, au sens du présent code, les établissements et les services, dotés ou non d'une personnalité morale propre, énumérés ci-après : (...) 2° Les établissements ou services d'enseignement qui assurent, à titre principal, une éducation adaptée et un accompagnement social ou médico-social aux mineurs ou jeunes adultes handicapés ou présentant des difficultés d'adaptation ". Aux termes de l'article D. 312-0-1 du même code : " Les établissements et services mentionnés au 2° du I de l'article L. 312-1 relèvent de l'une des catégories suivantes : / 1° Institut médico-éducatif (...) ". Aux termes de l'article D. 351-17 du code de l'éducation : " Afin d'assurer la scolarisation et la continuité des parcours de formation des enfants et adolescents présentant un handicap ou un trouble de la santé invalidant qui nécessite un séjour dans un établissement de santé ou un établissement médico-social, une unité d'enseignement peut être créée au sein des établissements ou services mentionnés au 2° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles ou des établissements mentionnés au livre Ier de la sixième partie du code de la santé publique, accueillant des enfants ou des adolescents qui ne peuvent effectuer leur scolarité à temps plein dans une école ou un établissement scolaire ". Aux termes de l'article D. 351-18 du même code : " (...) Cette unité met en œuvre tout dispositif d'enseignement concourant à la réalisation du projet personnalisé de scolarisation, au service du parcours de formation de l'élève. (...) / L'unité d'enseignement est organisée selon les modalités suivantes : / 1° Soit dans les locaux d'un établissement scolaire ; / 2° Soit dans les locaux d'un établissement ou d'un service médico-social ; /3° Soit dans les locaux des deux établissements ou services ".
4. Il résulte des dispositions citées au point 3 que les instituts médico-éducatifs sont des établissements ou services d'enseignement au sens du 2° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles, assurant une éducation adaptée et un accompagnement social ou médico-social aux mineurs ou jeunes adultes handicapés qui y sont accueillis, et que, lorsqu'ils sont dotés d'une unité d'enseignement définie aux articles D. 351-17 et D. 351-18 du code de l'éducation, ils y assurent la scolarisation de ces enfants et adolescents, dans des conditions définies, conformément aux dispositions de l'article L. 112-1 du code de l'éducation, par convention entre l'Etat et l'établissement. Dans ces conditions, un institut médico-éducatif privé doté d'une telle unité d'enseignement doit être regardé comme un établissement d'enseignement privé au sens de l'article 7 bis du décret du 5 décembre 1951 cité au point 2, et les services effectifs d'enseignement et de direction qui y sont accomplis doivent être pris en compte, dans les conditions prévues par le 3° de cet article, pour le classement opéré en application du premier alinéa de l'article 20 du décret du 1er août 1990 cité au point 2.
5. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a occupé, du 28 août 2003 au 31 août 2018, en tant que salariée titulaire d'un contrat de travail, un emploi d'enseignant des activités physiques et sportives au sein de l'institut médico-éducatif (IME) d'Hauteville-Lompnès, géré par l'association des pupilles de l'enseignement public de l'Ain. Elle a exercé les mêmes fonctions au sein de l'IME L'Armaillou, géré par l'Adapei de l'Ain, entre le 25 août 2003 et le 13 juillet 2005. Ces IME dotés d'une unité d'enseignement constituent des établissements d'enseignements de nature privée, étant gérés par des associations régies par la loi du 1er juillet 1901. Par suite, en vertu des principes énoncés au point 4, c'est à tort que pour le motif tiré de ce que ces IME ne constituent pas des établissements d'enseignement privé, l'inspectrice d'académie a rejeté la demande de l'intéressée tendant à ce que les services effectifs d'enseignement qu'elles y a accomplis soit pris en compte au titre de son reclassement dans le corps de professeur des écoles. Il est en outre constant que le motif initial retenu par l'inspectrice d'académie tiré de ce que ces services ont été effectués auprès d'une association et dans le cadre de contrats de travail de droit privé est un motif de rejet étranger aux dispositions de l'article 7 bis précité du décret du 5 décembre 1951 qui ne pouvait légalement fonder la décision en litige. Par suite, la décision du 11 avril 2019 de l'inspectrice d'académie, directrice académique des services de l'éducation nationale de l'Ain, ainsi que la décision du 24 mai 2019 rejetant le recours gracieux de Mme A... B... sont illégales et doivent être annulées.
6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement attaqué, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. La requérante demande à ce qu'il soit enjoint au recteur de l'académie de Lyon de la reclasser dans le corps des professeurs des écoles en intégrant l'ancienneté acquise dans les fonctions d'enseignements en instituts médicaux-éducatifs. Par huit arrêtés édictés le 9 novembre 2023, l'inspectrice d'académie, directrice académique des services de l'éducation nationale de l'Ain, a procédé au reclassement de la requérante dans le corps de professeur des écoles en tenant compte des services effectifs d'enseignement accomplis par elle au sein des deux IME susvisés. Il en ressort que Mme B... a été reclassée à l'échelon 1 à compter du 1er septembre 2018 avec un report d'ancienneté de 11 ans 8 mois et 5 jours et en dernier lieu qu'elle a été promue de l'échelon 7 à l'échelon 8 à compter du 26 juin 2021 sans report d'ancienneté. Ces modalités de reclassement sont conformes aux dispositions de l'article 24 du décret du 1er août 1990 relatif au statut particulier des professeurs des écoles fixant la durée du temps passé dans chacun des échelons des grades du corps des professeurs des écoles. Mme B... ne conteste d'ailleurs pas ces modalités de reclassement ni l'ancienneté de 11 ans 8 mois et 5 jours retenue par l'administration au titre de ses fonctions au sein des IME. Par suite, il y a lieu de considérer que les conclusions à fin d'injonction sous astreinte présentées par Mme B... sont devenues sans objet.
Sur les frais liés au litige :
8. Contrairement à ce que fait valoir en défense le recteur de l'académie de Lyon, Mme B... est recevable à contester en appel l'appréciation portée par les premiers juges concernant sa demande présentée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme globale de 3 000 euros à verser à Mme B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais exposés en appel et en première instance et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte présentées par Mme B... tendant à la reclasser dans le corps des professeurs des écoles.
Article 2 : Le jugement n° 1905854 du 10 juin 2020 du tribunal administratif de Lyon est annulé.
Article 3 : La décision du 11 avril 2019 de l'inspectrice d'académie, directrice académique des services de l'éducation nationale de l'Ain, ainsi que la décision du 24 mai 2019 rejetant le recours gracieux de Mme A... B... sont annulées.
Article 4 : L'Etat versera une somme globale de 3 000 euros à Mme B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais exposés en appel et en première instance et non compris dans les dépens.
Article 5 : Le surplus des conclusions d'appel de Mme A... B... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la ministre de l'éducation nationale.
Copie sera adressée au recteur de l'académie de la région Auvergne-Rhône-Alpes.
Délibéré après l'audience du 24 septembre 2024 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre ;
Mme Emilie Felmy, président assesseure ;
Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 octobre 2024.
La rapporteure,
Vanessa Rémy-NérisLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Michèle Daval
La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière
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N° 23LY02170