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19/10/2023 | FRANCE | N°22LY01760

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 19 octobre 2023, 22LY01760


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 8 juin 2018 du général commandant la légion de gendarmerie Auvergne-Rhône-Alpes rejetant son recours contre un avis de régularisation de charges émis en avril 2018 ainsi que la décision implicite de rejet de son recours devant la commission de recours des militaires, et de la décharger des sommes mises à sa charge à ce titre.

Par un jugement n° 1901989 du 31 mars 2022, le tribunal a rejeté sa demande.

Pr

océdure devant la cour

Par une requête et des mémoires enregistrés les 5 juin et 27 jui...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 8 juin 2018 du général commandant la légion de gendarmerie Auvergne-Rhône-Alpes rejetant son recours contre un avis de régularisation de charges émis en avril 2018 ainsi que la décision implicite de rejet de son recours devant la commission de recours des militaires, et de la décharger des sommes mises à sa charge à ce titre.

Par un jugement n° 1901989 du 31 mars 2022, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires enregistrés les 5 juin et 27 juillet 2022 ainsi que le 29 janvier 2023 Mme A..., représentée par Me Daubrey, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement et les décisions susmentionnées ;

2°) de la décharger des sommes mises à sa charge ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la contestation de la décision du 8 juin 2018 et du rejet implicite de son recours préalable obligatoire sont recevables contrairement à ce qu'a jugé le tribunal ;

- la créance n'est pas fondée en son principe ni dans son montant, le détail de la répartition des charges de chauffage n'est pas fourni et ne permet pas d'en vérifier l'exactitude ;

- l'administration a commis une faute en attendant plus de quatre ans pour émettre l'avis litigieux et en ne vérifiant pas pendant quatre ans le montant des charges réellement dues ;

- la médiocre qualité du bâtiment viole la Charte de l'environnement ;

- il y a rupture d'égalité avec les collègues ayant occupé l'immeuble ultérieurement.

Par un mémoire enregistré le 19 janvier 2023 le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.

Par une ordonnance du 30 janvier 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 17 février 2023.

Par un courrier du 11 septembre 2023, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité de la demande de première instance dirigée contre le titre exécutoire du 14 septembre 2018 du fait de sa tardiveté en l'absence de recours préalable dirigé contre ce titre exécutoire auprès de la DDFIP dans le délai de deux mois à compter de la réception de ce titre exécutoire, lequel comportait la mention des voies et délais de recours.

Par un mémoire du 1er octobre 2023, Mme A... a produit ses observations en réponse à ce courrier.

Par un courrier du 2 octobre 2023, les parties ont été informées qu'en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, la décision à intervenir était susceptible d'être fondée sur le moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions dirigées contre le titre de perception du 14 septembre 2018 en raison de l'absence de recours administratif préalable obligatoire en méconnaissance des dispositions du 2° du III de l'article R. 4125-1 du code de la défense et de l'article 117 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la défense ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Djebiri, première conseillère ;

- et les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., qui est maréchal-des-logis chef de la gendarmerie, a été affectée à compter de 2012 à la brigade de Moutiers où un appartement lui a été concédé par nécessité absolue de service. Un avis de régularisation a été émis le 6 avril 2018 pour un montant ramené à 1 057,83 euros correspondant à des charges au titre de l'année 2013. Par un jugement du 31 mars 2022 dont elle relève appel, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 8 juin 2018 par laquelle le général commandant la légion de gendarmerie Auvergne-Rhône-Alpes n'a pas fait droit à son recours gracieux contre cet avis de régularisation ainsi que la décision implicite portant rejet du recours dont elle a saisi le 2 août 2018 la commission de recours des militaires, confirmée expressément le 11 octobre 2019, mais également le titre exécutoire du 14 septembre 2018 et ses conclusions à fin de décharge de la somme de 1 057,83 euros.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes du I de l'article R. 4125-1 du code de la défense : " I. Tout recours contentieux formé par un militaire à l'encontre d'actes relatifs à sa situation personnelle est précédé d'un recours administratif préalable, à peine d'irrecevabilité du recours contentieux. / Ce recours administratif préalable est examiné par la commission des recours des militaires, placée auprès du ministre de la défense. / Le recours administratif formé auprès de la commission conserve le délai de recours contentieux jusqu'à l'intervention de la décision prévue à l'article R. 4125-10. Sous réserve des dispositions de l'article L. 213-6 du code de justice administrative, tout autre recours administratif, gracieux ou hiérarchique, formé antérieurement ou postérieurement au recours introduit devant la commission, demeure sans incidence sur le délai de recours contentieux. (...) ". Aux termes de l'article R. 4125-2 du même code : " A compter de la notification ou de la publication de l'acte contesté, ou de l'intervention d'une décision implicite de rejet d'une demande, le militaire dispose d'un délai de deux mois pour saisir la commission par tout moyen conférant date certaine de réception de cette saisine au secrétariat permanent placé sous l'autorité du président de la commission. ( ... ) ". Aux termes de l'article R. 4125-10 du même code : " Dans un délai de quatre mois à compter de sa saisine, la commission notifie à l'intéressé la décision du ministre compétent, ou le cas échéant, des ministres conjointement compétents. La décision prise sur son recours, qui est motivée en cas de rejet, se substitue à la décision initiale. (...) / L'absence de décision notifiée à l'expiration du délai de quatre mois vaut décision de rejet du recours formé devant la commission. ".

3. L'institution par ces dispositions d'un recours administratif, préalable obligatoire à la saisine du juge, a pour effet de laisser à l'autorité compétente pour en connaître le soin d'arrêter définitivement la position de l'administration. Il s'ensuit que la décision prise à la suite du recours se substitue nécessairement à la décision initiale. Elle est seule susceptible d'être déférée au juge de la légalité. Si l'exercice d'un tel recours a pour but de permettre à l'autorité administrative, dans la limite de ses compétences, de remédier aux illégalités dont pourrait être entachée la décision initiale, sans attendre l'intervention du juge, la décision prise sur le recours n'en demeure pas moins soumise elle-même au principe de légalité.

4. La commission de recours des militaires a reçu le recours administratif préalable obligatoire de Mme A... contre l'avis de régularisation du 6 avril 2018, dont elle a eu connaissance le 30 avril 2018, le 2 août 2018, soit au-delà du délai de deux mois prescrit par l'article R. 4125-2 du code de la défense. Ce recours était donc tardif, le recours gracieux qu'elle a présenté le 1er juin 2018, et rejeté le 8 juin suivant, n'ayant pu prolonger le délai de saisine de la commission. Dès lors, les conclusions en annulation formées contre la décision du ministre de l'intérieur, seule susceptible de faire l'objet d'un tel recours, et par suite celles dirigées contre la décision de rejet du général commandant la légion de gendarmerie, étaient irrecevables.

Sur le titre exécutoire du 14 septembre 2018 :

5. Si en vertu de l'article R. 4125-1 du code de la défense tout recours contentieux formé par un militaire à l'encontre d'actes relatifs à sa situation personnelle doit être précédé, à peine d'irrecevabilité, d'un recours administratif préalable qui est examiné par la commission des recours des militaires, toutefois aux termes du III de cet article : " Les dispositions de la présente section ne sont pas applicables aux recours contentieux formés à l'encontre d'actes ou de décisions : / (...) 2° (...) qui relèvent de la procédure organisée par les articles 112 à 124 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ".

6. Aux termes de l'article 117 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique dans sa version en vigueur : " Les titres de perception émis en application de l'article L. 252 A du livre des procédures fiscales peuvent faire l'objet de la part des redevables : / 1° Soit d'une opposition à l'exécution en cas de contestation de l'existence de la créance, de son montant ou de son exigibilité ; / 2° Soit d'une opposition à poursuites en cas de contestation de la régularité de la forme d'un acte de poursuite. / L'opposition à l'exécution et l'opposition à poursuites ont pour effet de suspendre le recouvrement de la créance ". Aux termes de l'article 118 du même décret : " Avant de saisir la juridiction compétente, le redevable doit adresser une réclamation appuyée de toutes justifications utiles au comptable chargé du recouvrement de l'ordre de recouvrer ".

7. Il résulte de ces dispositions qu'en cas de notification à un militaire d'un titre de perception, l'opposition à ce titre, émis en application des dispositions de l'article 117 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, doit être précédée, conformément aux dispositions du 2° du III de l'article R. 4125-1 du code de la défense, d'une réclamation au comptable chargé du recouvrement de l'ordre de recouvrer, et non d'un recours devant la commission des recours des militaires.

8. Il résulte de l'instruction que l'intéressée, qui ne le conteste pas, a eu connaissance du titre exécutoire émis le 14 septembre 2018, qui comportait la mention exacte des voies et délais de recours par référence aux articles 117 à 119 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable. Ce titre mentionnait la nécessité, en cas de contestation, d'adresser la réclamation à la DRFiP Auvergne-Rhône-Alpes dans les deux mois suivant sa notification et citait les articles 117 à 119 du décret précité du 7 novembre 2012. Il n'apparaît pas que Mme A... aurait, dans le délai de deux mois à compter de la réception de ce titre, adressé une réclamation au comptable public, le courrier du 14 janvier 2019 qu'elle a adressé à la DDFIP pour l'informer de la saisine du tribunal administratif ne valant pas recours administratif préalable obligatoire. La circonstance que le titre de perception ne comporte aucune mention quant à l'agencement de ce recours administratif avec un éventuel recours contentieux ultérieur exercé, le cas échéant, en cas de rejet du recours administratif préalable obligatoire est sans incidence sur l'opposabilité de l'obligation de recours administratif préalable dès lors, notamment, que cette notification renvoyait explicitement aux dispositions des articles 117 à 119 du décret du 7 novembre 2012 précitées. Par suite, et faute d'avoir préalablement saisi le comptable chargé du recouvrement d'un recours administratif, la demande de Mme A... dirigée contre le titre exécutoire contesté est irrecevable.

9. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 5 octobre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

Mme Djebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 octobre 2023.

La rapporteure,

C. DjebiriLe président,

V-M. Picard

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 22LY01760 2

lc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY01760
Date de la décision : 19/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Armées et défense - Personnels militaires et civils de la défense - Questions communes à l'ensemble des personnels militaires.

Armées et défense.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: Mme Christine DJEBIRI
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : DAUBREY CLAIRE

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-10-19;22ly01760 ?
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